Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
je suis particulièrement heureuse que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord dans des conditions qui me paraissent satisfaisantes.
Une loi de cette ampleur méritait une large approbation.
Lors de ma communication en Conseil des ministres le 29 octobre 1997 j'avais annoncé une réforme pour une justice au service des citoyens, au service des libertés, indépendante et impartiale.
Le premier volet de cette réforme, qui concerne la justice du quotidien a donné lieu à deux lois déjà votées :
- celle du 18/12/98 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ;
- celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
-
Ces textes ainsi que les moyens très importants en effectifs et crédits budgétaires dégagés par le Gouvernement depuis 1998 ont permis une justice plus proche de nos concitoyens, plus accessible et plus rapide.
Cette partie de la réforme se poursuit d'ailleurs avec la réforme des tribunaux de commerce et celle du droit de la famille.
Le deuxième volet de la réforme, pour une justice au service des libertés est celui que vous vous préparez à parachever aujourd'hui.
Le troisième volet de la réforme a pour objet une justice indépendante et impartiale. Il a donné lieu à une première lecture, devant les deux assemblées, du projet de loi sur l'action publique en matière pénale. Il aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature.
Vous connaissez les raisons qui empêchent actuellement ces projets d'aboutir et je suis prête, quant à moi, à poursuivre l'adoption de ce troisième volet de la réforme dès que sera levé le blocage actuel qui n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité.
Ayant situé la place de ce texte dans l'ensemble des réformes que je propose au Parlement, et avant de revenir sur quelques dispositions essentielles du projet, je souhaite maintenant à nouveau rendre hommage à la qualité du travail parlementaire et plus spécialement, dans cette enceinte, au travail accompli par Mme Catherine TASCA et par l'actuel Président de votre Commission des lois M. Bernard ROMAN, par la rapporteure du projet, Mme Christine LAZERGES et bien sûr par les membres de la Commission mixte paritaire.
Les débats particulièrement riches et constructifs qui se sont déroulés devant les deux assemblées, ont permis de bâtir un accord sur un grand texte, équilibré et fondateur sur bien des points d'un renouveau de notre procédure pénale.
Je dis un grand texte, car l'ampleur des sujets traités aurait pu justifier quatre grands textes, quatre grandes lois :
- une loi sur l'appel des décisions des cours d'assises ;
- une loi sur la réforme de la libération conditionnelle ;
- une loi sur le renforcement des droits des victimes ;
- une loi enfin sur le renforcement de la présomption d'innocence.
J'aborderai succinctement ces différents chapitres.
1. L'appel contre les décisions des cours d'assises
J'avais annoncé dans ma communication en Conseil des ministre le 29 octobre 1997 mon intention de mettre un terme à l'anachronique absence d'appel contre les décisions des cours criminelles.
Il était nécessaire de permettre aux accusés encourant les peines les peines les plus sévères de bénéficier d'une "seconde chance", comme c'est le cas dans les autres procès, y compris pour les personnes comparaissant devant le tribunal de police.
Des affaires récentes ont montré que, même en invoquant la souveraineté populaire s'exprimant par la voie du jury, il peut subsister un doute après le prononcé d'un verdict. L'impossibilité de faire appel était dès lors une anomalie dans notre système judiciaire.
J'avais toutefois indiqué devant votre Assemblée que je ne souhaitais pas voir engager cette réforme sans avoir les moyens, notamment humains, de sa mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas été favorable à l'adoption du dispositif proposé par mon prédécesseur, trop coûteux en emplois par rapport au nombre de procès en cour d'assises pour lesquels une seconde chance paraissait nécessaire.
J'ai préféré en effet concentrer les augmentations d'effectifs que votre assemblée a bien voulu voter depuis 3 ans sur l'amélioration de la justice au quotidien, qui touche des centaines de milliers de nos concitoyens.
J'ai augmenté les moyens des cours et des tribunaux pour que la justice non seulement pénale mais aussi civile, sociale et commerciale, soit rendue plus rapidement.
Dans le même temps, j'ai demandé à mes services d'étudier le système de l'appel tournant.
