Texte intégral
Introduction :
Au cours des premières lectures de ce projet de loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes, j'ai pu constater, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qu'il existait un très large accord sur l'objet principal de ce texte qui est d'améliorer les droits des citoyens mis en cause par la justice.
Sur tous les bancs existe en effet la volonté de permettre à toute personne mise en cause par la Justice de faire valoir son point de vue et de se défendre en bénéficiant d'armes égales à celles de l'accusation.
Mais nous avons des discussions, quelque fois des divergences, sur les moyens de parvenir à cet objectif.
Pour clarifier notre débat, éviter les malentendus, les faux-semblants et les non-dits, je vais vous rappeler le raisonnement qui m'a conduit à effectuer les grands choix qui structurent ce projet de loi.
Quel que soit le pays, quel que soit le système procédural, dans toutes les démocraties, les procédures pénales connaissent des temps identiques, des phases essentielles, je dirai même des points de passage obligés, soit dans l'ordre logique :
- la recherche et la connaissances des faits constitutifs d'une infraction pénale,
- la mise en cause d'une personne,
- la rétention de cette personne, pour les besoins de l'enquête,
- les investigations,
- la notification de charges,
- l'éventualité de la détention avant le jugement,
- le procès
- enfin le jugement. Celui ci est l'aboutissement du processus, il est le but pour lequel les autres phases préalables sont conçues : elles n'ont de justification que parce qu'elles préparent le jugement qui est le résultat, la synthèse et la justification de la procédure.
L'objectif de toute procédure pénale est d'organiser et de mettre en oeuvre ces phases incontournables, dans le respect du nécessaire équilibre entre la protection des droits des personnes mises en cause, d'une part et l'efficacité de l'enquête, d'autre part.
Je parlerai peu du procès lui même qui fait l'objet de peu de critiques, en tout cas sur les dispositions législatives qui l'encadrent, même si la conduite de certains procès est quelque fois contestée. Je mentionnerai cependant une avancée considérable puisque cette deuxième lecture devrait, je l'espère, permettre un accord sur l'appel des verdicts de la cour d'assises. Beaucoup d'entre vous ont en première lecture défendu avec force cette idée - je pense à Raymond FORNI, à Jacques FLOCH, à Christine LAZERGES et bien sur à Catherine TASCA. Je vous avais indiqué que j'y étais favorable et que je proposerai un appel de la cour d'assises dés lors que deux conditions seraient remplies : d'abord qu'émerge un accord sur un système d'appel tournant, moins couteux en moyens humains que le système prévu par mon prédécesseur sur la base du rapport DENIAU, à condition aussi que je puisse obtenir les postes supplémentaires en magistrats nécessaires à un tel projet. Ces deux conditions me paraissent remplies. Je suis donc très heureuse de pouvoir proposer d'instaurer l'appel tournant du verdict des cours d'assises.
Ces remarques étant faites sur le procès lui même, j'insisterai surtout sur l'enquête parce que c'est la phase la plus sensible où tout se joue, se décide. C'est cette phase qui a été au coeur de toutes les réformes récentes de la procédure pénale, tant en France qu'à l'étranger. C'est ce moment qui est au centre du projet de loi qui est débattu aujourd'hui.
Dans la phase d'investigation, trois principes fondamentaux m'ont guidée.
Premier principe : L'enquête doit être menée et contrôlée par un magistrat et non laissée à la seule initiative de la police.
Ce choix majeur constitue une différence radicale avec la procédure anglo-saxonne de type accusatoire.
En effet, dans les pays de droit anglo-saxon l'enquête est totalement confiée à la police qui agit seule et dispose de larges pouvoirs d'initiative. C'est elle, par exemple, qui décide du placement en garde à vue, sans en référer à une autorité. C'est elle qui dirige et effectue seule l'enquête pendant toute la phase des investigations.
C'est elle qui peut, sans contrôle d'un juge, contrairement à une idée fausse très répandue, décider d'une perquisition au domicile d'une personne qu'elle vient d'arrêter, même sans l'accord de cette personne. Enfin, c'est elle, privilège déterminant pour la suite de la procédure, qui décide de l'opportunité de la poursuite de l'enquête. La police dispose ainsi d'un large pouvoir, celui de classer une affaire et de ne jamais en rendre compte à une autorité, judiciaire ou autre d'ailleurs.
C'est bien d'ailleurs pour pallier ces défauts qu'au Royaume Uni, en 1985, a été institué le "Crown Prosecution Service". Ce service, qui n'est saisi que des affaires que la police n'a pas classées, est composé de fonctionnaires et n'a rien à voir avec un parquet à la française. Il n'a pas le pouvoir initial de classement et dépend en cela de la police, il ne la dirige pas et ne peut la dessaisir. Ces faiblesses sont d'ailleurs toujours soulignées en Grande Bretagne, où le débat public sur ce point est très ouvert.
En France, vous le savez, la mission de contrôle et de direction de la police judiciaire est confiée à un magistrat : soit le procureur de la République, comme le rappelle les articles 12 et suivants du code de procédure pénale, soit le juge d'instruction, comme le prévoit les articles 151 et suivants du même code.
En ce qui concerne le procureur de la République, la décision sur les suites des investigations, l'opportunité des poursuites, est exclusivement réservée à ce magistrat, en aucune manière à la police. Cette opportunité des poursuites s'exerce, bien évidemment, dans le cadre des directives de politique pénale adressées au parquet, par le garde des sceaux.
C'est le magistrat, procureur, ou juge d'instruction qui dirige, effectivement, la police judiciaire et donne des instructions précises pendant les enquêtes sur le choix des investigations, celui des personnes à interpeller et à lui présenter. C'est le magistrat qui est avisé, dès le commencement de la garde à vue, qu'il peut contrôler et à laquelle il peut mettre fin et dont il autorise la prolongation. Sans ce magistrat, la police ne peut voir aboutir ses investigations. C'est le magistrat qui prend les décisions essentielles.
Je suis convaincue qu'au regard des libertés individuelles, des garanties personnelles, il est préférable que les orientations essentielles de l'enquête, dès son début et à tous ses stades soient confiées à un magistrat. Pour une raison simple : son statut garantit au justiciable son impartialité.
Deuxième principe : le magistrat chargé de l'enquête doit être le juge d'instruction pour les affaires les plus importantes, les plus graves, les plus complexes.
Dans tous les pays, les affaires les plus délicates bénéficient d'une attention particulière. Nous n'échappons pas à cette régle. En France le procureur est saisi, au départ, de l'ensemble des procédures et c'est lui qui décide de confier les plus graves à un juge d'instruction.
Sur le juge d'instruction :
On voit donc qu'il existe une complémentarité forte, garantie essentielle des libertés, entre le parquet et le juge d'instruction. Cette dualité n'est pas source de confusion, comme je l'entends parfois dire. Elle est une garantie supplémentaire pour les justiciables puisqu'elle met en place une double clé, un double regard : l'un ne peut rien faire sans l'autre. Le procureur de la République saisit le juge d'instruction et ne conduit donc plus l'enquête. Le juge d'instruction conduit l'enquête sans pouvoir se saisir seul, ni étendre sa saisine sans acte du parquet.
Certains proposent de supprimer le juge d'instruction et de laisser au parquet, seul, la conduite de toutes les enquêtes y compris dans les affaires les plus sensibles et les plus complexes. En quoi serait-ce une garantie supplémentaire ? J'estime qu'il serait moins protecteur des libertés individuelles de concentrer dans les mêmes mains, le pouvoir de choisir les faits qui seront poursuivis et les modalités de cette poursuite, le pouvoir de déterminer le périmètre des investigations et celui de leur choix.
Je remarque qu'une telle concentration des pouvoirs, de saisine et d'investigations serait d'autant moins souhaitable, qu'en l'absence de vote de la réforme constitutionnelle sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, les textes ne donnent pas aux procureurs les garanties de pouvoir mener leurs enquêtes sans pression du pouvoir politique. Les magistrats du parquet demeurent, pour leur carrière, privés de garanties de nomination. Certes, ma pratique fait que depuis deux ans et demi, dans les faits, ces garanties existent. Mais tant que les textes - la Constitution en particulier - ne consacreront pas cette pratique de non intervention dans les affaires individuelles et de respect absolu des avis du Conseil Supérieur de la Magistrature, il est à mes yeux inconcevable de retirer la conduite des enquêtes graves ou complexes aux juges d'instruction pour la confier au parquet. Car comment assurer les garanties dues aux justiciables quand la personne qui décide des infractions retenues, des moyens de l'enquête et des suites qu'il convient de lui donner, n'a pas les garanties d'indépendance que requiert un tel pouvoir ?
Mais même cette condition remplie, le gouvernement opte résolument pour le maintien du juge d'instruction. Il s'agit d'un magistrat du siège indépendant. Il me semble sain pour notre démocratie que les procédures les plus lourdes soient confiées à un magistrat du siège, comme tel pleinement indépendant. Il ne peut pas s'auto-saisir. Ainsi il existe entre lui et le parquet un système de contre poids et de double clef, qui est une garantie fondamentale pour le justiciable.
Sur les autres affaires sans juge d'instruction :
En France, comme ailleurs, une majorité d'enquête est conduite sans juge d'instruction. Dans ces affaires simples, où le suspect est renvoyé devant une juridiction de jugement, les garanties sont maintenues car la mission du parquet est de saisir un magistrat du siège et il ne peut jamais traiter une affaire seul. Pour conduire à son terme une affaire, le magistrat du parquet doit saisir une juridiction.
On voit donc, que dans ces affaires simples, comme dans les affaires complexes, la dualité du parquet et des magistrats du siège présente une garantie pour le justiciable.
Je rappelle également que le projet de loi prévoit de nombreuses dispositions pour que dans les affaires qui ne sont pas confiées au juge d'instruction, les droits des citoyens sont également améliorés : inscription dans un article préliminaire des principes fondamentaux, droit à la présence d'un avocat dés le début de la garde à vue, contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, égalité des armes à l'audience dans toutes les affaires, protection de l'image des personnes menottées.
