Déclarations de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à Nice le 11 avril 2005 et à l'Assemblée nationale le 13, sur les conventions de transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales en application de la loi de décentralisation, concernant notamment le transfert des personnels non-enseignants (TOS) de l'Education nationale, et sur les "pôles de compétitivité".

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Circonstance : Réunion du Conseil général de Nice (Alpes-Maritimes) le 11 avril 2005. Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale le 13

Texte intégral

Ah ! Il y a de bons endroits pour parler de décentralisation... Monsieur le Président, Monsieur le Préfet, Mesdames Messieurs les parlementaires, Mesdames Messieurs les élus, Messieurs les Directeurs de services de l'Etat, Mesdames, Messieurs, j'écoutais Christian ESTROSI avec bonheur et amitié. Bonheur parce que j'ai senti que nous partagions cette conviction décentralisatrice qui est fondée sur l'audace, qui est fondée sur l'initiative, qui est fondée sur la liberté, qui n'est pas fondée sur le recroquevillement, le repli, mais qui est au contraire, ambitieuse tout en étant responsable.
Je voudrais vous remercier, Mesdames et Messieurs les élus des Alpes-Maritimes, d'avoir d'abord fait votre choix fiscal. Parce que cela, c'est un acte de responsabilité. Je pense que ceux qui, au moment où on lance la décentralisation, augmentent les impôts, en le voulant ou sans le vouloir jouent contre la décentralisation. Car la décentralisation, c'est un meilleur service pour le citoyen, parce qu'on est plus près du citoyen. Il faut évidemment apporter régulièrement la preuve au citoyen que son service est amélioré par la proximité ! Moi, je suis convaincu qu'au plus près du terrain, en voyant les difficultés, en écoutant les usagers, c'est comme cela qu'on fait de la gestion la plus performante parce qu'au fond la plus humaine. Je suis vraiment très respectueux du rôle de l'élu et notamment de la décision fiscale. Je pense que la décision fiscale est l'honneur de l'élu, parce que c'est une responsabilité difficile ; et que l'on est parfois obligé d'augmenter, l'on est obligé d'ajuster ses propres budgets et on prend la décision en fonction de ce qu'on attend de la décision. C'est une responsabilité et nous souhaitons, dans notre République, maintenant à organisation décentralisée depuis notre réforme constitutionnelle, nous souhaitons que les élus puissent assumer leurs responsabilités. Ce qui n'est pas élégant, puis-je dire pour être modéré, c'est de refuser d'assumer cette responsabilité. Je comprends qu'on augmente ses impôts. Mais quand on augmente ses impôts, on doit avoir l'honneur de son action et d'afficher ce que l'on fait en face de l'augmentation des impôts ! On ne fait pas de l'impôt, un mistigri en disant " c'est l'autre qui m'oblige " ! Chacun doit assumer ses responsabilités. Les citoyens ne s'y trompent pas. Les impôts portent toujours le nom de ceux qui les votent. Je voudrais vous remercier parce que vous avez cet état d'esprit - et j'y reviendrai tout à l'heure - qui est l'état d'esprit de la responsabilité et vous vivez dans les Alpes-Maritimes, la décentralisation à l'européenne, puisque aujourd'hui, en Espagne, en Italie, en Allemagne, dans un grand nombre de pays, nous avons des collectivités territoriales qui sont centralisées et qui ont des responsabilités pour apporter des services aux citoyens.