Le Parlement a été tenu informé de l'état du dossier par un courrier que j'ai adressé à tous les députés et sénateurs le 13 décembre 1999. J'ai consulté plus spécialement ceux des parlementaires qui s'étaient particulièrement intéressés à cette réforme, je pense à M. FORNI, à M. TOURRET, ou bien à Mme BREDIN et à M. FLOCH.
Grâce à trois excellents budgets, qui ont permis 422 créations d'emplois de magistrats depuis le début de cette législature, et qui laissent augurer favorablement de l'exercice 2001, la réforme de la cour d'assises est maintenant possible.
Désormais, les personnes condamnées pour crime et qui contestent leur culpabilité ou le montant de leur peine pourront faire appel de leur condamnation devant une autre cour d'assises, selon le dispositif dit "de l'appel tournant" par lequel, une cour d'assises est conduite à juger en appel ce qu'une autre cour d'assises a jugé en première instance.
Ce droit d'appel sera également reconnu au ministère public et à la partie civile.
La commission mixte paritaire a décidé que le jury de la cour d'assises d'appel comprendrait douze personnes au lieu de neuf jurés en 1ère instance. Ainsi sera confortée la légitimité de la cour d'assises d'appel.
Je me réjouis que le Parlement ait, avec le Gouvernement, réussi cette réforme historique, après tant de tentatives restées inabouties.
2. Une autre réforme historique est celle de la libération conditionnelle
Nous arrivons à une étape importante d'un processus plus que centenaire, commencé le 18 août 1895, date de la première loi sur la libération conditionnelle.
Nous sommes aussi au coeur du dispositif qu'il nous appartient de mettre en oeuvre pour la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive.
L'efficacité de la libération conditionnelle est prouvée dans ces deux domaines, et cela se comprend aisément : la mesure est individualisée, accompagnée et le détenu n'est pas purement et simplement libéré sans contrôle comme c'est le cas lorsqu'intervient un décret de grâce. Autour de la libération conditionnelle, peut se construire un projet d'exécution de peine, qui donne un sens à la sanction.
Or, au cours de ces deux dernières décennies, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de décroître. Il faut y voir un effet du caractère plus répressif de notre société, marqué par un allongement des peines prononcées. L'obtention d'un emploi comme condition de la libération conditionnelle a limité le nombre des dossiers éligibles. Enfin, la procédure d'instruction des demandes, administrative et parfois même bureaucratique, ne laissant aucune place au débat contradictoire et favorisant la dilution des responsabilités entre plusieurs intervenants, ne pouvait être propice au développement de la libération conditionnelle.
Dans ce contexte, j'avais annoncé, en particulier lors de ma communication en Conseil des ministres sur la politique pénitentiaire le 8 avril 1998, ma volonté de relancer le dispositif.
La réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation était un préalable indispensable à ce renouveau. Il fallait en effet, pour une plus grande efficacité, permettre qu'un même travailleur social assure le suivi d'un condamné admis à la libération conditionnelle, sortant de prison mais devant faire encore l'objet de mesures d'assistance et de contrôle. Cette réforme a été menée a bien en avril 1999, ce qui a ouvert la voie à celle de la libération conditionnelle.
J'ai annoncé le 8 juillet 1999 au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire ma décision de confier à une commission présidée par M. FARGE, Conseiller à la Cour de cassation, une mission d'étude des moyens de relancer la libération conditionnelle.
Cette commission a été constituée en septembre 1999. M. FARGE m'a remis son rapport le 17 février 2000 et, à peine un mois et demi plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande ou avec mon accord, être intégré dans le projet de loi, lors des 2èmes lectures.
L'objectif d'une réforme en profondeur est aujourd'hui atteint avec les deux mesures essentielles qui caractérisent la "nouvelle libération conditionnelle" :
- d'une part, les critères d'admission ont été élargis, de sorte que la mesure ne sera plus réservée aux seuls détenteurs d'un emploi, mais deviendra accessible à tous ceux qui font des efforts sérieux de réinsertion et présentent un projet d'apprentissage, de formation scolaire, de soutien essentiel à la vie familiale, voire de soins ;
- D'autre part, la décision d'admission à la libération conditionnelle ou de refus sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux propositions contenues dans les rapports que j'ai demandés à la Commission FARGE et à la Commission CANIVET.
La décision sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être assisté d'un avocat et il aura la possibilité d'interjeter appel s'il n'obtient pas satisfaction.
