Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la vie communale et la démocratie de proximité, le partenariat entre l'Etat les les communes et les perspectives d'une nouvelle étape de la décentralisation, Paris le 22 novembre 2001.

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Circonstance : Clôture du 84ème congrès de l'Association des maires et des présidents de communautés de France (AMF), à Paris le 22 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs,
C'est la cinquième fois que je viens à votre rencontre, pour le Congrès de l'Association des Maires de France. Ce rendez-vous annuel est, pour moi et pour les membres du Gouvernement, un événement important.
Dès lundi, les maires de l'outre-mer ont été accueillis, selon la tradition, à l'Hôtel de Ville de Paris, par le Maire, Bertrand Delanoë. J'ai été les saluer car la présence d'élus municipaux de la République venus des collectivités les plus lointaines est un témoignage fort de notre diversité et de notre unité nationale.
J'ai l'honneur de clore aujourd'hui votre 84ème congrès. Je suis accompagné par le ministre de l'intérieur, M. Daniel Vaillant, qui est votre principal interlocuteur au Gouvernement.
Je remercie le Président Delevoye de son accueil. Je lui exprime mes félicitations pour sa réélection à la tête de votre association.
Le congrès annuel de l'A.M.F est d'abord une grande fête de famille. Vos communes sont diverses, chacun de vous est singulier. Vous illustrez toute la formidable diversité de notre pays. Mais ce qui vous rassemble - le civisme, l'altruisme, le sens de l'intérêt général, la passion pour les hommes et les femmes de votre commune - est beaucoup plus important que ce qui vous distingue.
A travers vous, je salue tous les maires de France, et plus particulièrement les nouveaux élus de mars dernier, auxquels j'adresse mes encouragements.
Pour ce cinquième rendez-vous, avec vous, j'ai souhaité partir de vos préoccupations, telles que je les connais, des problèmes que vous rencontrez, du travail accompli ensemble.
Je le ferai autour de trois grandes idées :
- la place de la vie communale dans notre démocratie
- le partenariat entre l'Etat et les communes
- les nouvelles perspectives de la décentralisation
I- La vie communale est au cur de notre démocratie. Le Gouvernement s'est attaché depuis quatre ans à l'enrichir.
Nous avons voulu conforter les élus municipaux dans leur rôle.
Nos concitoyens ont confiance dans leurs maires. Chaque enquête d'opinion les plébiscite. C'est la fonction élective la plus connue et la plus populaire.
La commune est la cellule de base de la citoyenneté. Elle est le premier espace où se vit le lien social. La France est bien sûr plus que la somme de ses 36.000 communes, mais chaque commune est une part constitutive de notre pays.
Beaucoup d'entre-vous, 40 % environ, sont des nouveaux maires. Parmi vos conseillers municipaux, près de la moitié sont des femmes, bien sûr dans les communes de plus de 3500 habitants. Vous le savez, j'ai voulu cette réforme de la parité. Je suis sûr qu'après un an, vous pensez comme moi que cette présence accrue des femmes permet aux équipes municipales de mieux comprendre les attentes de toute la population.
La loi sur la démocratie de proximité, présentée par le ministre de l'intérieur, M. Daniel Vaillant, va permettre d'approfondir la démocratie communale et d'améliorer sensiblement la situation des élus.
Des conseils de quartier seront institués dans les 101 communes de plus de 50000 habitants, afin que tous les habitants des grandes villes soient mieux entendus des autorités municipales. Les associations de quartier, souvent si actives, pourront ainsi participer à la vie de la Cité. L'intégration de nos concitoyens en sera favorisée.
Le mandat municipal pourra plus facilement être concilié avec la vie professionnelle. Le projet de loi sur la démocratie de proximité prévoit la compensation des pertes de revenus subis par les conseillers municipaux qui exercent une activité professionnelle. Il ouvre la possibilité de suivre une formation professionnelle, à l'issue de leur mandat, à tous les maires, et dans les communes de plus de 20.000 habitants à leurs adjoints. Il ouvre le droit, pour les maires des communes de plus de 1000 habitants et pour les adjoints des communes de plus de 20.000, à une indemnité différentielle de fin de mandat, d'une durée de six mois, si l'élu est sans travail ou si sa nouvelle activité professionnelle lui procure des revenus inférieurs aux indemnités de fonction qu'il percevait.