De surcroît, le parquet ne dispose pas, et cela me semble essentiel, contrairement à certaines procédures étrangères, du pouvoir de négocier la peine ou la qualification des faits. Ces deux éléments appartiennent dans notre droit, aux seuls magistrats du siège. Ce sont eux qui décident librement, de la peine et de la qualification retenue, sans marchandage préalable.
Certes le parquet choisit les faits et le type de procédure, mais il ne choisit pas la peine. Cette séparation me semble fondamentale : là aussi les deux acteurs sont complémentaires et les garanties d'égalité de tous devant la justice plus fortes.
Cette dualité que je propose n'est pas source de confusion. Elle est au contraire une garantie supplémentaire, car ce dialogue entre les magistrats, parquet et siège, organise des contre pouvoirs qui s'équilibrent.
Troisième principe : L'enquête du juge d'instruction doit être encadrée par des régles très strictes qui donnent un plus grand rôle à la défense d'une part, et qui d'autre part confient à d'autres juges un pouvoir de contrôle des moments essentiels de l'enquête:
a/ Le rôle de l'avocat est considérablement renforcé par le projet de loi :
Certains auraient souhaité que l'avocat ait le même rôle que dans la procédure anglo-saxonne. Voyons donc quel est ce rôle. Le projet de loi augmente considérablement le rôle de l'avocat : présence accrue en garde à vue, possibilité de demander des actes au cours de la procédure.
Dans le système anglo-saxon où l'enquête est confiée à la police qui établit l'accusation, il revient à la défense de mener une contre enquête, les oppositions entre les deux se découvrant à l'audience. Ce système est trop inégalitaire : pour mener une contre enquête de type privé il faut d'importants moyens pour entrer en concurrence avec ceux de la police de l'Etat. Tous les justiciables ne disposent pas de ces moyens.
Là encore, je crois que notre système procédural, à condition de le perfectionner est meilleur et plus protecteur des libertés que la procédure accusatoire.
Par exemple, en ce qui concerne la garde à vue , il convient de rappeler que dans la loi, la police, en Grande Bretagne, doit permettre la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue. Mais si elle estime, que la présence de l'avocat est de nature à favoriser la destruction de preuves, elle peut la refuser quel que soit le type d'infraction. Je rappelle que notre projet de loi, au contraire permet la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue et ne prévoit d'exceptions que dans un nombre limitativement énuméré de cas, prévus par la loi. Le système que nous proposons est donc la encore pour la garde à vue plus protecteur.
En ce qui concerne les investigations, deux options sont possibles : où bien, dans la procédure accusatoire, accusation et défense s'affrontent devant un juge qui doit les départager; où bien, c'est notre système procédural, un magistrat instruit, au nom de l'Etat, à charge et à décharge.
b/ Toute la question est de savoir si les juges d'instruction sont dans un système qui leur permet vraiment d'instruire à charge et à décharge. C'est pourquoi, nous proposons de faire du juge d'instruction un juge arbitre impartial, en confrontant l'action de ce magistrat à d'autres juges, juge de la détention provisoire et chambre d'accusation et en donnant aux avocats la possibilité de demander des actes d'instruction.
Mais alors on se demande si une même personne peut instruire à charge et à décharge ? Est-ce possible ? Je comprends ceux qui ont de telles interrogations. Personnellement je crois que oui, les juges d'instruction peuvent le faire et les garanties que nous proposons les mettent en meilleure situation d'y parvenir. J'ai confiance dans la capacité des magistrats instructeurs à utiliser ces nouvelles possibilités qui leur sont données pour instruire à charge et à décharge.
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Vous voyez donc les raisons pour lesquelles le Gouvernement a opté pour le maintien du cadre procédural français tout en accroissant les garanties apportées aux citoyens tout au long de l'enquête, par un aménagement en profondeur de la procédure pénale. Je remarque d'ailleurs que le Parlement, dans ses deux chambres, a choisi de conforter notre système lors de l'examen du texte en première lecture, et je m'en réjouis.
Je viens de vous rappeler les choix essentiels qui ont conduit à l'élaboration de ce projet de loi. Ces choix découlent d'une réflexion, d'une analyse de la réalité du fonctionnement judiciaire (un texte n'est rien sans l'adhésion de ceux qui ont vocation à l'appliquer), mais aussi de la prise en compte de notre histoire, c'est à dire de la possibilité pour les acteurs de s'impliquer dans la réussite et l'application de la réforme.
Notre projet constitue donc une réforme profonde de notre procédure pénale et conduira à des améliorations essentielles.
I - Je vous rappellerai d'abord les grandes lignes du projet initial, que j'ai présenté en Conseil des Ministres le 16 septembre 1998 : en reprenant le déroulement logique de l'enquête, de l'arrestation jusqu'au jugement.
1- Sur les délais de l'enquête préliminaire :
Les enquêtes préliminaires durent souvent trop longtemps. Par définition, elles sont conduites par la police sous le contrôle du parquet, sans possibilité pour les personnes en cause de pouvoir accéder à la procédure ou intervenir sur leur durée. Il convenait de limiter la durée de ces enquêtes, dans lesquelles des personnes mises en cause et livrées, quelque fois à l'opinion publique, attendaient des mois de connaître les suites données à leur affaire.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer, c'est une première, un contrôle de la durée des enquêtes, par le président du tribunal de grande instance, dans les mois qui suivent une mesure de garde à vue.
2- Sur la garde à vue :
La garde à vue est une mesure grave qui est, souvent la première atteinte à la présomption d'innocence. Je rappelle qu'elle concerne chaque année plus de 400 000 personnes. La loi du 04/01/93 apportait déjà des améliorations en permettant la présence de l'avocat, à la 20° heure. Le Gouvernement a souhaité renforcer ce contrôle en permettant à l'avocat de prendre contact avec la personne retenue dès le début de la garde à vue.
3- Sur les droits des parties au cours de l'instruction :
Le déroulement de l'instruction est encore trop marqué par la procédure inquisitoire. En effet, les parties ne sont pas sur un pied d'égalité. Le parquet dispose du droit de demander, au juge d'instruction, tous les actes, qu'il estime utile. Le juge doit déférer à cette demande ou rendre une ordonnance susceptible d'appel. Les mis en examen et les victimes ne disposent pas des mêmes droits. Il était nécessaire de donner l'égalité des armes à la défense et à l'accusation. C'est ainsi que le projet prévoit d'instaurer le droit pour toutes les parties, de demander tous les actes utiles : perquisitions, auditions, reconstitutions, confrontations, expertises et transport sur les lieux.
4- Sur le témoin assisté :
Aujourd'hui les régles de procédure conduisent le juge à prononcer des mises en examen, alors qu'il pourrait entendre la personne sous un statut de témoin.
C'est pourquoi, le Gouvernement a proposé la mise en place d'un statut de témoin assisté, c'est à dire accompagné de son avocat, qui aura accès au dossier, contrairement au simple témoin, pour permettre au juge de réserver la mise en examen aux cas où elle est vraiment indispensable.
5- Sur la détention provisoire :
Il y a deux catégories de détention provisoire :
- D'une part celle de la comparution immédiate, prononcée par une juridiction collégiale pour une durée brève (5 jours en moyenne) et qui concerne actuellement environ 600 détenus dans les prisons françaises;
- D'autre part celle décidée par juge d'instruction qui concerne 20 fois plus de personnes (environ 13000) pour une durée moyenne 20 fois plus longue (soit 4,2 mois).
C'est cette seconde détention provisoire que traite mon projet de loi.
Elle devrait être exceptionnelle selon la loi. En réalité elle est trop souvent prononcée et dure trop longtemps.
Pour y remédier, le projet propose :
- la création d'un juge de la détention provisoire, qui décidera de celle-ci sur proposition du juge d'instruction,
- la réduction des cas permettant le placement en détention provisoire,
- la limitation de la durée de la détention provisoire, par des délais plus stricts en matière correctionnelle et par la mise en place de délais pour la détention criminelle, ce qui est nouveau.
6- Sur la durée de l'instruction :
Les dispositions existantes du code de procédure pénale en ce domaine sont parcellaires et inefficaces. La durée moyenne actuelle de 16 mois, recouvre des réalités différentes et certaines procédures peuvent durer plusieurs années.
Le texte prévoit la mise en place d'un délai, fixé par le juge d'instruction lui-même, d'une durée maximale d'une année. Passé ce délai, les parties peuvent à tout moment saisir la chambre d'accusation pour qu'il soit statué sur la poursuite et la durée des investigations.
7- Sur la publicité des procédures :
Le secret de l'instruction, prévu par l'article 11 du code de procédure pénale, a été instauré, à l'origine, pour protéger les personnes mises en cause. Je souhaite rappeler ici qu'il s'agit d'un secret professionnel et non d'un secret absolu. Il s'applique, uniquement, aux magistrats et aux policiers, pour garantir leur impartialité. Il n'est pas opposable aux parties, aux journalistes. Dans une société de plus en plus médiatisée il se heurte aux nécessités de l'information.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité permettre aux personnes mises en cause d'organiser, à leur initiative la publicité autour de l'affaire qui les concerne. Il s'agit de l'instauration de "fenêtres" de publicité, à tous les stades de la procédure : au moment du contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, au moment du placement en détention provisoire et dès que la chambre d'accusation est saisie, sur une détention, sur un délai ou sur une demande d'actes.
8- Sur le déroulement de l'audience :
Les parties ne sont pas, là non plus, à égalité. Alors que le parquet peut poser, à tous les acteurs, toutes les questions qui lui paraissent utiles, directement, les prévenus et les victimes sont obligés de s'en remettre au président de la juridiction. Désormais les parties pourront poser leurs questions directement sans l'intermédiaire du juge.
Ces avancées concernent tous les justiciables, à tous les stades de la procédure. Elles montrent la volonté d'une réforme profonde et globale.
9- Le renforcement du droit des victimes :
Le projet initial propose là aussi des avancées importantes dans trois directions :
- faire une place plus large aux victimes dans le procès pénal, en facilitant notamment l'accès au procès et les modalités de représentation.
