Texte intégral
Bonsoir ! C'est un rendez-vous exceptionnel auquel nous vous convions, ce soir. Pour la première fois, vous pourrez interroger, en direct, un ministre du Gouvernement et, en l'occurrence, le ministre des DOM-TOM, depuis Paris où nous sommes reliés, avec lui, par le biais d'un réseau "téléphone". Dominique Perben a accepté les règles de notre émission. Vous lui poserez vos questions et il y répondra.
Ce soir, bien entendu, il va être question, essentiellement, de l'avant-projet de loi d'orientation pour l'outre-mer – ce que l'on appelle, ici, le projet de loi Perben – ; un texte qui définit, pour l'outre-mer français, les stratégies et les politiques futures en matière de développement économique et social.
Pour ce qui est de l'emploi, et c'est ce qui nous intéresse, sans doute le plus, – en résumé, le projet prévoit 3 grands axes :
1. l'insertion d'un tiers des RMIstes ;
2. ensuite, l'incitation à l'embauche par l'abaissement du coût du travail et donc l'exonération des charges sociales de certains secteurs uniquement – et c'est bien là, le problème, nous en parlerons longuement, ce soir ;
3. et enfin, troisième point : garantir la transparence financière de cette politique de l'emploi.
Voilà donc, très schématiquement, la trame et le fonds de ce projet de loi d'orientation dont on parle tant. Vous êtes nombreux à vouloir poser vos questions au ministre des DOM-TOM. Notre standard vous est ouvert, dès maintenant, 99.11.14 et le serveur Minitel également 36.15 code RFO-R.
Dominique Perben est – je vous le rappelle – en direct avec nous ce soir, depuis Paris.
RFO : Monsieur le ministre, bonsoir !
D. Perben : Bonsoir !
RFO : Merci, bien entendu, d'avoir accepté notre invitation et d'être avec nous, ce soir. Au cours de ces dernières semaines, – on en a beaucoup parlé –, vous avez rencontré les représentants de nos collectivités locales, des partis politiques et des syndicats ; tous, ou presque tous, vous ont demandé de rectifier votre projet sur un certain nombre de points.
Ce soir, monsieur le ministre, la question qu'on se pose tous, ici : est-ce que vous avez tenu compte de ces revendications ? En un mot, est-ce que "oui" ou "non", le texte a été modifié ? Et si oui, sur quel point ?
D. Perben : Oui, il a été modifié. Il l'a été, d'ailleurs, depuis le début de la concertation puisque, par rapport au premier projet de document, de texte, que j'avais soumis aux élus, nous avions très vite, par exemple, ouvert au secteur agricole, le système d'exonération de charges sociales de manière à donner à ce secteur, qui est très pourvoyeur d'emplois, dans un certain nombre de départements d'outre-mer, la possibilité de cet allégement de charges.
Par ailleurs, nous avons également réfléchi à deux types de modifications. D'une part, des modifications dans le fonctionnement de l'insertion de manière à mieux associer le Conseil général qui, à travers différentes réactions venant des différents départements, avait le sentiment d'une trop grande recentralisation dans le processus ; on en reparlera peut-être, au cours de l'émission.
Et, par ailleurs, nous avons également, par la bouche du Premier ministre lui-même, ouvert deux pistes nouvelles qui étaient largement demandées.
D'une part, une augmentation des capacités de construction de logements de façon à offrir davantage de logements sociaux aux familles qui en ont besoin et de manière à soutenir l'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics : c'est l'annonce des 100 millions qui a été faite par monsieur Balladur aux Antilles, tout récemment ; et d'autre part, nous avons dégagé des moyens financiers, particulièrement pour les départements d'outre-mer, dans le cadre de la préretraite progressive à partir de 55 ans qui est également un sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au cours du débat parlementaire.
Alors, quel est le calendrier, aujourd'hui ? Le texte sera présenté en Conseil des Ministres le mercredi de la semaine prochaine, car il y a encore une relecture à faire après les avis du Conseil d'État ; et, au cours de la discussion parlementaire, le Gouvernement sera amené à introduire dans le texte les modifications qui ont été suggérées par le Premier ministre, qui n'ont pas pu, qui ne peuvent pas être intégrées dans le texte du Conseil des ministres lui-même puisque l'avis du Conseil d'État a été donné entre temps, mais les à-propos gouvernementaux permettront effectivement de répondre à un certain nombre de demandes qui m'avaient été faites par différents interlocuteurs.
Donc, voilà où nous en sommes ; la discussion parlementaire devrait se dérouler au cours du mois de juin et, peut-être, se terminer au cours de la session extraordinaire qui est, d'ores et déjà, annoncée pour la première partie du mois de juillet.
RFO : Voilà donc, effectivement, pour le premier élément de réponse à cette question.
Il y a à mes côtés, ce soir, Benoît Ferrand et Jean-Michel Fontaine.
Alors, monsieur le ministre, une question sur le financement de ces mesures. On a beaucoup dit, quand ces mesures sont sorties, que les Réunionnais, que ce sont les Réunionnais qui vont payer, en grande partie, ces mesures ; est-ce qu'il n'y avait pas possibilité de faire jouer la solidarité nationale ?
D. Perben : Alors, elle jouera, cette solidarité nationale mais il est exact qu'elle ne jouera pas pour l'intégralité des mesures.
Deux décisions de principe ont été prises : la première c'est que la politique d'insertion, si elle a un coût net – ce qu'il m'est difficile de savoir à l'avance mais ce qui est très probable – sera prise en charge par l'État. C'est-à-dire que cet aspect des choses ne sera pas, n'appellera pas à un financement originaire des départements d'outre-mer ; s'agissant de l'allégement des charges sociales dont le coût est estimé environ à 1 milliard pour l'ensemble des DOM ; les financements qui sont dans la loi prévoient de faire appel à 600, 650 millions, 700 millions enfin, selon ce qui sera finalement décidé sur l'affaire des jeux originaires de l'outre-mer le reste, c'est-à-dire 350 millions à 400 millions, originaires de la solidarité nationale.
Voilà comment se répartissent les choses.
Alors, la question évidemment qui vient tout de suite à l'esprit c'est : est-ce que l'on n'aurait pas pu se contenter de ce qui est finançable par la solidarité nationale c'est-à-dire par le budget de l'État ?
Notre sentiment c'est qu'une telle décision aurait affecté l'efficacité des mesures ; nous n'aurions pas pu, pour des raisons budgétaires, – qui je crois sont bien compréhensibles – aller aussi loin dans les réformes, et en particulier dans les allégements de charges, et il n'y aurait pas eu ce que nous espérons, c'est-à-dire le coup de fouet de l'économie dans les secteurs de production comme nous l'espérons avec ce dispositif.
Donc, il y a là effectivement un choix dont on peut, bien sûr, discuter mais qui nous paraît justifié compte tenu de la vraie priorité qui est celle des chômeurs qui sont vraiment en trop grand nombre dans les départements d'outre-mer, et qui exigent que nous fassions le maximum pour eux, même si cela nécessite une certaine contribution de la part des autres habitants de l'outre-mer.
RFO : Nous reviendrons, bien entendu, Dominique Perben, dans le courant de cette émission, sur le financement de ce projet de loi. Effectivement, c'est une question qui interpelle beaucoup les Réunionnais, ce soir. Vous vous en doutez, il y a beaucoup beaucoup de questions qui vous sont adressées, ce soir. Je vous propose d'aller immédiatement au standard, à la rencontre d'un auditeur.
Madame, Monsieur, bonsoir. Bienvenus sur RFO. Nous vous écoutons.
1er auditeur : Oui, bonsoir RFO ; bonsoir, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, une fois, à la Réunion, vous avez dit que ce qui est bon pour la Métropole n'est pas nécessairement bon pour la Réunion.
À ce sujet, souvent on utilise le mot de "spécificité" ; mais, pourquoi le Gouvernement, justement, utilise ce terme lorsque cela l'arrange et comme en comporte votre avant-projet de loi avec la TVA sociale et la taxe sur les jeux ; "spécificité" pour ne pas accorder le même SMIC, le même RMI et les autres prestations sociales. Mais, lorsqu'il s'agit de loi favorable comme l'allocation parentale d'éducation qui ne sera pas étendue aux familles réunionnaises, et pourquoi, pour la CSG également, on n'a pas parlé de "spécificité" afin de ne pas appliquer ça aux Réunionnais ? Pourquoi c'est dans un seul sens ?
RFO : Merci, monsieur, pour votre intervention. Effectivement, le sens de votre question est rejoint par bon nombre d'auditeurs.
Dominique Perben, sur cette question de la "spécificité" qui est vécue, ici, dans un sens unique également…
D. Perben : Oui, je crois ; non, je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est un sens unique !
RFO : … qui est vécue ici…
D. Perben : … puisque dans le projet, dans l'avant-projet de loi qui va être en discussion, il y a justement cette suppression des charges sociales qui correspond(ent) aux allocations "maladie" et aux allocations "accident du travail", et cela, ces cotisations ne sont pas supprimées sur le plan national.
Donc, il y a bien là suppression, il y a, donc là, un avantage qui est donné à l'emploi dans les départements d'outre-mer et qui n'est pas donné aux entreprises et à l'emploi en Métropole. Donc, on ne peut pas dire que c'est un sens unique.