Ces dispositions devraient encourager ceux qui exercent des activités professionnelles dans le secteur privé à prendre des responsabilités municipales.
En outre, le droit à la formation des élus municipaux, en début de mandat et en cours de mandat, sera reconnu et les indemnités de fonction ainsi que la protection sociale seront sensiblement améliorés.
Ces dispositions, sans constituer à proprement parler un " statut de l'élu ", me semblent répondre largement aux vux qui avaient été exprimés, notamment par votre association.
Le Gouvernement a également veillé à accroître les concours financiers aux communes.
Regardons un instant les chiffres.
Le contrat de croissance et de solidarité, défini et mis en uvre par le Gouvernement pour les années 1999, 2000 et 2001, et qui sera prolongé pour l'année 2002, a permis d'accorder aux collectivités locales 6,7 milliards de francs de plus que ce qu'elles auraient reçus en application du pacte de stabilité adopté en 1996.
Alors que les dépenses de l'Etat se sont accrues de 8 % de 1997 à 2001, la DGF a progressé du double, c'est-à-dire 16 %, pendant la même période.
En 2002, la dotation globale de fonctionnement augmentera de plus de 4 %, soit 4,6 milliards de francs.
Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit aussi de pérenniser le financement de l'intercommunalité, en intégrant la dotation des communautés d'agglomération au sein de la dotation globale de fonctionnement. Enfin, les dotations de solidarité rurale et de solidarité urbaine bénéficieront de majorations exceptionnelles, respectivement de 150 et 800 millions de francs. Ces deux dotations auront connu des progressions de 60 % et 80 % depuis 1997.
Toutes ces évolutions représentent donc un effort très important, mais justifié, en faveur des communes.
Vous avez exprimé, Monsieur le Président, la crainte qu'en cas de ralentissement de la croissance du produit intérieur brut, les ressources des communes puissent être affectées. Je le redis : le contrat de croissance et de solidarité est garanti pour 2002. Pour les années suivantes, un nouveau mécanisme doit, en tout état de cause, être arrêté, dans le cadre de la réforme des finances locales que le Gouvernement a engagée. Ce nouveau mécanisme devra bien sûr être défini en fonction du contexte économique du moment et il devra garantir, en toute hypothèse, une progression des dotations aux communes.

Une autre préoccupation a été formulée à propos de l'autonomie fiscale des collectivités locales. Vous serez surpris qu'en Europe, même dans les Etats fédéraux, la part des dotations de l'Etat dans le financement des collectivités locales est souvent supérieure à ce qu'elle est dans notre pays. Pour autant, ce principe - sur le respect duquel veille d'ailleurs le Conseil constitutionnel- est important, car l'autonomie fiscale apparaît comme étroitement liée à la liberté communale. Il est vrai que plusieurs réformes fiscales ont conduit à supprimer des impôts locaux, ou à en modifier l'assiette - ce qui était par ailleurs souhaitable pour alléger et simplifier la fiscalité ou soutenir l'économie - , et donc à les compenser, en totalité, par des dotations de l'Etat.
Mais puis-je me permettre aussi d'insister sur le fait que le rôle de l'Etat est surtout - et mon Gouvernement y a veillé - de garantir, par ses dotations, tout simplement, un niveau suffisant de ressources ?
Le Gouvernement a donné une impulsion décisive à l'intercommunalité.

La loi de juillet 1999 sur l'intercommunalité est à l'évidence un succès.
Les groupements de communes à fiscalité propre sont maintenant plus de 2000, représentant 40 millions d'habitants.
Les communautés de communes favorisent la réalisation de grands projets d'équipements. Elles permettent l'élaboration et la mise en uvre de politiques locales d'aménagement du territoire.
Les décisions que prennent les instances des groupements à fiscalité propre ont désormais une forte incidence sur la vie des populations concernées. Les principes de notre démocratie locale conduisent donc à leur désignation au suffrage universel direct.
Mais il ne faut pas se méprendre sur l'objectif poursuivi.