- renforcer la dignité des victimes, par la création d'une infraction spécifique sur ce point.
- améliorer leur indemnisation.
II- Je veux maintenant mentionner les modifications du texte intervenues au cours des débats parlementaires, c'est à dire :
1- les améliorations de première lecture
2- ceux des amendements, adoptés en première lecture, qui m'ont paru inacceptables
3- les amendements de la présente lecture.
1°/ - Les améliorations apportées par la première lecture dans les deux assemblées :
a- à l'Assemblée nationale, comme je l'ai indiqué, des dispositions essentielles ont été adoptées en faveur des victimes. Je pense qu'il s'agit là de la principale innovation de cette lecture.
Celle-ci a permis également d'engager un débat fructueux sur la détention provisoire et notamment sur ses critères et sa durée, ainsi que sur la question de l'appel des cours d'assises.
b- au Sénat, je retiens essentiellement les débats qui ont porté sur la mise en examen et le témoin assisté, ainsi que l'amendement sur le principe de l'appel tournant des verdicts des cours d'assises.
c- sur beaucoup de points importants un accord est d'ores et déjà intervenu entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Les dispositions acquises concernent en premier lieu la question de la garde à vue. Ont en effet été votés en termes conformes les articles qui prévoient l'intervention de l'avocat en garde à vue à la première puis à la vingtième heure, ceux qui prévoient la suppression de la garde à vue des simples témoins et ceux qui instituent la notification d'un "droit au silence".
Les principales dispositions concernant les droits des parties ont également été votées conformes.
Un accord de principe est aussi intervenu sur ma proposition de création d'un juge de la détention provisoire, même si un différent mineur demeure sur sa dénomination, entre les deux assemblées.
La plupart des dispositions destinées à assurer le respect du principe du délai raisonnable, comme celle instituant le contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, le calendrier prévisionnel de l'instruction et des délais d'audiencement en matière correctionnelle et criminelle, sont acquises dans leur principe.
En ce qui concerne les dispositions en matière de communication, sont votés conformes les articles qui obligent les escortes à prendre les précautions nécessaires pour éviter la prise de photo des personnes menottées, qui prévoient l'appel suspensif des référés en matière de presse, qui réglementent les communiqués du parquet et qui, sous réserve de différence de détail, instituent des fenêtres de publicité.
Enfin, sous réserve de questions techniques ou rédactionnelles, les principales dispositions concernant les victimes, celles ajoutées au projet à l'initiative de votre rapporteur, ont fait l'objet d'un accord de fond.
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Pour conclure sur ces points de consensus, je souhaite ici souligner l'ampleur des débats qui ont permis ces accords. En première lecture à l'Assemblée nationale, 80 amendements de votre commission des lois et de députés de la majorité ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement, 15 amendements de l'opposition l'ont été dans les mêmes conditions. Par ailleurs, le Gouvernement a déposé 30 amendements.
Au Sénat, ce sont 47 amendements de la commission des lois et de sénateurs de droite qui ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement, alors que 15 amendements de sénateurs de gauche étaient adoptés de la même manière. Dans le même temps le Gouvernement déposait 20 amendements. Ainsi, les premières lectures ont permis la discussion et l'adoption, avec l'accord du Gouvernement, de 207 amendements. Je veux y voir, non seulement un signe de la qualité des débats, mais aussi de l'esprit d'ouverture de chacun, dans l'examen de ce texte.
Ces débats m'ont conduit à faire de nouvelles propositions en vue de la seconde lecture. En revanche certaines dispositions adoptées en première lecture me paraissent inacceptables.
2°/ - Les dispositions qui ne sont pas acceptables
Je serai brève sur une série de dispositions adoptées par le Sénat, contre l'avis du Gouvernement. Votre commission propose de les supprimer. Je l'approuve.
Je pense surtout, en premier lieu, à plusieurs dispositions de nature à porter gravement atteinte à la liberté de la presse, comme celles qui aggravent les peines de la diffamation et celles qui portent de 3 mois à 3 ans la prescription en matière de presse.
Je pense en second lieu, aux dispositions dont l'objet est de créer des privilèges particuliers en faveur de certaines catégories de personnes, notamment des décideurs publics:
- celles qui rétablissent ou instituent une garantie personnelle des fonctionnaires ou des élus,
- celles qui subordonnent les poursuites pénales les concernant à une autorisation du juge administratif,
- celles qui rétablissent des régles obligatoires de délocalisation des procès.
Certes, la question de la responsabilité pénale des "décideurs publics", notamment pour des délits non-intentionnels, soulève actuellement de vives discussions. Elles m'ont d'ailleurs conduit à demander à un groupe de travail présidé par M. MASSOT, dès le mois de juillet 1999, de me faire des propositions sur le sujet. Le rapport de cette commission m'a été remis en décembre dernier.
L'institution de règles de procédures spécifiques aux décideurs publics n'est pas acceptable, car elle porterait atteinte au principe d'égalité. Aussi le gouvernement a-t-il accepté l'approche de la proposition de loi sénatoriale déposée par M. FAUCHON,qui porte sur la définition des infractions non-intentionnelles. Cette proposition a été adoptée il y a trois semaines par le Sénat
3°/- Les amendements de la présente lecture
J'en viens maintenant aux améliorations que la seconde lecture de ce projet va permettre d'apporter.
Ces améliorations proviennent de trois séries d'initiatives conjointes et simultanées. La première série correspond aux initiatives que j'ai prises après avoir conduit une réflexion et une concertation, depuis les premières lectures. La seconde série résulte des propositions de votre commission qui sont bienvenues. La troisième, que je qualifirai de mixte, correspond à des propositions conjointes, du Gouvernement et de la commission.
3-1 : Améliorations proposées par le Gouvernement
Conformément aux engagements que j'avais pris, notamment dans la lettre que j'ai adressée à l'ensemble des parlementaires, le 13 décembre dernier, j'ai déposé plusieurs amendements qui concernent essentiellement trois questions.
La première est celle de la mise en examen.
La deuxième est celle de la protection la dignité des personnes.
La troisième concerne la durée des instructions.
a/ Actuellement la mise en examen peut intervenir dès lors qu'il existe des simples indices laissant présumer la culpabilité d'une personne, et elle peut résulter de l'envoi d'une simple lettre recommandée.
Cette situation n'est évidement pas satisfaisante, il faut pouvoir limiter la mise en examen au cas où elle est vraiment nécessaire et la faire précéder d'un débat contradictoire. Je propose d'instituer les principes suivants, qui seront clairement exposés dans l'article 80-1 du code de procédure pénale :
Premier principe : je propose de prolonger la réflexion initiée par votre assemblée en première lecture - qui a limité la mise en examen en cas d'indices "précis" - puis par le Sénat - qui a exigé des indices "graves ou concordants". Le juge d'instruction ne pourrait plus mettre en examen que les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants "rendant vraisemblable" la culpabilité de la personne. L'expression "rendant vraisemblable" me paraît à cet égard préférable au texte actuel, qui parle d'indices "laissant présumer" cette culpabilité, ce qui est contradictoire avec le fait que la personne est "présumée" innocente;
Deuxième principe : le juge d'instruction ne pourrait procéder à une mise en examen sans organiser un débat contradictoire en présence de l'avocat de la personne mise en cause qui aura pu accéder à la procédure.
Le juge indiquera à l'issue de ce débat, s'il décide soit de mettre en examen, soit d'entendre la personne comme témoin assisté, soit comme simple témoin.
Troisième principe : la mise en examen ne devra intervenir que si le recours à la procédure de témoin assisté n'est pas possible. Il en résulte que le juge d'instruction, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat, devra soit lui donner la qualité de témoin assisté, soit, s'il n'a pas été convaincu par les observations de la personne, la mettre en examen.
Dans mon courrier du 13 décembre dernier, j'avais indiqué que j'engageais une réflexion sur la mise en place d'un statut de "déclarant volontaire" qui permettrait à une personne autour de laquelle des investigations se multiplient, de demander au juge d'instruction de l'entendre. J'ai préparé un amendement en ce sens. Je ne l'ai pas déposé, car je souhaite sur ce point, poursuivre les consultations. Je serais très intéressée par vos remarques à ce sujet au cours du débat.
b/ Les dispositions du projet initial sanctionnant la diffusion de l'image d'une personne menottée ou de la représentation d'un crime ou d'un délit portant atteinte à la dignité de la victime, ont suscité des inquiétudes parmi les journalistes et les organes de presse.
Je rappelle à nouveau que je suis fermement opposée à toute forme d'atteinte qui puisse être portée à la liberté de la presse.
C'est pourquoi, pour dissiper toute ambiguïté, j'ai déposé plusieurs amendements qui définissent plus rigoureusement, la portée des nouvelles incriminations.
En premier lieu, la diffusion de telles images ne constituera désormais un délit que si elle est faite sans le consentement de l'intéressé. Si la personne menottée accepte ou souhaite la diffusion de son image, par exemple pour revendiquer la commission des actes qui lui sont reprochés, ou si la victime estime que la diffusion de l'image du crime permettra de témoigner de son malheur, aucun délit ne sera constitué.
En second lieu, et cette règle prolonge les modifications précédentes, les poursuites ne pourront être engagées que sur la plainte de la personne.
Ces garanties me paraissent ainsi mieux concilier la protection de la réputation ou de la dignité des personnes, et la liberté de la presse.
c/ Sur la durée des instructions, j'ai déposé un amendement de nature à améliorer les dispositions sur ce point. Votre assemblée a déjà voté un texte sur ce sujet. Il m'est apparu qu'il était nécessaire de le renforcer. Aussi, je vous propose, au delà de deux ans de durée de l'instruction, de rendre obligatoire pour le juge d'instruction, même en l'absence de demande des parties, la rédaction d'une ordonnance, motivée au regard des conditions issues de la convention européenne des droits de l'homme.
Des amendements proches ont été déposés par votre commission sur ce point. Je ne doute pas que les débats nous permettent d'aboutir sur ce sujet.
