D'ici 2040, les plastiques à usage unique vont être interdits en France. C'est ce que prévoit la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Cette interdiction va induire des changements dans les modes de consommation et de production en France. Elle est l'aboutissement d'un long processus et d’une vaste prise de conscience relative aux enjeux environnementaux.
Changer la façon de produire et de consommer
Du plastique à usage unique au plastique recyclé
Le plastique à usage unique se définit simplement : il ne peut être utilisé qu’une seule fois avant d’être jeté. La loi du 10 février 2020 met l’accent sur le traitement des déchets, notamment plastiques.
Afin de favoriser la réduction, le réemploi, la réutilisation et le recyclage des emballages plastiques à usage unique, des mesures ont été définies par décret avant le 1er janvier 2022. Précisons que d'après l'article L541-1-1 du code de l'environnement, le réemploi désigne "toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus", et la réutilisation "toute opération par laquelle des […] produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau". Centrées sur la production du plastique et sur le tri, les mesures ont pour but de :
- mieux concevoir le matériau pour qu’il soit systématiquement recyclable ;
- faciliter sa collecte grâce de nouveaux dispositifs (la consigne, par exemple) ;
- favoriser l’incorporation du plastique recyclé dans les nouveaux objets produits.
De multiples objets de la vie courante peuvent être fabriqués avec du plastique recyclé. Ainsi, les bouteilles et flacons en plastique transparent, une fois recyclés, peuvent fournir de la fibre textile servant au rembourrage des couettes, des sacs de couchage et des peluches. À partir de sept bidons de lessive, on peut confectionner un siège auto pour enfants, et avec six pots de yaourt, un cintre.
Emmanuel Macron a pris l'engagement, durant la campagne présidentielle, de parvenir à 100% de plastiques recyclés d’ici 2025. Cependant, la France accuse un retard dans ce domaine. Avec un taux proche de 26% en 2016 – selon une étude de PlasticsEurope, association professionnelle des producteurs européens de plastiques –, elle se situe loin derrière ses voisins européens : l'Allemagne (50%), le Royaume-Uni (46%), l'Espagne (45,4%) et l'Italie (41%). Ce faible score s’explique à la fois par le coût élevé du recyclage comparé au coût de production initial, et par le taux trop bas d’emballages triés par les consommateurs. Un dispositif de consigne inspiré du modèle allemand est notamment envisagé : le consommateur ayant rapporté ses emballages à la borne de collecte se verrait récompensé par un bon d'achat ou la possibilité de faire un don à une association.
Outre ses objectifs en matière de recyclage, la France a pris diverses mesures pour tenter de mettre fin au plastique à usage unique.
Des interdictions effectives et d'autres à venir
Le sac plastique à usage unique est devenu, au début de la décennie 2010, le symbole de l’impact environnemental de la grande distribution. Utilisés en général quelques minutes, ces sacs mettent plusieurs centaines d'années à se dégrader et peuvent être ingérés par les animaux marins et les oiseaux. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a mis un terme à leur distribution, en deux temps :
- dès le 1er juillet 2016 : ils disparaissent aux caisses des magasins, au profit de sacs en plastique réutilisables ou de sacs en papier, en carton et en tissu ;
- à partir du 1er janvier 2017 : l'interdiction s'étend aux sacs destinés à emballer des marchandises en rayon (fruits et légumes, poisson…).
Ces décisions ont été les prémices d’un ensemble de mesures visant la disparition totale du plastique à usage unique. Comme l'a prévu la loi “agriculture et alimentation” (ou “loi Égalim”) du 30 octobre 2018, plusieurs objets ne peuvent plus être proposés à la vente depuis le 1er janvier 2020 : la vaisselle jetable (gobelets vendus vides, assiettes) et les cotons-tiges en plastique. De même, les bouteilles d’eau plate en plastique sont interdites, depuis cette date, dans les services de restauration scolaire. En 2021, le premier décret "3R" quinquennal a fixé les objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage des emballage en plastique à usage unique pour la période 2021-2025.