Je ne reviens pas sur le détail du dispositif arrêté à l'initiative de votre rapporteure. Il a fait l'objet du consensus le plus large au sein des deux assemblées et il est conforme non seulement aux recommandations des rapports FARGE et CANIVET que je viens de citer mais aussi aux souhaits exprimés par les juges de l'application des peines et les magistrats du parquet que j'ai consultés.
Enfin, je rappelle qu'en liaison avec la réforme de la libération conditionnelle, vous êtes invités à voter celle des mesures conduisant à la sortie durable de prison d'un condamné : semi-liberté, placement à l'extérieur, suspensions et fractionnement de peine, placement sous surveillance électronique.
Nous mettons ainsi en place ainsi un ensemble cohérent, qui permettra une meilleure individualisation des peines, en permettant aux condamnés de bénéficier des garanties judiciaires qu'une démocratie moderne se doit de reconnaître à ses citoyens fussent-ils détenus et en garantissant à la société une meilleure prévention de la récidive.
Le projet de loi est relatif au renforcement de la présomption d'innocence et au renforcement des droits des victimes. C'est de ces dernières que je voudrais maintenant parler.
3. Le renforcement des droits des victimes
Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ce texte est le second que vous adopterez au cours de cette législature, contenant une série de dispositions spécialement consacrées aux droits des victimes.
Grâce à ce texte, les victimes seront mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.
Pour l'essentiel, les mesures que j'ai proposées, enrichies par les apports des deux assemblées, ont fait l'objet d'un large consensus et ont donc été votées conformes sans venir alourdir l'ordre du jour de la commission mixte paritaire.
Telles sont les dispositions qui, aux différents stades de la procédure - du dépôt de la plainte au jugement en passant par l'instruction préparatoire - obligent les autorités policières ou judiciaires à informer les victimes de leurs droits.
Telles sont les dispositions consacrant le rôle des associations d'aide aux victimes, ou facilitant les constitutions de partie civile à l'audience, ou élargissant les possibilités d'indemnisation des victimes - notamment à certaines infractions contre les biens - par les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions pénales.
Telles sont les dispositions instituant l'infraction d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettant de sanctionner, à la demande de la victime, la reproduction de certaines images que ne justifient nullement la liberté de l'information.
Telles sont enfin les dispositions donnant à certaines associations de victimes le droit de se constituer partie civile en cas d'infractions portant atteinte aux personnes qu'elles défendent.
Les droits des victimes sont également renforcés par des dispositions qui ne leur sont pas spécifiques, mais qui relèvent de l'ensemble des améliorations apportées à notre procédure : le droit de mieux intervenir dans l'information ou dans le procès, de mieux bénéficier du principe contradictoire, de participer au contrôle de la durée des informations sont autant de progrès accomplis pour les victimes.
L'évocation des améliorations apportées à la procédure pénale me conduit naturellement à les aborder plus précisément
4. La protection de la présomption d'innocence des personnes mises en cause par la justice.
Vous allez décider d'une évolution sans précédent de notre droit. Alors même que les principes directeurs qui fondent notre procédure sont maintenus, il est créé un nouvel équilibre, non pas pour plus d'accusatoire ou d'inquisitoire - j'ai déjà dit que ces deux systèmes ont chacun leurs mérites et leurs inconvénients - mais pour plus de contradictoire.
Les responsabilités des différents acteurs judiciaires, magistrats chargés de l'instruction ou du jugement, du siège ou du parquet, seront mieux définies et mieux réparties, afin d'assurer une justice plus impartiale, plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense.
Je voudrai brièvement rappeler les principales avancées, en insistant le cas échéant sur les questions essentielles qui étaient soumises à la commission mixte paritaire et sur lesquelles des accords sont intervenus.
a) Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont profondément modifiées.
Les modifications les plus notables concernent la refonte complète du statut du témoin assisté, accessible à toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants. Il est ainsi permis d'espérer une diminution du nombre des mises en examen, mesures stigmatisantes qui pourront être réservées aux personnes contre lesquelles seront réunis des indices graves et concordants.