Avant d'évoquer les améliorations proposées par votre commission, je souhaite vous dire que je partage le souci que certains d'entre vous ont manifesté et dont je me suis entretenue avec Jack LANG, de voir la France traduire en droit interne les conséquences des condamnations prononcées à son encontre par la Cour de Strasbourg. Il est juste d'envisager par quels moyens une procédure entachée d'une violation de la convention européenne pourrait être examinée à nouveau. Mes services travaillent à l'examen de cette importante question et je ferai prochainement des propositions tenant compte des préoccupations que je viens d'évoquer.
3-2 : Les améliorations résultant des propositions de votre commission des lois
1. Sur ce sujet, j'approuve les amendements de votre commission qui étendent et précisent le statut du témoin assisté. Comme je l'ai précisé, ils vont dans le sens de mes préoccupations.
En particulier, je crois très utile de donner au témoin assisté des droits étendus - assistance d'un avocat, accès au dossier, possibilité de demander d'être confronté avec ses accusateurs - mais des droits plus limités que ceux du mis en examen.
Il convient en effet de distinguer clairement les deux statuts, sinon le recours à la procédure de témoin assisté risque de ne pas avoir tout l'intérêt qu'elle pourrait produire.
2. Sur la question de la détention provisoire, votre commission propose de rétablir la dénomination du juge de la détention provisoire, qui avait été supprimée par le Sénat. J'approuve ce retour au texte initial.
Votre commission améliore également le texte sur de nombreux points, qui reçoivent l'accord du Gouvernement, même si cet accord est parfois subordonné à certains aménagements.
Premier point, votre commission propose de prévoir que le juge de la détention, s'il ne s'agit pas du président du tribunal, pourra également se voir confier par le président certaines prérogatives de ce dernier en matière de procédure pénale (contrôle des perquisitions et des enquêtes), de procédure "para"-pénale (perquisitions douanières ou fiscales) ou en matière de contrôle de la rétention administrative des étrangers ou de l'internement des personnes atteintes de troubles mentaux. C'est je crois une précision qui sera très utile dans les grosses juridictions.
Elle reçoit mon accord, car elle ne modifie pas les attributions des différents acteurs dans la procédure : président du tribunal, procureur de la République, juge d'instruction et juge de la détention provisoire.
Second point, votre commission précise très clairement les conditions dans lesquelles le juge de la détention doit ou non statuer après un débat contradictoire, et doit ou non rendre une ordonnance motivée.
Troisième point, votre commission élève les seuils de peine au dessus desquels le placement en détention est interdit. Elle les fixe à trois ans d'emprisonnement en matière correctionnelle, suivant en cela la proposition du Sénat qui avait mon accord. Elle élève ce seuil, pour les délits contre les biens à cinq ans ce qui recueille également mon accord dès lors que les infractions financières comme les abus de biens sociaux ne sont pas concernés et permettent toujours la détention provisoire.
Reste à préciser l'application de ces seuils aux mineurs dès lors que l'ordonnance de 1945 sur la délinquance juvénile prévoit de diviser par deux les peines encourues par les mineurs Le Gouvernement souhaite indiquer que pour la détermination des seuils de placement en détention provisoire, la peine prise en compte doit être celle qui est prévue par le code pénal et non celle qui peut être prononcée par les juridictions de jugement du fait de la minorité, cause légale de réduction de la peine.
Quatrième point, votre commission propose de limiter la durée de la détention provisoire, à deux ans en matière correctionnelle et à trois ou quatre ans en matière criminelle.
Le Gouvernement accepte cette position.
Je m'expliquerai lors des débats sur la proposition de votre commission concernant l'utilisation du placement sous surveillance électronique pour les prévenus. Au cours des discussions que nous avons eu j'ai souhaité faire des remarques précises sur la rédaction envisagée initialement. Il convient de s'assurer que cette disposition soit bien une substitution à la détention provisoire et non une nouvelle forme de privation de liberté venant mordre sur la liberté. Vous avez tenu compte de mes remarques sur ce point. Je m'expliquerai également sur la situation au regard de la détention des parents isolés en charge d'un enfant de moins de dix ans, point sur lequel des amendements sont proposés.
4. Votre commission propose par ailleurs d'instituer l'enregistrement sonore des interrogatoires des personnes gardées à vue. Je suis bien évidemment totalement favorable à toutes les dispositions qui pourront permettre un meilleur contrôle des garde à vue.Chacun se rappelle que la France a été condamnée, récemment, par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour des faits de violence, commis sur la personne d'un gardé à vue. Ces faits ne sont pas acceptables dans une démocratie.
L'amendement propose un enregistrement audio des interrogatoires en garde à vue. Il convient de bien préciser l'objectif poursuivi :
-Ou l'objectif est la protection de la personne gardée à vue, et seul l'enregistrement continu, vidéo, de la garde à vue est de nature à atteindre cet objectif.
-Ou l'objectif est de certifier les déclarations du gardé à vue, notamment par rapport au procès verbal de son audition, alors il convient de préciser le statut de cet enregistrement au regard de la procédure ultérieure et de mesurer pour l'intéressé les conséquences de la lecture à l'audience de l'aveu enregistré.
3-3 Améliorations proposées à la fois par la commission et le Gouvernement
Sur plusieurs points, le Gouvernement d'une part, et votre rapporteure ainsi que les membres du groupe socialiste siégeant à la commission des lois, ont déposé des amendements identiques, ce qui montre, s'il en était besoin la communauté de vue qui existe sur la réforme de la procédure pénale. Par ailleurs, des amendements ont été déposés par votre rapporteure qui vont dans le sens de mes préoccupations et qui anticipent des réformes que j'ai engagées. Je veux notamment parler de la judiciarisation de l'application des peines.
a/ Le double examen des affaires d'assises :
Dès octobre 97, j'avais annoncé en conseil des ministres mon intention de procéder à 'une telle réforme.
Je considère en effet que l'absence de recours des décisions des cours d'assises constitue aujourd'hui un véritable anachronisme, et que notre droit doit être modifié sur ce point. Toutefois, une telle réforme ne s'improvise pas, tant en raison de sa complexité juridique que des moyens qu'elle exige.
C'est pourquoi, depuis plus de deux ans, j'ai demandé à mes services de réfléchir de façon approfondie sur les différents scénarios envisageables, et sur leur coût respectif. J'ai d'ailleurs adressé aux parlementaires intéressés un document de synthèse sur cette question, proposant plusieurs voies.
Les trois budget que vous avez adoptés et le renforcement des cours d'appel par 100 magistrats recrutés grâce au concours exceptionnels que vous avez votés permettent d'affecter des postes de magistrats à cette réforme.
Lors de l'examen du projet de loi en juin dernier, le Sénat a voté un amendement instituant le principe d'un appel tournant des décisions des cours d'assises.
Aujourd'hui, je vous propose le dispositif complet de cet appel tournant. L'objectif de cette réforme se résume en une phrase: donner aux personnes condamnées pour crime le droit à une seconde chance.
b/ Apporter des garanties aux décisions des juges de l'application des peines :
Aujourd'hui les décisions du juge de l'application des peines prétent à des controverses sur leur nature administrative ou judiciaire. Avec l'amendement que votre rapporteure a proposé les décisions du juge seront entourées des trois garanties propres au procès judiciaire
- le débat contradictoire
- la motivation des décisions
- l'appel devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel
Je reviendrai sur ce sujet en détail au moment de la discussion de cet amendement d'autant plus que ces.préoccupations m'avaient conduite à demander un rapport sur ce sujet à une commission, présidée par M. FARGE, conseiller à la cour de cassation.
*
Avant de terminer mon intervention je souhaite rappeler mon engagement de ne pas mettre en oeuvre de réforme sans moyen. Les trois budget 1998, 1999 et 2000 ont permis de créer 422 postes de magistrats soit autant que dans les 10 dernières années. 100 postes ont été prévus pour les fonctions de juge de la détention provisoire. Ces créations de postes se sont accompagnées d' une augmentation de 14% des crédits, soit 3,4 milliards de francs.
Conclusion :
Je souhaite, à la fin de mes propos, remercier C.LAZERGES votre rapporteure sur ce texte qui a fourni un travail considérable, dans l'esprit du projet, pour apporter les améliorations significatives et a su trouver sur la plupart des sujets un équilibre entre de nombreuses propositions parfois difficilement conciliables. Je remercie également votre commission des lois et notamment sa présidente Catherine TASCA, dont l'investissement personnel a été l'une des clés essentielles, depuis plusieurs mois, des progrès obtenus au cours de vos travaux.
Nous instituons ensemble une grande réforme qui apporte des protections inconnues jusqu'ici aux justiciables. Evidemment, nous sommes tous conscients qu'il n'existe pas une procédure pénale idéale car chaque procédure pénale doit réaliser l'équilibre entre la protection des droits des justiciables et l'efficacité de l'enquète.
Comme toutes les grandes réformes celle-ci dépendra d'abord et avant tout de l'implication des acteurs qui sont chargés de l'appliquer
- des magistrats bien sur, en particulier du juge d'instruction placé désormais par les textes en position d'arbitre impartial et qui devra réellement instruire à charge et à décharge
- et tout autant des avocats sur qui pèsent des responsabilités accrues notamment dans le déroulement de l'enquête et du contrôle de la garde à vue;
Avec ce texte nous contribuons à l'élaboration d'un nouveau modèle européen qui résultera du rapprochement des procédures pénales de type accusatoire et inquisitoire, rapprochement qui est certain puisque nous savons qu'aucune de ces procédures n'existent à l'état pur. Ce texte nous permet d'introduire les éléments positifs de la procédure accusatoire (plus de défense et de contradictoire) alors même que nous savons que dans les pays anglo-saxon et dans les grands textes internationaux, je pense à la Cour Pénal Internationale, sont introduits des éléments de notre procédure inquisitoire.
Je pense que nous pouvons nous féliciter de ce travail collectif qui constitue un progrès essentiel pour notre démocratie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 10 février 2000)
Au cours des premières lectures de ce projet de loi sur la présomption d'innocence et les droits des victimes, j'ai pu constater, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qu'il existait un très large accord sur l'objet principal de ce texte qui est d'améliorer les droits des citoyens mis en cause par la justice.
