Interview de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, dans "Intercommunalités" de juillet 1998, sur les grandes orientations du projet de loi sur l'organisation urbaine et la simplification de la coopération intercommunale.

Prononcé le 1er juillet 1998

Intervenant(s) : 

Média : Intercommunalités

Texte intégral

Question
Le titre de votre projet de loi fait « rimer » Intercommunalité et organisation urbaine. S’il est vrai de 75 % des français vivent dans les villes, « l’Intercommunalité rurale » concerne 80 % du territoire et un quart de la population. Ne pensez-vous pas que celle-ci mérite une égale attention ?

Jean-Pierre Chevènement
Je ne crois pas qu’il faille opposer l’intercommunalité urbaine à l’intercommunalité rurale. Je rappelle que la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République a créé deux nouvelles structures : la communauté de communes plutôt destinée au monde rural, et la communauté de villes, qui, avec l’adoption de la taxe professionnelle unique, était orientée vers l’urbain.

Question
Six ans plus tard, que constatons-nous ?

Il y aujourd’hui, 1 241 communautés de communes et 5 communautés de villes. La formule de la communauté de communes, par sa souplesse et ses compétences réduites, a été retenue aussi bien dans les communes importantes que dans les communes rurales mais elle domine dans le monde rural, en effet, sur les 17,6 millions d’habitants regroupés depuis 1992, plus de 10 millions appartiennent à des groupements dont la population est inférieure à 50 000 habitants.

Question
L’intercommunalité s’est donc plutôt développée dans le monde rural et elle connaît de multiples formes pour le monde urbain.

Il faut à la fois simplifier, mais, en même temps, tirer les conséquences de l’échec des communautés de villes ; c’est ce que fait le projet de loi sur l’organisation urbaine et le simplification de la coopération internationale.

J’ajoute que l’intercommunalité rurale n’est pas oubliée dans le projet. Elle voit sa place confirmée en termes de dotation globale de fonctionnement et de compétences et elle bénéficie de la démarche de démocratisation, de simplification et d’harmonisation du fonctionnement de l’intercommunalité.

Surtout, j’ai tenu à ce que le financement des communautés d’agglomérations se fasse par un abondement de la DGF afin que le financement de la DGF des communautés de communes existantes ou à venir soit préservé.

Question
Le paysage de l’Intercommunalité est foisonnant et complexe. Or, votre projet ne semble pas devoir aboutir à une simplification radicale de l’Intercommunalité à fiscalité propre. Pourquoi ?

La diversité du territoire national démontre à l’évidence la nécessité de concevoir des instruments juridiques différenciés. Située au carrefour des politiques d’aménagement du territoire et de développement local, l’intercommunalité se doit de prendre en compte cette diversité. On ne traite pas de la même manière les problèmes qui se posent en zones rurales, en zones urbaines ou péri-urbaines ou dans les grandes agglomérations. Certes, ces problèmes présentent parfois des similitudes, ils ne sont pas cependant de même nature et n’ont pas la même ampleur.

La simplification radicale de l’intercommunalité à fiscalité propre ne doit pas constituer une fin en soi. L’objectif du projet de loi est de prendre en compte la réalité des agglomérations, de favoriser l’émergence de grandes métropoles sans oublier le monde rural et de créer les conditions d’un développement harmonieux de l’intercommunalité sur l’ensemble du territoire marqué par de fortes disparités entre régions entre départements et à l’intérieur d’un même département. Il ne saurait y avoir de formule unique imposant un cadre rigide. En effet, le développement territorial est, par nature, complexe et toutes les communes ne se trouvent pas dans des situations identiques. Certaines sont proches des grands axes de communication ou de grandes infrastructures, d’autres en sont éloignées. Certaines ont un passé économique alors que d’autres en sont dépourvues.

Je crois qu’il faut que les élus trouvent des réponses souples aux questions qui se posent. Ainsi le projet de loi propose trois types d’instruments :

– Les communautés urbaines dont le seuil de création est relevé à 500 000 habitants. Cette proposition permet de revenir à l’esprit de la loi du 31 décembre 1966 qui les avait créées dans un souci de promouvoir des métropoles régionales. Les communautés urbaines constitueront désormais le sommet de l’intégration intercommunale.

– Les communautés d’agglomérations qui ont vocation à répondre aux besoins des agglomérations dans lesquelles se concentrent beaucoup des maux dont souffre notre société : chômage, sécurité, déséquilibre économique et social, ghettoïsation des quartiers.

