Texte intégral
Monsieur le Président,
mesdames et messieurs les maires,
Vous avez souhaité, et c'est bien légitime, consacrer une partie de votre congrès aux finances locales et aux perspectives de réformes que requiert la situation actuelle. Je sais que tout au long de vos travaux, vous n'aurez manqué ni de contributions ni de contributeurs éminents.
Le volet financier de l'organisation des collectivités locales ainsi que ses liens avec l'Etat dans ce domaine constitue bien évidemment un enjeu majeur, tant pour l'exercice quotidien de la démocratie que pour nos finances publiques.
Avant d'entrer dans le vif du sujet et une fois posé ce constat aussi incontournable qu'évident, vous me permettrez de dire un mot des conditions qui me paraissent devoir être remplies pour que le dialogue entre la Secrétaire d'Etat que je suis et les maires que vous êtes soit plus que l'addition de points de vue.
En effet, si nous travaillons sur le même sujet, nous le regardons sous des angles nécessairement différents.
Votre vision des finances locales, qu'il s'agisse de fiscalité ou de dotations d'Etat, est intrinsèquement liée à la préparation et l'exécution de vos budgets, c'est à dire aux moyens dont vous disposez pour répondre aux attentes de vos administrés.
Vu de l'Etat, je suis pour ma part conduite à examiner ces questions sous un angle beaucoup plus général, en prenant bien sûr en considération la place des finances locales dans l'ensemble des finances publiques.
Ayons la franchise de reconnaître, entre nous, que, si l'on n'y prête attention, cette différence " d'optique " peut conduire à de nombreux malentendus.
Un exemple pour illustrer mon propos :
Lorsque le gouvernement constate et se félicite de l'augmentation de telle ou telle dotation, correspondant à la traduction de ses priorités, par exemple la dotation de solidarité urbaine, certains d'entre vous constateront peut-être que leur ville n'en bénéficie pas.
Etre capable de s'abstraire de ses propres logiques pour intégrer la légitimité du point de vue de l'autre, c'est le préalable indispensable à tout débat constructif.
A propos des questions qui nous occupent ici, c'est d'autant plus impérieux qu'au delà des questions de principes, ensuite vient le moment de toucher à l'architecture de l'édifice...
Il nous faut donc être assuré de parler des mêmes choses, mais aussi de voir les mêmes choses, ce qui suppose d'améliorer la lisibilité des relations entre les collectivités locales, les contribuables et l'Etat.
Parler, voir et enfin comprendre les mêmes choses... Vous conviendrez avec moi que nos finances locales sont d'une rare complexité, fruit de l'accumulation de réformes nombreuses et de mesures plus nombreuses encore.
Nos finances locales sont un langage que seuls quelques spécialistes sont capables de déchiffrer. Il s'en suit d'ailleurs que toute réflexion sur l'évolution des finances locales qui s'arrêterait aux seuls principes et objectifs généraux risque de générer insatisfaction et frustrations si ne sont pas examinées en même temps les conditions de mise en oeuvre. Une réforme, c'est un chemin qui conduit d'un état actuel à un état futur. Nous pouvons partager notre vision de l'état futur, autour de notions auxquelles vous êtes attachés, telles que la capacité à lever l'impôt, nécessaire au renforcement du lien démocratique entre l'élu et les citoyens ou encore la nécessité d'assurer une plus grande péréquation entre les collectivités dites riches et celles qui le sont moins. Mais, si nous nous arrêtons là, sans examiner le chemin qui peut nous y conduire, nous risquons de nous perdre dans les labyrinthes imbriqués du code général des impôts et du code général des collectivités territoriales.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a engagé, en concertation avec les associations d'élus et le comité des finances locales, un travail approfondi de réflexion sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales.
Mais avant d'en venir à ce point, je voudrais si vous me le permettez faire un court détour par le bilan de l'action conduite depuis 1997 et donner un coup de projecteur sur la loi de finances pour 2002.
Est-il utile de rappeler à une assistance aussi avertie qu'au cours des cinq dernières années, le gouvernement a assuré aux collectivités locales des moyens croissants au service de l'action locale et au bénéfice de l'ensemble de nos concitoyens ?