Le Gouvernement a encouragé l'intercommunalité, car elle permet aux communes de trouver une plus grande efficacité collective par la délégation de compétences et la coopération. Mais il n'a aucune intention de diluer les communes dans des structures intercommunales. Ce que nous voulons c'est l'intercommunalité, ce n'est pas une " supracommunalité ".
Le mode de scrutin qui sera choisi pour 2007 devra donc traduire le principe que l'intercommunalité procède des communes, et non l'inverse. Ma préférence va à une élection au sein des circonscriptions communales et le même jour que celle des conseillers municipaux.
Je sais aussi l'attention que vous portez à la question de la simplification des procédures administratives.
Le Gouvernement a fait progresser ce chantier.
Les comités interministériels de la réforme de l'Etat que j'ai présidés ont décidé depuis quatre ans de nombreuses simplifications, dont la plus marquante a sans doute été la suppression de la fiche individuelle d'état-civil.
Je veux aussi mentionner la réforme du code des marchés publics, qu'a conduite le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Laurent Fabius. Cette réforme, vous le savez, élève le seuil des marchés sans formalité préalable à près de 600.000F (90 000 euros). Il simplifie et clarifie les procédures.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication contribuent aussi à l'allégement des procédures administratives. Nous allons poursuivre le développement de l'utilisation des téléprocédures entre les collectivités locales et l'Etat.
Pour s'épanouir, la vie communale a aussi besoin d'une relation de confiance entre l'Etat et les communes.
II - Un partenariat renouvelé entre l'Etat et les communes est nécessaire à notre pays pour relever les défis d'aujourd'hui.
Il me semble bien vous avoir entendu dire, Monsieur le Président Delevoye, successivement, que les maires étaient esclaves, puis orphelins de l'Etat. Je ne suis pas sûr que l'on puisse être à la fois l'un et l'autre. Prenons la crainte la plus sérieuse, celle d'un Etat trop absent ou trop lointain.
Bien sûr, la décentralisation a coupé le lien de la tutelle. Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire renvoient à des juridictions. Mais avec les préfets, les trésoriers-payeurs généraux, les sous-préfets et les services déconcentrés de l'Etat, des relations nouvelles se sont établies. La maires expriment le besoin de plus d'assistance, de conseils et d'échanges. Un nouveau partenariat est à construire, dans plusieurs domaines essentiels pour la vie de nos concitoyens.
Le développement de relations confiantes de partenariat entre l'Etat et les communes implique que l'organisation des services déconcentrés de l'Etat réponde au mieux aux attentes de nos concitoyens et des collectivités. C'est l'un des objectifs du projet territorial de l'Etat, que le préfet doit élaborer dans chaque département. J'ai bien entendu également que de nombreux maires estimaient que les services de l'Etat n'étaient plus assez souvent en mesure de fournir aux communes les concours d'ingéniérie qu'elles sollicitaient. Je suis tout prêt à approfondir l'étude de cette question en concertation avec votre association.
Le premier domaine pour lequel le partenariat devrait se développer est celui de la sécurité. Cette question est d'une grande importance.
Les maires sont de plus en plus préoccupés par la montée de la violence. Si les violences urbaines sont plus nombreuses ou plus spectaculaires, celles-ci augmentent aussi dans des zones rurales jusque là préservées. Et l'inquiétude devient plus vive lorsque ces actes sont le fait de mineurs, dont certains semblent échapper à toute règle sociale.
Une question est apparue à ce propos dans le débat public : faut-il donner aux maires la responsabilité de la sécurité publique ?
Je le dis avec netteté : j'y suis résolument hostile. La sécurité doit rester dans notre pays une responsabilité de l'Etat.
Confier aux maires la responsabilité des forces de sécurité se heurterait à de nombreuses difficultés : l'action de la police et de la gendarmerie contre la délinquance s'effectue pour une large part au titre de la police judiciaire, sous le seul contrôle du juge ; confier la responsabilité de l'ordre public aux maires risquerait rapidement de les placer dans des situations délicates ; en outre, alors que la coordination des moyens et la mobilité des forces de sécurité sur le territoire sont des facteurs d'efficacité, le morcellement du commandement constituerait une difficulté opérationnelle sérieuse.