S'agissant de la loi Veil et de l'aménagement de la mesure d'allocation parentale d'éducation, je voudrais dire que le débat parlementaire permettra très certainement de voir comment mobiliser les financements correspondants pour mener, outre-mer, une politique en direction des familles qui soit satisfaisante et, je sais qu'un certain nombre de parlementaires d'outre-mer se sont déjà saisis de cette affaire pour qu'il y ait, effectivement, une réponse spécifique à une situation particulière qui est celle de l'outre-mer, donc je ne crois pas que l'on puisse dire que les choses vont en sens unique ou alors, il faut tout dire et il faut, par exemple, évoquer l'évolution des crédits des Contrats de plan qui augmentent de 50 %, outre-mer, alors qu'ils n'augmentent que de 10 % en Métropole.
Donc, je crois que nous devons tenir compte des différences qui tiennent à la situation démographique, qui tiennent au retard d'équipement, outre-mer, qui tiennent à la nécessité de construire plus de logements sociaux ; tout cela amène des réponses, très fréquemment, plus favorables qu'en Métropole.
Mais c'est vrai que, dans ce cas particulier, où nous prenons des mesures particulières pour l'outre-mer – qui sont fort coûteuses – ; ces mesures, nous ne les prenons pas en Métropole, et cela amène à rechercher des financements effectivement particuliers à l'outre-mer. En rappelant, toutefois, que les niveaux de fiscalité étaient, jusque-là, différents entre l'outre-mer et la Métropole…
RFO : … bien sûr.
D. Perben : … donc, je crois qu'il ne faut pas en faire une règle générale, je crois qu'il faut tenir compte des réalités concrètes et essayer de trouver les réponses les plus appropriées à des situations qui exigent des réponses plus fortes. Si nous proposons ces mesures pour l'outre-mer, c'est parce que nous constatons, malheureusement, un taux de chômage plus important outre-mer qu'en Métropole et, donc, il est nécessaire d'avoir une politique de l'emploi qui soit plus forte, qui aille plus loin et qui réponde mieux à l'attente des chômeurs.
RFO : Monsieur Perben, pour revenir à la question de l'auditeur d'il y a un instant. Sur la question des jeux, on en est où pour l'instant ? Il demandait si ce n'était pas plus simple de taxer la Française des Jeux au lieu de taxer les joueurs ?
D. Perben : Écoutez… tout dépend de ce que l'on veut dire. Quand on dit : "taxer la Française des Jeux", en réalité, cela veut dire "prélever des recettes budgétaires de l'État". Donc, il faut avoir – je crois – la clarté de dire les choses très clairement. Soit on fait payer une surtaxe sur le ticket de jeu – effectivement, c'est le joueur qui paie un petit peu plus – ; soit on prélève sur les recettes de la Française des Jeux, et ça veut dire "prélever sur le budget de l'État" puisque vous savez que le gain global de la Française des Jeux est versé au budget de l'État c'est-à-dire au ministère du budget, donc il faut trouver un juste équilibre.
Nous sommes en train – à la demande d'ailleurs des Réunionnais – de recalculer la masse de jeux qui est faite dans l'outre-mer, et en particulier à la Réunion, pour adapter éventuellement le taux qui était prévu dans l'avant-projet de loi. Ça c'est un point qui n'a pas encore totalement abouti et qui devrait, je pense, apporter une réponse plus favorable que ce qui était dans l'avant-projet de loi.
RFO : Monsieur le ministre, vous avez beaucoup consulté – encore tout récemment, vous avez reçu une délégation des Conseils général et régional de la Réunion –. Est-ce que, depuis le début de ces consultations – et alors qu'elles s'achèvent –, vous avez été déçu, surpris ou, en général, satisfait des réactions et des commentaires qu'ont apportés les élus socioprofessionnels à votre avant-projet ?
D. Perben : Non, moi, j'ai trouvé les réunions, souvent très longues d'ailleurs, que j'ai menées aussi bien avec les élus qu'avec les socio-professionnels qu'ils soient employeurs ou salariés, j'ai trouvé ces réunions très intéressantes parce-que nous avons pu, à l'occasion de cet avant-projet de loi, entrer dans de vraies discussions précises, concrètes et très très souvent constructives.
Alors, bien sûr, après il y a la présentation qui est faite par les uns ou par les autres – et en particulier, la présentation politique faite par les hommes politiques ; mais ça aussi, ça fait partie de la vie et c'est bien normal qu'ensuite, chacun présente les choses en fonction de son analyse politique.
Mais, ce qui a été très utile pour nous, aussi bien pour le projet de texte de loi, lui-même que pour la préparation des décrets d'application que nous avons déjà commencée à faire – car il faut travailler à l'avance pour être prêt lorsque la loi sera votée, même si, bien sûr, elle est modifiée par le débat parlementaire, nous avons été très intéressés par ce qui nous a été dit sur un certain nombre de points de manière à ce que la loi et les décrets collent, le plus possible, à la réalité. Car ce sont les gens de terrain, et le gens donc que nous avons rencontré qui ont pu nous dire un certain nombre de choses.
Et puis, tout à l'heure, vous posiez la question de savoir la modification. Je vous ai répondu, en plus, mais il y a aussi des mesures auxquelles nous avons pensé utiles de renoncer compte tenu des réactions qu'elles suscitaient ou des interrogations qu'elles suscitaient rentrer dans les détails au cours de cette émission –, mais il y avait des points qui concernaient les salariés originaires de Métropole qui venaient dans les départements d'outre-mer, cette mesure a été mal comprise – elle était contestée par un certain nombre des interlocuteurs – ; nous avons donc décidé de l'enlever de la loi ; de même, s'agissant du SMA, il y avait des interrogations qui s'étaient exprimées et nous avons décidé de sortir cet élément du texte de loi.
Et, ce sont des réactions de gens de terrain qui nous ont amené à modifier le texte, donc je crois vraiment que la concertation a été utile pour la qualité – je dirais l'applicabilité – du texte. Car, il ne faut pas oublier que lorsque l'on fait un projet de loi en tout cas, c'est ce que j'essaie de ne pas oublier, c'est qu'il faut ensuite qu'il s'applique, qu'il s'applique dans de bonnes conditions et ça, c'est important.
Et, pour revenir à l'aspect que j'évoquais, tout à l'heure avec vous, qui était celui du rôle des Conseils généraux, j'ai été sensible à un certain nombre de remarques qui m'étaient faites sur l'idée d'une recentralisation – qui n'était pas du tout mon objet, mais cela a été perçu comme cela – ; et la nomination du directeur de l'Agence départementale d'insertion, par exemple, sera présentée différemment, de manière à ce qu'une bonne collaboration des Conseils généraux et des Préfectures soit assurée ensuite, lorsque le texte sera voté.
RFO : Monsieur le ministre, vous vous en doutez, beaucoup de questions encore au standard. Nous allons écouter une question dans quelques instants. Avant tout, Gora Patel, une question.
Gora Patel : Oui, monsieur le ministre, après vous avoir écouté, je voudrais revenir sur deux informations que vous venez de donner dans ce que vous venez de dire.
D'abord, si j'ai bien compris, vous avez dit que les décrets d'application étaient également en préparation – c'est ce que reprochait un petit peu le patronat – ; ici, l'ADIR disait "mais la loi oui ça semble être une belle machine mais s'il faut attendre les décrets d'application un an ou deux, on ne saura pas comment utiliser cette loi".
Et, deuxième chose que vous avez dite, il y a quelques instants – et je vous demanderai de préciser –, vous avez bien dit qu'en ce qui concerne la taxe, rien n'est arrêté, il y a encore un calcul qui est effectué en ce moment ?
D. Perben : Oui, si vous voulez, pour répondre d'abord à votre seconde question sur le rendement des jeux. Nous recherchons en gros une centaine de millions de recettes originaires des jeux.
Donc, je ne veux pas tricher dans cette affaire, et les Réunionnais nous ont dit que leurs propres calculs les amenaient à conclure que la surtaxe de 10 % amènerait une recette de l'ordre de 200 à 250 millions – ce chiffre m'a évidemment interpellé d'où l'utilité de la concertation –, et nous sommes en train, avec la Française des Jeux, de reprendre les calculs pour voir si effectivement c'est une recette de ce type et, à ce moment-là, il n'y aura évidemment pas une surtaxation amenant une telle recette, et le projet définitif devrait diminuer la surtaxation.
S'agissant maintenant des décrets d'application, nous souhaitons en effet que la loi s'applique le plus tôt possible, et nous avons donc commencé à y travailler avec les autres ministères de manière à ce que, si la loi est votée début juillet, rendue applicable par sa publication et la signature du Président de la République, du Premier ministre et de moi-même, autour du 15 juillet, les décrets puissent être publiés en septembre et que la loi soit donc applicable à partir de ce moment-là ; j'ai suffisamment dit, moi-même, qu'il y avait urgence pour faire en sorte que la loi s'applique le plus vite possible.
RFO : Eh bien, la réponse était claire et elle répond à bon nombre de questions qui nous étaient posées sur le 36.15 code RFO-R. Il est temps, pour nous, d'aller une nouvelle fois au standard.
Madame, Monsieur, bonsoir !
2ème auditeur : Bonsoir !
RFO : C'est à vous, monsieur ; nous vous écoutons.
2ème auditeur : Bonsoir ! Bonsoir, monsieur le ministre ! Bonsoir à tout le monde sur le plateau !