Je ne multiplierai pas les chiffres et les données.
Rappelons-nous que la DGF a progressé de 16% en cinq ans là où les dépenses de l'Etat ont cru de 8% ; autrement dit, la DGF a progressé deux fois plus vite que les dépenses de l'Etat sur la même période.
Je vois au moins trois explications à cette forte progression des dotations aux collectivités locales :
La première, c'est le dynamisme sur ces 5 années de la croissance économique dans notre pays,
La deuxième tient aux importants moyens mis en place pour faire progresser l'intercommunalité,
La troisième c'est la volonté constante du gouvernement en faveur d'une péréquation plus efficace.
Considérons aussi que l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance réalisée depuis 1999, dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, a permis de conforter la situation de ces collectivités dans un cadre partenarial rénové avec l'Etat. En 2002, la différence avec ce qu'aurait été la prolongation du pacte établi en 1996 est supérieure à un milliard d'euros. Cumulé depuis 1999, cet écart est de près de trois milliards d'euros.
Au total, depuis 1997, les concours de l'Etat aux collectivités ont ainsi progressé, sans tenir compte des réformes fiscales, de 2,7% par an, soit nettement plus que l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat (1,5%). En disant cela, je ne suis pas en train de regretter cette évolution, je souhaite simplement que chacun puisse mesurer les progrès enregistrés.
Si les concours de l'Etat aux collectivités dépassent désormais 360 milliards de francs, les ressources fiscales sont également importantes et elles ont connu des réformes majeures. Ces réformes sont appréciées par nos concitoyens et bénéfiques pour notre économie. Je sais que certains élus y ont vu un " mouvement de recentralisation sans précédent... ". Pour ma part, je considère que c'est un mauvais procès !
Car, en effet, les principales réformes engagées concernant la fiscalité communale relèvent de trois axes politiques :
un objectif de justice fiscale avec la réforme des dégrèvements de taxe d'habitation qui donne du pouvoir d'achat aux ménages les plus modestes sans différenciation selon la nature de leurs revenus ;
une priorité à la créations d'emplois avec la suppression progressive de la part de la taxe professionnelle pesant directement sur la masse salariale des entreprises ;
une mesure de solidarité territoriale avec l'incitation à la taxe professionnelle unique et au développement de l'intercommunalité.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2002. Le budget pour 2002 poursuit et consolide la politique mise en oeuvre depuis 1998, je pense en particulier au développement de l'intercommunalité ou à l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance.
L'association des collectivités locales aux fruits de la croissance est, en effet, prolongée dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité reconduit en 2002 sur les mêmes bases qu'en 2001. Par ailleurs, le financement des communautés d'agglomération est consolidé et, désormais, inscrit dans la durée. La DGF progressera de plus de 4 % par rapport à la loi de finances 2001.
Avec ces mesures, et quand bien même la progression de la Dotation Globale de Fonctionnement par rapport à la dernière loi de finances sera de plus de 4%, la dotation de solidarité urbaine et la Dotation de Solidarité Rurale auraient pu connaître une évolution non satisfaisante. En effet, la Dotation Solidarité Urbaine et la DSR, qui jouent un rôle important dans notre système de péréquation et dont le niveau est déterminé en dernier ressort comme le solde de la DGF, ne progresseraient pas sans abondement exceptionnel en 2002. Par conséquent, le gouvernement a proposé deux nouveaux abondements exceptionnels permettant d'atteindre un objectif de progression de 5% de ces dotations en 2002. Au total, depuis 1997, la DSU aura progressé de près de 80%, la DSR bourgs centres de près de 70%.
Je ne serais pas complète si je n'évoquais la proposition du Gouvernement d'offrir dans le cadre du projet de loi de finances 2002 un règlement définitif au contentieux ancien, baptisé du nom de la commune de Pantin, lié aux compensations d'abattements de taxe professionnelle sur les rôles supplémentaires. A cet égard, 133 millions d'euros sont mobilisés dès 2002 au sein d'une enveloppe globale de près de 300 millions d'euros sur 4 ans.