Sur tous les bancs existe en effet la volonté de permettre à toute personne mise en cause par la Justice de faire valoir son point de vue et de se défendre en bénéficiant d'armes égales à celles de l'accusation.
Mais nous avons des discussions, quelque fois des divergences, sur les moyens de parvenir à cet objectif.
Pour clarifier notre débat, éviter les malentendus, les faux-semblants et les non-dits, je vais vous rappeler le raisonnement qui m'a conduit à effectuer les grands choix qui structurent ce projet de loi.
Quel que soit le pays, quel que soit le système procédural, dans toutes les démocraties, les procédures pénales connaissent des temps identiques, des phases essentielles, je dirai même des points de passage obligés, soit dans l'ordre logique :
- la recherche et la connaissances des faits constitutifs d'une infraction pénale,
- la mise en cause d'une personne,
- la rétention de cette personne, pour les besoins de l'enquête,
- les investigations,
- la notification de charges,
- l'éventualité de la détention avant le jugement,
- le procès
- enfin le jugement. Celui ci est l'aboutissement du processus, il est le but pour lequel les autres phases préalables sont conçues : elles n'ont de justification que parce qu'elles préparent le jugement qui est le résultat, la synthèse et la justification de la procédure.
L'objectif de toute procédure pénale est d'organiser et de mettre en oeuvre ces phases incontournables, dans le respect du nécessaire équilibre entre la protection des droits des personnes mises en cause, d'une part et l'efficacité de l'enquête, d'autre part.
Je parlerai peu du procès lui même qui fait l'objet de peu de critiques, en tout cas sur les dispositions législatives qui l'encadrent, même si la conduite de certains procès est quelque fois contestée. Je mentionnerai cependant une avancée considérable puisque cette deuxième lecture devrait, je l'espère, permettre un accord sur l'appel des verdicts de la cour d'assises. Beaucoup d'entre vous ont en première lecture défendu avec force cette idée - je pense à Raymond FORNI, à Jacques FLOCH, à Christine LAZERGES et bien sur à Catherine TASCA. Je vous avais indiqué que j'y étais favorable et que je proposerai un appel de la cour d'assises dés lors que deux conditions seraient remplies : d'abord qu'émerge un accord sur un système d'appel tournant, moins couteux en moyens humains que le système prévu par mon prédécesseur sur la base du rapport DENIAU, à condition aussi que je puisse obtenir les postes supplémentaires en magistrats nécessaires à un tel projet. Ces deux conditions me paraissent remplies. Je suis donc très heureuse de pouvoir proposer d'instaurer l'appel tournant du verdict des cours d'assises.
Ces remarques étant faites sur le procès lui même, j'insisterai surtout sur l'enquête parce que c'est la phase la plus sensible où tout se joue, se décide. C'est cette phase qui a été au coeur de toutes les réformes récentes de la procédure pénale, tant en France qu'à l'étranger. C'est ce moment qui est au centre du projet de loi qui est débattu aujourd'hui.
Dans la phase d'investigation, trois principes fondamentaux m'ont guidée.
Premier principe : L'enquête doit être menée et contrôlée par un magistrat et non laissée à la seule initiative de la police.
Ce choix majeur constitue une différence radicale avec la procédure anglo-saxonne de type accusatoire.
En effet, dans les pays de droit anglo-saxon l'enquête est totalement confiée à la police qui agit seule et dispose de larges pouvoirs d'initiative. C'est elle, par exemple, qui décide du placement en garde à vue, sans en référer à une autorité. C'est elle qui dirige et effectue seule l'enquête pendant toute la phase des investigations.
C'est elle qui peut, sans contrôle d'un juge, contrairement à une idée fausse très répandue, décider d'une perquisition au domicile d'une personne qu'elle vient d'arrêter, même sans l'accord de cette personne. Enfin, c'est elle, privilège déterminant pour la suite de la procédure, qui décide de l'opportunité de la poursuite de l'enquête. La police dispose ainsi d'un large pouvoir, celui de classer une affaire et de ne jamais en rendre compte à une autorité, judiciaire ou autre d'ailleurs.
C'est bien d'ailleurs pour pallier ces défauts qu'au Royaume Uni, en 1985, a été institué le "Crown Prosecution Service". Ce service, qui n'est saisi que des affaires que la police n'a pas classées, est composé de fonctionnaires et n'a rien à voir avec un parquet à la française. Il n'a pas le pouvoir initial de classement et dépend en cela de la police, il ne la dirige pas et ne peut la dessaisir. Ces faiblesses sont d'ailleurs toujours soulignées en Grande Bretagne, où le débat public sur ce point est très ouvert.
En France, vous le savez, la mission de contrôle et de direction de la police judiciaire est confiée à un magistrat : soit le procureur de la République, comme le rappelle les articles 12 et suivants du code de procédure pénale, soit le juge d'instruction, comme le prévoit les articles 151 et suivants du même code.
En ce qui concerne le procureur de la République, la décision sur les suites des investigations, l'opportunité des poursuites, est exclusivement réservée à ce magistrat, en aucune manière à la police. Cette opportunité des poursuites s'exerce, bien évidemment, dans le cadre des directives de politique pénale adressées au parquet, par le garde des sceaux.
C'est le magistrat, procureur, ou juge d'instruction qui dirige, effectivement, la police judiciaire et donne des instructions précises pendant les enquêtes sur le choix des investigations, celui des personnes à interpeller et à lui présenter. C'est le magistrat qui est avisé, dès le commencement de la garde à vue, qu'il peut contrôler et à laquelle il peut mettre fin et dont il autorise la prolongation. Sans ce magistrat, la police ne peut voir aboutir ses investigations. C'est le magistrat qui prend les décisions essentielles.
Je suis convaincue qu'au regard des libertés individuelles, des garanties personnelles, il est préférable que les orientations essentielles de l'enquête, dès son début et à tous ses stades soient confiées à un magistrat. Pour une raison simple : son statut garantit au justiciable son impartialité.
Deuxième principe : le magistrat chargé de l'enquête doit être le juge d'instruction pour les affaires les plus importantes, les plus graves, les plus complexes.
Dans tous les pays, les affaires les plus délicates bénéficient d'une attention particulière. Nous n'échappons pas à cette régle. En France le procureur est saisi, au départ, de l'ensemble des procédures et c'est lui qui décide de confier les plus graves à un juge d'instruction.
Sur le juge d'instruction :
On voit donc qu'il existe une complémentarité forte, garantie essentielle des libertés, entre le parquet et le juge d'instruction. Cette dualité n'est pas source de confusion, comme je l'entends parfois dire. Elle est une garantie supplémentaire pour les justiciables puisqu'elle met en place une double clé, un double regard : l'un ne peut rien faire sans l'autre. Le procureur de la République saisit le juge d'instruction et ne conduit donc plus l'enquête. Le juge d'instruction conduit l'enquête sans pouvoir se saisir seul, ni étendre sa saisine sans acte du parquet.
Certains proposent de supprimer le juge d'instruction et de laisser au parquet, seul, la conduite de toutes les enquêtes y compris dans les affaires les plus sensibles et les plus complexes. En quoi serait-ce une garantie supplémentaire ? J'estime qu'il serait moins protecteur des libertés individuelles de concentrer dans les mêmes mains, le pouvoir de choisir les faits qui seront poursuivis et les modalités de cette poursuite, le pouvoir de déterminer le périmètre des investigations et celui de leur choix.
Je remarque qu'une telle concentration des pouvoirs, de saisine et d'investigations serait d'autant moins souhaitable, qu'en l'absence de vote de la réforme constitutionnelle sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, les textes ne donnent pas aux procureurs les garanties de pouvoir mener leurs enquêtes sans pression du pouvoir politique. Les magistrats du parquet demeurent, pour leur carrière, privés de garanties de nomination. Certes, ma pratique fait que depuis deux ans et demi, dans les faits, ces garanties existent. Mais tant que les textes - la Constitution en particulier - ne consacreront pas cette pratique de non intervention dans les affaires individuelles et de respect absolu des avis du Conseil Supérieur de la Magistrature, il est à mes yeux inconcevable de retirer la conduite des enquêtes graves ou complexes aux juges d'instruction pour la confier au parquet. Car comment assurer les garanties dues aux justiciables quand la personne qui décide des infractions retenues, des moyens de l'enquête et des suites qu'il convient de lui donner, n'a pas les garanties d'indépendance que requiert un tel pouvoir ?
Mais même cette condition remplie, le gouvernement opte résolument pour le maintien du juge d'instruction. Il s'agit d'un magistrat du siège indépendant. Il me semble sain pour notre démocratie que les procédures les plus lourdes soient confiées à un magistrat du siège, comme tel pleinement indépendant. Il ne peut pas s'auto-saisir. Ainsi il existe entre lui et le parquet un système de contre poids et de double clef, qui est une garantie fondamentale pour le justiciable.
Sur les autres affaires sans juge d'instruction :
En France, comme ailleurs, une majorité d'enquête est conduite sans juge d'instruction. Dans ces affaires simples, où le suspect est renvoyé devant une juridiction de jugement, les garanties sont maintenues car la mission du parquet est de saisir un magistrat du siège et il ne peut jamais traiter une affaire seul. Pour conduire à son terme une affaire, le magistrat du parquet doit saisir une juridiction.
On voit donc, que dans ces affaires simples, comme dans les affaires complexes, la dualité du parquet et des magistrats du siège présente une garantie pour le justiciable.
Je rappelle également que le projet de loi prévoit de nombreuses dispositions pour que dans les affaires qui ne sont pas confiées au juge d'instruction, les droits des citoyens sont également améliorés : inscription dans un article préliminaire des principes fondamentaux, droit à la présence d'un avocat dés le début de la garde à vue, contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, égalité des armes à l'audience dans toutes les affaires, protection de l'image des personnes menottées.