J'aimerais poser une question – j'essaierai d'être concis –. Est-ce qu'il ne faudrait pas organiser autrement, à la Réunion, le mode de vie. Et par rapport au travail, aux loisirs, vous savez, monsieur le ministre, que nous, en tant que Réunionnais à la Réunion, on vit mal puisque certains travaillent beaucoup, d'autres pas du tout, et il n'y a pas d'équilibre effectif entre le travail et le loisir.
Par rapport à cela, vous savez très bien que le fonctionnaire, ici à la Réunion, touche trop d'argent. Est-ce qu'il n'est pas possible – le simple agent des services par exemple, touche 9 000 francs par mois –, est-ce qu'il n'est pas possible de généraliser le travail, à mi-temps par exemple ou bien aux trois-quarts, et d'un autre côté, généraliser les loisirs ? Ce qui fait que le temps qui resterait donc à la personne, dans la semaine ou dans le mois, est passé aux loisirs et, pendant ce temps-là, celui qui n'a pas de travail, il travaillerait.
RFO : Merci, monsieur, pour votre intervention. Nous allons en profiter pour demander à Dominique Perben de parler finalement de l'organisation du temps de travail.
Vous y avez réfléchi, monsieur le ministre ? On doit, maintenant, aborder ce problème de la préretraite. Vous proposez, vous, dans votre plan, 55 ans ; ici, on parle, on aimerait plutôt, enfin on a pensé que 50 ans ça serait pas mal pour permettre justement, eh bien finalement, aux gens de s'en aller plus tôt en retraite et de créer, de cette façon, des emplois. Quelle est votre position ? C'est notamment l'opinion du sénateur Pierre Lagourgue.
D. Perben : Pour répondre, d'abord, à la question telle qu'elle m'a été posé(e) par votre auditeur, je voudrais dire qu'en fait, il pose la question du rythme de travail et d'une certaine idée de partage du travail même si l'expression est très ambigüe.
Ce que je voudrais dire, c'est que la loi quinquennale qui a été votée en septembre dernier et qui est applicable, outre-mer, – je le rappelle –, contient un certain nombre de dispositions qui devraient favoriser progressivement le travail à temps partiel, et je crois effectivement que cette formule, aussi bien dans les entreprises privées que dans l'administration au sens large, c'est-à-dire l'administration classique mais aussi les services hospitaliers, les organismes de ce type-là, devraient permettre une certaine redistribution des possibilités de travail et donc, comme le suggérait votre auditeur, je dirais un rythme de vie un petit peu différent…
RFO : … Voilà !
D. Perben : … alors, s'agissant de la retraite : la date de 55 ans qui est donc retenu, aujourd'hui, dans l'avant-projet de loi, tel qu'il sera proposé, est perçue par beaucoup à la Réunion comme trop tardive.
Alors, ce que nous savons de la courbe démographique pousse, effectivement, à souhaiter que l'on puisse descendre quelque peu en dessous de 55 ans puisqu'il se trouve – c'est une donnée de fait – que, à la Réunion en particulier, les tranches d'âge de personnel(s) salarié(s) sont nettement plus importantes en dessous de 55 ans qu'au-dessus.
Pour dire les choses simplement, disons qu'en dessous de 55 ans, on est plutôt à 3 000 personnes, 3 000 salariés par an alors qu'au-dessus de 55 ans, on est plus près de 1 000 ou 1 500 personnes par an, pour des raisons qui tiennent probablement aux naissances, au moment de la guerre et après la guerre – enfin bon, c'est d'ailleurs un phénomène qui est assez large…, qui est plus accentué, outre-mer, mais qu'on retrouve aussi en Métropole.
Alors, la question qui sera sûrement dans le débat parlementaire débouche sur une question un peu financière – vous l'imaginez bien –…
RFO : … bien entendu.
D. Perben : … alors, la question qui se posera au moment du débat parlementaire – et je sais que le sénateur de la Réunion y est attentif – ce serait de savoir si on peut faire un effort supplémentaire dans cette direction pour tenir compte, justement, de cette courbe démographique en sachant que deux emplois à mi-temps, deux mises à mi-temps de personnes de plus de 55 ans dans le texte, ou éventuellement 54 ou 53, auraient comme contrepartie l'emploi d'un jeune chaque fois qu'il y a deux personnes qui prennent une préretraite, ce qui évidemment serait intéressant, en particulier pour les jeunes Réunionnais.
RFO : Une nouvelle question. Allô, bonsoir !
3ème auditeur : Allô !
RFO : Oui bonsoir, monsieur, c'est à vous, nous vous écoutons.
3ème auditeur : Oui bonsoir, monsieur le ministre !
Je suis le directeur d'une Société d'Économie Mixte qui a été créée par l'État, il y a environ 25 ans à la Réunion, qui s'appelle la SAFIR, et qui a pour objet l'aménagement du Sud de l'île par le biais de l'irrigation. Alors bien entendu, cette SEM est à la disposition de ses actionnaires, donc de l'État, pour mettre en œuvre sur le terrain, disons, la politique agricole qu'il aura défini.
Alors, ma question est double. Je souhaiterais, tout d'abord, savoir si vous pouviez nous préciser les mesures particulières qui sont en cours d'élaboration, éventuellement en faveur de l'agriculture réunionnaise ; et d'autre part, s'il ne vous paraîtrait pas intéressant d'utiliser l'outil – qu'est notre SEM – pour mettre en place de telles actions. Un petit peu à l'image de ce qui s'est fait dans le Sud de la Métropole, lorsque les grandes sociétés d'aménagement telles que, par exemple, la société d'aménagement des coteaux de Gascogne a été chargée, – c'est un exemple parmi d'autres de traiter le problème de la résorption, de la surproduction viticole, il y a plusieurs années. On pourrait imaginer des montages semblables s'il y a une politique forte qui est impulsée par l'État.
RFO : Merci, monsieur Foux, pour votre intervention. Dominique Perben, votre réponse.
D. Perben : Oui alors, s'agissant des mesures sur l'agriculture dans le projet lui-même, il y a donc inclusion du secteur agricole parmi les secteurs à allégement des cotisations sociales. Cela avait été demandé, très fortement, par les élus de l'ensemble des départements – toutes tendances confondues – et nous l'avons donc inscrit.
Mais, la question – je crois – de votre auditeur est plus large que cela et dépasse largement l'avant-projet de loi ; c'est, au fond, quel peut être le rôle d'une SEM d'aménagement dans la politique agricole. Alors, je crois que, sur des projets d'aménagement ruraux, d'aménagement du foncier, d'irrigation… effectivement, de telles sociétés doivent avoir un rôle – je pense qu'elles en ont un, d'ailleurs –.
Nous pouvons également réfléchir à la façon dont on pourrait mobiliser des financements de nature européenne pour développer l'agriculture sur la Réunion ; je sais d'ailleurs qu'il y a des actions fort intéressantes, par exemple, dans l'élevage, qui ont été mises au point avec les professionnels, et donc il n'y a pas du tout de fermeture, de la part ni de moi-même ni de mon collègue de l'agriculture, pour que des sociétés telles que celles qui sont dirigées par votre auditeur jouent un rôle, éventuellement plus important, pour des travaux d'aménagement ruraux…
RFO : Monsieur le ministre, il y a une question qui revient – excusez-moi – assez souvent sur notre Minitel : "l'exonération" telle que vous la prévoyez dans votre projet ; l'exonération des charges sociales, est-elle possible pour les CDD dans l'agriculture ? La question est précise –.
D. Perben : Oui alors, l'exonération des charges n'est pas liée à la nature du contrat. C'est-à-dire qu'il s'agisse d'un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée, il n'y a pas de différences. Donc, les CDD dans l'agriculture sont couverts par le projet de loi.
RFO : Monsieur le ministre, une autre question sur le Minitel – 36.15 RFO-R – : quelles mesures concrètes pour l'insertion des RMIstes, autrement dit pour le "i" de RMI ? C'est – je crois – l'un des points forts, en tout cas l'une des bases fortes de votre projet.
D. Perben : Oui, c'est le cœur de la première partie de la loi. C'est la raison pour laquelle nous pensons nécessaire de mobiliser les financements et de l'État – et du Conseil général – au sein d'une Agence départementale qui aura quelle vocation et donc pourquoi créer cette Agence ?
Eh bien, pour d'abord qu'il y ait un organisme unique capable de créer, de mettre au point un plan départemental d'insertion et de rechercher les associations, les communes, les organismes à caractère public capables de faire travailler des RMIstes, de leur proposer des activités d'intérêt général ; c'est une structure de mobilisation des énergies, et une structure également qui sera employeur car, très souvent, les actions d'insertion butent sur le fait de savoir comment assurer une prise en charge des anciens RMIstes, et donc l'Agence d'insertion sera l'employeur des RMIstes mis en activité, ce qui simplifiera considérablement les procédures administratives.