Le Président a parlé des coopérations et des conventions que nous pouvons ensemble développer. Nous allons signer tout à l'heure des conventions. La décentralisation et la loi de décentralisation sont, aujourd'hui, en voie d'application. Nous avons d'ores et déjà signé dans toute la France 160 conventions, départements et régions confondus, il y a plusieurs conventions par collectivité territoriale. Un certain nombre de collectivités territoriales refuse de signer des conventions. Cela les regarde. Chacun est libre. Il va de soi que, après la consultation de la commission " ad hoc ", les ministres concernés sortiront les arrêtés ministériels pour que la loi soit appliquée. Les conventions seront appliquées par arrêtés ministériels. Il va de soit que, quand on signe une convention, on a droit à l'avantage du signataire. J'ai bien entendu Monsieur le Président que, en ce qui concerne les TOS, notamment quand je vois la situation de l'Académie qui est la vôtre et le retard qui est le sien, il est clair que dans la convention, l'Etat se montrera généreux pour augmenter de l'ordre de 5 % la dotation globale de manière à ce que, comme toujours, ceux qui signent puissent avoir naturellement des avantages à coopérer ! Vous savez... (applaudissements), j'ai été élu régional 18 ans, j'ai présidé l'Association des régions de France, et comme Président du Conseil régional de Poitou-Charentes, je voulais être toujours le premier à signer. J'ai été le premier à signer " Université 2000 ", j'ai été le premier à signer mes contrats de plan ! Parce que je savais bien que le dernier qui signerait, c'est celui qui aurait l'Etat qui aurait le moins d'argent face à lui. Ce sont [ceux] qui signent tôt qui sont naturellement les bénéficiaires ! Mais c'est aussi le signe du dynamisme, et c'est plus le signe d'une collectivité qui s'affirme comme une force qui va et qui sait où elle va.
Alors, nous allons donc enclencher ce processus de décentralisation et donc, je souhaite vraiment que nous puissions l'engager avec, naturellement, cette logique qui est celle des compétences et notamment de cette clarification des compétences que nous avons apportées. J'ai une autre satisfaction, en venant dans les Alpes-Maritimes, c'est de voir tout à l'heure - le président me l'a donné - un document où j'ai vu, en première page, la photo du Président du Conseil général et la photo du Directeur de l'Equipement, tous les deux expliquant le transfert des rôles. Et donc, je crois que c'est une bonne coopération entre l'Etat et le département. Cela c'est, je pense, très important, parce que c'est cela le respect des uns et des autres ! Il est évident que nous sommes dans une situation dans laquelle l'Etat a ses missions ! L'Etat doit être respecté par les collectivités ! Et les collectivités respectent l'Etat mais l'Etat doit aussi respecter les collectivités. C'est ensemble qu'on agit. Je vous assure - j'ai une longue expérience de la vie territoriale - les territoires divisés sont des territoires affaiblis. Si l'on organise, d'une façon ou d'une autre, un conflit entre services et un conflit notamment entre les collectivités territoriales et l'Etat, on n'avance pas sur les grands projets de développement.
C'est, je pense, très important, de bien mesurer que la décentralisation ne crée pas un front, celui des collectivités contre l'Etat ! Nous sommes à l'intérieur de la même République. Mais la décentralisation, c'est l'hommage, l'honneur de la différence, de se dire " Ah oui, ! Les Alpes-Maritimes, c'est pas le Finistère, ce n'est pas non plus ni le Gers, ni la Haute-Vienne ! Donc c'est spécifique. Donc nous voulons être dans la République - avoir les devoirs et les droits de la République - mais qu'on soit reconnu en tant que tel avec notre littoral, avec notre montagne, avec notre population, avec notre démographie, avec... ce qui fait notre spécificité. " Et c'est cela, la décentralisation. C'est la République qui tient compte d'un certain nombre de différences. Ce n'est pas la somme des différences qui se prennent pour la République. Et la somme des Régions, ce n'est pas l'Etat ! L'Etat, il est là pour faire respecter la République et ses valeurs, et les collectivités territoriales pour permettre aux territoires de faire exister leur identité spécifique dans la République, mais aussi leur dynamique et leurs projets. C'est pour cela que nous avons besoin de travailler ensemble pour la réussite, notamment du transfert de routes.