– Les communautés de communes résultant de la fusion des actuelles communautés de communes, des districts et communauté de villes.

Cette simplification du paysage s’accompagne d’une simplification des règles puisqu’un corps commun de ces dernières est proposé en matière de désignation de délégués, de représentation des communes, de conditions de dissolution.

Question
La simplification du paysage de l’intercommunalité ne passe-t-elle pas aussi par une redéfinition du rôle et de la carte des quelques 19 000 syndicats, dont les périmètres et les compétences chevauchent ceux des EPCI à fiscalité propre, contribuant ainsi à l’illisibilité et à l’inefficacité du système ?

Le nombre de structures de coopération démontre l’appartenance des mêmes communes à plusieurs groupements. Il n’est pas rare de voir sur le même territoire intervenir des établissements publics de coopération intercommunale à vocation spécialisée, mettant en jeu des solidarités intercommunales et des limites différentes. Cette multiplication des structures favorise des choix à court terme au détriment des actions à long terme et ne permet pas d’avoir une vision claire du mode d’organisation des équipements et des services mis en œuvre au fil du temps. Or, l’élaboration d’une stratégie du développement liée à une réflexion sur l’aménagement du territoire intercommunal suppose que l’on ait au préalable une perception précise de ce qui existe.

La loi du 6 février 1992 avait confié aux commissions départementales de coopération intercommunale le soin de rationaliser la carte intercommunale. Chaque département devait se doter d’un schéma départemental de coopération. Les résultats ne furent pas à la hauteur des ambitions. Les suppressions et les fusions d’établissements publics de coopération intercommunale furent limitées. Certes les structures de type associatif remplissent des fonctions indispensables à l’organisation des territoires surtout ruraux. Toutefois, elles ne permettent pas aux communes de s’insérer dans une stratégie de croissance et de développement à long terme.

Il est patent que la rationalisation de la carte intercommunale suppose la suppression de la juxtaposition d’organismes de tous ordres sur un même espace communautaire. Le projet de loi comporte une disposition qui sera de nature à empêcher les chevauchements entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ainsi une même commune ne pourra plus appartenir à deux EPCI à fiscalité propre. Le projet de la loi organise des passerelles permettant la transformation des EPCI en d’autres catégories. Le dispositif fera obstacle à des superpositions de périmètres.

Néanmoins, la réduction du nombre d’EPCI de type associatif repose davantage sur la volonté des élus qui peuvent négocier librement les conditions de leur coopération. Concevoir et organiser le développement territorial suppose de sortir de la logique selon laquelle le territoire communautaire ne serait qu’une juxtaposition de territoires communaux organisés autour d’une intercommunalité de services et d’équipements. L’opposition, héritée de l’histoire, entre l’intercommunalité de gestion et l’intercommunalité de projet, doit maintenant être dépassée.

Question
Ne croyez-vous pas nécessaire de lier la réforme de l’outil intercommunal à celle de l’organisation future du territoire national, et, notamment, de repenser les relations entre les groupements et les autres niveaux de collectivités locales, pour les organiser dans un cadre contractuel dont l’État serait l’incitateur et le garant ?

Je vous rappelle que les lois de 1982 sur la décentralisation ont fixé le cadre territorial et institutionnel de notre pays, il ne saurait être question de la modifier pour l’instant. Il faut au contraire, l’approfondir, permettre des collaborations et des solidarités entre les collectivités et l’État, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes. C’est la démarche que je poursuis.

Par ailleurs, on ne peut pas mettre sur le même plan le groupement intercommunal et les collectivités locales ; le premier est un établissement public spécialisé, doté d’une assemblée dont les membres sont désignés par les conseils municipaux avec des compétences limitées ; les deuxièmes ont une vocation générale, dirigées par une assemblée élue au suffrage universel.

Dès lors, les relations entre les groupements et les collectivités locales sont complémentaires et non antagonistes. Le groupement supplée les communes et fait à leur place ce qu’elles ne peuvent pas réaliser seules, ce qui n’est pas le cas des collectivités locales qui exercent dans la plénitude leurs compétences. On peut critiquer la complexité de notre organisation territoriale, mais je suis de ceux qui pense que chaque institution locale joue bien son rôle, qu’elle renforce la citoyenneté et la démocratie dans notre pays, qu’elle intègre bien les compétences nouvelles que les lois lui ont attribuées depuis 1982. La formation professionnelle, l’action sociale, sont par exemple d’incontestables réussites pour les collectivités locales.

