Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, sur le lancement de la campagne WWF Biodiversité en Outre-mer, Paris le 11 février 2004.

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Texte intégral

Madame la ministre,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, messieurs, chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je réponds aujourd'hui à l'invitation du président de WWF France, Daniel Richard, pour le lancement de cette campagne de sensibilisation du public à la biodiversité. Et je suis particulièrement heureuse que cette campagne soit tournée vers l'outre-mer français.
Je voudrais avant toute chose souligner le travail considérable qu'a réalisé le WWF et ses équipes, depuis plusieurs années dans de nombreuses collectivités d'outre-mer, et je pense notamment à Mayotte, à la Guyane, à la Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou encore à la Polynésie française. La forte présence de votre organisation dans ces collectivités, Monsieur le Président, lui permet de très bien connaître leurs potentialités, ainsi que les acteurs de leur développement.
Avoir choisi le thème de la biodiversité outre-mer pour cette campagne de sensibilisation, c'est reconnaître les enjeux qui s'attachent à cette question, et c'est aussi contribuer à la reconnaissance de sa qualité, par nos concitoyens et par la communauté internationale.
Je voudrais vous rappeler, tout d'abord, les enjeux pour l'outre-mer de la préservation de cette biodiversité.
Les 10 collectivités de l'outre-mer français, représentent 20 % du territoire national mais 98 % de sa zone maritime. Sur le plan de la biodiversité, on considère par exemple qu'il y a globalement 26 fois plus d'espèces de plantes, 100 fois plus de poissons d'eau douce et 60 fois plus d'oiseaux endémiques outre-mer, qu'en métropole, sans parler de la biodiversité marine qui réserve encore bien des surprises.
La population ultramarine qui compte plus de 2 millions d'habitants connaît une croissance démographique selon les collectivités de 2 à 10 fois supérieure à celle de la métropole : le développement économique et urbain, et la pression qui l'accompagne, nécessitent donc une attention soutenue.
Le développement durable qui place l'homme face à ses responsabilités dans le domaine de l'environnement, du social et de l'économique, trouve dans nos collectivités d'outre-mer toute sa place. Nous avons donc le devoir d'assurer un développement équilibré de ces collectivités, tout en préservant cette richesse biologique que l'on ne trouve, bien souvent, nulle part ailleurs dans le monde.
Cette question doit conduire les pouvoirs publics, mais aussi chacun d'entre nous, à assumer une responsabilité dans ce domaine.
L'Etat doit à l'évidence être le premier à mener des actions fortes. Permettez-moi d'en citer quelques unes.
Dans le domaine terrestre, où il est souvent question de préserver la forêt primaire, je voudrais citer les deux projets de parcs nationaux en Guyane et dans les Hauts de la Réunion. Ce sont deux projets ambitieux que le gouvernement souhaite voir aboutir dans les meilleurs délais, au travers d'une large association des populations concernées car ne l'oublions pas, des populations vivent et habitent dans ces zones à protéger. Je pense tout particulièrement aux populations amérindiennes de Guyane, qui disposent d'un savoir-faire ancestral dont nous devons absolument tenir compte pour mettre en place des mesures de protection adaptées.
Aussi, je peux vous assurer que la réforme des parcs nationaux que la ministre de l'Écologie et du Développement durable présentera au Parlement dans le courant de l'année 2004, est très attendue outre-mer, car elle permettra de tenir compte de ces spécificités.
Je souhaite également évoquer le projet de réserve naturelle dans les terres australes. Ce projet doit nous permettre de disposer dans les TAAF, d'un instrument adapté pour assurer la protection d'un espace particulièrement intéressant de plus de 7000 km².
Dans le domaine marin, il me paraît important de citer :
les projets de réserves naturelles dans les îles Eparses de l'Océan Indien, mais également en Nouvelle-Calédonie sous l'égide des Provinces compétentes ;
la mise en place en 2003, par la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, dans leurs eaux territoriales, d'un sanctuaire pour les baleines ;
la création d'un observatoire pour les tortues et les cétacés à Mayotte ;
ou bien encore, l'intervention du conservatoire du littoral en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Pierre et Miquelon, et à Mayotte qui devrait prendre en gestion dans les prochaines années plusieurs centaines de kilomètres de littoral de grande qualité.

