Texte intégral
Monsieur le Président, cher Claudy Lebreton,
Monsieur le Secrétaire général, cher Bruno Sido,
M. le Président du Conseil général du Loiret, cher Eric Doligé,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mes chers collègues,
Mesdames, Messieurs et chers Amis,
Je voudrais tout d'abord remercier sincèrement, en notre nom à tous, notre ami Eric Doligé, pour son accueil chaleureux dans ce beau département du Loiret.
Il me revient le redoutable privilège de conclure ce 78ème Congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF). Je sais que ces journées témoignent avec force de la vitalité de nos départements.
Vous ne serez pas étonnés que je consacre l'essentiel de mon propos à un sujet général qui nous concerne tous : les réflexions sur l'évolution de nos collectivités territoriales. Le Président de la République a lancé le chantier de la modernisation du cadre que nous connaissons aujourd'hui. Il le fallait.
Nous sommes tous confrontés, comme élus locaux, à la superposition des différents niveaux de collectivités territoriales et à « l'émiettement » de leurs compétences. Le résultat est peu lisible.
Il est bon de pouvoir réfléchir tous ensemble à une certaine clarification. Il était naturellement de mon devoir de faire en sorte que le Sénat, maison des collectivités territoriales, joue pleinement son rôle sur ce sujet de façon ouverte et pluraliste.
C'est pourquoi, j'ai souhaité que le Sénat mette en place une mission temporaire associant majorité et opposition pour travailler à ce dossier.
J'ai relevé avec intérêt, Mesdames et Messieurs les Présidents, votre volonté de parvenir, lors de votre séminaire du 17 décembre, à des propositions unanimes des 102 départements.
Au Sénat aussi nous savons, lorsqu'il le faut, transcender les appartenances politiques pour travailler ensemble à défendre les intérêts de nos collectivités et de leurs habitants. La mission qui a été mise en place la semaine dernière a été composée à la proportionnelle des effectifs des groupes.
Elle comporte un président UMP (M. Claude Belot), un premier vice-président socialiste (M. Pierre-Yves Collombat) et deux co-rapporteurs dont l'un est socialiste (M. Yves Krattinger) et l'autre centriste (Mme Jacqueline Gourault), tous les autres groupes ayant un représentant au bureau.
Dans une première étape, cette mission fera un état des lieux de la situation actuelle et des réflexions en cours. Dans un second temps, elle formulera ses propres propositions et son appréciation sur les différents projets annoncés par le Gouvernement et le travail conduit par M. Édouard Balladur. Notre réflexion se poursuivra jusqu'au mi-2009. Le Sénat contribuera et accompagnera cette réforme à toutes ses étapes et jusqu'à son terme : le vote de la Loi.
La mission du Sénat travaillera sans tabou. Elle ne devra pas hésiter à proposer des orientations audacieuses. Notre objectif est pragmatique. Il s'agit de définir des outils qui nous permettront de mieux mettre en valeur nos territoires.
C'est d'ailleurs pour cela que notre mission effectuera des auditions sur le terrain, naturellement avec les conseils généraux, et mettra en place des partenariats avec la presse locale.
Le pragmatisme et l'audace que j'appelle de mes voeux impliquent dans mon esprit que les jeux ne sont pas faits d'avance. Autrement dit, je ne crois pas qu'on puisse partir a priori dans l'idée qu'il s'agit de faire disparaître tel ou tel échelon territorial. Il ne faut rien s'interdire, mais il ne faut pas non plus se lier les mains. Je partage le point de vue de beaucoup d'entre vous sur la nécessité de mener un vrai travail de fond sur cette question et donc de permettre aux parlementaires d'échanger autant que de besoin avec les associations d'élus, dont la vôtre, Mesdames et Messieurs les Présidents.
En bref, dans cette question délicate et importante, il serait malvenu de se précipiter.
Deuxième élément de mon approche, le maintien d'une réelle cohésion territoriale. C'est une préoccupation constante du Sénat. Concrètement, cela veut dire une réflexion sur les différents mécanismes de péréquation et sur ceux qu'il convient de créer ou de modifier. Ces questions renvoient en filigrane à celle de la présence des services publics dans nos territoires et rien n'empêche pour autant de la faire évoluer.
Troisième élément qu'il nous faut prendre en compte : les modalités matérielles de la vie de nos collectivités, c'est-à-dire leur financement.
