Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
La mobilisation des entreprises, des collectivités locales, votre présence en si grand nombre aujourd'hui, démontrent que toutes les forces vives de notre pays ont pris la mesure de l'immense enjeu – économique, culturel et social – que représente l'entrée de la France dans l'ère du numérique et des réseaux.
Ce n'est pas seulement une poignée d'internautes convaincus et de visionnaires qui s'est donnée rendez-vous aujourd'hui pour discuter de l'avenir de ces technologies, mais tous ceux qui, au quotidien, contribuent en France à faire du rêve d'hier une réalité.
Nous sommes en effet entrés dans l'ère du concret, avec la mise en œuvre d'expérimentations dont vous pourrez découvrir la richesse et l'originalité à quelques pas de cette salle…
La France dispose d'atouts déterminants pour réussir son ancrage dans la société de l'information et maintenir sa place dans le peloton de tête des pays innovants : elle montre aujourd'hui qu'elle à la volonté et les moyens de le faire.
I. – Parier sur l'imagination et la créativité : une politique pragmatique au service de l'innovation
A) Les expérimentations et le soutien à la R & D
Ma conviction est cependant que l'avènement de la société de l'information ne saurait se décréter : il ne peut être le fruit que d'un choix collectif, que d'une mobilisation de tous les acteurs concernés par la réalisation de ce grand projet.
Pour conduire notre pays vers cette « nouvelle frontière » que constitue la société de l'information, il convenait de chercher à fédérer les énergies et les compétences, à créer un élan, une dynamique.
Il fallait aussi s'assurer que les solutions retenues, que les infrastructures et les services innovants déployés sur notre territoire répondraient à l'attente des Français, aux besoins des futurs utilisateurs des autoroutes de l'information.
Rien n'assurait, à la lueur des expériences passées, que la mise en œuvre à l'initiative du Gouvernement d'un « grand plan » de déploiement des autoroutes de l'information était susceptible de susciter cet élan et de répondre à ces attentes.
Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu nous lancer en aveugle dans cette aventure, sans estimer plus précisément la demande de nos concitoyens et la viabilité économique des futurs services.
C'est sur la créativité et le dynamisme des entreprises et des collectivités locales, sur l'imagination dont nos concitoyens sont capables que le Gouvernement a voulu parier pour créer les conditions d'une innovation forte et efficace.
C'est aussi sur une politique pragmatique – mais volontaire et ambitieuse – que le Gouvernement a voulu fonder son action : une politique qui consiste à soutenir le déploiement d'expérimentations d'infrastructures et de services innovants sur l'ensemble de notre territoire ; une politique qui vise à tester en grandeur réelle les diverses technologies en présence ; une politique qui a pour objectif d'évaluer et de comprendre les besoins des utilisateurs et de mieux mesurer la solvabilité de leur demande.
Les réponses à l'appel à propositions sur les autoroutes de l'information, lancé il y a quelques mois, démontrent que les espoirs placés dans votre capacité à innover ne seront pas déçus et font de la démarche du Gouvernement un succès. C'est en quelque sorte ce succès collectif que nous célébrons aujourd'hui, à l'heure où ces expérimentations vont devenir des réalités.
650 projets ont été présentés.
170 projets ont été labellisés d'intérêt général lors du comité interministériel du 15 octobre dernier.
Je proposerai dans les tous prochains jours que 80 projets supplémentaires soient labellisés à leur tour. Ce sont donc 250 expérimentations, touchant à tous les domaines et à toutes les technologies, qui nous permettrons de dessiner ensemble les contours de la France de demain.
Mon ministère ne se contente pas, vous le savez, de faire appel à vos talents. Il s'attache également à les aider concrètement à s'exprimer, puisque les projets labellisés font l'objet d'un soutien financier significatif sur les crédits du MPTE :
75 projets recevront des aides à la recherche et développement pour un montant de 160 MF en 1996, qui s'ajouteront aux 50 MF dont certains projets ont déjà bénéficié en 1995.
