La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, aussi appelée Convention sur le génocide des Nations unies, est adoptée après la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la Shoah, l'Allemagne nazie a tué systématiquement plus de 6 millions de juifs. Cette convention marque l'engagement de la communauté internationale à ce que les atrocités d'un génocide ne se répètent pas.
Cet instrument de 19 articles donne la première définition juridique internationale du terme "génocide". Le texte stipule que les États ayant adhéré à la convention ou l'ayant ratifiée ont le devoir de prévenir et punir le crime de génocide.
L'article II de la convention définit ainsi le génocide : "Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe."
Afin de qualifier un génocide, il convient donc de déterminer :
- si le groupe est national, ethnique, racial ou religieux ;
- si l'un ou plusieurs des 5 actes qualifiant le génocide ont été commis ;
- si ces actes ont été commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, le groupe.
L'article premier de la convention précise que le génocide est un crime du droit des gens (c'est-à-dire du droit qui régit les rapports entre les nations et les peuples), qu'il soit commis en temps de guerre ou en temps de paix.
L'article III de la convention donne la liste des actes punis :
a) Le génocide ;
b) L'entente en vue de commettre le génocide ;
c) L'incitation directe et publique à commettre le génocide ;
d) La tentative de génocide ;
e) La complicité dans le génocide.
À noter
L'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998 reprend la définition de génocide donnée par l'article II de la Convention sur le génocide. Ce sont les deux textes internationaux qui définissent juridiquement ce terme.
Les personnes (ou les États lorsque la Cour internationale de justice est saisie) accusées de génocide peuvent être traduites devant :
- les tribunaux compétents de l'État sur le territoire duquel l'acte a été commis ;
- des juridictions nationales, qu'importe la nationalité de l'auteur, des victimes ou des lieux, grâce à la compétence universelle. Par exemple, le 14 mars 2014, la cour d'assises de Paris condamne Pascal Simbikangwa à 25 ans de réclusion criminelle pour génocide des Tutsi et complicité de crimes contre l'humanité. La Cour de cassation confirme le verdict dans un arrêt du 24 mai 2018 ;
- des juridictions internationales compétentes :
- la Cour internationale de justice (CIJ) qui traite les litiges entre États ;
- la Cour pénale internationale (CPI) qui juge des individus. Elle ne peut intervenir que si le crime a été commis sur le territoire d’un État ayant signé la Convention de Rome, ou si le mis en cause est un ressortissant de l’un de ces États ;
- des juridictions pénales spéciales, comme le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ou le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), mises en place par le Conseil de sécurité des Nations unies et fermées en 2015 et 2017 ;
- le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux, une entité à vocation temporaire exerçant certaines fonctions auparavant exercées par le TPIR ou le TPIY.
La CIJ ne peut s'autosaisir contre un État en cas de suspicion de génocide, dans le cadre de l'application de la Convention sur le génocide. Seuls un État ou un groupe d'États peuvent introduire une instance ou déposer des déclarations d'interventions contre un autre État. Trois affaires en cours ou ayant vu la condamnation d'un État concernent des accusations alléguées de génocide.
Bosnie-Herzégovine contre Serbie-et-Monténégro. Le 20 mars 1993, la Bosnie-Herzégovine dépose une requête introductive d’instance contre la Yougoslavie au sujet d’un différend concernant une série de violations alléguées de la Convention sur le génocide. Le 26 février 2007, la CIJ adopte un arrêt concluant que la Serbie-et-Monténégro a violé l'obligation de prévenir le génocide de Srebrenica que lui imposait l'article premier de la Convention sur le génocide.
Gambie contre Myanmar. Le 11 novembre 2019, la Gambie introduit une instance contre le Myanmar devant la CIJ à raison de violations de la Convention sur le génocide commises par le biais d'actes adoptés, accomplis ou tolérés par le gouvernement du Myanmar à l'encontre des membres du groupe des Rohingya. Le 23 janvier 2020, la CIJ ordonne au Myanmar de prendre des mesures conservatoires pour prévenir des actes de génocide des Rohingya. En 2025, la requête concerne 11 États intervenants, dont la France.