Corrélativement, la procédure de mise en examen est mieux précisée : les conditions de fond et de forme de son prononcé sont renforcées. La mise en examen interviendra après audition par le juge et non avant, de sorte que la personne aura la faculté de présenter en temps utile les arguments qui permettront au magistrat d'éventuellement reconsidérer sa position
Les droits de la défense des personnes mises en examen sont par ailleurs élargis, quant aux demandes d'actes, aux choix de leur avocat.
Ces droits sont étendus à toutes les parties au procès : ainsi les parties civiles pourront demander des actes, des confrontations, des expertises, perquisitions ou transports sur les lieux. Elles pourront, comme la personne mise en examen demander que leur conseil assiste à ces actes. Elles pourront directement interroger les témoins à l'audience.
Enfin, un calendrier de procédure est institué. A l'expiration d'un délai d'un an pour les délits et de 18 mois pour les crimes, les personnes mise en examen, les témoins assistés et les parties civiles disposeront du même droit de demander des comptes sur la durée de l'information. Ainsi, la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction, pourra faire mieux respecter le principe du délai raisonnable
b) Sur la garde à vue
Vous connaissez bien sûr les importantes modifications apportées au régime de la garde à vue.
D'une part, les personnes gardées à vue - qui ne seront plus de simples témoins - pourront dès le début de la mesure compter sur la présence d'un avocat, sauf infraction de criminalité organisée. Cette disposition met enfin notre pays au même niveau que la plupart des législations étrangères.
D'autre part, les interrogatoires des mineurs placés en gardes à vue devront faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Il s'agit là d'une garantie nouvelle dont l'initiative revient à votre assemblée.
Le texte adopté par la commission a le mérite de préciser le statut des enregistrements effectués, sur lequel j'avais exprimé des interrogations, puisqu'il réserve leur utilisation à la phase préparatoire du procès.
Il prévoit qu'un rapport devra être réalisée un an après l'entrée en vigueur de cette disposition, pour envisager les modalités d'élargissement du dispositif aux majeurs. Il sera alors possible au Gouvernement de faire le point sur cette innovation majeure de notre procédure.
c) Les dispositions relatives à la détention provisoire constituent un autre point fort de la loi.
La France, vous le savez, se distingue en Europe tant par le nombre que par la durée des détentions provisoires. Aucune des réformes réalisées dans le passé n'a donné les résultats escomptés. Les nouvelles dispositions marquent une rupture avec les textes anciens à deux égards.
D'une part, les décisions en matière de détention sont confiées à un magistrat expérimenté, distinct du juge d'instruction : c'est ici la garantie du double regard qui est apportée, avec l'intervention d'un magistrat que l'on ne peut soupçonner de prendre ses décisions en fonction d'une stricte logique d'enquête parfois trop réductrice au regard des enjeux humains attachés à toute privation de liberté.
D'autre part, les seuils minimums de placement en détention sont sensiblement relevés, et la durée de la détention provisoire est limitée, même en matière criminelle.
La commission mixte paritaire a décidé que ce magistrat serait dénommé "juge des libertés et de la détention". Je ne vois pas d'inconvénient à cette appellation, puisque tous les juges sont juges des libertés mais tous ne sont pas juges de la détention.
Enfin, le mécanisme d'indemnisation des détentions provisoires suivies d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement est largement amélioré avec l'adoption du principe d'une indemnisation intégrale et obligatoire du préjudice. Les décisions rendues dans ce domaine seront motivées, publiques et susceptibles de recours.
d) Le renforcement de la présomption d'innocence se manifeste aussi par la règle nouvelle selon laquelle la diffusion de l'image d'une personne menottée ne pourra se faire sans son consentement.
A l'issue des deux lectures devant les deux assemblées et après le succès de la Commission mixte paritaire, nous sommes donc en mesure de dresser un bilan très largement positif des travaux parlementaires.
Ce texte dont les ambitions initiales étaient déjà très vastes, a pu être enrichi, complété et amélioré par le travail parlementaire, effectué de façon constructive avec le Gouvernement tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat et je vous en remercie.
Ce texte constituera une étape capitale dans l'histoire de notre procédure pénale et permettra à notre pays de témoigner qu'il est et demeure la patrie des droits de l'homme.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 5 juin 2000)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Après la réussite de la commission mixte paritaire, je me réjouis de l'adoption de ce projet de loi relatif au renforcement de la présomption d'innocence et des droits de victimes, le 24 mai dernier - sans aucun vote contre - par l'Assemblée nationale en dernière lecture.