La loi qui vient d'être adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et sera présentée au Sénat le 20 février constitue également une étape importante vers la société de l'information. Elle va en effet permettre à certains projets, dont la mise œuvre était entravée par des obstacles réglementaires, de bénéficier d'un régime de licence expérimental : pour une durée et dans une zone géographique limitée, de nouvelles applications telles que la vidéo à la demande, le service téléphonique vocal sur le câble, etc. pourront également être testées.
B) Une nouvelle initiative vers les PME
J'ai aussi décidé de lancer une nouvelle initiative vers les PME.
L'ANVAR va lancer dans les prochains jours un appel à propositions à destination des PME, un budget de 100 MF étant destiné à soutenir leur effort d'innovation.
Il s'agit de soutenir le développement des technologies permettant la création de nouveaux services et visant à rendre l'accès aux services multimédias plus convivial et plus ergonomique :
– le développement des terminaux de demain ;
– l'amélioration de l'interface homme/machine : la reconnaissance de la parole et de l'écriture, synthèse vocale, les techniques d'interface adaptées à la réalité virtuelle ou les « agents intelligents » – autant de technologies qui révolutionneront notre rapport à la technologie et aux réseaux ;
– l'élaboration de nouveaux outils destinés à l'administration et à la sécurisation des réseaux ;
– la mise au point de nouvelles technologies de production et de diffusion audiovisuelles et multimédias.
C) Une politique qui s'inscrit dans la durée
La démarche du MPTE ne s'arrête pas avec la mise en œuvre de cette première série d'expérimentations : elle a vocation à s'inscrire dans la durée.
Le soutien dont vont bénéficier dans un avenir proche les acteurs importants que sont les PME traduit notre volonté de continuer à imaginer des solutions pour soutenir les initiatives existantes ou futures. Le processus de labellisation sera donc poursuivi.
De nouvelles structures vont ainsi être rapidement mises en place :
La mise en place au sein de mon ministère d'un guichet permanent destiné aux porteurs de projets : l'expertise technique du MPTE viendra les seconder utilement dans leur travail de conception et de mise en œuvre des expérimentations. La politique de labellisation et de soutien financier aux nouveaux projets sera poursuivie.
La mise en place d'un observatoire d'évaluation des expérimentations associant, outre les administrations concernées, des représentants des collectivités locales et des entreprises. Cet observatoire aura les moyens de faire réaliser des évaluations des projets par des tiers-experts.
L'ouverture de la base de données sur les expérimentations qui sera consultable via le serveur Web du ministère, désormais ouvert au public et que je vous invite à consulter pendant le forum. À cette occasion, j'ai proposé que le nom de tous les serveurs Web gouvernementaux soient facilement identifiables par la même racine « gouv.fr ». Cette proposition vient de recevoir un agrément.
II. – Assurer un accès équitable à l'information : une politique pour tous les français
L'ancrage de la France dans la société de l'information n'aura de sens que s'il s'accompagne d'un accès équitable de tous à tous les informations. La politique que j'entends mettre en œuvre est donc une « politique pour tous les français », une politique qui vise à mettre des technologies plus intelligentes au service d'une société elle-même plus intelligente.
Le célèbre écrivain de science-fiction américain William Gibson affirmait récemment que la société de l'information pouvait se résumer en un slogan : « l'information veut être libre ». Si nous ne voulons pas que la réalité de demain soit celle qu'il décrit dans ses romans – celle du monde apocalyptique du « cyberpunk » – j'ajouterai à ce roman : « libre pour tous »…
Mon souci est en effet d'éviter que le développement des technologies de l'information ne se traduise par une France à deux vitesses, par une fracture sociale croissante entre « infos-riches » et « infos-pauvres ».