Vous transférer la responsabilité de la sécurité publique serait pour vous une lourde charge supplémentaire et, en définitive, un piège.
Par contre, les maires doivent être largement associés à l'élaboration et au suivi des politiques de sécurité.
Des outils existent : les conseils communaux de prévention de la délinquance, les contrats locaux de sécurité. Lorsqu'ils sont bien utilisés, ils donnent de bons résultats. La loi sur la sécurité quotidienne a prévu que les maires devront être plus régulièrement informés sur les objectifs de lutte contre la délinquance et les résultats obtenus par les services de police et de gendarmerie dans leur commune. Cette disposition sera utile. Au-delà des textes, je souhaite qu'un véritable dialogue s'engage entre les maires et les responsables de la sécurité, dans le respect des compétences de chacun. Il me semble également essentiel que les maires, comme les responsables de la sécurité publique, et aussi les victimes, soient tenus informés des suites judiciaires données aux plaintes.
Responsable de la sécurité, l'Etat doit naturellement tout mettre en uvre pour obtenir de meilleurs résultats.
La violence est dans la société. Celle-ci produit une violence, qui résulte souvent de la perte des repères moraux et sociaux et de la confusion des modèles. L'éducation, la politique d'intégration, la politique de la Ville, la lutte contre les exclusions sont autant de moyens de réduire, dans la durée, la violence dans notre société. Toute politique de lutte contre la délinquance ne peut en effet qu'être globale.
Mais c'est naturellement sur la politique de sécurité que l'effort le plus vigoureux doit être porté. Les policiers et les gendarmes accomplissent des missions qui sont souvent devenues très difficiles. Plusieurs d'entre eux sont, encore récemment, tombés en service. Un grand nombre d'agents de l'autorité, gendarmes, policiers, parfois pompiers, sont victimes d'agressions. Vous connaissez ces réalités.
La politique de sécurité conduite par le Gouvernement depuis quatre ans a mobilisé des moyens considérables : les effectifs de police auront augmenté de 11 % de 1997 à 2002, et ce mouvement devra se poursuivre. Les conditions d'emploi ont été profondément modernisées avec la police de proximité. La gendarmerie nationale a également, dans les zones de sa compétence, adapté son organisation et reçu des moyens supplémentaires. Ses effectifs auront été augmentés de 4 % entre 1997 et 2002.
La loi sur la sécurité quotidienne va donner de nouveaux outils juridiques pour lutter contre les trafics d'armes, renforcer la sécurité dans les transports publics et sécuriser l'utilisation des cartes bancaires. Elle permettra également, par des mesures adaptées et limitées dans le temps, de mieux faire face à la menace terroriste.
Les moyens des services judiciaires ont eux aussi été augmentés dans des proportions sans précédent, pour permettre à la Justice d'apporter une réponse plus rapide et mieux adaptée à chaque acte de délinquance. Cet effort devra être poursuivi. Enfin, pour ce qui est de la délinquance des mineurs, le Gouvernement a mis en place des centres d'éducation renforcée et des centres de placement immédiat, qui constituent une réponse adaptée aux formes nouvelles de cette délinquance. Il reste à en augmenter sensiblement le nombre.
Des questions se posent aujourd'hui à propos de la mise en uvre de la loi sur la présomption d'innocence, laquelle, je le souligne, a été votée sans opposition à l'Assemblée nationale et au Sénat. Pour répondre à ces questions, j'ai confié hier à un député qui connaît bien ces questions, M. Julien Dray, une mission pour apprécier les conséquences de l'application de la loi sur le travail de la police et de la gendarmerie et m'adresser des propositions.