Quant à savoir quelles tâches, quelles activités proposer aux RMIstes, je crois vraiment alors que, là, les possibilités sont immenses, sans du tout faire concurrence aux secteurs privés d'activités, qu'il s'agisse des questions de gestion de l'espace, gestion de la nature, protection de l'environnement, de prévention des régions naturelles – et Dieu sait qu'il y en a dans l'outre-mer et, en particulier, à la Réunion – ; donc je crois que ces tâches qui, aujourd'hui, ne peuvent pas être assumées, faute de financements, trouveront là une possibilité, d'une part, de proposer des activités aux RMIstes mais aussi une possibilité de financement à travers cette transformation des financements qui, d'une simple assistance, devienne des financements pour payer, sous forme de salaire, l'activité utile à la collectivité. Je crois que ça, c'est une transformation qui paraît importante. Donc, j'aimerais donner à ces personnes…
RFO : … Dominique Perben…
D. Perben : … cette dignité, cette utilité sociale dont ils ont besoin.
RFO : Vous avez évoqué, à l'instant, monsieur le ministre, cette instance suprême de concertation également qui devrait gérer l'insertion des RMIstes. Les salariés de la Commission Locale d'Insertion, eux, sont inquiets par rapport à cette nouvelle structure ; je demanderais, rapidement, de répondre à leur question : que vont-ils devenir ?
D. Perben : Ah non, je crois qu'il ne faut pas du tout qu'ils soient inquiets. Je crois savoir, d'ailleurs, qu'il a plusieurs Commissions Locales d'Insertion à la Réunion – il doit y en avoir 10 ou 11 – qui sont en général par "bassins d'emploi" – enfin, c'est comme cela qu'elles ont été montées – ; ces CLI garderont toute leur utilité ; leur activité sera coordonnée par l'Agence départementale mais il est bien évident que ces CLI, qui assurent une bonne concertation des différents acteurs locaux, gardent toute leur utilité et ceux qui en sont les salariés garderont, bien sûr, toute leur utilité ; donc, je crois qu'ils peuvent être complètement rassurés : le rôle des CLI n'est pas remis en cause par la création de l'Agence départementale d'insertion, et donc, les salariés qui sont rémunérés sur les crédits d'insertion n'ont pas de raison de connaître de changement à l'avenir. Donc, là, il n'y a pas du tout d'inquiétude à avoir.
RFO : Allô, bonsoir !
4ème auditeur : Bonsoir !
RFO : C'est à vous, monsieur. Il nous reste 10 minutes. Je vous demanderais de poser votre question rapidement.
4ème auditeur : D'accord. Bonsoir, monsieur le ministre.
D. Perben : Bonsoir, monsieur.
4ème auditeur : Ma question va directement au mode de financement : n'était-il pas plus. judicieux, justement, de prélever 1 % sur la TVA telle qu'elle existe actuellement, et 1 % sur les recettes de l'octroi de mer pour financer ce projet, puisque vous savez très bien que les prix sont beaucoup plus chers à la Réunion qu'en Métropole – je ne dis pas le coût de la vie mais les prix – sachant très bien que vous allez, dans ce cas-là, pour les gens qui ne bénéficient pas des 35 % d'indemnité de vie chère, augmenter encore cette cherté de vie et, par là-même, donc creuser encore un peu plus le fossé des inégalités.
Et je pense que – vous êtes au courant aussi bien que moi – 1 % de l'octroi de mer représente – c'est la taxe régionale pour la région 100 millions de francs. Je veux dire que, sans toucher aux prix, vous allez financer votre projet. Je crois que c'était beaucoup plus facile puisque, en augmentant la TVA automatiquement, vous savez qu'on va, là, vers une harmonisation européenne ; la TVA tend à baisser en Métropole, donc par de là-même à la Réunion, donc je veux dire que je vous vois très mal augmenter cette TVA !
RFO : Merci, monsieur, pour votre intervention. Dominique Perben ?
D. Perben : Oui, d'abord, je voudrais dire que si on prélevait sur l'octroi de mer, ce serait les collectivités territoriales qui perdraient c'est-à-dire la région, le département et les communes qui perdraient une part de leurs recettes ; et je crois que leur situation, aujourd'hui, ne permet pas de le faire. En plus, ce sont souvent des activités à caractère social ou des investissements qui sont faits par les collectivités territoriales, et je crois que ce serait préjudiciable.
S'agissant de la TVA, je voudrais, en réponse à la question très précise et très bonne de votre auditeur, parler de l'évolution de l'influence de cette augmentation de TVA sur les prix. Je voudrais rappeler deux choses :
La première c'est que la production locale qui va être, qui va se voir allégée par la suppression des charges sociales de 23 % : il est bien évident que cet allégement de charges sociales devrait se répercuter aussi en terme de niveau de prix et surtout en terme de capacité de concurrence de la part des entreprises de production locale par rapport aux produits importés.
Et le sentiment que nous avons – et quand je dis "nous", ce sont en particulier les experts du ministère de l'économie – c'est que cette mesure d'allégement des charges sociales va pousser à la baisse des prix dans les départements d'outre-mer ; donc, le sentiment de ces experts c'est que l'augmentation de TVA devrait avoir un effet extrêmement faible en terme de hausse de prix.
Enfin, dernière observation que je voudrais faire : nous avons veillé, bien sûr, à ce que le taux réduit de la TVA, c'est-à-dire tous les produits de première nécessité, – et ils sont nombreux dans la liste des produits de première nécessité – ne sont pas touchés par la hausse des prix.
On a cité quelques exemples qui restent à 2,5 % de TVA et sur lesquels il n'y a pas d'augmentation : c'est tout ce qui est l'alimentation, tout ce qui est produits agricoles, produits de la pêche, les produits à usage agricole, les appareillages d'handicapés, les repas des cantines, toutes ces choses-là ne sont absolument pas touchées, ne seraient pas touchées par l'augmentation qui est prévue de la TVA.
Voilà les différents éléments de réflexion, d'information que je peux donner à la suite de la question qui vient d'être posée.
RFO : Eh bien, nous allons, monsieur le ministre, si vous le voulez bien une nouvelle fois au standard de l'émission. Allô, bonsoir !
5ème auditeur : Allô !
RFO : Bonsoir, monsieur, c'est à vous.
5ème auditeur : Oui, bonsoir. Je voudrais poser une question politique à monsieur le ministre.
Voilà : en 1986, Jacques Chirac avait proposé la parité sociale à la Réunion. On a vu ce qui s'est passé : en 1988, dans l'outre-mer, Jacques Chirac a subi une défaite cuisante.
Est-ce qu'en terme d'opportunité politique, il était vraiment le moment, à moins d'un an des présidentielles, de s'engager dans un projet qui, de toute manière, ne pourra pas avoir d'effet(s), d'ici aux présidentielles ? Voilà ma question.
RFO : Merci, monsieur, pour votre question. Elle est, effectivement, très précise et directe ; alors, Dominique Perben, qu'est-ce que vous répondez aux gens qui vous disent qu'à travers votre projet, eh bien finalement, vous déroulez le "tapis rouge" pour le RPR et I'UDF, pour les présidentielles ?
D. Perben : J'ai cru comprendre que la question voulait dire, au contraire, que je pouvais gêner mes propres amis politiques – en tout cas, j'ai compris comme ça –. Il me semble que c'est ce qu'a dit votre auditeur.
RFO : C'est…
D. Perben : Je voudrais répondre très clairement là-dessus. Le rôle du Gouvernement, dans cette affaire, c'est quoi ? C'est de constater qu'il y a 92 000 RMIstes dans l'outre-mer, c'est-à-dire personne sur 7 actifs. C'est-à-dire beaucoup plus que sur le plan national.
Et la deuxième constatation que nous faisons c'est qu'à la Réunion, il y a 37 % voire même un peu plus de chômeurs par rapport à la population active, et que cela est extraordinairement grave et en particulier, très préoccupant pour l'avenir des jeunes Réunionnais.
Et donc, notre préoccupation ce n'est pas de savoir ce qui va se passer aux élections présidentielles prochaines, outre-mer, c'est (mais) de faire notre métier c'est-à-dire de faire en sorte que l'avenir des jeunes Réunionnais soit plus ouvert demain qu'il ne l'était jusqu'à aujourd'hui. Donc, c'est cela ma préoccupation.
Cela fait plus d'un an maintenant que, à travers mes déplacements, outre-mer, et les contacts que je peux avoir avec les uns et les autres, je suis interpellé par cette situation sociale, par ce nombre de RMIstes, par ce nombre de chômeurs ; je crois que mon devoir et le devoir du Premier ministre – c'est bien comme cela qu'il a bien voulu soutenir toute l'idée de ce projet – ; eh bien, c'est d'essayer de répondre aux perspectives des jeunes, en particulier des jeunes Réunionnais.
Voilà tout simplement ce que j'avais à dire et je pense que si cette loi est comprise – et je pense qu'elle l'est de plus en plus, même si, dans certains de ses aspects, elle peut être critiquée ou si on peut me suggérer des évolutions – eh bien, je crois que les Réunionnais c'est la liberté dans une démocratie porteront un jugement politique, bien sûr – mais je crois que le premier devoir d'un Gouvernement c'est de préparer l'avenir.
RFO : Effectivement, Dominique Perben, vous comme moi avions bien entendu la question de cet auditeur qui disait que ça pouvait vous gêner mais, dessous bien entendu, c'est une dimension politique, bien entendu, à cette question – vous y avez répondu, merci –.
En raison des questions nombreuses qui nous parviennent, nous allons un petit peu déborder – cela veut dire que nous n'entendrons pas France Inter à 19 heures –. Benoît Ferrand, une question.
Benoît Ferrand : Oui, monsieur le ministre, vous disiez, au début de cet entretien, que le budget de l'État, à lui seul, n'aurait pas supporté tout le poids financier de l'avant-projet. Est-ce à dire que cet avant-projet est trop ambitieux ou que vous avez estimé qu'au jour aujourd'hui, il n'y a plus le choix ?