Enfin, le projet de Madame Dominique Voynet, ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement sur le développement durable du territoire et le min sur l’organisation urbaine et la simplification de la coopération intercommunale visent à multiplier et à encourager le champ de la contractualisation dont les grandes orientations restent de la compétence exclusive de l’État.

Cette contractualisation n’a pas un caractère obligatoire, elle n’est possible que si les groupements intercommunaux et notamment les futures communautés d’agglomérations possèdent les compétences qui peuvent faire l’objet d’un contrat. Chacun est libre, y compris l’État, de signer le contrat.

En fait, on ouvre un peu plus et même aux pays, la possibilité de contractualiser. Il y aura désormais un lien plus fort entre le contrat et le développement local, le contrat de plan devenant ainsi cet incitateur et ce garant que vous décrivez mais sur une base d’un accord entre les parties, c’est-à-dire sur la base du volontariat.

Question
La forte progression du pouvoir et des moyens des groupements à fiscalité propre ne doit-elle pas conduire, à terme, au renforcement de la légitimité des délégués intercommunaux à travers leur élection au suffrage universel direct ? Une telle évolution ne mérite-t-elle pas d’être préparée dans le cadre de la réforme que vous engagez ?

L’intercommunalité souffre parfois d’un déficit de légitimité de ses représentants mais aussi d’un manque de transparence et d’une insuffisance de débat public sur les principaux enjeux. Le citoyen n’est pas toujours informé des compétences, du fonctionnement et des décisions prises par les instances intercommunales. La démocratisation de l’intercommunalité paraît d’autant plus opportune que le poids croissant des budgets intercommunaux implique un renforcement de la responsabilité financière des représentants des structures intercommunales.

L’élection au suffrage universel des délégués qui siègent au sein des structures de coopération permettrait de leur donner une plus grande légitimité. Toutefois, cette élection aurait pour effet de poser la question de leur transformation en collectivités territoriales de plein exercice. Elle amènerait à s’interroger sur l’articulation de ce nouvel échelon avec les niveaux actuels d’administration locale. Instaurer le suffrage universel aujourd’hui serait donc mettre la charrue devant les bœufs. La réflexion sur une telle évolution nécessite d’être poursuivie, mais je ne pense pas qu’elle soit susceptible de déboucher à court terme. L’intercommunalité doit avoir atteint un stade plus avancé de son développement avant un tel changement.

Mais on ne peut laisser perdurer le déficit démocratique dont souffrent ces institutions au niveau de leur fonctionnement. Mieux informer les communes membres et les habitants, rendre lisible l’intercommunalité, créer des espaces de concertation, de débats ; tels sont les objectifs poursuivis.

Le projet de loi proposera des dispositions destinées à organiser le cadre du débat démocratique au sein des EPCI.

Ainsi, l’obligation qui sera faite au président de l’EPCI de transmettre chaque année un rapport retraçant l’activité permettra qu’un débat puisse avoir lieu au sein des communes membres. La communication aux communes, pour avis, de chaque projet de budget de l’EPCI garantira une bonne information des membres du groupement.

La participation des habitants à la vie locale sera élargie. Désormais, les EPCI pourront créer des comités consultatifs. L’objectif de cette mesure est de développer le rôle des citoyens dans le processus de décisions.

Question
Vous avez affirmé dans un article récent publié dans le Monde qu’aucune entité politique et juridique ne correspond aujourd’hui à la réalité physique des agglomérations. Cela signifie-t-il que les plus importants districts et communautés actuels, dont certains ont plus de trente ans, ne sont pas en mesure de répondre aux défis du monde urbain ?

Ma réflexion, vous le savez bien, était de portée générale. Il peut exister, ici ou là, mais en trop petit nombre, limité à quelques communautés urbaines et d’anciens districts, des structures intercommunales qui peuvent répondre aux ambitions que je fixe aux communautés d’agglomérations. Mais ils n’ont pas de taxe professionnelle unique et les critères que j’ai retenus mêlent à la fois la population, l’emploi, l’espace, les impôts ou les taxes et permettront de définir avec plus de cohérence qu’aujourd’hui, la dimension et la cohésion du territoire où se créera la communauté d’agglomération.