L'objectif est d'imposer d'ici 2040 une réglementation pour l'ensemble des objets du quotidien composés de plastique (tubes de dentifrice, bidons de lessive…). Certains ont été d'ores et déjà bannis :
- au 3 juillet 2021 : certains produits plastiques à usage unique ne doivent plus être mis sur le marché européen : les pailles, assiettes, les couverts jetables, les bâtonnets mélangeurs de boisson, les couvercles de gobelets à emporter, les contenants en polystyrène (du type boîte à kebab), les piques à steak, les tiges pour ballons, les confettis en plastique, les emballages pour les fruits et légumes de moins de 1,5 kg et tous les objets en plastique oxo-dégradable. Ce dernier, souvent présenté comme une alternative écologique, n'est ni assimilable par les micro-organismes, ni compostable ; sous l'effet de la lumière ou de la chaleur, il se fragmente en micro-particules qui se dispersent dans l'environnement et contaminent la chaîne alimentaire. La distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public (ERP) et les locaux professionnels a été également interdite à cette date. Ces petits objets du quotidien constituent des déchets nocifs pour l’environnement. Ils ont des répercussions négatives sur l'économie (tourisme, pêche...) et ils mettent souvent plusieurs siècles à se décomposer ; pour d’autres produits en plastique, comme les bouteilles, les sacs à usage unique, les filtres à tabac, les lingettes humides … des mesures diverses s’appliquent (en matière d'étiquetage et de conception, de régimes de responsabilité élargie des producteurs selon le principe du pollueur-payeur et de campagnes de sensibilisation) ;
- au 1er janvier 2022 : les sachets de thé en plastique et les jouets en plastique distribués gratuitement dans les fast-foods. D’autres mesures visant à réduire l’utilisation des bouteilles d’eau en plastique ont été prises. Les établissements recevant du public (ERP) doivent désormais s'équiper d’au moins une fontaine à eau ;
- au 1er janvier 2023 : la vaisselle jetable dans les fast-foods, est remplacée par des récipients réutilisables ;
- au 1er juillet 2023 : tout commerce de détail doit exposer à la vente ses fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé de matière plastique. 29 produits sont exclus de l'interdiction par le décret n° 2023-478 du 20 juin 2023 ;
- au plus tard au 1er janvier 2025 : seront bannis les emballages constitués de polymères ou de copolymères styréniques, non recyclables ; les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffage et de service en plastique, dans certains services de santé et en restauration scolaire et universitaire, pour les collectivités territoriales de 2 000 habitants et plus.
Ces interdictions ont aussi pour but d’inciter les consommateurs à être plus respectueux de l’environnement, y compris lors de leurs achats. L'achat d’aliments en vrac est appelé à se développer. Toutefois, la fin des emballages plastiques nécessite un changement plus vaste. Ils permettaient, par exemple, de conserver assez longtemps certains aliments comme les produits laitiers ou la viande. Des commerces de proximité délaissés par des clients qui leur préfèrent par commodité les grandes enseignes pourraient tirer profit des décisions concernant le plastique. De même, lorsque cela sera possible, d’autres matériaux remplaceront le plastique, en particulier le verre pour les bouteilles ou les pots de yaourt. Enfin, les consommateurs devront s’adapter à de nouveaux produits dans les cas où la suppression de l’emballage plastique signifiera la disparition totale d’un article (le dentifrice liquide, par exemple).
La fin du plastique jetable, fruit d’un long processus
Des effets néfastes pointés du doigt
L’opinion publique est de plus en plus mobilisée sur la question de la pollution plastique, notamment des océans. Les campagnes d’alerte commencent à avoir un fort impact sur la population au niveau national, européen et international.
Pollution plastique : vers un traité international contraignant sur terre et sur mers
175 pays se sont réunis du 13 au 19 novembre 2023 à Nairobi (Kenya) pour mener une troisième série de négociations sur un traité international contraignant contre la pollution plastique. Les pourparlers doivent se conclure en Corée du Sud fin 2024. L'objectif est la mise en place d'obligations et de mesures de contrôle sur l'ensemble du cycle de vie des plastiques.