De surcroît, le parquet ne dispose pas, et cela me semble essentiel, contrairement à certaines procédures étrangères, du pouvoir de négocier la peine ou la qualification des faits. Ces deux éléments appartiennent dans notre droit, aux seuls magistrats du siège. Ce sont eux qui décident librement, de la peine et de la qualification retenue, sans marchandage préalable.
Certes le parquet choisit les faits et le type de procédure, mais il ne choisit pas la peine. Cette séparation me semble fondamentale : là aussi les deux acteurs sont complémentaires et les garanties d'égalité de tous devant la justice plus fortes.
Cette dualité que je propose n'est pas source de confusion. Elle est au contraire une garantie supplémentaire, car ce dialogue entre les magistrats, parquet et siège, organise des contre pouvoirs qui s'équilibrent.
Troisième principe : L'enquête du juge d'instruction doit être encadrée par des régles très strictes qui donnent un plus grand rôle à la défense d'une part, et qui d'autre part confient à d'autres juges un pouvoir de contrôle des moments essentiels de l'enquête:
a/ Le rôle de l'avocat est considérablement renforcé par le projet de loi :
Certains auraient souhaité que l'avocat ait le même rôle que dans la procédure anglo-saxonne. Voyons donc quel est ce rôle. Le projet de loi augmente considérablement le rôle de l'avocat : présence accrue en garde à vue, possibilité de demander des actes au cours de la procédure.
Dans le système anglo-saxon où l'enquête est confiée à la police qui établit l'accusation, il revient à la défense de mener une contre enquête, les oppositions entre les deux se découvrant à l'audience. Ce système est trop inégalitaire : pour mener une contre enquête de type privé il faut d'importants moyens pour entrer en concurrence avec ceux de la police de l'Etat. Tous les justiciables ne disposent pas de ces moyens.
Là encore, je crois que notre système procédural, à condition de le perfectionner est meilleur et plus protecteur des libertés que la procédure accusatoire.
Par exemple, en ce qui concerne la garde à vue , il convient de rappeler que dans la loi, la police, en Grande Bretagne, doit permettre la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue. Mais si elle estime, que la présence de l'avocat est de nature à favoriser la destruction de preuves, elle peut la refuser quel que soit le type d'infraction. Je rappelle que notre projet de loi, au contraire permet la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue et ne prévoit d'exceptions que dans un nombre limitativement énuméré de cas, prévus par la loi. Le système que nous proposons est donc la encore pour la garde à vue plus protecteur.
En ce qui concerne les investigations, deux options sont possibles : où bien, dans la procédure accusatoire, accusation et défense s'affrontent devant un juge qui doit les départager; où bien, c'est notre système procédural, un magistrat instruit, au nom de l'Etat, à charge et à décharge.
b/ Toute la question est de savoir si les juges d'instruction sont dans un système qui leur permet vraiment d'instruire à charge et à décharge. C'est pourquoi, nous proposons de faire du juge d'instruction un juge arbitre impartial, en confrontant l'action de ce magistrat à d'autres juges, juge de la détention provisoire et chambre d'accusation et en donnant aux avocats la possibilité de demander des actes d'instruction.
Mais alors on se demande si une même personne peut instruire à charge et à décharge ? Est-ce possible ? Je comprends ceux qui ont de telles interrogations. Personnellement je crois que oui, les juges d'instruction peuvent le faire et les garanties que nous proposons les mettent en meilleure situation d'y parvenir. J'ai confiance dans la capacité des magistrats instructeurs à utiliser ces nouvelles possibilités qui leur sont données pour instruire à charge et à décharge.
*
Vous voyez donc les raisons pour lesquelles le Gouvernement a opté pour le maintien du cadre procédural français tout en accroissant les garanties apportées aux citoyens tout au long de l'enquête, par un aménagement en profondeur de la procédure pénale. Je remarque d'ailleurs que le Parlement, dans ses deux chambres, a choisi de conforter notre système lors de l'examen du texte en première lecture, et je m'en réjouis.
Je viens de vous rappeler les choix essentiels qui ont conduit à l'élaboration de ce projet de loi. Ces choix découlent d'une réflexion, d'une analyse de la réalité du fonctionnement judiciaire (un texte n'est rien sans l'adhésion de ceux qui ont vocation à l'appliquer), mais aussi de la prise en compte de notre histoire, c'est à dire de la possibilité pour les acteurs de s'impliquer dans la réussite et l'application de la réforme.
Notre projet constitue donc une réforme profonde de notre procédure pénale et conduira à des améliorations essentielles.
I - Je vous rappellerai d'abord les grandes lignes du projet initial, que j'ai présenté en Conseil des Ministres le 16 septembre 1998 : en reprenant le déroulement logique de l'enquête, de l'arrestation jusqu'au jugement.
1- Sur les délais de l'enquête préliminaire :
Les enquêtes préliminaires durent souvent trop longtemps. Par définition, elles sont conduites par la police sous le contrôle du parquet, sans possibilité pour les personnes en cause de pouvoir accéder à la procédure ou intervenir sur leur durée. Il convenait de limiter la durée de ces enquêtes, dans lesquelles des personnes mises en cause et livrées, quelque fois à l'opinion publique, attendaient des mois de connaître les suites données à leur affaire.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer, c'est une première, un contrôle de la durée des enquêtes, par le président du tribunal de grande instance, dans les mois qui suivent une mesure de garde à vue.
2- Sur la garde à vue :
La garde à vue est une mesure grave qui est, souvent la première atteinte à la présomption d'innocence. Je rappelle qu'elle concerne chaque année plus de 400 000 personnes. La loi du 04/01/93 apportait déjà des améliorations en permettant la présence de l'avocat, à la 20° heure. Le Gouvernement a souhaité renforcer ce contrôle en permettant à l'avocat de prendre contact avec la personne retenue dès le début de la garde à vue.
3- Sur les droits des parties au cours de l'instruction :
Le déroulement de l'instruction est encore trop marqué par la procédure inquisitoire. En effet, les parties ne sont pas sur un pied d'égalité. Le parquet dispose du droit de demander, au juge d'instruction, tous les actes, qu'il estime utile. Le juge doit déférer à cette demande ou rendre une ordonnance susceptible d'appel. Les mis en examen et les victimes ne disposent pas des mêmes droits. Il était nécessaire de donner l'égalité des armes à la défense et à l'accusation. C'est ainsi que le projet prévoit d'instaurer le droit pour toutes les parties, de demander tous les actes utiles : perquisitions, auditions, reconstitutions, confrontations, expertises et transport sur les lieux.
4- Sur le témoin assisté :
Aujourd'hui les régles de procédure conduisent le juge à prononcer des mises en examen, alors qu'il pourrait entendre la personne sous un statut de témoin.
C'est pourquoi, le Gouvernement a proposé la mise en place d'un statut de témoin assisté, c'est à dire accompagné de son avocat, qui aura accès au dossier, contrairement au simple témoin, pour permettre au juge de réserver la mise en examen aux cas où elle est vraiment indispensable.
5- Sur la détention provisoire :
Il y a deux catégories de détention provisoire :
- D'une part celle de la comparution immédiate, prononcée par une juridiction collégiale pour une durée brève (5 jours en moyenne) et qui concerne actuellement environ 600 détenus dans les prisons françaises;
- D'autre part celle décidée par juge d'instruction qui concerne 20 fois plus de personnes (environ 13000) pour une durée moyenne 20 fois plus longue (soit 4,2 mois).
C'est cette seconde détention provisoire que traite mon projet de loi.
Elle devrait être exceptionnelle selon la loi. En réalité elle est trop souvent prononcée et dure trop longtemps.
Pour y remédier, le projet propose :
- la création d'un juge de la détention provisoire, qui décidera de celle-ci sur proposition du juge d'instruction,
- la réduction des cas permettant le placement en détention provisoire,
- la limitation de la durée de la détention provisoire, par des délais plus stricts en matière correctionnelle et par la mise en place de délais pour la détention criminelle, ce qui est nouveau.
6- Sur la durée de l'instruction :
Les dispositions existantes du code de procédure pénale en ce domaine sont parcellaires et inefficaces. La durée moyenne actuelle de 16 mois, recouvre des réalités différentes et certaines procédures peuvent durer plusieurs années.
Le texte prévoit la mise en place d'un délai, fixé par le juge d'instruction lui-même, d'une durée maximale d'une année. Passé ce délai, les parties peuvent à tout moment saisir la chambre d'accusation pour qu'il soit statué sur la poursuite et la durée des investigations.
7- Sur la publicité des procédures :
Le secret de l'instruction, prévu par l'article 11 du code de procédure pénale, a été instauré, à l'origine, pour protéger les personnes mises en cause. Je souhaite rappeler ici qu'il s'agit d'un secret professionnel et non d'un secret absolu. Il s'applique, uniquement, aux magistrats et aux policiers, pour garantir leur impartialité. Il n'est pas opposable aux parties, aux journalistes. Dans une société de plus en plus médiatisée il se heurte aux nécessités de l'information.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité permettre aux personnes mises en cause d'organiser, à leur initiative la publicité autour de l'affaire qui les concerne. Il s'agit de l'instauration de "fenêtres" de publicité, à tous les stades de la procédure : au moment du contrôle de la durée de l'enquête préliminaire, au moment du placement en détention provisoire et dès que la chambre d'accusation est saisie, sur une détention, sur un délai ou sur une demande d'actes.
8- Sur le déroulement de l'audience :
Les parties ne sont pas, là non plus, à égalité. Alors que le parquet peut poser, à tous les acteurs, toutes les questions qui lui paraissent utiles, directement, les prévenus et les victimes sont obligés de s'en remettre au président de la juridiction. Désormais les parties pourront poser leurs questions directement sans l'intermédiaire du juge.
Ces avancées concernent tous les justiciables, à tous les stades de la procédure. Elles montrent la volonté d'une réforme profonde et globale.
9- Le renforcement du droit des victimes :
Le projet initial propose là aussi des avancées importantes dans trois directions :
- faire une place plus large aux victimes dans le procès pénal, en facilitant notamment l'accès au procès et les modalités de représentation.
