Les règles européennes imposent à toute personne qui intervient sur la gestion des fonds de l'Union européenne (UE), aux niveaux tant national qu'européen, d'éviter tout conflit d'intérêts (exercice des fonctions compromis pour des motifs familiaux, affectifs, économiques, politiques…).
Dans un rapport spécial présenté en mars 2023, la CCE examine si le traitement réservé aux conflits d'intérêts dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion, les deux plus gros postes de dépenses de l'UE, est adéquat.
Gestion partagée : des risques majeurs de conflits d'intérêts
Un conflit d'intérêts est une irrégularité portant atteinte au budget de l'UE. La moitié des dépenses de l'UE sont en gestion partagée entre la Commission et les États membres.
La CCE souligne que, selon un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le cadre de gestion partagée peut présenter un risque majeur de conflit d'intérêts.
Les deux fonds agricoles (Fonds européen agricole de garantie -Feaga- et Fonds européen agricole pour le développement rural -Feader-) et les trois principaux fonds relevant de la politique de cohésion (Fonds européen de développement régional -Feder-, Fonds social européen -FSE- et Fonds de cohésion -FC-) sont en gestion partagée.
Si, en gestion partagée, la Commission est responsable en dernier ressort de l'exécution du budget, les États membres doivent prendre des mesures efficaces et proportionnées pour prévenir, détecter et corriger les irrégularités. Il incombe aux autorités nationales de détecter et gérer les irrégularités au niveau des bénéficiaires.
Détection, résolution et signalement des conflits d'intérêts : des failles existent
Au niveau national, la méthode de prévention des conflits d'intérêts est la déclaration sur l'honneur. Cette méthode n'est pas fiable et les informations peuvent être difficiles à recouper en raison :
- du manque de capacités administratives ;
- de règles de protection des données ;
- de la difficulté à mettre en place une pleine et réelle transparence.
Dans les pays examinés par la CCE (Allemagne, Hongrie, Malte, Roumanie), les déclarations sur l'honneur ne sont pas obligatoires pour les membres de l'exécutif participant à la prise de décisions concernant les programmes de l'UE et à l'attribution des financements correspondants, alors même que la réglementation l'exige depuis 2018.
La Commission :
- exige des membres de son personnel des déclarations, mais ses procédures en matière de "pantouflage" comportent des failles ;
- se concentre uniquement sur les cas suspects signalés.
Les États membres
- disposent d'un cadre de prévention des conflits d'intérêts qui n'a pas évolué depuis l'adoption de la nouvelle définition en 2018 dans le règlement financier de l'UE ;
- ne portent pas une attention suffisante à certains signaux d'alerte (par exemple l'accumulation de procédures sans mise en concurrence dans les marchés publics).
La CCE souligne d'autres lacunes : 24 États n'ont pas notifié les mesures visant à assurer la transposition de la directive sur les lanceurs d'alerte.
Le montant total des dépenses agricoles et de cohésion concerné par ces failles n'est pas connu.