D. Perben : Je crois qu'il y a une question d'urgence. Vous savez lorsque, au niveau gouvernemental, au niveau parlementaire, on a des missions à prendre, il faut – je dirais – classer les priorités.
Et, il nous semble aujourd'hui que la première des priorités c'est de tout faire pour baisser le chômage d'une part, et d'autre part, faire en sorte que les économies d'outre-mer soient davantage des économies de production et moins des économies d'importation.
C'est la raison pour laquelle, il nous paraît indispensable de favoriser la production locale même s'il faut trouver une partie du financement en prélevant 2 % de TVA supplémentaires sur la consommation, et donc, sur une bonne partie de ce qui est importé localement.
C'est une question de priorité. C'est la priorité donnée dans ce projet de loi, dans les choix qui ont été faits aux chômeurs et aux RMIstes ; c'est ça le choix qui a été fait parce que ça nous semble la plus grande des injustices, aujourd'hui, dans l'outre-mer.
RFO : Madame, monsieur, bonsoir ! Bienvenus sur RFO. Dominique Perben vous écoute. Posez votre question.
6ème auditeur : Bonsoir, monsieur le ministre ; bonsoir, messieurs !
D'abord, en introduction, je suis chef d'entreprise, prestataire de services. J'utilise 2 techniciens hautement qualifiés et mes charges sociales… je suis obligé de licencier les 2 parce que les charges sont trop lourdes. Est-ce que vous ne pouvez pas faire quelque chose pour les artisans prestataires de services ?
Deuxième question : est-ce que vous avez pris connaissance du rapport THILL ?
Troisième question…
RFO : Rapidement, monsieur, s'il vous plaît.
6ème auditeur : Troisième question : vous ne trouvez pas qu'il est anticonstitutionnel, le prélèvement des taxes sur les jeux ?
RFO : Donc, voilà ! Trois questions en une. Dominique Perben.
D. Perben : Oui, alors, je n'ai peut-être pas tout entendu de la dernière question.
Sur les artisans, ce qui me paraissait la question plus importante. Alors, effectivement, s'agissant des exonérations globales de charges, – les 23 points dont je parlais tout à l'heure –, cette exonération est réservée aux entreprises inscrites au Registre du commerce et au Répertoire des métiers appartenant au secteur de l'industrie.
Mais, ce que je voudrais dire et qui n'a, parfois, pas été vu dans l'avant-projet, c'est que nous avons également introduit, dans le texte, la possibilité d'embauche(s) avec exonération des cotisations sociales pour les deuxièmes et troisièmes salariés de l'ensemble des entreprises artisanales, quel que soit leur secteur d'activité.
Donc, pour les artisans, quel que soit leur secteur d'activité, il y aura exonération des charges sociales pour le deuxième et le troisième salarié. Et ça, c'est une mesure tout à fait générale qui devrait alléger, et je l'espère, susciter certaines embauches dans les petites entreprises, les entreprises artisanales. Car nous sommes convaincus qu'il y a, là, peut-être, la plus grande possibilité d'embauche pour l'avenir. C'est probablement dans les petites, voire les toutes petites entreprises, qu'il y a le réservoir d'embauche(s) le plus important.
Alors, je crois que monsieur, ensuite, a posé une question mais j'ai mal entendu, là au téléphone, sur les jeux. C'est cela ?
6ème auditeur : Voilà, tout à fait.
D. Perben : Est-ce que vous pouvez répéter la question ?
6ème auditeur : Est-ce que c'est constitutionnel, est-ce que c'est en fidélité, par rapport à la Constitution finalement, le prélèvement sur les jeux ?
D. Perben : Nous pensons que le Conseil constitutionnel peut toujours avoir un avis contraire mais, compte tenu de ce que nous savons de sa jurisprudence, ça nous paraît constitutionnel.
RFO : Et puis, la troisième question ?
D. Perben : Autrement, bien sûr, nous ne le précisons pas dans le texte, nous ne faisons pas de la provocation. Peut-être, faudra-t-il le vérifier, ultérieurement, mais on sait que c'est constitutionnel.
RFO : Et la troisième partie de la question était consacrée au rapport THILL. Cet auditeur vous demandait si vous l'avez lu, autrement dit, si vous y avez trouvé de bonnes idées quand vous l'avez lu.
D. Perben : Oui, que nous avons d'ailleurs retenu puisque vous savez que, dans le texte de loi, il y a également, pour l'ensemble des secteurs, une exonération de charges sociales, d'une part, pour les créations d'emplois dans les entreprises qui développent des débouchés commerciaux à l'extérieur – c'était l'aspect du rapport THILL –, et à cette exonération des charges sociales s'ajoutera une prime dégressive sur 10 ans, donc nous avons en fait repris les conclusions du rapport THILL. C'est très clair.
C'était, d'ailleurs, une des premières choses qui m'ont été dites en mai – pardon, en juillet, quand je suis allé à la Réunion ; en juillet dernier, en juillet 1993, j'ai eu plusieurs réunions avec des élus, des socio-professionnels de la Réunion qui m'ont tous demandé de voir les conclusions du rapport THILL. Nous avons, ensuite, travaillé avec mon collègue Alphandéry sur ce rapport, et donc, nous avons repris ces conclusions dans l'avant-projet.
RFO : Allô, bonsoir !
7ème auditeur : Oui, monsieur le ministre, bonsoir !
RFO : Nous vous écoutons, monsieur.
7ème auditeur : Oui, votre projet, monsieur le ministre, s'intitule "projet de loi sur l'insertion, l'emploi et le logement social dans les départements et collectivités territoriales de l'Outremer" ; mais, on constate que votre Gouvernement refuse d'accorder les crédits pour la construction du logement social à la Réunion. Et là, c'est la réponse qui a été faite à diverses propositions faites par nos collectivités, région et département.
Donc, par conséquent, la demande de construction de 12 000 logements sociaux par an ne se fera pas dans l'intégralité, donc il n'y aura pas les 18 000 emplois qui pourraient se dégager de la construction de ces 12 000 logements sociaux…
RFO : Dominique Perben, votre réponse sur ce problème du logement social.
D. Perben : Écoutez, d'abord, je crois qu'on ne peut pas dire que le Gouvernement refuse d'accorder les crédits de logement social. Les crédits sont en augmentation. Le Premier ministre a annoncé une enveloppe complémentaire de 100 millions par an sur cinq ans, lors de son déplacement aux Antilles, pour les quatre départements d'outre-mer donc, il y a une volonté d'augmenter les crédits du logement social.
Alors, bien sûr, compte tenu des besoins de rattrapage et des besoins d'évolution démographique, nous sommes probablement encore, cette année 94 et en l'année 95, en dessous de ce qui serait nécessaire, ou en tout cas, de ce qui serait souhaitable. Nous le savons, mais c'était un problème – je dirais – de gestion des crédits.
Ce que je voudrais dire c'est que, depuis 5-6 ans – et vous voyez que je ne fais pas de différence entre les différents Gouvernements –, il y a eu un effort continu, des uns et des autres, pour essayer d'augmenter les emplois de logement social, nous continuerons à le faire ; moi, je me battrai année après année, tant que je serai à ce poste, pour qu'effectivement les crédits de logement social puissent augmenter, et je crois que c'est la meilleure… c'est la réponse concrète que l'on peut faire.
Il n'y a pas du tout de volonté du Gouvernement, ce serait stupide de notre part de refuser cet effort qui a, d'une part, une utilité sociale – loger des familles – ; et d'autre part, une utilité économique puisque c'est un des secteurs qui est important dans l'économie de l'outre-mer.
RFO : Dominique Perben, il nous reste maintenant moins de deux minutes avant la fin de cette émission. Pour conclure, le mot de la fin et les prochaines étapes du projet de loi.
D. Perben : Les prochaines étapes que je vous ai rappelé, tout à l'heure, c'est donc le Conseil des ministres, la semaine prochaine.
Ensuite, l'ouverture de la discussion parlementaire avec une reprise en compte, par le Gouvernement, des évolutions qui ont été annoncées par le Premier ministre sous forme d'amendement gouvernemental ; une discussion parlementaire qui – je pense – permettra encore d'améliorer sur tel ou tel point le texte par un dialogue entre les parlementaires et le Gouvernement, et les décrets d'application, en septembre prochain, de manière à ce que la loi puisse produire ses effets, le plus vite possible, avec cet impératif qui est celui de la loi qui est de faire en sorte que les RMIstes se voient souvent proposer une activité d'utilité sociale, mais aussi une activité, pour eux-mêmes, qui leur permette de se sentir mieux dans la société.
Et puis, cette mesure importante, sur un grand nombre de secteurs d'activité, de suppression d'une partie des charges sociales pour susciter de nouvelles créations d'emplois ; et la mesure que nous avons évoquée, tout à l'heure, avec l'un de vos auditeurs, qui est cette mesure pour aider à l'exportation, c'est-à-dire à un élargissement du marché de l'économie d'outre-mer.
30 mai 1994
La Tribune Desfossés
DOM : Perben veut donner un avantage à la production locale.