Sur ce point, nous aurons un important travail à mener concernant l'avenir de la taxe professionnelle (TP). Cela concerne encore plus les communes que les départements. On en parle depuis longtemps, mais il va bien falloir examiner ce dossier en face. Il nous faudra déboucher sur une solution qui combine efficacité économique et garantie d'autonomie et de ressources pour les collectivités, département compris.
Je suis aussi très attentif, depuis mon élection, aux conditions de financement de nos collectivités, et en particulier à leur capacité de recourir à l'emprunt. Dans le cadre de la crise financière que nous connaissons ces dernières semaines, j'ai porté, avec le président de la commission des finances du Sénat et le rapporteur général, une attention toute particulière à ce point ces dernières semaines. La réaction rapide du Gouvernement, qui a débloqué la semaine dernière 5 milliards d'euros en faveur du refinancement des collectivités territoriales, est un élément positif. Il s'agit d'un geste fort, qui répond aux pistes que nous avions commencé à dégager au Sénat.
Cela étant, nous devons rester vigilants. Des inquiétudes ont été exprimées sur l'effet que pourraient avoir ce que l'on appelle les « produits structurés » sur la dette de certaines collectivités. La presse les a un peu rapidement assimilés à des « produits toxiques », à l'image des subprimes. C'est excessif !
Au 29 octobre, le suivi au jour le jour que j'ai fait mettre en place pour le crédit aux collectivités locales m'amène à penser que s'il est trop tôt pour évaluer l'impact réel des mesures annoncées, la liquidité s'améliorant, les banques reviennent, certes prudemment, sur ce marché mais les appels d'offres de collectivités locales reçoivent davantage de réponses qu'il y a encore deux semaines. En revanche, les taux pratiqués restent encore élevés.
Pour ce qui est du pouvoir législatif, le Sénat assumera pleinement et librement son rôle de représentant constitutionnel des collectivités territoriales.
Aujourd'hui, on peut dire sans exagérer que les Français sont très attachés à la décentralisation.
En revanche, il est clair que nous devons sans cesse améliorer nos outils de gestion publique, dans un monde qui va toujours plus vite et où l'efficacité administrative est devenue un élément fondamental de la compétitivité d'un pays.
Je crois que nous avons une vraie carte à jouer, grâce à notre formidable vivier d'élus locaux. La tâche du législateur sera de parvenir à trouver le schéma qui nous permettra d'exploiter au mieux cette richesse humaine, qui est le reflet de l'exceptionnelle diversité de nos territoires.
Je crois qu'il faut faire du désenclavement de nos territoires une priorité nationale. Il y a eu des avancées depuis 30 ans, mais elles restent très inégalement réparties. A une époque où l'information circule de manière instantanée d'un bout à l'autre de la planète, l'enclavement d'une partie de notre territoire national a une dimension archaïque à laquelle je ne peux pas me résoudre.
Naturellement, quand je parle de désenclavement, je vise également la couverture en moyens de communication modernes et efficaces.
Je fais aussi référence au maillage de notre territoire par les services publics.
Il y a des réorganisations qui doivent être menées, mais il y a aussi, selon moi, un socle de présence publique de référence, fondement de notre pacte social qui doit être préservée.
Si j'évoque ce point devant vous, c'est parce que je suis convaincu que, dans le contexte économique difficile qui nous attend, l'investissement public aura un rôle particulier à jouer. Pour moi, le désenclavement doit être un objectif prioritaire de l'investissement public, qu'il s'agisse d'infrastructures de transports ou de communication.
Vous connaissez l'importance pour l'économie française de l'investissement des collectivités territoriales : à eux seuls, les départements auront investi 15 milliards d'euros en 2008 !
Une autre de mes convictions est qu'il faudrait, dans les mois à venir, favoriser la mise en commun, par des moyens modernes de communication, des bonnes pratiques et des innovations des collectivités territoriales.
Il me semble qu'il serait intéressant que les élus locaux aient plus facilement accès au retour d'expérience des autres élus locaux. Je pense que le Sénat, maison des collectivités territoriales, peut travailler en ce sens.
En conclusion, je voudrais vous dire ma conviction que nous avons, dans les mois qui viennent, une occasion d'améliorer le service rendu par les collectivités aux Français.
Cela me paraît particulièrement important dans un temps où ils constatent la brutalité et l'ampleur des oscillations que peuvent avoir les marchés. Nos collectivités territoriales, par leur proximité et leur légitimité, peuvent et doivent être pour nos concitoyens un point de repère dans un monde troublé.
Je vous remercie.
Source http://www.departement.org, le 31 octobre 2008