Afrique du Sud contre Israël. Le 28 décembre 2023, l'Afrique du Sud dépose une requête introductive d'instance contre Israël devant la CIJ au sujet de supposés manquements par Israël aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention sur le génocide en ce qui concerne les Palestiniens dans la bande de Gaza. Dans une ordonnance du 26 janvier 2024, la CIJ "est d’avis que les faits et circonstances mentionnés ci-dessus suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits que l’Afrique du Sud revendique et dont elle sollicite la protection sont plausibles. Il en va ainsi du droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés connexes visés à l’article III". La CIJ a ordonné plusieurs mesures conservatoires. Dans une réponse à une question posée en audience, Israël affirme être "pleinement conscient que les hostilités armées dans les zones urbaines peuplées présentent de graves risques pour la population civile et que le Hamas, dans son mépris de la vie et de la loi, exploite cette réalité".
D'autres affaires concernent des questions d'interprétation de la Convention sur le génocide ou de compétence d'un État à intervenir sur le territoire d'un autre État en cas de suspicion de génocide, comme dans l'affaire opposant l'Ukraine à la Russie.
Dans l'affaire opposant le Soudan aux Émirats arabes unis, la CIJ rejette la demande en indication de mesures conservatoires du Soudan et ordonne que l'affaire soit rayée du rôle général. La Cour rappelle toutefois qu’il existe une distinction fondamentale entre la question de l'acceptation de la juridiction de la cour par les États et la conformité de leurs actes au droit international, qu’ils aient accepté ou non cette juridiction en vertu de l'article IX de la convention sur le génocide.
Le génocide a une définition juridique très précise, reposant sur l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe et caractérisée par 5 actes. Ainsi, les groupes politiques ne peuvent être concernés par la notion juridique de génocide.
La notion de crime contre l'humanité est mentionnée pour la première fois lors du procès de Nuremberg contre des hauts responsables nazis. L'article 7 du Statut de Rome de la CPI en donne une définition en énumérant des actes commis contre une population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique : meurtre, extermination, viol, torture, réduction en esclavage, déportation, crime d'apartheid… Son champ d'application est plus large que celui du génocide, tant pour les groupes de population visés que pour les actes commis. Ces actes ne sont pas forcément accomplis en temps de guerre.
La notion de crime de guerre est définie par l'article 8 du Statut de Rome de la CPI. On entend par crime de guerre :
- les infractions graves, en temps de guerre, aux conventions de Genève du 12 août 1949 (homicide intentionnel, torture, destruction et appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires, déportation…) ;
- les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux ou ne présentant pas un caractère international (viser intentionnellement des civils ou des humanitaires, bombarder ou attaquer des objectifs qui ne sont pas militaires, soumettre des personnes d'une partie adverse à des mutilations ou des expériences médicales…) ;
- les violations graves de l'article 3 commun aux conventions de Genève, qui stipule que les populations civiles et les combattants qui ont été mis hors de combat doivent être traités "avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue".
La notion de crime de guerre ne s'applique pas aux situations de troubles et violences internes à un pays, comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence.
La définition juridique de génocide apparaît en droit français en 1994, dans l'article 211-1 du code pénal : "Constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants :
- atteinte volontaire à la vie ;
- atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;
- soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;
- mesures visant à entraver les naissances ;
- transfert forcé d'enfants."
La définition est relativement similaire à celle donnée par l'article III de la Convention sur le génocide en ce qui concerne les actes. La définition en droit français élargit les groupes visés en ajoutant tout groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire. La notion de plan concerté se substitue à celle d'intention. Enfin, la définition du code pénal ajoute que le génocide peut aussi consister en "faire commettre" les actes qui en sont constitutifs.
Autre différence notable, par exemple avec le Statut de Rome, la définition de génocide dans le code pénal figure dans le titre "Des crimes contre l'humanité et contre l'espèce humaine". Le génocide en droit français est défini comme une catégorie de crime contre l'humanité.