Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les objectifs de la réforme de la fiscalité locale, Theix (Morbihan) le 27 octobre 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée générale des maires du Morbihan, à Theix le 27 octobre 2007

Texte intégral


Monsieur le Président de l'Association des Maires du Morbihan, cher Henri LE BRETON,
Monsieur le Président, cher Josselin de ROHAN,
Monsieur le Président du Conseil général, cher Joseph-François KERGUERIS,
Madame la Sénatrice, chère Odette HERVIAUX,
Madame et Messieurs les Députés,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Theix,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui, à Theix, à l'occasion de l'Assemblée générale de l'Association des Maires et des Présidents d'Établissements publics de coopération intercommunale du Morbihan.
C'est pour le Président du Sénat, d'un Sénat qui est l'incarnation des communes et des territoires, un grand bonheur de se retrouver, ici, en famille, parmi les siens.
Qu'il me soit d'emblée permis de saluer très chaleureusement mes collègues sénateurs du Morbihan, Odette HERVIAUX, Joseph-François KERGUERIS et, bien sûr, Josselin de ROHAN, et de remercier sincèrement le président Henri LE BRETON de m'avoir convié, une nouvelle fois, à participer à votre Assemblée générale.
Une nouvelle fois, disais-je, car je n'ai pas oublié notre précédente rencontre à Josselin, dans la commune de mon ami le Président de ROHAN, à l'occasion de l'assemblée du millénaire, en octobre 2000.
J'éprouve beaucoup de plaisir à vous revoir aujourd'hui, sept années plus tard, dans la dernière ligne droite de votre mandat municipal ; d'un mandat rallongé d'une année supplémentaire en raison d'un cru 2007 riche en rendez-vous électoraux.
Ceux d'entre vous qui étaient présents en 2000 ont certainement gardé en mémoire le souvenir de nos échanges nombreux, denses et passionnants. Nous avions, en effet, longuement débattu des conditions d'exercice des mandats locaux et du financement des collectivités territoriales.
Il couvait alors dans notre pays une crise des vocations municipales susceptible de mettre à mal notre édifice démocratique. De nombreux maires hésitaient à « jeter l'éponge » en raison des mises en examen « tous azimuts » qui frappaient les édiles, mais aussi en raison de la complexification de la gestion locale.
Enfin, les maires protestaient avec force contre la suppression de pans entiers de la fiscalité locale à laquelle s'adonnait le gouvernement, faisant fi du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Alors, où en sommes-nous aujourd'hui, sept années plus tard ?
Je vais vous faire une confidence : j'ai l'intime conviction que la situation s'est améliorée.
Certes, je reconnais que les réformes nécessaires n'ont pas encore toutes été réalisées, notamment celle -et j'y reviendrai- de la fiscalité locale.
Et je vais vous faire une autre confidence : si les choses ont favorablement évolué, c'est un peu, c'est beaucoup, en raison de l'action opiniâtre et déterminée du Sénat.
Assemblée parlementaire à part entière dotée d'un bonus constitutionnel de représentant des collectivités territoriales, le Sénat s'est, en effet, battu pour faire entendre la voix des territoires.
Le dialogue engagé avec les élus de proximité, dans le cadre des « États généraux des élus locaux » que j'organise dans les régions, et lors des assemblées générales de maires, s'est traduit par le dépôt de propositions de loi d'origine sénatoriale. Les unes sont devenues lois et les autres ont largement influencé et inspiré l'action des gouvernements successifs.
- Je citerai, d'abord, la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000 qui encadre, dans le respect des droits des victimes, la responsabilité des élus locaux en matière de délits non intentionnels.
- Je citerai, ensuite, la loi du 27 février 2002 relative à « la démocratie de proximité » qui, s'appuyant sur les travaux du Sénat, constitue un premier pas en direction d'un véritable statut de l'élu.
- Je citerai enfin, bien sûr, la loi constitutionnelle relative à « l'organisation décentralisée de la République » du 28 mars 2003 qui a inscrit dans le marbre de notre Constitution des principes forts et protecteurs de l'autonomie locale.
Les résultats obtenus démontrent, si besoin était, toute l'efficacité et toute l'utilité du Sénat dans sa double mission de législateur et de représentant des collectivités territoriales.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant combien je crois qu'il s'avère essentiel et indispensable que le Sénat demeure la « Chambre des territoires », l'assemblée de tous les territoires, dans leur diversité.
J'ouvre une petite parenthèse pour ajouter qu'à mon sens, cela implique de conserver le département comme circonscription d'élection au Sénat, parce que le département constitue le seul échelon à même de garantir une représentation équilibrée des territoires ruraux et des zones urbaines. Je ferme la parenthèse.
Mesdames et Messieurs les Maires, rassurez-vous, je ne suis pas venu devant vous aujourd'hui solliciter un quitus de l'action du Sénat.
Je souhaitais simplement saisir l'occasion de notre rencontre pour d'une part, rappeler combien le Sénat jouait son rôle d'aiguillon et de défenseur des collectivités territoriales et, d'autre part, vous assurer de sa totale détermination à poursuivre son action.
A cet égard, nous serons particulièrement vigilants à ce que l'engagement pris par le gouvernement de réformer la fiscalité locale ne reste pas lettre morte.
A mon sens, cette réforme de la fiscalité locale constitue le principal enjeu de la législature qui commence en ce qui concerne les collectivités territoriales. Je sais que beaucoup d'entre vous partagent mon avis, car il faut bien le reconnaître, notre fiscalité locale est archaïque, obsolète et injuste.