Le projet de loi ouvre une très large possibilité aux élus pour rechercher et définir la taille critique, à partir de 50 000 habitants regroupés et avec une commune centre de 15 000 habitants. J’ai relevé 141 aires urbaines, 8 343 communes, 36 600 000 habitants qui sont la cible potentielle de la réforme. Ce que je souhaite, c’est que l’on trouve l’espace de solidarité et de développement le plus adéquat. S’il faut créer une communauté d’agglomération sur deux départements, pourquoi pas, pourvu qu’il y ait projet commun, cohérence territoriale, désir de travailler ensemble.

Je suis persuadé que la communauté d’agglomération est un outil plus pertinent que ceux qui existent actuellement, parce qu’il permettra notamment un partage de toute la taxe professionnelle. Sur ce plan, il reste beaucoup à faire puisque la taxe professionnelle unique, prévue sans ambiguïté pour la coopération en milieu urbain, demeure un échec. Plus de 70 % des groupements qui l’ont adoptée comptent moins de 20 000 habitants et les six grandes agglomérations à taxe professionnelle unique restent des exceptions. Or, c’est la seule voie volontaire de réforme de la taxe professionnelle qui permette de mettre fin aux inégalités criantes de richesse contre les communes et de donner les moyens de traiter les problèmes de la ville à la bonne échelle.

Question
Vous proposez de créer une nouvelle catégorie d’EPCI à fiscalité propre baptisée « communauté d’agglomération ». N’était-il pas possible de s’en tenir, quitte à la faire évoluer, à l’un des formules de coopération existantes ?

Les espaces urbains sont confrontés à des problèmes spécifiques qui sont liés à la concentration de la population et des fonctions (administrative, commerciale, résidentielle…) ainsi qu’à la répartition spatiale de ces fonctions (les rapports entre le centre et la périphérie mais aussi la spécialisation des espaces périphériques). Ces problèmes appellent des réponses appropriées là où ils se posent, en tenant compte des possibilités offertes par le milieu qui les a produits ? or, la concentration urbaine nécessite et autorise la mise en œuvre de réponses qui ne sont pas envisageables en milieu rural ou en milieu d’urbanisation diffuse pour des raisons à la fois technique et financières.

Cela justifie donc la création d’une nouvelle catégorie d’EPCI, aux compétences particulièrement adaptées aux enjeux de milieux urbains. S’il y a une grande communauté de problèmes entre les milieux ruraux et urbains, leurs enjeux – tant locaux que nationaux – ne sont pas les mêmes sous le triple effet de la concentration de population, de la densité de l’urbanisation et de l’échelle à laquelle les problèmes se posent. La nature des enjeux urbains comme l’acuité des problèmes à traiter, qui se traduisent par une véritable « crise urbaine » au plan national, justifient le transfert de compétences précises. Cette crise doit être appréhendée comme telle et justifie la spécificité de la communauté d’agglomération. Cette spécificité est, en outre, la contrepartie de l’important effort financier de l’État puisqu’il est envisagé de donner à ces établissements une DGF par habitant environ deux fois et demi plus élevée que celle des communautés de communes.

Je le répète à nouveau : l’adoption du projet de loi débouchera sur seulement trois catégories d’établissements publics de coopération intercommunale, ce qui me semble concilier à la fois le besoin de souplesse et de souci de simplification.

Question
Donner un poids déterminant aux agglomérations, en termes de compétences et de fiscalité, ne revient-il pas à remettre en cause le département en milieu urbain ?

J’ai déjà en partie répondu à cette question. Je ne mets pas sur le même plan la future communauté d’agglomération et le département.

D’ailleurs, il existe déjà des communautés urbaines ou des structures intercommunales importantes qui pèsent fortement sur la vie départementale sans que celui-ci voit remettre en cause ses compétences et ses décisions. La collaboration que je constate dans le domaine des transports ou dans le domaine social entre les villes et les départements démontre que chacun apporte à l’autre une dimension supplémentaire dans le traitement des problèmes de nos concitoyens.

Vous savez, les départements ont deux siècles d’existence et il est quelque peu vain de penser qu’ils pourraient disparaître de notre paysage institutionnel local au nom de je ne sais quelle conception d’une modernité dont les conceptions sont étrangères à notre histoire et surtout à la réalité de notre République.

Question
Votre texte et celui de Madame Voynet relatif à l’aménagement et au développement durable du territoire s’accordent sur la notion d’agglomération. Mais contrairement au sein, votre projet ignore les pays ? Pourquoi ?