Vous pouvez donc le constater, le projet de loi de finances pour 2002 s'inscrit pleinement dans les perspectives tracées depuis 1997 par ce gouvernement : une politique dynamique associant les collectivités locales aux fruits de la croissance, avec deux priorités fortes que sont la péréquation et le développement de l'intercommunalité. Cette ambition a un coût et les moyens mis en place par l'Etat ont permis de contribuer largement à son financement.
Alors que cette législature s'achève, je crois utile de dresser le constat à partir duquel nous devrions tenter d'inventer les finances locales de demain :
Ce Gouvernement a mis en oeuvre des réformes importantes pour les collectivités locales et a su y consacrer des moyens financiers à la mesure des enjeux.
Les collectivités locales grâce à cet effort de l'Etat mais également à la qualité de leur gestion ont pu tout à la fois se désendetter et continuer à investir en dégageant des excédents significatifs et en stabilisant la pression fiscale locale. Il faut le saluer. Elles contribuent ainsi globalement à l'amélioration de la situation des finances publiques dans notre pays.
Toutefois, de fortes disparités de richesse demeurent entre collectivités et ce qui vaut pour l'ensemble ne vaut pas nécessairement pour chacun. Je crois qu'il faut que nous approfondissions les voies et moyens d'une plus grande solidarité entre les territoires et les collectivités au bénéfice d'un meilleur usage de nos finances publiques et d'une plus grande équité pour nos concitoyens.
Enfin, nous devons avoir le souci de l'efficacité dans la conception de la réforme. Cette efficacité suppose que les idées que nous partagerons soient lisibles, que les objectifs que nous nous fixerons soient réalistes et que les mesures que nous étudierons soient applicables. Tout ceci vaut tant pour les contribuables locaux, s'il s'agit de fiscalité, que pour les finances publiques, s'il s'agit des dotations.
Efficacité et Solidarité doivent être les maîtres mots de la réforme.
Je voudrais devancer une observation car je n'ai pas prononcé les mots " autonomie fiscale " qui font pourtant flores dans l'expression de nombre de responsables politiques. Cela ne signifie pas que j'y suis hostile, bien au contraire, mais plutôt que je ne suis pas sûre que chacun mette la même chose derrière ces mots.
Si l'autonomie fiscale consiste, pour les élus locaux, à renforcer le contrat qui les lie avec leurs électeurs, à mettre en regard des projets de développement et d'amélioration du service public local et l'effort fiscal qui permet de les financer : j'y suis éminemment favorable.
De même, si l'autonomie fiscale consiste pour les collectivités à bénéficier de ressources fiscales modernisées, avec de vraies marges de manoeuvre, j'y suis également favorable.
A l'inverse, si l'autonomie fiscale conduit à un accroissement des prélèvements obligatoires pesant sur notre économie et nos concitoyens, je dois vous faire observer que ce n'est pas la politique qu'a mise en oeuvre notre gouvernement.
Enfin, si l'autonomie fiscale a pour corollaire immédiat le renforcement des inégalités entre communes, j'y suis farouchement opposée car je crois aux valeurs de justice et de solidarité.
Gardons-nous des effets de tribune.
1/ Il faut aborder la question de la réforme de la fiscalité locale avec humilité, volonté et courage. Cette fiscalité en France est à la fois importante par rapport à d'autres pays voisins, mais aussi insatisfaisante. Alors que les impôts directs locaux représentent davantage que l'impôt sur le revenu, qu'ils sont, après la CSG, les plus universellement répandus, qu'ils sont, plus que tous les autres, affectés chaque année par des retouches législatives nombreuses, ils sont complexes, tantôt injustes, tantôt inéquitables dans leurs retombées, et le plus souvent difficiles à gérer. On pourrait presque dire qu'ils sont, dans leur forme actuelle, à bout de souffle.
Certaines tentatives destinées à leur redonner du tonus ont échoué, telles la taxe départementale sur le revenu et la révision des bases.
La note d'orientation diffusée en juillet et sur laquelle s'appuie notre réflexion soumet au débat deux orientations principales :
La première consisterait à changer radicalement l'architecture du système fiscal, soit en spécialisant les impôts par niveau de collectivité, soit en créant un nouvel impôt avec une assiette nouvelle (le revenu ou les bénéfices), soit en partageant un grand impôt national qui s'y prêterait. Ces pistes sont en train d'être sérieusement analysées et expertisées. Leurs difficultés éventuelles, qu'elles soient de nature politique juridique ou de nature financière seront détaillées.