- renforcer la dignité des victimes, par la création d'une infraction spécifique sur ce point.
- améliorer leur indemnisation.
II- Je veux maintenant mentionner les modifications du texte intervenues au cours des débats parlementaires, c'est à dire :
1- les améliorations de première lecture
2- ceux des amendements, adoptés en première lecture, qui m'ont paru inacceptables
3- les amendements de la présente lecture.
1°/ - Les améliorations apportées par la première lecture dans les deux assemblées :
a- à l'Assemblée nationale, comme je l'ai indiqué, des dispositions essentielles ont été adoptées en faveur des victimes. Je pense qu'il s'agit là de la principale innovation de cette lecture.
Celle-ci a permis également d'engager un débat fructueux sur la détention provisoire et notamment sur ses critères et sa durée, ainsi que sur la question de l'appel des cours d'assises.
b- au Sénat, je retiens essentiellement les débats qui ont porté sur la mise en examen et le témoin assisté, ainsi que l'amendement sur le principe de l'appel tournant des verdicts des cours d'assises.
c- sur beaucoup de points importants un accord est d'ores et déjà intervenu entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Les dispositions acquises concernent en premier lieu la question de la garde à vue. Ont en effet été votés en termes conformes les articles qui prévoient l'intervention de l'avocat en garde à vue à la première puis à la vingtième heure, ceux qui prévoient la suppression de la garde à vue des simples témoins et ceux qui instituent la notification d'un "droit au silence".
Les principales dispositions concernant les droits des parties ont également été votées conformes.
Un accord de principe est aussi intervenu sur ma proposition de création d'un juge de la détention provisoire, même si un différent mineur demeure sur sa dénomination, entre les deux assemblées.
La plupart des dispositions destinées à assurer le respect du principe du délai raisonnable, comme celle instituant le contrôle de la durée des enquêtes préliminaires, le calendrier prévisionnel de l'instruction et des délais d'audiencement en matière correctionnelle et criminelle, sont acquises dans leur principe.
En ce qui concerne les dispositions en matière de communication, sont votés conformes les articles qui obligent les escortes à prendre les précautions nécessaires pour éviter la prise de photo des personnes menottées, qui prévoient l'appel suspensif des référés en matière de presse, qui réglementent les communiqués du parquet et qui, sous réserve de différence de détail, instituent des fenêtres de publicité.
Enfin, sous réserve de questions techniques ou rédactionnelles, les principales dispositions concernant les victimes, celles ajoutées au projet à l'initiative de votre rapporteur, ont fait l'objet d'un accord de fond.
*
Pour conclure sur ces points de consensus, je souhaite ici souligner l'ampleur des débats qui ont permis ces accords. En première lecture à l'Assemblée nationale, 80 amendements de votre commission des lois et de députés de la majorité ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement, 15 amendements de l'opposition l'ont été dans les mêmes conditions. Par ailleurs, le Gouvernement a déposé 30 amendements.
Au Sénat, ce sont 47 amendements de la commission des lois et de sénateurs de droite qui ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement, alors que 15 amendements de sénateurs de gauche étaient adoptés de la même manière. Dans le même temps le Gouvernement déposait 20 amendements. Ainsi, les premières lectures ont permis la discussion et l'adoption, avec l'accord du Gouvernement, de 207 amendements. Je veux y voir, non seulement un signe de la qualité des débats, mais aussi de l'esprit d'ouverture de chacun, dans l'examen de ce texte.
Ces débats m'ont conduit à faire de nouvelles propositions en vue de la seconde lecture. En revanche certaines dispositions adoptées en première lecture me paraissent inacceptables.
2°/ - Les dispositions qui ne sont pas acceptables
Je serai brève sur une série de dispositions adoptées par le Sénat, contre l'avis du Gouvernement. Votre commission propose de les supprimer. Je l'approuve.
Je pense surtout, en premier lieu, à plusieurs dispositions de nature à porter gravement atteinte à la liberté de la presse, comme celles qui aggravent les peines de la diffamation et celles qui portent de 3 mois à 3 ans la prescription en matière de presse.
Je pense en second lieu, aux dispositions dont l'objet est de créer des privilèges particuliers en faveur de certaines catégories de personnes, notamment des décideurs publics:
- celles qui rétablissent ou instituent une garantie personnelle des fonctionnaires ou des élus,
- celles qui subordonnent les poursuites pénales les concernant à une autorisation du juge administratif,
- celles qui rétablissent des régles obligatoires de délocalisation des procès.
Certes, la question de la responsabilité pénale des "décideurs publics", notamment pour des délits non-intentionnels, soulève actuellement de vives discussions. Elles m'ont d'ailleurs conduit à demander à un groupe de travail présidé par M. MASSOT, dès le mois de juillet 1999, de me faire des propositions sur le sujet. Le rapport de cette commission m'a été remis en décembre dernier.
L'institution de règles de procédures spécifiques aux décideurs publics n'est pas acceptable, car elle porterait atteinte au principe d'égalité. Aussi le gouvernement a-t-il accepté l'approche de la proposition de loi sénatoriale déposée par M. FAUCHON,qui porte sur la définition des infractions non-intentionnelles. Cette proposition a été adoptée il y a trois semaines par le Sénat
3°/- Les amendements de la présente lecture
J'en viens maintenant aux améliorations que la seconde lecture de ce projet va permettre d'apporter.
Ces améliorations proviennent de trois séries d'initiatives conjointes et simultanées. La première série correspond aux initiatives que j'ai prises après avoir conduit une réflexion et une concertation, depuis les premières lectures. La seconde série résulte des propositions de votre commission qui sont bienvenues. La troisième, que je qualifirai de mixte, correspond à des propositions conjointes, du Gouvernement et de la commission.
3-1 : Améliorations proposées par le Gouvernement
Conformément aux engagements que j'avais pris, notamment dans la lettre que j'ai adressée à l'ensemble des parlementaires, le 13 décembre dernier, j'ai déposé plusieurs amendements qui concernent essentiellement trois questions.
La première est celle de la mise en examen.
La deuxième est celle de la protection la dignité des personnes.
La troisième concerne la durée des instructions.
a/ Actuellement la mise en examen peut intervenir dès lors qu'il existe des simples indices laissant présumer la culpabilité d'une personne, et elle peut résulter de l'envoi d'une simple lettre recommandée.
Cette situation n'est évidement pas satisfaisante, il faut pouvoir limiter la mise en examen au cas où elle est vraiment nécessaire et la faire précéder d'un débat contradictoire. Je propose d'instituer les principes suivants, qui seront clairement exposés dans l'article 80-1 du code de procédure pénale :
Premier principe : je propose de prolonger la réflexion initiée par votre assemblée en première lecture - qui a limité la mise en examen en cas d'indices "précis" - puis par le Sénat - qui a exigé des indices "graves ou concordants". Le juge d'instruction ne pourrait plus mettre en examen que les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants "rendant vraisemblable" la culpabilité de la personne. L'expression "rendant vraisemblable" me paraît à cet égard préférable au texte actuel, qui parle d'indices "laissant présumer" cette culpabilité, ce qui est contradictoire avec le fait que la personne est "présumée" innocente;
Deuxième principe : le juge d'instruction ne pourrait procéder à une mise en examen sans organiser un débat contradictoire en présence de l'avocat de la personne mise en cause qui aura pu accéder à la procédure.
Le juge indiquera à l'issue de ce débat, s'il décide soit de mettre en examen, soit d'entendre la personne comme témoin assisté, soit comme simple témoin.
Troisième principe : la mise en examen ne devra intervenir que si le recours à la procédure de témoin assisté n'est pas possible. Il en résulte que le juge d'instruction, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat, devra soit lui donner la qualité de témoin assisté, soit, s'il n'a pas été convaincu par les observations de la personne, la mettre en examen.
Dans mon courrier du 13 décembre dernier, j'avais indiqué que j'engageais une réflexion sur la mise en place d'un statut de "déclarant volontaire" qui permettrait à une personne autour de laquelle des investigations se multiplient, de demander au juge d'instruction de l'entendre. J'ai préparé un amendement en ce sens. Je ne l'ai pas déposé, car je souhaite sur ce point, poursuivre les consultations. Je serais très intéressée par vos remarques à ce sujet au cours du débat.
b/ Les dispositions du projet initial sanctionnant la diffusion de l'image d'une personne menottée ou de la représentation d'un crime ou d'un délit portant atteinte à la dignité de la victime, ont suscité des inquiétudes parmi les journalistes et les organes de presse.
Je rappelle à nouveau que je suis fermement opposée à toute forme d'atteinte qui puisse être portée à la liberté de la presse.
C'est pourquoi, pour dissiper toute ambiguïté, j'ai déposé plusieurs amendements qui définissent plus rigoureusement, la portée des nouvelles incriminations.
En premier lieu, la diffusion de telles images ne constituera désormais un délit que si elle est faite sans le consentement de l'intéressé. Si la personne menottée accepte ou souhaite la diffusion de son image, par exemple pour revendiquer la commission des actes qui lui sont reprochés, ou si la victime estime que la diffusion de l'image du crime permettra de témoigner de son malheur, aucun délit ne sera constitué.
En second lieu, et cette règle prolonge les modifications précédentes, les poursuites ne pourront être engagées que sur la plainte de la personne.
Ces garanties me paraissent ainsi mieux concilier la protection de la réputation ou de la dignité des personnes, et la liberté de la presse.
c/ Sur la durée des instructions, j'ai déposé un amendement de nature à améliorer les dispositions sur ce point. Votre assemblée a déjà voté un texte sur ce sujet. Il m'est apparu qu'il était nécessaire de le renforcer. Aussi, je vous propose, au delà de deux ans de durée de l'instruction, de rendre obligatoire pour le juge d'instruction, même en l'absence de demande des parties, la rédaction d'une ordonnance, motivée au regard des conditions issues de la convention européenne des droits de l'homme.
Des amendements proches ont été déposés par votre commission sur ce point. Je ne doute pas que les débats nous permettent d'aboutir sur ce sujet.