La redéfinition du cadre des relations entre l'État et les collectivités territoriales constitue, à l'évidence, une « ardente obligation ». Et la mort programmée du contrat de croissance et de solidarité ne fait que renforcer cette exigence.
Tout comme vous, j'étais attaché à ce contrat de croissance et de solidarité. Mais il faut bien l'admettre, le nouveau « contrat de stabilité », qui lie l'indexation des dotations à la seule inflation (soit plus 1,6 % pour 2008), constitue une décision de bonne gestion au regard de la situation actuelle de nos finances publiques.
Si, de manière générale, la participation des collectivités territoriales à l'effort global de maîtrise des dépenses publiques ne me choque pas, je serai en revanche très attentif à ce que le nouveau dispositif ne pénalise pas les communes rurales.
Je le dis très clairement : le maintien de l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) selon les anciennes règles du contrat de croissance ne doit pas se faire « sur le dos » des communes rurales. J'étais très réservé sur l'intégration, au sein de la « variable d'ajustement », de la compensation versée aux communes en contrepartie de l'exonération partielle de taxe sur le foncier non bâti consentie aux exploitants agricoles. Je me félicite donc de l'amendement adopté la semaine passée par l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, qui a expressément exclu cette compensation de la « variable d'ajustement ».
Comme je l'indiquais précédemment, la suppression du contrat de croissance et de solidarité renforce l'urgence à doter nos collectivités territoriales d'impôts locaux modernes, justes et dynamiques.
Mes chers amis, je n'ai pas la prétention d'avoir en ma possession de formule miracle pour refonder notre fiscalité locale, à bout de souffle.
Je crois, en revanche, que toute réforme de la fiscalité locale devra respecter une exigence et satisfaire quatre objectifs.
Cette exigence, c'est le maintien de votre pouvoir fiscal, c'est le respect de votre droit de lever l'impôt !
Ce pouvoir, ce droit constitue une composante fondamentale du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.
Cela signifie que nous ne saurions accepter une réforme qui consisterait à reverser aux collectivités tout ou partie du produit d'un impôt sans leur confier la capacité d'en voter le taux ou d'en moduler l'assiette !
J'en viens maintenant aux quatre objectifs qui me semblent devoir être assignés à une véritable réforme de la fiscalité locale.
Premier objectif : faire des contribuables locaux le premier financeur des collectivités territoriales.
Je le dis sans ambages : le système déresponsabilisant dans lequel l'État s'avère le premier contributeur local, en raison des dégrèvements nombreux et des exonérations massives qu'il accorde, n'est pas sain.
Deuxième objectif : réduire les inégalités entre contribuables.
L'exemple de la taxe d'habitation, impôt local de plus en plus décrié, est à ce titre saisissant.
Pour ma part, je suis de ceux qui jugent cet impôt injuste. A mon sens, l'introduction d'une part variable liée au revenu mériterait d'être étudiée.
Troisième objectif : pérenniser le financement de l'intercommunalité.
Force est de reconnaître que le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée a pu légitimement susciter des craintes quant à l'avenir des intercommunalités les plus intégrées ; c'est-à-dire celles ayant opté pour le régime de la taxe professionnelle unique.
Il convient donc de remettre à plat le financement des intercommunalités, en leur garantissant le bénéfice de ressources financières pérennes.
Quatrième objectif : simplifier le « meccano fiscal » et renforcer la lisibilité démocratique.
Pour concrétiser cet objectif, je propose d'engager une véritable réflexion sur la spécialisation des impôts locaux par niveau de collectivité.
A mon sens, la spécialisation devrait s'accompagner de l'attribution de deux impôts par échelon local, l'un étant à la charge des ménages et l'autre assis sur l'activité économique.
Je considère, en effet, le maintien du lien entre entreprises et territoires comme une « impérieuse nécessité » !
Quels que soient les choix qui seront opérés, la réforme de la fiscalité locale devra se faire à périmètre fiscal constant et à niveau de prélèvement identique.
Je forme le voeu que cette réforme capitale se concrétise dans les meilleurs délais. Je sais que nous pouvons compter sur la détermination de Monsieur le Premier ministre, François FILLON, pour la mener à bien.
Voilà, mes chers amis, ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui, à l'occasion de votre Assemblée générale.
Mesdames et Messieurs les Maires, au-delà de nos différences, au-delà de nos appartenances, nous avons en commun, nous avons en partage, l'expérience aussi passionnante qu'éprouvante d'un engagement public de chaque instant.
Vous le savez bien, être maire, ce n'est pas vraiment une sinécure, c'est un véritable sacerdoce !
Et on ne le dit jamais assez, où en seraient nos villes et nos campagnes sans le courage et le dévouement des maires, ces nouveaux hussards de la République ?
Je veux donc, en conclusion de mon propos, vous rendre l'hommage que vous doit la République, en saluant haut et fort l'action déterminée que vous menez au service de nos concitoyens.
A quelques mois du terme de votre mandat, je tiens à dire merci, pour leur engagement, à celles et à ceux d'entre vous qui ont aujourd'hui décidé de mettre un terme à leur vie municipale. Et je souhaite bon courage et bonne chance à celles et à ceux qui ont choisi de poursuivre l'aventure et qui se présenteront de nouveau devant les Français, les 9 et 16 mars prochain.
Mesdames et Messieurs les Maires, du fond du coeur, je vous remercie pour votre participation à la vie démocratique de nos communes. Je vous remercie pour votre contribution à la vitalité de notre République.
Sachez que vous trouverez toujours au Sénat, qui est la maison des collectivités locales, votre maison, toute l'écoute et toute la considération que nous vous devons.Source http://www.senat.fr, le 31 octobre 2007