La notion de pays est une notion récente et en pleine évolution. Dans la loi de 1995 sur l’aménagement et le développement du territoire qui l’a consacrée, elle visait plutôt le milieu rural, comme en témoignent notamment les débats parlementaires. C’est d’ailleurs une conception plutôt ruraliste de l’aménagement du territoire qui caractérise cette loi. Le projet de loi préparé par Madame Voynet, conformément aux décisions du CIADT du 15 décembre 1997, traduit une conception plus équilibrée du territoire national et de son aménagement, qu’il appréhende dans toutes ses composantes en s’efforçant de les articuler de manière cohérente. Ce projet vise à dépasser le vieux clivage urbain/rural et à créer les conditions d’un développement solidaire de l’ensemble du territoire, facteur de cohésion sociale.

Mais il intervient sur un autre registre que le mien. Pour ma part, il s’agit de l’organisation et des compétences de collectivités territoriales, c’est-à-dire de structures territoriales et plus particulièrement d’intercommunalité. Ces deux registres sont parfaitement complémentaires et il faut les articuler. Dans le projet de loi sur l’aménagement durable du territoire, aucun type de structure territoriale n’est imposé aux collectivités qui se constituent en pays et ceux-ci ne sont même pas obligés d’avoir la personnalité morale.

En ce qui concerne plus particulièrement l’intercommunalité, objet de mon projet de loi, la communauté de communes, créée par la loi ATR de 1992, est une structure particulièrement adaptée au milieu rural, comme en témoigne le succès de cette formule, tant par le nombre d’établissements crées, qui a fait faire un progrès significatifs à l’intercommunalité dans les espaces faiblement urbanisés. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter à l’existant.

Question
Ne croyez-vous pas que ces pays, jugés indispensables par beaucoup pour mettre en œuvre les projets de développement local, concernent au premier chef les groupements à fiscalité propre ? Ces pays n’ont-ils pas leur place dans votre projet pour préciser leur statut, leur rôle et leur place dans le paysage institutionnel ?

Comme je viens de le dire, le pays n’est pas une structure territoriale au sens du code général des collectivités territoriales. C’est un projet de développement d’un territoire présentant – comme le veut la loi – une cohésion géographique, économique ou sociale. Ce projet est formalisé dans une charte de territoire élaborée par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités qui ont, toujours selon la loi, une communauté d’intérêts économiques et sociaux et une vision prospective commune de ce territoire et qui s’associent avec le département pour le réaliser.

Si les pays sont constitués à une faible échelle, comme cela a pu être le cas ou être envisagé dans le passé, alors, vous avez raison, ce sont des substituts d’EPCI à fiscalité propre et il n’est pas sain de permettre aux collectivités territoriales d’élaborer leur projet de développement en dehors des structures intercommunales. Mais j’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un périmètre plus large, à l’échelle des bassins de vie, en tous cas bien supérieur aux périmètres habituels de l’intercommunalité. Dans ce cas, le pays peut être le moyen de faire converger à échelle appropriée les projets de développement des différents EPCI, à fiscalité propre notamment, et de les mettre en synergie avec le projet de développement du département dans le cadre d’un syndicat mixte. Il peut, de ce fait, préparer et favoriser des élargissements ultérieurs des EPCI existants.

Question
Les pays doivent-ils disposer de la même capacité que les agglomérations à contracter avec l’État et la région dans le cadre des contrats de plan ?

Encore une fois, le pays n’est pas un EPCI à fiscalité propre, ce que sera la communauté d’agglomération. Si l’on reconnaît au pays la faculté de contractualisation, il doit le faire sur des bases claires et des objectifs précis. À cette fin, il faudra que ses membres élaborent une charte du territoire qui sera moins exigeante en termes de compétences que celles des communautés d’agglomération. Pays et agglomération relèvent de la même démarche qui conduit à la contractualisation mais les logiques des pays et des agglomérations sont différentes.

Si en terme de population et de fiscalité, ils ne pèsent pas le même poids, pays et agglomération doivent contribuer à inciter les solidarités entre urbains et ruraux, centre et périphérie. Il ne faut pas cloisonner leur développement mais trouver les synergies et les équilibres entre eux.

Question
Pour réussir à généraliser la mise en commun et le partage du produit de la taxe professionnelle à l’échelle intercommunale, l’ACDF a proposé l’instauration d’une fiscalité mixte. Votre projet ne reprend que très partiellement cette proposition. Pourquoi ?