Avant d'évoquer les améliorations proposées par votre commission, je souhaite vous dire que je partage le souci que certains d'entre vous ont manifesté et dont je me suis entretenue avec Jack LANG, de voir la France traduire en droit interne les conséquences des condamnations prononcées à son encontre par la Cour de Strasbourg. Il est juste d'envisager par quels moyens une procédure entachée d'une violation de la convention européenne pourrait être examinée à nouveau. Mes services travaillent à l'examen de cette importante question et je ferai prochainement des propositions tenant compte des préoccupations que je viens d'évoquer.
3-2 : Les améliorations résultant des propositions de votre commission des lois
1. Sur ce sujet, j'approuve les amendements de votre commission qui étendent et précisent le statut du témoin assisté. Comme je l'ai précisé, ils vont dans le sens de mes préoccupations.
En particulier, je crois très utile de donner au témoin assisté des droits étendus - assistance d'un avocat, accès au dossier, possibilité de demander d'être confronté avec ses accusateurs - mais des droits plus limités que ceux du mis en examen.
Il convient en effet de distinguer clairement les deux statuts, sinon le recours à la procédure de témoin assisté risque de ne pas avoir tout l'intérêt qu'elle pourrait produire.
2. Sur la question de la détention provisoire, votre commission propose de rétablir la dénomination du juge de la détention provisoire, qui avait été supprimée par le Sénat. J'approuve ce retour au texte initial.
Votre commission améliore également le texte sur de nombreux points, qui reçoivent l'accord du Gouvernement, même si cet accord est parfois subordonné à certains aménagements.
Premier point, votre commission propose de prévoir que le juge de la détention, s'il ne s'agit pas du président du tribunal, pourra également se voir confier par le président certaines prérogatives de ce dernier en matière de procédure pénale (contrôle des perquisitions et des enquêtes), de procédure "para"-pénale (perquisitions douanières ou fiscales) ou en matière de contrôle de la rétention administrative des étrangers ou de l'internement des personnes atteintes de troubles mentaux. C'est je crois une précision qui sera très utile dans les grosses juridictions.
Elle reçoit mon accord, car elle ne modifie pas les attributions des différents acteurs dans la procédure : président du tribunal, procureur de la République, juge d'instruction et juge de la détention provisoire.
Second point, votre commission précise très clairement les conditions dans lesquelles le juge de la détention doit ou non statuer après un débat contradictoire, et doit ou non rendre une ordonnance motivée.
Troisième point, votre commission élève les seuils de peine au dessus desquels le placement en détention est interdit. Elle les fixe à trois ans d'emprisonnement en matière correctionnelle, suivant en cela la proposition du Sénat qui avait mon accord. Elle élève ce seuil, pour les délits contre les biens à cinq ans ce qui recueille également mon accord dès lors que les infractions financières comme les abus de biens sociaux ne sont pas concernés et permettent toujours la détention provisoire.
Reste à préciser l'application de ces seuils aux mineurs dès lors que l'ordonnance de 1945 sur la délinquance juvénile prévoit de diviser par deux les peines encourues par les mineurs Le Gouvernement souhaite indiquer que pour la détermination des seuils de placement en détention provisoire, la peine prise en compte doit être celle qui est prévue par le code pénal et non celle qui peut être prononcée par les juridictions de jugement du fait de la minorité, cause légale de réduction de la peine.
Quatrième point, votre commission propose de limiter la durée de la détention provisoire, à deux ans en matière correctionnelle et à trois ou quatre ans en matière criminelle.
Le Gouvernement accepte cette position.
Je m'expliquerai lors des débats sur la proposition de votre commission concernant l'utilisation du placement sous surveillance électronique pour les prévenus. Au cours des discussions que nous avons eu j'ai souhaité faire des remarques précises sur la rédaction envisagée initialement. Il convient de s'assurer que cette disposition soit bien une substitution à la détention provisoire et non une nouvelle forme de privation de liberté venant mordre sur la liberté. Vous avez tenu compte de mes remarques sur ce point. Je m'expliquerai également sur la situation au regard de la détention des parents isolés en charge d'un enfant de moins de dix ans, point sur lequel des amendements sont proposés.
4. Votre commission propose par ailleurs d'instituer l'enregistrement sonore des interrogatoires des personnes gardées à vue. Je suis bien évidemment totalement favorable à toutes les dispositions qui pourront permettre un meilleur contrôle des garde à vue.Chacun se rappelle que la France a été condamnée, récemment, par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour des faits de violence, commis sur la personne d'un gardé à vue. Ces faits ne sont pas acceptables dans une démocratie.
L'amendement propose un enregistrement audio des interrogatoires en garde à vue. Il convient de bien préciser l'objectif poursuivi :
-Ou l'objectif est la protection de la personne gardée à vue, et seul l'enregistrement continu, vidéo, de la garde à vue est de nature à atteindre cet objectif.
-Ou l'objectif est de certifier les déclarations du gardé à vue, notamment par rapport au procès verbal de son audition, alors il convient de préciser le statut de cet enregistrement au regard de la procédure ultérieure et de mesurer pour l'intéressé les conséquences de la lecture à l'audience de l'aveu enregistré.
3-3 Améliorations proposées à la fois par la commission et le Gouvernement
Sur plusieurs points, le Gouvernement d'une part, et votre rapporteure ainsi que les membres du groupe socialiste siégeant à la commission des lois, ont déposé des amendements identiques, ce qui montre, s'il en était besoin la communauté de vue qui existe sur la réforme de la procédure pénale. Par ailleurs, des amendements ont été déposés par votre rapporteure qui vont dans le sens de mes préoccupations et qui anticipent des réformes que j'ai engagées. Je veux notamment parler de la judiciarisation de l'application des peines.
a/ Le double examen des affaires d'assises :
Dès octobre 97, j'avais annoncé en conseil des ministres mon intention de procéder à 'une telle réforme.
Je considère en effet que l'absence de recours des décisions des cours d'assises constitue aujourd'hui un véritable anachronisme, et que notre droit doit être modifié sur ce point. Toutefois, une telle réforme ne s'improvise pas, tant en raison de sa complexité juridique que des moyens qu'elle exige.
C'est pourquoi, depuis plus de deux ans, j'ai demandé à mes services de réfléchir de façon approfondie sur les différents scénarios envisageables, et sur leur coût respectif. J'ai d'ailleurs adressé aux parlementaires intéressés un document de synthèse sur cette question, proposant plusieurs voies.
Les trois budget que vous avez adoptés et le renforcement des cours d'appel par 100 magistrats recrutés grâce au concours exceptionnels que vous avez votés permettent d'affecter des postes de magistrats à cette réforme.
Lors de l'examen du projet de loi en juin dernier, le Sénat a voté un amendement instituant le principe d'un appel tournant des décisions des cours d'assises.
Aujourd'hui, je vous propose le dispositif complet de cet appel tournant. L'objectif de cette réforme se résume en une phrase: donner aux personnes condamnées pour crime le droit à une seconde chance.
b/ Apporter des garanties aux décisions des juges de l'application des peines :
Aujourd'hui les décisions du juge de l'application des peines prétent à des controverses sur leur nature administrative ou judiciaire. Avec l'amendement que votre rapporteure a proposé les décisions du juge seront entourées des trois garanties propres au procès judiciaire
- le débat contradictoire
- la motivation des décisions
- l'appel devant la chambre correctionnelle de la cour d'appel
Je reviendrai sur ce sujet en détail au moment de la discussion de cet amendement d'autant plus que ces.préoccupations m'avaient conduite à demander un rapport sur ce sujet à une commission, présidée par M. FARGE, conseiller à la cour de cassation.
*
Avant de terminer mon intervention je souhaite rappeler mon engagement de ne pas mettre en oeuvre de réforme sans moyen. Les trois budget 1998, 1999 et 2000 ont permis de créer 422 postes de magistrats soit autant que dans les 10 dernières années. 100 postes ont été prévus pour les fonctions de juge de la détention provisoire. Ces créations de postes se sont accompagnées d' une augmentation de 14% des crédits, soit 3,4 milliards de francs.
Conclusion :
Je souhaite, à la fin de mes propos, remercier C.LAZERGES votre rapporteure sur ce texte qui a fourni un travail considérable, dans l'esprit du projet, pour apporter les améliorations significatives et a su trouver sur la plupart des sujets un équilibre entre de nombreuses propositions parfois difficilement conciliables. Je remercie également votre commission des lois et notamment sa présidente Catherine TASCA, dont l'investissement personnel a été l'une des clés essentielles, depuis plusieurs mois, des progrès obtenus au cours de vos travaux.
Nous instituons ensemble une grande réforme qui apporte des protections inconnues jusqu'ici aux justiciables. Evidemment, nous sommes tous conscients qu'il n'existe pas une procédure pénale idéale car chaque procédure pénale doit réaliser l'équilibre entre la protection des droits des justiciables et l'efficacité de l'enquète.
Comme toutes les grandes réformes celle-ci dépendra d'abord et avant tout de l'implication des acteurs qui sont chargés de l'appliquer
- des magistrats bien sur, en particulier du juge d'instruction placé désormais par les textes en position d'arbitre impartial et qui devra réellement instruire à charge et à décharge
- et tout autant des avocats sur qui pèsent des responsabilités accrues notamment dans le déroulement de l'enquête et du contrôle de la garde à vue;
Avec ce texte nous contribuons à l'élaboration d'un nouveau modèle européen qui résultera du rapprochement des procédures pénales de type accusatoire et inquisitoire, rapprochement qui est certain puisque nous savons qu'aucune de ces procédures n'existent à l'état pur. Ce texte nous permet d'introduire les éléments positifs de la procédure accusatoire (plus de défense et de contradictoire) alors même que nous savons que dans les pays anglo-saxon et dans les grands textes internationaux, je pense à la Cour Pénal Internationale, sont introduits des éléments de notre procédure inquisitoire.
Je pense que nous pouvons nous féliciter de ce travail collectif qui constitue un progrès essentiel pour notre démocratie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 10 février 2000)