Nous avons longtemps hésité pour savoir si les routes devaient aller au département ou à la région. Et Christian ESTROSI, à l'Assemblée nationale, avec la même énergie que vous lui connaissez à cette tribune, en jouant un peu des coudes ou du guidon, nous a expliqué progressivement que cela serait le département qui était le mieux à même de pouvoir gérer ce dossier. Et évidemment, puisque le département avait déjà des services techniques. J'ai bien entendu le message sur ce qui restait à régler comme progrès dans la décentralisation, à finaliser, notamment en ce qui concerne les équipes d'engineering. Ce que je partage. Il est clair que le département ayant déjà des services pour ce faire, le département était préparé. Et que l'idée même de notre décentralisation, c'est d'imiter un peu ce qui s'est fait dans l'Acte I qui décentralisait les compétences sans décentraliser les personnels. Nous voulons faire en sorte que naturellement, il y ait les acteurs qui soient opérationnels dans la nouvelle compétence, évidemment ! Parce que l'on a bien vu, avec les régions par exemple, que l'on a confié aux régions les lycées mais les personnels sont restés aux rectorats. Ce qui fait que les régions ont engagé des personnels en plus pour s'occuper de choses sans que ceux qui étaient dans les rectorats à l'époque puissent aller aux régions. Donc, il était important qu'on puisse faire ces transferts et qu'on les fasse en bonne intelligence. Cela, c'est un point très important pour les compétences du département.
Le département a de l'avenir en France. Le département est le pôle central de tout ce qui touche à la proximité, notamment - et vous l'avez administré ici de manière exemplaire avec votre contrat de plan départemental - notamment dans la relation commune-département. C'est un élément très important de notre organisation. La région, avec l'Etat, joue plutôt les rôles de cohérence, et le département avec la commune, le comité de commune, avec l'intercommunalité, joue plutôt la carte de proximité et le pôle de la proximité.
C'est pour cela qu'il n'est pas question de suppression des départements comme cela a été souvent évoqué. Nous avons stabilisé l'organisation dans notre pays. Le département, avec ses partenaires, les communes, en solidarité intercommunale, les départements ont notamment en charge tout ce qui concerne la proximité. C'est pour cela que, dans ces compétences-là, j'apprécie beaucoup ce qui a été fait ici de manière exemplaire. Je pense notamment au RMI, je pense notamment à des fonctions économiques d'attractivité, de mobilisation pour l'activité économique, c'est-à-dire la création de richesses. Sur le RMI, je sais que le RMI coûte au département plus cher que ce que nous avions pu prévoir qu'il coûte. Et donc au vu, comme l'a dit tout à l'heure le président, des comptes administratifs 2004, le gouvernement, à l'euro près, donnera une dotation au département pour le dépassement. C'est le respect de la parole donnée et notamment pour encourager les départements à mieux maîtriser et à bien maîtriser cette organisation de l'insertion professionnelle et à profiter des nouveaux dispositifs -je pense au contrat d'avenir, je pense au RMA, je pense à tous ce que sont ces contrats nouveaux qui conduisent la personne, éloignée de l'emploi, vers l'emploi par un véritable accompagnement.
Ces fonctions de proximité sont très importantes et je voudrais confirmer que nous sommes décidés à continuer dans cette logique. Mais il va de soi que ces compétences, notamment en ce qui concerne l'éducation, notamment en ce qui concerne donc les collèges, sont des compétences pour lesquelles l'Etat et la collectivité doivent entretenir des partenariats approfondis. L'éducation reste nationale. Il n'y a pas d'éducation régionale, il n'y a pas d'éducation départementale ! La fonction éducative, elle est nationale parce que nous sommes dans la République ! Mais quand il y a des problèmes matériels, des problèmes d'équipements, quand il y a ce besoin de proximité voire de sécurité, il est clair que la collectivité départementale quand il s'agit du collège est plus prête à agir, plus prête à entendre, plus prête à résoudre. C'est cela, la logique des compétences, et nous sommes très déterminés à ce que nous puissions aider, par un bon partenariat entre l'Etat et les départements, cette clarification des compétences qui fait que nous avançons avec un pôle départemental, maintenant, dont on voit bien les missions, missions très stratégiques, notamment liées à tout ce qui est la convivialité, à tout ce qui est la proximité.