Le projet de loi met en place une fiscalité mixte par le biais d’un mécanisme de complément de ressources comparable à celui des syndicats d’agglomérations nouvelles. Il sera conditionné à une insuffisance de ressources propres au groupement (hors produit des emprunts) pour faire face à ses dépenses obligatoires.

L’objectif que poursuit le Gouvernement n’est donc pas de créer un dispositif permanent et supplémentaire pour les groupements à taxe professionnelle unique, mais d’instituer un mécanisme permettant, en cas de besoins, d’assurer la sécurité budgétaire et financière des nouvelles structures.

Cette précision a pour objet d’éviter une banalisation de l’empilement d’imposition sur les ménages, alors même que le groupement détient en totalité le produit de la taxe professionnelle. Il est également un moyen de favoriser le choix de la taxe professionnelle unique.

Enfin, je ne souhaite pas que le groupement institue cette fiscalité additionnelle pour reverser le produit supplémentaire ainsi collecté, par l’intermédiaire de la dotation de solidarité aux communes. Un tel schéma, de toute évidence, manquerait de transparence démocratique. La fiscalité mixte doit en effet être reversée aux besoins du groupement et ne pas servir de prétexte à des pseudo transferts de fiscalité.

Question
Vous proposez la création d’une dotation globale de fonctionnement spécifique pour l’intercommunalité. Comment celle-ci sera-t-elle abondée pour faire face d’abord à la croissance du nombre des groupements sans pénaliser les plus anciens et ensuite pour couvrir les besoins importants occupés par la dotation moyenne de 250 F par habitants promise aux agglomérations ?

Comme je l’ai indiqué au comité des finances locales, je propose de fixer à 250 F par habitant le montant de référence de la dotation des nouvelles communautés d’agglomération.

Afin de ne pas alourdir la charge financière des prélèvements de DGF sur les communes, au titre des groupements, j’ai indiqué que cette mesure fera l’objet d’un financement spécifique, à la charge du budget de l’État. Cette ressource supplémentaire pourrait constituer une contrepartie à des mesures d’économie sur la compensation des exonérations fiscales dont le mode de répartition n’est pas totalement satisfaisant.

Ce point a vocation à être débattu dans le cadre des discussions sur la sortie du pacte qui, pour la première fois, réunissent plusieurs membres du Gouvernement et des représentants d’associations d’élus dont l’ADCE. Il m’a semblé en effet que les élus de l’intercommunalité ne pouvaient être absents d’un débat aussi essentiel et j’ai tenu à ce que l’ADCF soit invitée. Vous savez que la proposition du Gouvernement est de substituer au pacte, un véritable contrat de croissance et de solidarité donc nous nous attachons à trouver, au moment où je vous parle, les modalités.

Question
Le mouvement intercommunal dont l’essor est incontestable depuis 1992 ne mérite-t-il pas d’être davantage encouragé financièrement par l’État au cours des prochaines années ? Une telle priorité ne pourrait-elle être affichée dans le cadre de la redéfinition du pacte de stabilité entre État et collectivités locales ?

Je suis convaincu de la nécessité du bien-fondé, de la politique d’encouragement financier à l’intercommunalité.

L’expérience que nous avons de la mise en œuvre de la loi de 1992 montre que l’amélioration du financement de l’intercommunalité s’est traduite par une forte augmentation du nombre des EPCI, dont le rôle, au fil des ans, s’est renforcé et renouvelé.

C’est pour cette raison que je suis particulièrement attaché à ce que, davantage que par le passé, la DGF soit attribué prioritairement aux groupements les plus intégrés, ce qui m’a conduit à proposer, ou à maintenir, une dotation par habitant forte pour les groupements qui se caractérisent par un fort niveau de compétences obligatoires (communautés urbaines, SAN et les futures communautés d’agglomération). Je propose par ailleurs, de corriger le coefficient d’intégration fiscale afin de mieux prendre en compte la réalité de cette intégration.

Cette priorité doit être dissociée de la négociation sur le pacte qui correspond à une logique globale portant sur l’ensemble des dotations de l’État aux collectivités locales. Il va de soi, toutefois, que je veillerai à la cohérence et l’articulation des discussions engagées sur la sortie du pacte et le financement du nouveau contrat de croissance de solidarité.