Autre orientation possible, procéder en adaptant la structure actuelle des impôts locaux, soit en modernisant les bases existantes, voire en permettant leur révision locale, soit en introduisant ponctuellement des éléments d'assiette nouveaux susceptibles de rendre la fiscalité locale plus équitable sans remettre en cause son dynamisme.
Je mentionne aussi la piste de l'élargissement des facultés offertes aux collectivités de décider, sous leur responsabilité, d'abattements et de dégrèvements, ainsi que celle de l'assouplissement du lien entre les taux lorsque le mouvement projeté rapproche un taux local de la moyenne nationale. Ces deux directions témoignent de l'importance que le gouvernement attache, dans cette réflexion, à l'initiative des décideurs locaux.
2/ S'agissant des dotations, je crois à la nécessité de conserver un dispositif " normé " d'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales qui assure aux élus une prévisibilité suffisante de l'évolution de leurs dotations.
La réaffirmation de ce principe ne préjuge pas, bien sûr, des interrogations sur l'évolution, à l'intérieur de ce dispositif global, des indexations individuelles de chacune des dotations qui devront tenir compte des contraintes qui s'imposent, tant aux collectivités locales qu'à l'Etat.
Au-delà de cette prévisibilité accrue, il conviendra également de simplifier les concours financiers de l'Etat.
A mon sens cette simplification doit pouvoir s'appliquer aux dotations de fonctionnement, en intégrant à la DGF actuelle plusieurs des dotations existantes, comme la dotation de compensation de taxe professionnelle, voire le fonds national de péréquation et même la dotation générale de décentralisation, la simplification doit également pouvoir s'appliquer en ce qui concerne l'investissement.
3/ Cette simplification des dotations, qui se traduirait par une importance accrue de la " nouvelle DGF ", doit nous inciter à nous pencher sur l'architecture de cette dotation dont la contribution à une meilleure re distribution des richesses entre collectivités apparaît insuffisante dès lors que des contributions exceptionnelles de l'Etat sont parfois nécessaires.
Plusieurs pistes sont envisageables, de deux types distincts:
Soit modifier la répartition des masses de crédits à l'intérieur de la DGF, en changeant les règles d'évolution de la part dite forfaitaire des dotations ou en plaçant en tête la dotation d'aménagement alors qu'elle est aujourd'hui conçue comme le solde de la DGF,
Soit la DGF est à l'avenir calculée sur le territoire intercommunal et nous traitons comme un ensemble la DGF du groupement de communes et de ses communes membres.
Des solutions intermédiaires sont également possibles. Mais, il me semble que seules ces réformes pourront permettre, à la fois d'accroître la péréquation et d'assurer dans de bonnes conditions le soutien nécessaire au développement de l'intercommunalité.
Plus généralement, il faudra certainement aller au-delà de la réforme de la DGF et aborder la question des critères de ressources et de charges permettant d'optimiser l'efficacité des dotations de péréquation.
Il faudra, enfin, améliorer les outils actuels de péréquation fiscale que sont les fonds de solidarité et de redistribution entre collectivités riches et collectivités pauvres sans déstabiliser les budgets locaux et sans exclure non plus, une réforme des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ni une réflexion autour du développement de mécanismes spécifiques tels que ceux qui ont été mis en oeuvre en Ile de France.
Pardon d'avoir été longue mais, il est difficile d'embrasser tous les chantiers du possible en si peu de temps.
Je voudrais, pour conclure, vous assurer de l'esprit d'ouverture du gouvernement.
Dans notre réflexion et dans les débats qui vont s'ouvrir, rien ne doit être imposé, rien ne doit être exclu, rien ne doit être tabou. Mais que chaque orientation se prenne en conscience. Si nous allons ensemble vers une réforme, c'est pour déboucher sur un système viable, compris et admis de nos concitoyens, répondant aux besoins de la vie et du développement local dans leur diversité, mais aussi conforme à l'esprit unitaire et solidaire de notre République.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 novembre 2001)
mesdames et messieurs les maires,
Vous avez souhaité, et c'est bien légitime, consacrer une partie de votre congrès aux finances locales et aux perspectives de réformes que requiert la situation actuelle. Je sais que tout au long de vos travaux, vous n'aurez manqué ni de contributions ni de contributeurs éminents.