Mais je suis très heureux de souligner, ici dans les Alpes-Maritimes, que la décentralisation, ce n'est pas seulement assumer les compétences qui sont celles confiées par la loi. C'est aussi prendre les initiatives pour les habitants, et notamment pour créer une identité publique à un territoire, pour lui donner envie de se mobiliser. La décentralisation, c'est une mobilisation ! Et s'il n'y a pas, au cur de chaque habitant, cet attachement à son territoire qui est tout à fait compatible avec l'attachement à la République, à la France, s'il n'y a pas cet attachement, cette fierté, naturellement il n'y a pas la mobilisation ! On ne se bat qu'avec des éléments de fierté, des éléments de réussite, des éléments d'innovation ! C'est pour cela que les décentralisateurs doivent être innovants, doivent donner aux habitants de la fierté ! C'est pour cela que je suis très heureux de voir qu'en ce qui concerne la lutte contre le cancer, sur un sujet pour lequel vous n'étiez pas, par la loi, en première ligne, vous vous êtes investis sur ce sujet qui est un sujet de principale préoccupation pour les Françaises et les Français ! La santé en général, et dans les préoccupations de la santé, la lutte contre le cancer est majeure, est prioritaire. Et vous avez su, grâce à votre partenariat avec l'Université, avec les dispositifs de recherche locaux, départementaux, régionaux, mais aussi nationaux, vous avez su organiser un partenariat et valoriser vos atouts. Donc, avec le professeur David KHAYAT, le président de l'Institut national du cancer, avec Pascale BRIANT, nous en discutions, il y a peu de temps, et nous avions bien compris qu'il fallait absolument que Nice soit dans le dispositif national. Alors, le moment venu, un jury va décider de l'implantation de l'Institut national du cancer, une personnalité va être chargée de cela. Mais nous avons bien entendu non seulement votre message mais surtout le travail qui a été réalisé, la mobilisation, les preuves, parce qu'il y a comme souvent dans l'action publique, les incantations -" nous voudrions, nous faisons "-. Là, le petScan, il est financé. C'est fait. Et cela, c'est très important. Il faut faire ! Il ne faut pas toujours réclamer, il faut montrer ! On a vu qu'il y avait des actions qui existaient dans la prévention ! Et on a vu que, sur les technologies notamment, et sur les investissements, on était capable de mobiliser les moyens et même d'aller chercher les compléments dans la réserve parlementaire réservée simplement aux excellents députés comme ils sont excellents dans ce département.
Je voudrais vous dire également que, sur ces logiques-là, ... c'est de faire en sorte que le département puisse mettre en réseau ses forces vives et donne un rayonnement extra-départemental et notamment national et international. C'est un élément très important de la mobilisation d'un territoire. Nous avons, aujourd'hui, besoin de Nice et des Alpes-Maritimes pour la valorisation des atouts de la France. C'est pour cela qu'on a choisi avec la DATAR, de faire ici, dans cette ville et ici dans ce département, ce pôle d'attractivité européenne, cette capacité à valoriser l'aspect " métropole européenne ". Parce que maintenant, nous allons être dans un territoire de 450 millions d'habitants ! Dans ce territoire-là, il va falloir de la lisibilité ! Nous avons besoin de l'attractivité de nos villes ! Notamment de tous ceux qui sont capables de parler au monde - parler à l'Europe - mais parler au monde, de ce qu'est la France ! Nice, son aéroport, l'ensemble des attractivités des Alpes-Maritimes font partie de l'attractivité de la France. Mais c'est vrai aussi de Lyon ! C'est vrai de Strasbourg ! C'est vrai de Lille ! Nous voulons que toutes nos métropoles à rayonnement international puissent être des lumières qui fassent qu'on remarque la France, quand on regarde l'ensemble du territoire des 25 pays, aujourd'hui, qui composent l'Union européenne. Nous avons besoin de valoriser notre territoire dans tous ses atouts ! Nous sommes dans une compétition de territoires ! Cette compétition nous oblige à chercher l'attractivité partout ! A attirer les entreprises, à valoriser les atouts partout ! Et cela demande la valorisation des réseaux. Et notamment ce que vous faites pour le pôle de compétitivité. J'ai bien vu les deux pôles de compétitivité, je serai très attentif, j'ai bien vu tout ce qu'il y avait de mobilisateur dans votre démarche. Ce qui est très significatif, et ce qui, en