Le ministre des Départements et territoires d'outre-mer présente son projet de loi "pour le développement économique et social dans les départements et les collectivités territoriales de l'outre-mer" mercredi prochain au Conseil des ministres. – L'objectif majeur de ce projet est de pouvoir donner une activité à un tiers des 92 000 RMIstes, dans les deux ou trois prochaines années. – En outre, son ambition est de lutter contre le chômage des jeunes, en supprimant notamment toutes les charges sociales, maladie-accidents du travail sur les secteurs dits de production. – De retour des Antilles, Dominique Perben explique les enjeux des dispositions contenues dans ce texte.
La Tribune : Vous venez d'accompagner le Premier ministre au cours de son voyage aux Antilles. Quel bilan tirez-vous de ces trois jours ?
Dominique Perben : Le voyage du Premier ministre a permis de rappeler les grandes lignes de notre politique outremer, les grandes étapes des actions menées depuis un an, tant pour équilibrer les comptes des collectivités publiques que pour négocier le doublement des fonds européens ou pour préparer les contrats de plan, qui augmentent sensiblement. Enfin, il a permis de préparer une réforme structurelle complémentaire de la défiscalisation avec, d'une part, la politique d'insertion et, d'autre part, la politique de baisse des charges sociales sur les secteurs productifs.
La Tribune : Quelle est la philosophie du projet de loi pour le développement économique et social dans les départements et les collectivités territoriales de l'outre-mer qui va être présenté au Parlement ?
Dominique Perben : Elle est assez simple et arrive comme une suite logique de ce que nous avons fait depuis un an. Notre premier souci a été d'assurer une part significative, en outre-mer, du plan de relance. Nous avons voulu donner, le plus vite possible, aux régions, la capacité de reprendre un rôle d'investisseur. Pour cela, nous leur avons donné des capacités de ressources fiscales supplémentaires. Et les budgets 1994 des régions vont de nouveau être des budgets d'investissement. Les trois régions Martinique, Guadeloupe, Guyane, ont réglé leur déficit. Elles viennent de contracter des emprunts pour solder leurs dettes. La dernière en date, c'est la Martinique, qui a fait un emprunt de 550 millions. Elles vont donc pouvoir reprendre cette année un budget d'investissement significatif. Ensuite, nous avons négocié l'opération des fonds européens pour 1994-1999, qui aboutit à un doublement en 1999, par rapport à 1992. En conséquence, nous avons mis en route des contrats de plan, qui doivent assurer la contrepartie par l'État de sa part de cette politique européenne. Cela nous amène à avoir des contrats de plan qui augmentent en moyenne de 50 % sur les cinq prochaines années.
Au-delà de cet effort, il nous est apparu indispensable de mettre au point un projet qui a deux vocations principales. La première est d'améliorer l'insertion des RMIstes. L'objectif du projet de loi, c'est de pouvoir donner une activité à un tiers des 92 000 RMIstes, dans les deux-trois prochaines années. La deuxième, c'est la suppression des charges sociales maladie-accident du travail sur les secteurs dits de production, c'est-à-dire agriculture, pêche, industrie, artisanat de production, hôtellerie, restauration, de manière à donner un avantage comparatif par rapport aux pays indépendants concurrents voisins et par rapport aux produits importés.
La Tribune : Comment financez-vous le coût d'une telle mesure ?
Dominique Perben : Par une augmentation de deux points de la TVA dans les quatre DOM, et avec une aide de l'État. Le coût, sur le stock d'emplois est d'un milliard de francs. L'augmentation de la TVA représente 600 millions. Nous envisageons, par ailleurs, la création d'une taxe sur les jeux, qui va rapporter environ 100 à 150 millions, et le solde sera pris en charge par l'État. Voilà la philosophie générale. Il s'agit de donner un avantage comparatif à la production locale, pour ce qui est de l'industrie, de l'artisanat, et de l'agriculture, et de réduire le désavantage de l'hôtellerie par rapport aux pays voisins.
La Tribune : Vous évoquiez le chiffre du tiers des 92 000 RMIstes réinsérés dans trois ans. Quels moyens pouvez-vous mettre en œuvre pour améliorer la politique de réinsertion de ces RMIstes ?
Dominique Perben : On constate que les crédits prévus pour l'insertion n'étaient pas, jusqu'ici, véritablement utilisés comme ils auraient pu l'être. Nous créons donc une agence départementale, coprésidée par le préfet et le président du conseil général, avec un directeur, qui sera chargée de recevoir les fonds à la fois de l'État et du conseil général, et de réaliser un plan de réinsertion, qui mobilisera les communes, les associations, éventuellement les entreprises.
Cette agence sera, par ailleurs, l'employeur des RMIstes. C'est la grande différence. C'est elle qui recevra les fonds du RMI, et qui sera l'employeur des personnes qui auront un statut proche du CES, ce qui facilitera beaucoup les choses. Nous faisons également un contrat d'accès à l'emploi. C'est une formule qui permettra à une entreprise de proposer un contrat à durée indéterminée à un RMIste, avec comme avantage de pouvoir bénéficier pendant deux ans, de la suppression des charges et d'une prime comparable au coût d'un CES pour l'État. C'est une façon d'amener les entreprises à anticiper sur l'embauche.
La Tribune : De quels maux ces départements souffrant-ils le plus, et de quelle façon le gouvernement entend-il y remédier ?
Dominique Perben : D'abord, il faut rappeler que ces départements sont globalement créateurs d'emplois. Le solde net de ces territoires est parfois très important ! À la Réunion par exemple, jusqu'à l'année 1992 incluse, 3.500 emplois étaient créés par an ! Ce n'est pas négligeable. Aux Antilles et en Guyane, également, le solde net est positif. Cependant, ces créations d'emplois sont insuffisantes, eu égard à la croissance démographique qui est beaucoup plus forte dans ces départements que dans le reste du pays. Le solde démographique est très important, surtout à la Réunion.
Je crois que le grand défaut de ces économies est qu'elles sont essentiellement des économies d'importation avec, certes, un secteur BTP assez développé, un maintien relatif du pouvoir d'achat grâce aux dépenses des transferts sociaux, mais une importation assez massive, y compris de produits agroalimentaires. Ce qu'il faut, c'est donner un avantage à la production locale, par rapport à l'importation. Nous mettons par ailleurs dans la loi une aide à la production pour l'exportation, à partir de ces départements. Il y a là aussi de réelles possibilités.
La Tribune : Votre projet de loi entend s'attaquer au chômage et singulièrement celui des jeunes – dont un sur deux est sans emploi. Avec quelles solutions nouvelles qui aient quelque chance de succès ?
Dominique Perben : La loi va effectivement être utile pour les jeunes, qui sont les plus formés. Mais elle vise à alléger les charges salariales, de façon "brutale", pour augmenter les possibilités d'embauche. Par ailleurs, à travers le dispositif d'insertion, je voudrais revenir sur le contrat d'accès à l'emploi, qui est original par rapport aux mécanismes nationaux. C'est un contrat à durée indéterminée, offert par une entreprise à des RMIstes, en contrepartie de quoi l'entreprise perçoit une aide significative pendant deux ans. C'est quelque chose qu'il sera intéressant d'observer. Quel sera l'effet de la contrainte contrat à durée indéterminée ? Comment l'entreprise va réagir ? Y aura-t-il une véritable anticipation à l'embauche, au fond, deux ans à l'avance ? Ce sera intéressant, parce que c'est un mécanisme qui n'a jamais été mis en place. Il faut toujours se méfier des approximations, mais au fond, c'est un CES pour l'entreprise, mais à durée indéterminée.
À mon avis, ce sont surtout les jeunes qui bénéficieront de ce mécanisme. Nous allons également proposer la mise en place outre-mer, du système de la pré-retraite progressive, à partir de 55 ans qui, dans les faits, n'existait pas là-bas.
La Tribune : Le coût de ces mesures, évalué à un milliard de francs, sera financé pour partie par la hausse de 2 points de TVA. Les gens n'auront-ils pas l'impression de payer d'un côté ce qu'on leur donne de l'autre ?
Dominique Perben : Les risques d'effets récessionnistes nous paraissent très faibles, dans la mesure où le milliard d'allégement de charges est concomitant. S'il y a 600 millions qui vont aller dans les caisses du budget de l'État, il y a un milliard de francs qui va rester au niveau des entreprises – qui peuvent d'ailleurs être toutes petites.
Par ailleurs, s'agissant de la hausse des prix, on peut penser que la réduction des charges, pour ce qui est des produits locaux, va plutôt pousser à la baisse des prix. Et, par ailleurs, la concurrence plus forte des fournitures locales par rapport à l'importation peut aussi produire une certaine concurrence à la baisse des prix.
La Tribune : Les besoins en Investissements sont considérables. Un certain nombre d'acteurs locaux évoquent la création d'un établissement financier nouveau, propre aux DOM. Qu'en pensez-vous ?
Dominique Perben : Le Premier ministre a annoncé un certain nombre de mesures. La première, c'est la baisse d'un point du taux de réescompte. Il a également indiqué qu'il avait demandé qu'on réétudie le système des réserves obligatoires, pour le système des crédits outre-mer. Et enfin, nous allons voir avec les banques comment réaliser l'application outre-mer de la baisse des taux, qui n'est pas du tout parallèle à celle de la métropole. Car, non seulement, il y a un écart de taux entre la métropole et l'outre-mer, mais en plus, les taux n'évoluent pas parallèlement : tandis qu'ils baissent en métropole, ils ne baissent pas de la même façon outre-mer. Donc, l'écart a tendance à s'accroître. Là, il y a quelque chose qui n'est pas acceptable. Et c'est plus important que tout le reste !