Le volet financier de l'organisation des collectivités locales ainsi que ses liens avec l'Etat dans ce domaine constitue bien évidemment un enjeu majeur, tant pour l'exercice quotidien de la démocratie que pour nos finances publiques.
Avant d'entrer dans le vif du sujet et une fois posé ce constat aussi incontournable qu'évident, vous me permettrez de dire un mot des conditions qui me paraissent devoir être remplies pour que le dialogue entre la Secrétaire d'Etat que je suis et les maires que vous êtes soit plus que l'addition de points de vue.
En effet, si nous travaillons sur le même sujet, nous le regardons sous des angles nécessairement différents.
Votre vision des finances locales, qu'il s'agisse de fiscalité ou de dotations d'Etat, est intrinsèquement liée à la préparation et l'exécution de vos budgets, c'est à dire aux moyens dont vous disposez pour répondre aux attentes de vos administrés.
Vu de l'Etat, je suis pour ma part conduite à examiner ces questions sous un angle beaucoup plus général, en prenant bien sûr en considération la place des finances locales dans l'ensemble des finances publiques.
Ayons la franchise de reconnaître, entre nous, que, si l'on n'y prête attention, cette différence " d'optique " peut conduire à de nombreux malentendus.
Un exemple pour illustrer mon propos :
Lorsque le gouvernement constate et se félicite de l'augmentation de telle ou telle dotation, correspondant à la traduction de ses priorités, par exemple la dotation de solidarité urbaine, certains d'entre vous constateront peut-être que leur ville n'en bénéficie pas.
Etre capable de s'abstraire de ses propres logiques pour intégrer la légitimité du point de vue de l'autre, c'est le préalable indispensable à tout débat constructif.
A propos des questions qui nous occupent ici, c'est d'autant plus impérieux qu'au delà des questions de principes, ensuite vient le moment de toucher à l'architecture de l'édifice...
Il nous faut donc être assuré de parler des mêmes choses, mais aussi de voir les mêmes choses, ce qui suppose d'améliorer la lisibilité des relations entre les collectivités locales, les contribuables et l'Etat.
Parler, voir et enfin comprendre les mêmes choses... Vous conviendrez avec moi que nos finances locales sont d'une rare complexité, fruit de l'accumulation de réformes nombreuses et de mesures plus nombreuses encore.
Nos finances locales sont un langage que seuls quelques spécialistes sont capables de déchiffrer. Il s'en suit d'ailleurs que toute réflexion sur l'évolution des finances locales qui s'arrêterait aux seuls principes et objectifs généraux risque de générer insatisfaction et frustrations si ne sont pas examinées en même temps les conditions de mise en oeuvre. Une réforme, c'est un chemin qui conduit d'un état actuel à un état futur. Nous pouvons partager notre vision de l'état futur, autour de notions auxquelles vous êtes attachés, telles que la capacité à lever l'impôt, nécessaire au renforcement du lien démocratique entre l'élu et les citoyens ou encore la nécessité d'assurer une plus grande péréquation entre les collectivités dites riches et celles qui le sont moins. Mais, si nous nous arrêtons là, sans examiner le chemin qui peut nous y conduire, nous risquons de nous perdre dans les labyrinthes imbriqués du code général des impôts et du code général des collectivités territoriales.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a engagé, en concertation avec les associations d'élus et le comité des finances locales, un travail approfondi de réflexion sur les voies et moyens d'une réforme des finances locales.
Mais avant d'en venir à ce point, je voudrais si vous me le permettez faire un court détour par le bilan de l'action conduite depuis 1997 et donner un coup de projecteur sur la loi de finances pour 2002.
Est-il utile de rappeler à une assistance aussi avertie qu'au cours des cinq dernières années, le gouvernement a assuré aux collectivités locales des moyens croissants au service de l'action locale et au bénéfice de l'ensemble de nos concitoyens ?
Je ne multiplierai pas les chiffres et les données.