Je veux aussi évoquer la sécurité civile. Notre pays n'a pas été épargné ces dernières années par les accidents et les catastrophes naturelles. Je tiens à cette occasion à saluer l'engagement personnel des maires et l'activité exemplaire des agents municipaux, aux côtés de ceux de l'Etat et d'autres collectivités locales, dans les interventions consécutives à ces accidents et catastrophes. A la suite des rapports d'évaluation qui ont été réalisés, le Gouvernement a décidé de déposer, avant la fin de la législature, un projet de loi pour moderniser l'organisation de la sécurité civile. Par ailleurs, le drame de Toulouse a posé en termes nouveaux la question de l'implantation des établissements industriels présentant des risques. Le ministre de l'aménagement de territoire et de l'environnement, M. Yves Cochet, a reçu la mission d'organiser un débat national à ce sujet. Nous en tirerons ensuite les conclusions.
Vous êtes également préoccupés par le maintien des services publics. L'éloignement d'un service public d'une commune, cela peut être une difficulté de vie nouvelle pour ses habitants, notamment les plus âgés.
Nous avons imposé des procédures de concertation obligatoires entre ces services et les maires. Nous avons aussi encouragé, notamment lors du CIADT de juillet dernier, le développement des dispositifs de mise en commun des services avec les maisons de services publics, que l'Etat peut subventionner. Je voudrais aussi rappeler qu'à l'opposé des doctrines libérales, mon Gouvernement a constamment affirmé l'importance qu'il attache au maintien des services publics. Il a pris ses distances avec les politiques de réduction d'effectifs dans les services de l'Etat comme dans les entreprises publiques.
Je connais votre sensibilité particulière au maintien du service public postal. Le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, est venu vous apporter des réponses attendues sur ce service public, dont la présence sur le territoire, caractérisé par un réseau de guichets sans équivalent en Europe, doit demeurer exemplaire. Comme il vous l'a indiqué, le principe réaffirmé en la matière est celui de la concertation, au sein d'une commission départementale créée par la Poste, dans laquelle les élus sont représentés.
Ce partenariat se développe aussi dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Le Gouvernement s'est mobilisé pour bâtir une société de l'information pour tous. Lors du CIADT de juillet dernier, il a retenu l'objectif de permettre l'accès de tous au haut débit, sur l'ensemble du territoire en 2005. Par ailleurs, il a pris la décision d'aider à la généralisation de la couverture du territoire pour le téléphone mobile.
Vous avez aussi travaillé, pendant votre Congrès, sur le thème de l'environnement.
Dans ce domaine, essentiel pour notre avenir collectif, les maires jouent un rôle irremplaçable. Aux questions relatives aux déchets, à l'eau, à l'assainissement ou aux espaces verts, se sont ajoutés plus récemment des préoccupations en matière de protection des sites ou de prévention des risques. L'Etat continuera de privilégier le partenariat avec les communes. Ainsi, les sites qui seront retenus pour le réseau NATURA 2000 seront-ils gérés en association avec les communes concernées, dans une démarche contractuelle.
En 20 ans, en France, les relations entre l'Etat et les collectivités locales, et plus particulièrement les communes, ont été profondément transformées. Nous avons rompu avec la vieille centralisation française. Le jugement sur cette évolution est positif puisque chacun préconise une nouvelle étape de la décentralisation.

III - Je voudrais vous faire part de quelques convictions sur les perspectives d'une nouvelle décentralisation.
La loi du 2 mars 1982 préparée par Gaston Defferre sous l'autorité de Pierre Mauroy, aura 20 ans l'année prochaine. Il faudra célébrer cet anniversaire et rappeler dans quelles conditions celle-ci est née et pourquoi elle a été une réussite. Aujourd'hui, personne ne la remet en cause, alors qu'à l'époque les débats furent vifs et les oppositions fortes.
En matière de décentralisation, il y a ceux qui en parlent et ceux qui l'ont faite.
Pour réaliser une nouvelle étape de la décentralisation dans notre pays, il faut d'abord que les objectifs en soient clairement exposés.
S'agit-il de réduire, dans une approche libérale, le champ d'intervention de la puissance publique, au profit à la fois du secteur privé et de collectivités décentralisées ? Pour ma part, je ne retiens pas une telle orientation, dont je doute qu'elle soit compatible avec le souhait de maintenir sur tout le territoire national un réseau de services publics et l'égalité de traitement des citoyens ?
L'objectif est-il de faire de notre pays un Etat fédéral ? Une telle organisation ne me semble pas adaptée à notre pays, compte tenu de la manière dont il s'est constitué et de la passion de l'égalité qui l'anime.