soi, est déjà une réussite, c'est la capacité que vous avez eu à faire travailler les gens ensemble. Et de faire en sorte que ce n'était pas une idée portée par une personne ou par une seule ville qui était valorisée. C'était un territoire qui mettait l'ensemble de ses forces vives et notamment qui mettait l'aspect scientifique, l'aspect technologique, l'aspect développement économique, l'organisation sociale, l'ensemble d'une mobilisation. C'est cela, un pôle de compétitivité. Et nous avons aujourd'hui reçu plus d'une centaine de candidatures au niveau national, véritablement de bons projets. Et nous voulons vraiment soutenir ces projets, on va trouver la manière pour qu'il n'y ait pas de déçus dans ces projets, quand le travail a été, comme cela, collectif, dynamique et de qualité parce que, en soi, déjà, la méthode révèle une capacité d'innovation et d'excellence que nous voulons saluer. Nous allons, dans les pôles de compétitivité, poursuivre cette dynamique, et je serai très attentif - ce sera avant l'été que nous allons décider cela - mais j'ai noté les dispositions qui étaient celles [sic] et les propositions qui étaient celles de votre département et de l'ensemble des partenaires qui étaient ainsi mobilisés. Enfin, je voudrais dire que pour les grandes infrastructures, nous avons aussi besoin de faire en sorte qu'on puisse accrocher toute l'attractivité des Alpes-Maritimes à l'ensemble de l'attractivité du pays. C'est pour cela que sur le TGV, sur le contournement, sur le tunnel mon cher José, sur un certain nombre de grands sujets qui sont importants, je considère qu'ils sont d'intérêt national. C'est comme cela qu'il faut que nous puissions valoriser notre espace France, notre territoire France. Ce n'est pas en concentrant tout sur notre capitale nationale, bien sûr, qui doit avoir son rayonnement, mais c'est en ayant partout en France des pôles d'attractivité, en cohérence, reliés par des liaisons rapides, que nous pouvons dynamiser notre territoire. Nous avons aujourd'hui des capacités, notamment d'attractivité scientifique pour le Sud de notre pays -et on le voit avec Sophia-Antipolis, on le voit pour un certain nombre de projets aujourd'hui y compris entreprenariaux, 7.000 entreprises créées- on voit donc qu'il y a une attractivité. Cette attractivité, elle est bonne pour les Alpes-Maritimes, mais elle est aussi bonne pour la France, " donnant donnant, gagnant gagnant ".
C'est pour cela que nous voulons ensemble investir dans ce qui doit être pour nous une véritable ambition de l'intelligence pour notre pays. Je compte sur le Sud et sur ce que vous représentez pour participer à cette force d'attraction pour l'intelligence européenne mais aussi internationale, pour pouvoir localiser en France le plus possible de créateurs. L'avenir de la France, c'est dans la valeur ajoutée, c'est dans l'innovation, c'est dans l'intelligence, c'est dans la création, c'est dans l'audace, c'est dans cette capacité de générer cette valeur humaine ajoutée qui nous permettra d'être attractifs et d'être en compétition. Aujourd'hui, on voit le monde s'organiser entre grandes forces continentales ! On voit la grande force du Canada, de l'Amérique et du Mexique réunis dans l'ALENA, on voit la grande force, aujourd'hui avec, autour de la Chine, un potentiel de croissance extraordinaire, d'autres forces dans le monde sont en train de bouger. Nous avons besoin de bouger dans l'espace européen. Nous bougeons avec le projet européen qui est devant nous, mais nous ne pourrons bouger en faisant en sorte que la France soit forte que si nous sommes des territoires attractifs et notamment attractifs pour toutes les forces de la création. Cela veut dire un pays décentralisé qui libère ses énergies, cela veut dire aussi des territoires qui, comme tu le disais tout à l'heure mon cher Christian, cherchent plus l'audace, la création, l'initiative que le conflit et qui cherchent à surmonter notamment les excès de bureaucratisation qui fragilisent toute société complexe. Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous avons fait une réforme de la Constitution, pour que notre République se renforce par sa décentralisation ! Il ne s'agit pas, en ce qui concerne la France, d'un émiettement, d'une portion ! La région n'est pas une nation, en France ! La région est un échelon ! Le département est un pôle très important de développement et de proximité ! C'est avec ces pôles-là que notre pays peut faire face à ses défis.