Rappelons-nous que la DGF a progressé de 16% en cinq ans là où les dépenses de l'Etat ont cru de 8% ; autrement dit, la DGF a progressé deux fois plus vite que les dépenses de l'Etat sur la même période.
Je vois au moins trois explications à cette forte progression des dotations aux collectivités locales :
La première, c'est le dynamisme sur ces 5 années de la croissance économique dans notre pays,
La deuxième tient aux importants moyens mis en place pour faire progresser l'intercommunalité,
La troisième c'est la volonté constante du gouvernement en faveur d'une péréquation plus efficace.
Considérons aussi que l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance réalisée depuis 1999, dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité, a permis de conforter la situation de ces collectivités dans un cadre partenarial rénové avec l'Etat. En 2002, la différence avec ce qu'aurait été la prolongation du pacte établi en 1996 est supérieure à un milliard d'euros. Cumulé depuis 1999, cet écart est de près de trois milliards d'euros.
Au total, depuis 1997, les concours de l'Etat aux collectivités ont ainsi progressé, sans tenir compte des réformes fiscales, de 2,7% par an, soit nettement plus que l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat (1,5%). En disant cela, je ne suis pas en train de regretter cette évolution, je souhaite simplement que chacun puisse mesurer les progrès enregistrés.
Si les concours de l'Etat aux collectivités dépassent désormais 360 milliards de francs, les ressources fiscales sont également importantes et elles ont connu des réformes majeures. Ces réformes sont appréciées par nos concitoyens et bénéfiques pour notre économie. Je sais que certains élus y ont vu un " mouvement de recentralisation sans précédent... ". Pour ma part, je considère que c'est un mauvais procès !
Car, en effet, les principales réformes engagées concernant la fiscalité communale relèvent de trois axes politiques :
un objectif de justice fiscale avec la réforme des dégrèvements de taxe d'habitation qui donne du pouvoir d'achat aux ménages les plus modestes sans différenciation selon la nature de leurs revenus ;
une priorité à la créations d'emplois avec la suppression progressive de la part de la taxe professionnelle pesant directement sur la masse salariale des entreprises ;
une mesure de solidarité territoriale avec l'incitation à la taxe professionnelle unique et au développement de l'intercommunalité.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2002. Le budget pour 2002 poursuit et consolide la politique mise en oeuvre depuis 1998, je pense en particulier au développement de l'intercommunalité ou à l'association des collectivités locales aux fruits de la croissance.
L'association des collectivités locales aux fruits de la croissance est, en effet, prolongée dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité reconduit en 2002 sur les mêmes bases qu'en 2001. Par ailleurs, le financement des communautés d'agglomération est consolidé et, désormais, inscrit dans la durée. La DGF progressera de plus de 4 % par rapport à la loi de finances 2001.
Avec ces mesures, et quand bien même la progression de la Dotation Globale de Fonctionnement par rapport à la dernière loi de finances sera de plus de 4%, la dotation de solidarité urbaine et la Dotation de Solidarité Rurale auraient pu connaître une évolution non satisfaisante. En effet, la Dotation Solidarité Urbaine et la DSR, qui jouent un rôle important dans notre système de péréquation et dont le niveau est déterminé en dernier ressort comme le solde de la DGF, ne progresseraient pas sans abondement exceptionnel en 2002. Par conséquent, le gouvernement a proposé deux nouveaux abondements exceptionnels permettant d'atteindre un objectif de progression de 5% de ces dotations en 2002. Au total, depuis 1997, la DSU aura progressé de près de 80%, la DSR bourgs centres de près de 70%.
Je ne serais pas complète si je n'évoquais la proposition du Gouvernement d'offrir dans le cadre du projet de loi de finances 2002 un règlement définitif au contentieux ancien, baptisé du nom de la commune de Pantin, lié aux compensations d'abattements de taxe professionnelle sur les rôles supplémentaires. A cet égard, 133 millions d'euros sont mobilisés dès 2002 au sein d'une enveloppe globale de près de 300 millions d'euros sur 4 ans.