La Tribune : Et l'idée même d'une Institution financière nouvelle ?
Dominique Perben : Avec quels capitaux, quel mode de fonctionnement, quels types de risque ? … Il vaut mieux jouer sur la concurrence des réseaux bancaires nationaux, voire étrangers.
La Tribune : Le développement du transport maritime est parfois remis en cause en raison du monopole exercé par la CGM. Va-t-il perdurer ?
Dominique Perben : Il a aussi beaucoup d'avantages ! Vous savez que la CGM, qui a un fret bananier dans un sens, a dans l'autre sens des possibilités de fret à très bas prix. Les DOM sont assez attachés à cela. Il n'y a pas que des inconvénients.
La Tribune : L'essor du tourisme est en partie lié à l'évolution – fluctuante – de la défiscalisation. Le gouvernement est-il prêt à s'engager sur une longue période pour susciter la confiance des Investisseurs ?
Dominique Perben : Il me semble qu'avec le texte de juin dernier, on est arrivé à un système assez bien stabilisé. Nous avons réintroduit quelques mesures supplémentaires, en particulier pour les concessions de service public, les fonds propres des entreprises en difficulté, et quelques améliorations de la situation pour le logement. Mais, en même temps, on a maintenu le système de l'agrément, en l'améliorant : on a donné au ministère des DOM-TOM la possibilité de donner un avis d'opportunité, qui est un élément complémentaire à l'avis du ministère du Budget, des impôts, et une possibilité d'évoquer les cas les plus importants en arbitrage chez le Premier ministre.
Je crois que cette position raisonnable que nous avons adoptée s'agissant de l'agrément était quelque chose de sain pour tous, parce que l'agrément est en même temps une garantie, à la fois de réalité de l'intérêt économique de l'investissement et aussi une garantie en matière de droit fiscal, parce que ce qui doit perturber souvent les réseaux de collecte de fonds défiscalisés c'est qu'à la sortie, peut-être par imprudence de la part des organismes qui proposaient des produits défiscalisés, les contribuables se sont retrouvés quelquefois avec des ardoises gigantesques. Il me semble que, maintenant, la législation est stabilisée.
La Tribune : Les contrats de plan sont en passe d'être signés. Ils augmentent de quelque 50 % sur la période précédente. Quelles sont les politiques qui en bénéficient le plus ?
Dominique Perben : Ce qui explose, c'est ce que l'on pourrait appeler l'environnement. Il y a un énorme retard outre-mer, en matière d'adduction d'eau, de traitement des eaux usées, de traitement des déchets, et là nous avons véritablement une grosse difficulté à suivre. Sinon tout augmente, que ce soit pour les équipements aéroportuaires, portuaires, les routes, le scolaire, l'éducation… Ce que j'ai souvent du mal à faire comprendre à mes collègues, c'est que, quand on parle des départements d'outre-mer, on est dans un ensemble où la démographie augmente. Or, nous avons pris l'habitude depuis dix-quinze ans dans l'administration française de raisonner à population quasiment constante, en particulier dans le domaine éducatif. Outre-mer, le problème n'est pas là, c'est de construire des dizaines de classes tous les ans, de construire des lycées tous les ans, nous sommes dans une logique de type années 50-60 et ça, ça pèse très lourd. Ça explique pour une bonne part l'augmentation des besoins en équipements publics. Le logement social, c'est pareil, il y a une demande de logements qui est phénoménale à laquelle il convient de répondre…
La Tribune : L'idée d'une fusion des assemblées – départements et régions – est parfois évoquée. Ne permettrait-elle pas de mettre un terme à une certaine cacophonie ?
Dominique Perben : Nous considérons que ce n'est pas un sujet d'actualité. Ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas un sujet de réflexion en concertation avec les responsables locaux, mais l'essentiel des problèmes aujourd'hui est de nature économique et sociale et les problèmes statutaires ne doivent pas prendre le pas sur les problèmes concrets auxquels les gens sont confrontés au quotidien.
2 juin 1994
Le Monde
Dominique Perben : éLa justice ne doit pas être un facteur de déstabilisation de la société outre-mer".
Le conseil des ministres devait adopter, mercredi 1 juin, le projet de loi sur le développement économique et social dans les départements et les collectivités territoriales de l'outre-mer, présenté par Dominique Perben, ministre des DOM-TOM. Dans l'entretien qu'il nous accordé, M. Perben souligne la "nécessité absolue" d'encourager l'économie de production "si l'on veut éviter une explosion sociale" dans les DOM. II met en garde, par ailleurs, les magistrats au sujet des affaires de corruption qui se sont multipliées outre-mer, en déclarant que la justice doit être un facteur de stabilisation et non de déstabilisation" de la société.
Le Monde : Votre projet de loi affiche l'ambition d'enrayer la progression du chômage dans les DOM. Pensez-vous avoir réellement les moyens de cette ambition ?
Dominique Perben : Il faut que nous ayons tous ensemble le courage de modifier un certain nombre de règles du jeu pour que les activités se multiplient dans les départements d'outre-mer. Je suis convaincu que c'est jouable. Il faut sortir un petit peu des habitudes mentales et mobiliser les crédits qui vont aujourd'hui vers l'outre-mer pour qu'ils servent à la création d'activités plutôt qu'à l'assistance et à la subsistance.
La réforme du RMI est le premier volet du texte. On ne peut pas laisser filer les choses, dans la mesure où il apparaît de plus en plus que le RMI, outremer, c'est le mode de subsistance d'une partie significative de la population et, pour beaucoup, sans espoir de retour dans système économique classique. Ce n'est pas une mesure temporaire ; c'est un état durable. Nous préconisons donc une autre politique d'insertion, avec pour objectif de mettre en activité environ un tiers des quatre-vingt-douze mille personnes concernées en deux ou trois ans.
Le deuxième volet, qui est le plus novateur, consiste à chercher à modifier le rapport des forces entre l'économie de production et l'économie d'importation. C'est une ambition importante. Le moment est venu de s'attaquer à cet aspect des choses, d'abord parce qu'il n'est pas légitime de laisser se développer cette économie faite à la fois d'assistance, de subsistance et d'importations massives ; ensuite, parce que si l'on ne corrige pas en profondeur ce déséquilibre, on ne pourra pas réduire de façon significative la tendance à l'augmentation du chômage.
Si l'on veut éviter une explosion sociale, c'est une nécessité absolue. Je n'ai pas la naïveté de penser que le dispositif qui est dans cette loi va suffire à lui tout seul, mais ce que je sais, c'est que la suppression des charges patronales dans les secteurs de production à long terme, c'est-à-dire l'agriculture, la pêche, l'industrie, l'artisanat et l'hôtellerie, aura un effet significatif. Il est probable que l'économie d'importation va se défendre, elle va peut-être baisser ses prix, mais, en tout cas, l'économie de production sera mieux armée pour développer l'emploi localement. Et puis, il y a un complément, l'aide aux activités d'exportation, qui peut être une niche d'emplois intéressante.
Le Monde : Certains élus ont reproché à votre texte de remettre en question la décentralisation…
Dominique Perben : Cela fait partie des critiques qui relèvent d'une certaine incompréhension et, peut-être, d'une certaine insuffisance d'explication. Il est prévu que l'agence départementale d'insertion, qui va recueillir les fonds du département et de l'État et signera les conventions avec les communes, les associations et les entreprises pour utiliser des RMIstes, sera coprésidée par le président du conseil général et le préfet.
J'ai précisé, dans l'avant-projet, que le directeur de cette agence sera nommé par le ministre. Je l'ai fait parce que je crois qu'il faut qu'il soit bien clair que, compte tenu du passé, la politique d'insertion des RMIstes ne peut en aucun cas servir de technique électorale et qu'il faut donc que le directeur de l'agence soit un homme indépendant. Cela étant, je reconnais que la formule est un peu radicale et qu'il ne serait pas raisonnable que l'État nomme un directeur qui ne serait pas accepté par le président du conseil général. Il faut donc que l'on trouve une rédaction assez intelligente pour permettre à cette personnalité de travailler avec les uns et avec les autres.
Ce à quoi je veux absolument veiller, c'est qu'il soit indépendant de toute écurie électorale. Cela me paraît indispensable pour la crédibilité de cette politique et pour son succès, car si la politique de l'agence départementale d'insertion est soupçonnée, au bout de quelques mois ou de quelques années, de faire la politique d'un des partis politiques, cela ne marchera plus.
Le Monde : Vous parliez de techniques électorales. On se rend compte, aujourd'hui, que la décentralisation a encouragé certains dévoiements clientélistes. Cela vous amène-t-il à porter un regard critique sur l'expérience institutionnelle de la décennie écoulée ?
Dominique Perben : Tout bien pesé, je suis absolument résolu à maintenir, voire à développer la décentralisation outre-mer. On peut classer les risques de dérapage en deux catégories : il y a, d'abord, les fautes de jeunesse – il faut bien voir que, s'agissant des régions, par exemple, on a mis en place un pouvoir nouveau qui n'a pu s'appuyer sur aucune structure administrative existante – et puis il y a d'autres effets, qui ne sont pas spécifiques à l'outremer et qui sont les tentations que procure l'exercice du pouvoir exécutif en termes de corruption. Par rapport à ce risque, je crois que la réponse ne doit pas être : "moins de décentralisation", mais, plutôt, des contrôles exercés. Cela n'a pas toujours été le cas, à l'évidence, sur les marchés publics.