Ainsi se met en place la réforme de la justice que j'avais annoncée lors de ma communication en Conseil des ministres le 29 octobre 1997.
Le premier volet de cette réforme, pour une justice au service des citoyens est déjà bien avancé avec la loi du 18/12/98 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Les prochaines étapes de ce premier volet seront la réforme des tribunaux de commerce et celle du droit de la famille.
Le deuxième volet de la réforme, pour une justice au service des libertés vous est présenté aujourd'hui pour une dernière lecture.
Le troisième volet, pour une justice plus indépendante et plus impartiale aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature. Son blocage actuel n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité et je confirme que je suis prête, quant à moi, à le faire aboutir.
Revenant au deuxième volet de la réforme et au projet de loi relatif au renforcement de la présomption d'innocence et des droits des victimes, je voudrais d'abord rendre hommage à la qualité du travail parlementaire et plus spécialement, dans cette assemblée, au travail accompli par votre Commission des lois, par son président M. Jacques LARCHE et par son rapporteur, M. Charles JOLIBOIS.
Je salue également le travail des membres de la Commission mixte paritaire dont la réussite témoigne de ce que la volonté de faire progresser la justice existe sur tous les bancs.
Comme je l'ai déjà dit devant l'Assemblée nationale lors de la dernière lecture, les débats particulièrement riches et constructifs qui se sont déroulés devant les deux assemblées, ont permis de bâtir un accord sur un grand texte, équilibré et fondateur sur bien des points d'un renouveau de notre procédure pénale.
L'ampleur des sujets traités aurait pu en réalité justifier quatre grandes lois :
- une loi sur l'appel des décisions des cours d'assises ;
- une loi sur la réforme de la libération conditionnelle ;
- une loi sur le renforcement des droits des victimes ;
- une loi enfin sur le renforcement de la présomption d'innocence.
1. L'appel contre les décisions des cours d'assises
Je ne pense pas devoir vous convaincre du bien-fondé de cette réforme, dont le Sénat a pris l'initiative et choisi le moment.
J'avais, comme vous, résolu de mettre un terme à l'impossibilité de faire appel contre les décisions des cours d'assises, ainsi que je l'ai annoncé dans ma déclaration en Conseil des ministres le 29 octobre 1997.
J'avais toutefois indiqué devant votre Assemblée que je souhaitais disposer au préalable des moyens, notamment humains, de la mise en oeuvre d'une telle réforme. C'est en effet la règle à laquelle je me suis tenue en toute matière : pas de réforme sans les moyens de sa mise en oeuvre. De ce point de vue, le dispositif proposé par mon prédécesseur avait sa logique propre mais présentait l'inconvénient d'être trop coûteux en emplois par rapport au nombre de procès en cour d'assises pour lesquels une seconde chance paraissait nécessaire.
J'ai préféré augmenter les moyens de la justice au quotidien, qui touche des centaines de milliers de personnes.
Dans le même temps, j'ai demandé à mes services d'étudier le système de "l'appel tournant".
Le Parlement a été tenu informé de l'état du dossier par un courrier que j'ai adressé à tous les députés et sénateurs le 13 décembre 1999.
Je me suis entretenu de cette question avec M. BADINTER et, naturellement, avec votre rapporteur, M. JOLIBOIS. Je l'avais auparavant évoqué à plusieurs reprises avec le président de votre commission des lois M. LARCHE.
Les excellent budgets des trois derniers exercices ont permis 422 créations d'emplois de magistrats depuis le début de cette législature, et laissent augurer favorablement du budget 2001. La réforme de la cour d'assises est donc maintenant possible.
Désormais, les personnes condamnées pour crime pourront faire appel de leur condamnation. Ce droit d'appel sera également reconnu au ministère public et à la partie civile.
Je me réjouis que le Parlement - en particulier le Sénat dont je salue la détermination - ait, avec le Gouvernement, réussi cette réforme historique, après tant de tentatives restées sans suite.
2. Une autre réforme historique est celle de la libération conditionnelle
Autour de la libération conditionnelle, peut se construire un projet d'exécution de peine, qui donne un sens à la sanction, favorise la réinsertion et, en définitive, prévient la récidive.