C'est avec cet impératif à l'esprit que j'ai pris l'initiative de combattre plusieurs facteurs d'inégalités entre les français :
– en demandant à France Télécom d'assurer un accès à Internet au même coût – celui d'une communication locale – sur l'ensemble du territoire. Ceci sera effectif à partir du 15/3 ;
– en faisant bénéficier les micro-ordinateurs de mesures prises par le Gouvernement en faveur de l'équipement des ménages. Ces mesures qui concernent l'ensemble du matériel de traitement de l'information sont l'exonération d'imposition sur plus-values de cession d'OPCVM (SICAV ou FCP) effectuées avant le 30 juin 1996 dans la limite d'un plafond de 100 000 francs et la possibilité pour le même montant, sans pénalité, d'un prélèvement sur les plans épargne-logement ouverts avant le 30 juin 1993.
Un accès équitable aux nouvelles technologies de l'information suppose également que nos enfants, qui en seront demain les utilisateurs quotidiens, puissant se familiariser dès le plus jeune âge avec ces outils.
Je rêve donc d'une grande initiative vers les écoles, qui permettrait à ces technologies de devenir un support de l'accès au savoir, un support d'une richesse incomparable dont il convient d'assurer la promotion et le partage.
Une telle initiative ne peut reposer que sur les efforts conjoints :
– des industriels et des fournisseurs de services, pour fournir le matériel et les accès aux nouveaux services ;
– des collectivités locales, pour soutenir financièrement les écoles.
III. – Résoudre les problèmes spécifiques que posent le développement des réseaux : réflexions en cours
A) Créer les conditions d'un développement du commerce électronique
Créer les conditions d'un développement du commerce électronique
Créer les conditions d'un développement du commerce électronique est une autre de mes préoccupations, car il s'agit d'un point essentiel pour assurer le financement et la viabilité économique des services qui se développent aujourd'hui.
Le fait que la deuxième partie de ce forum soit entièrement consacrée à cette question démontre suffisamment qu'elle est au cœur des préoccupations du MPTE.
Nous sommes notamment conscients que l'allégement des restrictions qui pèsent sur l'utilisation du cryptage se pose comme une priorité.
Ce point sera traité dans le cadre de la loi qui fixera prochainement les nouvelles règles du jeu applicables au secteur des télécommunications.
Je suis, pour ma part, favorable à un allégement du régime :
– liberté pour les moyens d'authentification ;
– mise en place de « tiers de confiance », chargés de gérer les prestations de cryptologie pour le compte d'autrui : les utilisateurs et les fournisseurs de services qui font appel au cryptage ne seraient plus, en cas, assujettis à une autorisation individuelle.
Il convient par ailleurs de se réjouir du travail entrepris par de nombreuses entreprises pour doter les acteurs du marché d'outils adaptés au commerce électronique : élaboration du porte-monnaie électronique, mise au point de techniques de sécurisation et d'intermédiation performances…
Enfin, je tiens à saluer l'initiative importante que constitue la création d'une association française pour le développement du commerce électronique, qui sera annoncée cet après-midi dans le cadre du forum.
B) Les problèmes de déontologie et de droits d'auteurs
Ce n'est pas ailleurs un « grand secret » pour personne que la généralisation de la numérisation et le développement des réseaux posent des problèmes complexes à résoudre en matière de déontologie et de protection des droits d'auteur…
Certes, il existe un cadre juridique national (…) mais son application est rendue difficile par la mondialisation des échanges sur Internet.
Il est donc indispensable de réfléchir aux adaptations du droit national et international qui sont rendues nécessaires par ce nouveau contexte.
Au niveau national, compte tenu de la diversité des sujets, nous avons souhaité mettre en place, en liaison avec Philippe Douste-Blazy un groupe de réflexion, piloté par un juriste, qui réunira diverses compétences administratives et économiques pour examiner les problèmes poses et les solutions possibles.
Conclusion
Une étape importante vient d'être franchie… Je sais que je peux compter sur votre mobilisation, votre dynamisme et votre imagination pour faire de la France un pays pionnier dans le domaine des nouvelles technologies mais aussi un exemple d'utilisation intelligente des technologies de l'information, au service de tous nos concitoyens.
C'est ensemble que nous allons poursuivre cette aventure humaine et technologique sans précèdent : je sais qu'elle sera un succès.