Vous pouvez donc le constater, le projet de loi de finances pour 2002 s'inscrit pleinement dans les perspectives tracées depuis 1997 par ce gouvernement : une politique dynamique associant les collectivités locales aux fruits de la croissance, avec deux priorités fortes que sont la péréquation et le développement de l'intercommunalité. Cette ambition a un coût et les moyens mis en place par l'Etat ont permis de contribuer largement à son financement.
Alors que cette législature s'achève, je crois utile de dresser le constat à partir duquel nous devrions tenter d'inventer les finances locales de demain :
Ce Gouvernement a mis en oeuvre des réformes importantes pour les collectivités locales et a su y consacrer des moyens financiers à la mesure des enjeux.
Les collectivités locales grâce à cet effort de l'Etat mais également à la qualité de leur gestion ont pu tout à la fois se désendetter et continuer à investir en dégageant des excédents significatifs et en stabilisant la pression fiscale locale. Il faut le saluer. Elles contribuent ainsi globalement à l'amélioration de la situation des finances publiques dans notre pays.
Toutefois, de fortes disparités de richesse demeurent entre collectivités et ce qui vaut pour l'ensemble ne vaut pas nécessairement pour chacun. Je crois qu'il faut que nous approfondissions les voies et moyens d'une plus grande solidarité entre les territoires et les collectivités au bénéfice d'un meilleur usage de nos finances publiques et d'une plus grande équité pour nos concitoyens.
Enfin, nous devons avoir le souci de l'efficacité dans la conception de la réforme. Cette efficacité suppose que les idées que nous partagerons soient lisibles, que les objectifs que nous nous fixerons soient réalistes et que les mesures que nous étudierons soient applicables. Tout ceci vaut tant pour les contribuables locaux, s'il s'agit de fiscalité, que pour les finances publiques, s'il s'agit des dotations.
Efficacité et Solidarité doivent être les maîtres mots de la réforme.
Je voudrais devancer une observation car je n'ai pas prononcé les mots " autonomie fiscale " qui font pourtant flores dans l'expression de nombre de responsables politiques. Cela ne signifie pas que j'y suis hostile, bien au contraire, mais plutôt que je ne suis pas sûre que chacun mette la même chose derrière ces mots.
Si l'autonomie fiscale consiste, pour les élus locaux, à renforcer le contrat qui les lie avec leurs électeurs, à mettre en regard des projets de développement et d'amélioration du service public local et l'effort fiscal qui permet de les financer : j'y suis éminemment favorable.
De même, si l'autonomie fiscale consiste pour les collectivités à bénéficier de ressources fiscales modernisées, avec de vraies marges de manoeuvre, j'y suis également favorable.
A l'inverse, si l'autonomie fiscale conduit à un accroissement des prélèvements obligatoires pesant sur notre économie et nos concitoyens, je dois vous faire observer que ce n'est pas la politique qu'a mise en oeuvre notre gouvernement.
Enfin, si l'autonomie fiscale a pour corollaire immédiat le renforcement des inégalités entre communes, j'y suis farouchement opposée car je crois aux valeurs de justice et de solidarité.
Gardons-nous des effets de tribune.
1/ Il faut aborder la question de la réforme de la fiscalité locale avec humilité, volonté et courage. Cette fiscalité en France est à la fois importante par rapport à d'autres pays voisins, mais aussi insatisfaisante. Alors que les impôts directs locaux représentent davantage que l'impôt sur le revenu, qu'ils sont, après la CSG, les plus universellement répandus, qu'ils sont, plus que tous les autres, affectés chaque année par des retouches législatives nombreuses, ils sont complexes, tantôt injustes, tantôt inéquitables dans leurs retombées, et le plus souvent difficiles à gérer. On pourrait presque dire qu'ils sont, dans leur forme actuelle, à bout de souffle.
Certaines tentatives destinées à leur redonner du tonus ont échoué, telles la taxe départementale sur le revenu et la révision des bases.
La note d'orientation diffusée en juillet et sur laquelle s'appuie notre réflexion soumet au débat deux orientations principales :
La première consisterait à changer radicalement l'architecture du système fiscal, soit en spécialisant les impôts par niveau de collectivité, soit en créant un nouvel impôt avec une assiette nouvelle (le revenu ou les bénéfices), soit en partageant un grand impôt national qui s'y prêterait. Ces pistes sont en train d'être sérieusement analysées et expertisées. Leurs difficultés éventuelles, qu'elles soient de nature politique juridique ou de nature financière seront détaillées.