Vouloir nier cette réalité c'est ne pas voir que la société est de plus en plus complexe, que chaque citoyen peut être traité pour ce qu'il est, pour sa différence, et qu'on ne veut pas aujourd'hui que les relations humaines soient des relations qui soient des relations automatisées ! On veut qu'on puisse reconnaître la différence de chacun, la spécificité de chacun ! " Ah oui, j'habite les Alpes-Maritimes. Ah oui, mais dans les Alpes-Maritimes, j'habite plutôt telle commune. Ah oui, mais dans cette commune, j'habite au nord ! Ah oui, mais dans le nord, je suis dans telle rue, et puis dans cette rue je suis du côté pair et puis il ne faut pas qu'on me confonde avec le côté impair ! ". Chacun veut systématiquement, je suis bien sûr que dans les Alpes-Maritimes, c'est comme dans le Poitou, chacun appartient au collectif, mais chacun défend qui Grasse, qui Antibes, qui d'autres territoires qui ont tous naturellement leur excellence et leur importance. Mais ce qui compte, c'est la capacité de pouvoir libérer toutes ces énergies, mais de les fédérer et de faire en sorte qu'au niveau du pays, on soit capable d'avoir une stratégie internationale, mais de traiter les problèmes du citoyen au plus près du citoyen pour rester humain. A chaque fois que notre société a joué le gigantisme, à chaque fois qu'elle a joué vraiment des structures qui perdaient la dimension humaine, elle s'est éloignée de la dimension humaine et elle a généré l'incompréhension et les tensions. C'est pour cela que la décentralisation est une perspective d'avenir parce qu'elle permet d'humaniser la société. C'est pour cela, je voudrais vraiment vous remercier parce que, par vos initiatives, par les conventions que nous allons maintenant signer, par la politique fiscale que vous avez fait[e], vous donnez à la décentralisation une dimension qui n'est pas celle d'être une procédure, mais qui est celle d'être une ambition. Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 18 avril 2005)
[Réponse à une question de Bernard Derosier, député (PS) et président du Conseil général du
Nord, à l'Assemblée nationale le 13 avril 2005]
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
La loi sera respectée par tous les départements, et ce n'est pas un président de département qui peut se mettre en dehors de la loi. Il y a une République et une loi républicaine.
Alors, il y a quelque chose que je ne peux accepter. Je connais bien les processus de décentralisation. Quand j'étais président de région, j'ai été le premier à signer avec L. Jospin la convention Université 2000. J'ai été le premier à signer le contrat de plan avec Mme Voynet. J'ai été le premier à signer le contrat de plan avec E. Balladur et C. Pasqua. Pourquoi ? Parce que quand il y a convention, il y a négociation. Et tous ceux qui se mettent en dehors de la négociation se mettent en dehors de la défense des intérêts de ceux qu'ils représentent.
Nous sommes dans une décentralisation républicaine. C'est donc une négociation entre l'Etat et les collectivités territoriales. Vouloir faire de la décentralisation un coup contre l'Etat, ce n'est pas être fils de Defferre, ce n'est pas être fils de Mauroy, c'est vouloir diviser les Français. Le contrat, la convention, c'est une négociation. Aux départements, aux régions, qui ont engagé le processus de négociations, je dis que l'Etat est attentif, que l'Etat est ouvert, et que naturellement, quand l'Etat constate sur le terrain un certain nombre de situations, qui sont des situations déficitaires, anormales, de dysfonctionnement, l'Etat se doit de corriger pour que, dans la République, tout le monde soit traité de la même façon. Mais naturellement, l'Etat ne peut discuter qu'avec ceux qui sont autour de la table.
Donc, je fais respecter la loi républicaine. Il n'y a pas d'avantages pour les uns, d'inconvénients pour les autres. Il y a simplement cette responsabilité coupable qui est prise par un certain nombre de collectivités territoriales, qui veulent faire de la décentralisation un affrontement avec l'Etat. Ce n'est pas ça l'esprit de G. Defferre, ce n'est pas l'esprit de l'acte 2 de la décentralisation. Et ainsi, vous vous trouvez dans la situation où vous contestez les bienfaits du contrat. Il va de soi que ceux qui défendent la République, que ceux qui défendent le droit, ne peuvent que défendre le contrat, et féliciter ceux qui négocient bien dans l'intérêt de leurs habitants, des conventions pour leur département.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 avril 2005)