Je souhaite également qu'avec Roselyne BACHELOT, ministre de l'Écologie et du Développement durable, nous assurions un soutien actif de l'initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor), car il me parait indispensable de disposer d'un outil de coordination des actions de protection des récifs coralliens, à l'échelle de la France.
Mais toutes ces actions de protection ne sauront trouver leur pleine efficacité que si elles sont accompagnées de mesures de police et de contrôle. A cet égard, je souhaite rappeler les mesures prises récemment pour réduire la pêche illicite de légines dans la ZEE des Terres Australes, avec la mise en place d'un système de surveillance par satellite, ou encore en forêt guyanaise, les opérations " Anaconda " visant à détruire les installations d'orpaillage clandestin. 41 interventions de ce type ont été menées, depuis janvier 2003, avec des résultats très encourageants.
Ces opérations " Anaconda " ont permis d'interpeller 1211 étrangers en situation irrégulière, de détruire plusieurs tonnes de matériel et de saisir 63 kilos de mercure.
La prise en compte du risque lié à l'utilisation du mercure est en effet une priorité.
J'ai demandé en conséquence, au préfet de la Guyane de mettre en place un comité de suivi " mercure et santé " et un pôle " mercure et orpaillage ". Ces deux structures, créées le 28 mars 2003, réunissent l'ensemble des services de l'Etat concernés. A ce stade, deux actions concrètes sont menées. Le préfet signera prochainement des arrêtés visant à mieux contrôler la commercialisation du mercure minier. Par ailleurs, une étude du médecin conseil de l'assurance maladie a été lancée pour mesurer l'imprégnation au mercure des personnes susceptibles d'être exposées.
Vous le constatez, la dimension environnementale de la lutte contre l'orpaillage clandestin est une priorité pour le gouvernement.
Je voudrais enfin évoquer la situation particulière de l'outre-mer au regard du développement des énergies renouvelables, source de réduction des pollutions et de lutte contre l'effet de serre. Faut-il rappeler que lorsque la France se donne un objectif de production de 21 % d'énergies renouvelables pour 2010, les collectivités d'outre-mer dépassent déjà fortement ce niveau. La Guyane produit déjà plus de 70 % de son électricité à partir d'énergies renouvelables, la Réunion plus de 40 % et la Guadeloupe plus de 25 %. Ce développement est favorisé par des atouts naturels tels que la présence de vents réguliers, de ressources géothermiques peu profondes, ou encore un fort ensoleillement, mais également par des mesures d'incitation fortes de la part de l'Etat notamment au travers de la défiscalisation dont les taux ont été portés à 60 % ou 70 % selon les collectivités dans la loi programme pour l'outre-mer du 21 juillet dernier.
La situation des Collectivités du Pacifique

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur une autre particularité de l'outre-mer. A savoir, le fait que plusieurs collectivités exercent des compétences importantes dans le domaine de l'environnement et donc de la diversité biologique.
En effet, le partage des compétences entre l'Etat et les collectivités d'outre-mer est particulier, notamment pour les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, que sont Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, les Terres Australes et Antarctiques Françaises, Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
C'est ainsi que l'Etat n'exerce plus de compétences directes dans ces deux dernières collectivités dans le domaine de l'environnement.
En Nouvelle-Calédonie, cette responsabilité relève des 3 Provinces, la Province Nord, la Province Sud et la Province des îles, et en Polynésie, c'est une compétence territoriale.
Le rôle de l'Etat est donc avant tout d'apporter des moyens et une expertise technique pour leur permettre d'exercer ces compétences dans de bonnes conditions.
Je remercie Roselyne BACHELOT qui a permis l'envoi d'une mission de l'inspection générale de l'environnement pour que nos 3 collectivités du Pacifique soient pleinement associées à la préparation de la stratégie nationale de biodiversité. Enrichie d'un volet Pacifique élaboré en concertation avec ces collectivités, la stratégie nationale en sera d'autant renforcée.
Je me félicite également de la participation de ces collectivités, au sein de la délégation française, à la réunion des parties de la Convention sur la diversité biologique de Kuala-Lumpur.
L'amélioration de la prise en compte des questions environnementales dans ces collectivités passe par des efforts de formation pour disposer des compétences nécessaires sur place, et par une adaptation des réglementations locales.
A titre d'exemple, un partenariat avec le ministère de l'Écologie permettra dans les prochaines semaines d'assurer, la formation d'un responsable de la Province Nord de Nouvelle-Calédonie. Cet agent pourra ainsi contribuer à l'amélioration de la réglementation de l'environnement dans cette province.
Le rôle de l'Etat est également de veiller, notamment via la mise en uvre de contrats de développement, à promouvoir des actions dans le domaine de la préservation de la biodiversité et du développement durable. Je souhaite que les prochains contrats de développement, qui seront préparés dès cette année, intègrent un volet spécifique concernant les actions à mener dans ce domaine.
L'Etat sera attentif à la dimension environnementale lors de l'agrément en défiscalisation de projets économiques particulièrement importants, comme les projets miniers en Nouvelle-Calédonie. La loi-programme pour l'outre-mer précise que pour bénéficier d'une défiscalisation, un investissement doit s'intégrer dans la politique d'aménagement du Territoire, de développement durable et de respect de l'environnement.
Lorsqu'en métropole on évoque l'outre-mer, c'est bien souvent pour parler de ses difficultés, et trop rarement de ses atouts. Mais l'outre-mer est une chance pour la France. Il permet à notre pays d'être présent sur 3 océans et 2 continents, et à des latitudes extrêmes : des Terres Australes et Antarctiques au sud, à Saint-Pierre et Miquelon au nord, en passant par la Guyane, à quelques encablures de l'équateur.
Mais ce qui est une chance est aussi une responsabilité, responsabilité au plan national, responsabilité partagée avec les collectivités d'outre-mer, responsabilité enfin au niveau mondial, comme il en sera question dans les prochains jours, à Kuala-Lumpur.
La campagne du WWF, par sa qualité et sa large diffusion, contribuera, je n'en doute pas, à sensibiliser et à éduquer, mais aussi, je l'espère, à faire reconnaître et aimer l'outre-mer à sa juste valeur.
Merci de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 13 février 2004)