Autre orientation possible, procéder en adaptant la structure actuelle des impôts locaux, soit en modernisant les bases existantes, voire en permettant leur révision locale, soit en introduisant ponctuellement des éléments d'assiette nouveaux susceptibles de rendre la fiscalité locale plus équitable sans remettre en cause son dynamisme.
Je mentionne aussi la piste de l'élargissement des facultés offertes aux collectivités de décider, sous leur responsabilité, d'abattements et de dégrèvements, ainsi que celle de l'assouplissement du lien entre les taux lorsque le mouvement projeté rapproche un taux local de la moyenne nationale. Ces deux directions témoignent de l'importance que le gouvernement attache, dans cette réflexion, à l'initiative des décideurs locaux.
2/ S'agissant des dotations, je crois à la nécessité de conserver un dispositif " normé " d'évolution des dotations de l'Etat aux collectivités locales qui assure aux élus une prévisibilité suffisante de l'évolution de leurs dotations.
La réaffirmation de ce principe ne préjuge pas, bien sûr, des interrogations sur l'évolution, à l'intérieur de ce dispositif global, des indexations individuelles de chacune des dotations qui devront tenir compte des contraintes qui s'imposent, tant aux collectivités locales qu'à l'Etat.
Au-delà de cette prévisibilité accrue, il conviendra également de simplifier les concours financiers de l'Etat.
A mon sens cette simplification doit pouvoir s'appliquer aux dotations de fonctionnement, en intégrant à la DGF actuelle plusieurs des dotations existantes, comme la dotation de compensation de taxe professionnelle, voire le fonds national de péréquation et même la dotation générale de décentralisation, la simplification doit également pouvoir s'appliquer en ce qui concerne l'investissement.
3/ Cette simplification des dotations, qui se traduirait par une importance accrue de la " nouvelle DGF ", doit nous inciter à nous pencher sur l'architecture de cette dotation dont la contribution à une meilleure re distribution des richesses entre collectivités apparaît insuffisante dès lors que des contributions exceptionnelles de l'Etat sont parfois nécessaires.
Plusieurs pistes sont envisageables, de deux types distincts:
Soit modifier la répartition des masses de crédits à l'intérieur de la DGF, en changeant les règles d'évolution de la part dite forfaitaire des dotations ou en plaçant en tête la dotation d'aménagement alors qu'elle est aujourd'hui conçue comme le solde de la DGF,
Soit la DGF est à l'avenir calculée sur le territoire intercommunal et nous traitons comme un ensemble la DGF du groupement de communes et de ses communes membres.
Des solutions intermédiaires sont également possibles. Mais, il me semble que seules ces réformes pourront permettre, à la fois d'accroître la péréquation et d'assurer dans de bonnes conditions le soutien nécessaire au développement de l'intercommunalité.
Plus généralement, il faudra certainement aller au-delà de la réforme de la DGF et aborder la question des critères de ressources et de charges permettant d'optimiser l'efficacité des dotations de péréquation.
Il faudra, enfin, améliorer les outils actuels de péréquation fiscale que sont les fonds de solidarité et de redistribution entre collectivités riches et collectivités pauvres sans déstabiliser les budgets locaux et sans exclure non plus, une réforme des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ni une réflexion autour du développement de mécanismes spécifiques tels que ceux qui ont été mis en oeuvre en Ile de France.
Pardon d'avoir été longue mais, il est difficile d'embrasser tous les chantiers du possible en si peu de temps.
Je voudrais, pour conclure, vous assurer de l'esprit d'ouverture du gouvernement.
Dans notre réflexion et dans les débats qui vont s'ouvrir, rien ne doit être imposé, rien ne doit être exclu, rien ne doit être tabou. Mais que chaque orientation se prenne en conscience. Si nous allons ensemble vers une réforme, c'est pour déboucher sur un système viable, compris et admis de nos concitoyens, répondant aux besoins de la vie et du développement local dans leur diversité, mais aussi conforme à l'esprit unitaire et solidaire de notre République.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 23 novembre 2001)