Le Monde : Vous admettez là la responsabilité de l'État ?
Dominique Perben : D'une certaine façon, oui, au moins de certains agents de l'État, en sachant que parfois les textes ne sont pas faciles à appliquer. Et puis, la justice doit faire son travail. Je crois que c'est la seule réponse, même si cela dérange…
Le Monde : L'outre-mer est secoué depuis quelques mois par une série d'affaires politico-judiciaires. Quelle est l'attitude de l'État dans ce climat ?
Dominique Perben : Je ne veux pas interpréter ce qui a pu se passer à une période où je n'avais pas de responsabilités gouvernementales.
Ce que je voudrais simplement dire, aujourd'hui, c'est que la justice doit s'exercer à l'égard de tous et qu'elle doit pouvoir exercer son autorité avec une vraie sérénité. Outre-mer, encore plus qu'ailleurs, il faut bien voir que les décisions de justice et les délais d'instruction sont très perturbants. Il faut que les autorités de justice travaillent en toute indépendance et aillent au bout des choses.
En même temps, il faut qu'elles soient bien conscientes que la justice fait partie de la société, qu'elle est un des éléments d'équilibre de cette société. Il lui faut donc veiller à être un facteur de stabilisation et non de déstabilisation de cette société. Je pense, notamment, que les délais d'instruction doivent être gérés avec le plus d'attention possible, pour éviter des situations où de nombreux élus sont mis en examen pendant des durées assez longues, sans que l'on voie, pour autant, apparaître des résultats.
Je ne veux pas intervenir dans le fonctionnement de la justice, mais je suis simplement sensible aux éléments un peu déstabilisateurs que cela peut engendrer sur une société qui est peut-être plus fragile que celle de métropole parce qu'elle est insulaire, parce que tout le monde se connaît, parce qu'il y a un phénomène amplificateur de toute information.
6 juin 1994
Le Moci
Le ministre des Départements et Territoires d'Outre-Mer, M. Dominique Perben, dépose ce mois-ci un projet de loi qui vise à diminuer le fort taux de chômage dans les DOM, et à développer des secteurs productifs en baissant massivement les charges sociales.
Profession leader Dominique Perben
"Faciliter l'émergence d'une économie de production"
Le Moci : Quels sont les objectifs du projet de loi que vous venez de déposer à l'Assemblée Nationale ?
Dominique Perben : En résumant, le projet de loi vise deux objectifs. Il s'agit d'abord de proposer, dans les 2 à 3 ans qui viennent, une activité à 30 % des quelques 92 000 RMIstes des quatre départements d'outre-mer. Ce sont donc environ 30 000 contrats d'insertion qui prendront la forme, soit de contrats d'activités, qui sont créés par la loi et assez proches des contrats emploi solidarité (CES), soit de contrats d'accès à l'emploi, à durée indéterminée, et pour lesquels l'employeur bénéficiera, pendant deux ans, de l'exonération des cotisations sociales ainsi que d'une prime forfaitaire. Il s'agit là d'accélérer une embauche auprès d'une entreprise qui a, par ailleurs, de réelles perspectives d'activités.
Et puis, deuxième objectif, le développement du secteur de l'industrie, de l'hôtellerie et de la restauration, de la presse, de l'agriculture et de la pêche, au moyen d'une réduction massive de 23 points des charges sociales pour une durée de 5 ans.
Le but est de faciliter l'émergence d'une économie de production, malgré les difficultés structurelles que l'on connaît, en redonnant aux secteurs concernés un avantage comparatif par rapport aux produits d'importation, alors que la règle dans les départements d'outre-mer est trop souvent d'importer.
Le Moci : Pourquoi ne pas avoir étendu cette deuxième mesure à tous les secteurs ?
Dominique Perben : C'est en effet une remarque qui nous a été faite, mais nous avons privilégié un effet massif en termes de réduction des charges sociales plutôt que l'extension de la mesure à tous les secteurs de l'économie. Il nous est apparu qu'il était préférable, pour être efficace, de créer un effet de choc sur les secteurs directement touchés par la concurrence extérieure. Cela concerne cependant quelque 50 000 salariés, soit un quart des effectifs, ce qui n'est pas négligeable. Et puis, il y a une préoccupation de la bonne gestion des deniers publics. Par exemple, le BTP, qui était demandeur, a son activité liée aux commandes publiques et donc à la reprise des financements européens et des investissements des régions.
Pour compléter le dispositif, d'autres mesures concernent notamment le logement social, le financement des actions des collectivités locales, un office foncier et le fonds d'investissement routier qui élargit son objet au transport et à l'environnement.
La formation devrait être améliorée, mais ce domaine est plus réglementaire que législatif. Cependant, la loi prévoit la création d'un comité de la formation professionnelle pour avoir une meilleure coordination entre les différentes filières et un interlocuteur unique.
Le Moci : Comment votre avant-projet a-t-il été accueilli, les dans les DOM ?
Dominique Perben : Dès le départ, j'ai souhaité la plus large concertation possible. Aussi, le texte a-t-il été accueilli de manière favorable, même si des amendements ont été demandés. C'est ainsi qu'en ce qui concerne la transformation du fonds d'investissement routier, mesure qui avait été demandée par des élus, ou de la mise en place d'un opérateur foncier, le texte pourra être transformé.
De même, certaines critiques ont été émises sur les agences départementales d'insertion qui sont perçues comme des "instruments de l'État central". Je voudrais à ce propos rassurer les élus : nous rectifions le texte pour impliquer davantage les présidents des conseils généraux et les présidents des conseils d'administration de ces agences dans le choix des hommes.
Mais le principal reproche qui nous a été adressé se rapporte au financement concernant l'augmentation de deux points de la TVA, qui porterait le taux moyen de 7,5 % à 9,5 %, et la surtaxe sur les jeux.
S'agissant de la TVA, d'abord, le texte ne touche pas au taux réduit de 2,5 % qui concerne les biens de première nécessité. D'autre part, ce financement est loin de couvrir le coût total de la loi, puisque l'État en prend à sa charge environ un tiers.
De même, je m'interroge sur l'effet sécessionniste qui est parfois évoqué, cette mesure étant plus que compensée par le milliard de francs d'économies de cotisations sociales, ce qui représente une masse monétaire qui restera dans les départements.
Reste un léger risque de hausse des prix, mais deux points de TVA en plus c'est peu, d'autant que cela ne couvre pas l'ensemble des produits et que la concurrence sera multipliée dans les secteurs productifs.
Le Moci : Ce projet de loi ne renforce-t-il pas le caractère spécifique des DOM ?
Dominique Perben : L'économie est faite de spécificités. Les DOM sont des petits marchés, éloignés des grands marchés internationaux et il faut prendre en compte cette réalité. C'est la raison pour laquelle avait été mise en œuvre, puis réactivée, la loi Pons sur la défiscalisation, et c'est aussi pour cette raison que nous prenons ces mesures de réduction de charges. J'ajoute que la loi n'accentue pas les différences puisque la TVA était déjà dérogatoire à la situation métropolitaine et au total, en ajoutant fiscalité indirecte et augmentation de TVA, on arrive à une pression fiscale indirecte comparable à celle de la métropole, compte tenu de l'effet de l'octroi de mer.
Le Moci : Avec cette loi, l'État ne consolide-t-il pas ses pouvoirs dans les DOM ?
Dominique Perben : Plus qu'en métropole, je crois que la décentralisation a créé un véritable engouement dans les DOM. Cependant, la période des dix dernières années a connu incontestablement des dérapages, notamment dans ces nouvelles institutions que sont les régions. Celles-ci ne bénéficiaient pas d'un encadrement administratif aussi solide que les départements. Cependant, les déficits qui se sont creusés sont comblés ou en voie de l'être. Et j'ai le sentiment que les élus ont pris conscience de leurs responsabilités.
Je crois, pour ma part, que la spécificité des DOM rend plus indispensable encore la décentralisation.
En revanche, pour le bon fonctionnement de cette décentralisation, il faut que l'État, exécutif ou judiciaire, puisse exercer ses contrôles a posteriori.
En l'occurrence, ces prérogatives n'ont pas été exercées au cours des dernières années, notamment en Martinique, où le déficit a atteint le milliard de francs.
Le Moci : Des mesures administratives ou une loi suffisent-elles à desserrer les contraintes subies par ces marchés ?
Dominique Perben : Prenons un exemple, l'hôtellerie. Le fonctionnement d'un hôtel coûte plus cher dans les DOM qu'en métropole. Parce que le coût de la construction, les coûts d'entretien et de gestion sont plus élevés. La loi Pons permet de corriger le handicap de l'investissement. Reste que la gestion est plus chère en raison des salaires. Et là, la loi qui sera votée prévoit un allégement des charges de 20 000 F par an et par salarié, ce qui n'est pas négligeable.
Et puis, il n'y a pas que des handicaps. Les Antilles disposent de réels avantages structurels par rapport aux autres îles des Caraïbes, avec un environnement hospitalier et sécuritaire de qualité.
En ce qui concerne l'industrie, si on ne peut pas combler tous les handicaps, on va dans la bonne direction avec cette loi, et une mesure complémentaire d'aide aux entreprises industrielles qui exportent leurs produits vers les marchés européens ou les autres marchés mondiaux.