Veut-on bouleverser la carte territoriale de la France, au nom de la rationalisation des structures ? Je rappelle que la France n'est pas un pays neuf et que notre longue histoire s'inscrit dans des territoires. Il ne serait pas sage de les nier.
Je me défie des constructions par trop abstraites, dans un domaine où derrière les concepts il y a des hommes et des femmes, des réalités physiques et humaines, des traditions et des cultures vivantes.
Pour ma part, je crois que l'objectif prioritaire d'une nouvelle étape de la décentralisation doit être la recherche d'une meilleure satisfaction des besoins collectifs de nos concitoyens : fournir des équipements et des services adaptés, garantir une meilleure sécurité contre tous les risques, favoriser le développement économique et l'emploi local, assurer l'exercice de la solidarité, faire vivre la démocratie de proximité.
Pour mieux atteindre cet objectif, l'esprit chaque niveau de collectivité doit être précisé.

La commune doit demeurer la pierre constitutive de notre démocratie locale. Quelle que soit sa taille, elle traduit pour nos concitoyens, la plus proche institution démocratique. Des structures intercommunales sont nécessaires. Dans les villes importantes, l'échelon du quartier doit être reconnu. Mais la commune restera pour moi au cur.
Le département doit rester en charge des équipements et de la solidarité. Il peut venir en appui aux intercommunalités.
La région est la collectivité de l'aménagement. Elle doit fédérer les pays et les agglomérations, espaces de projet, pour mettre en uvre une politique d'aménagement du territoire régional.
Ces différents niveaux de collectivités doivent agir en réseau, en s'unissant si nécessaire dans le cadre interdépartemental ou interrégional, en concluant des conventions pour des actions conjointes, en déléguant des compétences au niveau le plus approprié.
Enfin, s'agissant des finances locales, je suis convaincu qu'il faut doter les collectivités locales de ressources fiscales plus modernes, mieux identifiées, et correspondant plus fidèlement aux capacités contributives des citoyens.
Les contribuables locaux doivent savoir, mieux qu'aujourd'hui, quelle collectivité est responsable des impôts qu'ils paient et quels services collectifs ils financent. Cela suppose sans doute d'aller vers une forme de spécialisation des impôts. Cela n'interdirait pas que les collectivités locales disposent de ressources fiscales diversifiées, y compris par le partage de certains impôts nationaux.
Ensuite, je crois que nous ne pourrons plus différer la modernisation des bases des impôts locaux, dont le caractère largement obsolète provoque aujourd'hui des transferts de charges injustes.
Enfin, ces orientations demeureraient incomplètes si elles ne s'accompagnaient pas d'un véritable renouveau des mécanismes de la péréquation des ressources financières entre collectivités.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs, vous avez choisi comme thème de votre Congrès : " Vivre ensemble, une ambition locale ".
Vous, les Maires de France, par votre contact direct avec nos concitoyens, par votre connaissance concrète et quotidienne de leurs problèmes, par la richesse et la diversité de vos expériences humaines, vous savez, intimement, ce que " Vivre ensemble " veut dire, la nécessité et la difficulté d'y parvenir, aujourd'hui.
Ce savoir " vivre ensemble ", c'est aussi ce que j'ai voulu, avec le Gouvernement, faire progresser dans notre pays : en faisant reculer le chômage, en luttant contre l'exclusion, en humanisant la Ville, en défendant la place de la ruralité, en recherchant tout à la fois plus de libertés et plus de sécurité pour les Français. C'est dans cet esprit commun que j'ai voulu faire vivre la relation entre l'Etat et les communes, afin que nous soyons des partenaires pour réaliser ce qui doit être une même ambition.
Mesdames et Messieurs les Maires, m'adressant à vous dans ce Congrès pour la dernière fois pendant cette législature, je veux vous assurer, avec une force particulière, de mes sentiments de respect, d'estime et de confiance.
Par votre rassemblement, vous donnez aujourd'hui une image chaleureuse de notre communauté nationale et un exemple de fraternité républicaine dont vous pouvez être fiers, et tous nos compatriotes avec vous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)