Un rapport parlementaire du 4 décembre 2019 portant sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique exprime de vives inquiétudes. Exposant les consommateurs à des substances susceptibles d’altérer le fonctionnement du système hormonal, le plastique constitue un danger, particulièrement pour les personnes les plus fragiles comme les femmes enceintes, allaitantes et les enfants en bas âge. Le rapport souligne que les additifs présents dans les récipients en plastique, que ces derniers soient alimentaires, pharmaceutiques ou cosmétiques, migrent vers le contenu. Ces additifs ont un lien réel avec des pathologies graves. Le rapport insiste donc sur "l'urgence à agir", au nom du principe de précaution. Appliquant une loi du 24 décembre 2012, la France a certes interdit dès le 1er janvier 2015 le bisphénol A dans les contenants et ustensiles alimentaires. Selon le rapport, il faut aller plus loin en interdisant les conditionnements alimentaires en plastique à usage unique, en raison des effets toxiques de cette substance, qui peuvent se répercuter sur plusieurs générations.
Une action au niveau européen
En janvier 2018, l'Union européenne (UE) a lancé sa première stratégie sur les matières plastiques. Elle vise à :
- rendre tous les emballages en plastique sur le marché de l'UE recyclables d'ici 2030 ;
- réduire la consommation de plastiques à usage unique ;
- limiter la consommation intentionnelle de microplastiques.
Dans le cadre de cette stratégie, l'UE a adopté, le 5 juin 2019, une directive relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l'environnement. Cet acte législatif interdit la mise sur le marché de divers produits en plastique à usage unique dès le 3 juillet 2021. Il fixe aux États membres un objectif de collecte de 90% des bouteilles en plastique d'ici 2029. Les bouteilles commercialisées dans l'UE devront contenir au moins 25% de plastique recyclé en 2025, et 30% en 2030. De plus, les entreprises du secteur du tabac financeront le ramassage et le nettoyage des mégots de cigarettes jetés dans la rue. Les États doivent transposer au niveau national les dispositions de cette directive avant juillet 2021.
En 2021, l’Union européenne (UE) a introduit aussi une nouvelle "ressource propre fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés" produits par les États membres. Dans une publication du 16 septembre 2024, la Cour des comptes européenne, examinant l'introduction de cette "taxe plastique", souligne toutefois qu'elle ne s'est "pas déroulée sans heurts". Selon le rapport, aucun contrôle n'est mené pour s'assurer que les déchets reçus par les recycleurs sont effectivement transformés en d'autres produits. Pour la plupart de ces matières plastiques il n'existe ainsi "pas de débouché commercial viable" et donc aucune incitation économique à leur recyclage.
Et à l'échelle nationale
La France a adopté en février 2020 la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Plusieurs de ses dispositions portent sur le plastique à usage unique, qui doit disparaître d'ici 2040 :
- le renforcement du principe du pollueur-payeur, selon lequel le fabricant ou le distributeur d’un produit est aussi responsable de sa fin de vie ;
- un système de consigne des bouteilles en plastique en vue de leur recyclage ;
- des mesures encourageant la vente en vrac.
La loi AGEC a fait de l'année 2023 une année charnière pour le devenir de la politique de prévention et de gestion des déchets d'emballages. Publié en juillet 2023, un rapport intitulé "Réduction, réemploi et recyclage des emballages : sortir du statu quo", le Sénat a critiqué "les retards accumulés par la France, tant en matière de prévention que de collecte et tri pour recyclage".
Certains ont jugé trop long le délai fixé par la loi française pour mettre fin au plastique à usage unique. Les autorités publiques se sont défendues en expliquant qu’il faut se laisser du temps pour transformer les habitudes des Français et pour éviter de bouleverser trop brutalement l’économie du plastique. Ce secteur emploie 132 000 salariés, selon le Panorama de la plasturgie et des composites 2020-2021. C'est pourquoi les mesures prévues sont mises en œuvre progressivement.
Plus récemment, en mai 2024, un premier bilan de la loi AGEC affiche un bilan mitigé concernant l'objectif de mettre fin à la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. En effet, les tonnages d’emballages en plastique à usage unique mis sur le marché (ménagers et professionnels) ont par exemple augmenté de 3,3% entre 2018 et 2021 alors qu’ils auraient dû être réduit de 20%.