Or, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de diminuer, par l'effet conjugué d'un allongement de la durée des peines, de l'exigence d'un emploi et du caractère administratif, voire bureaucratique de l'instruction des dossiers.
Dans ce contexte, j'avais annoncé, en particulier lors de ma communication en Conseil des ministres sur la politique pénitentiaire le 8 avril 1998, ma volonté de relancer le dispositif.
Ainsi que je l'avais annoncé au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire en juillet 1999, j'ai confié, à une commission présidée par M. FARGE, Conseiller à la Cour de cassation, une mission d'étude des moyens de relancer la libération conditionnelle.
M. FARGE m'a remis son rapport le 17 février 2000 et, à peine un mois et demi plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande ou avec mon accord, être intégré dans le projet de loi, lors des 2èmes lectures.
Deux mesures essentielles caractérisent maintenant la "nouvelle libération conditionnelle". Elles figurent dans la loi sous la forme adoptée par le sénat.
Je rappelle que l'accord du Gouvernement et de votre rapporteur a été ici marqué par le dépôt d'amendements identiques.
- d'une part, les critères d'admission ont été élargis, de sorte que la mesure sera accessible à tous ceux qui font des efforts sérieux de réinsertion sans condition de l'obtention d'un emploi.
- d'autre part, la décision d'admission à la libération conditionnelle ou de refus sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux propositions contenues dans les rapports que j'ai demandés à la Commission FARGE et à la Commission CANIVET.
La décision sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être assisté d'un avocat et il aura la possibilité d'interjeter appel s'il n'obtient pas satisfaction.
Ainsi, nous reconnaissons aux personnes détenues les garanties d'un débat judiciaire en assurant à la société une meilleure prévention de la récidive.
3. Le renforcement des droits des victimes
Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ce texte est le second que vous adopterez au cours de cette législature, contenant une série de dispositions spécialement consacrées aux droits des victimes.
Grâce à ce texte, les victimes seront mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.
Les mesures que j'ai proposées, enrichies par les apports des deux assemblées, ont fait l'objet d'un large consensus et ont donc été votées conformes dès les premières lectures.
Il en est ainsi des dispositions :
- qui obligent les autorités policières ou judiciaires à informer les victimes de leurs droits ;
- qui consacrent le rôle des associations d'aide aux victimes, facilitent les constitutions de partie civile et permettent aux commissions d'indemnisation des victimes d'infractions pénales d'indemniser des préjudices, résultant de dégradations ou d'extorsions, ainsi que le préjudice psychologique résultant de telles infractions.
- qui instituent l'infraction d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettent de sanctionner, à la demande de la victime, la reproduction de certaines images que ne justifient nullement la liberté - pourtant essentielle - de l'information
Les victimes auront aussi le droit de mieux intervenir dans le cours de la procédure ; elles bénéficieront, comme les autres parties au procès, de l'extension du principe contradictoire.
4. La protection de la présomption d'innocence des personnes mises en cause par la justice.
C'est à une réforme en profondeur de notre droit que vous allez procéder. Sans remise en cause complète des principes directeurs de la procédure, il est créé un nouvel équilibre, pour assurer une plus grande part au contradictoire.
a) Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont profondément modifiées.
Votre assemblée a apporté une contribution déterminante à la refonte complète du statut du témoin assisté.
Ainsi, même une personne contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'un infraction ne sera plus obligatoirement mise en examen mais pourra être entendue comme témoin assisté.
La mise en examen sera réservée aux personnes contre lesquelles sont réunies des indices graves ou concordants. Elle interviendra après audition par le juge et non avant, de sorte que le magistrat sera complètement informé avant de prendre sa décision.
L'égalité des armes sera mieux assurée par une extension des mêmes droits à toutes les parties au procès : ainsi les parties civiles pourront demander des actes, des confrontations, des expertises, perquisitions ou transports sur les lieux. Elles pourront directement interroger les témoins à l'audience.
De même, selon un mécanisme conforme à celui qui a été voté par votre assemblée, les personnes mises en examen, les témoins assistés et les parties civiles disposeront d'un droit de regard sur la durée de l'information. Ainsi, la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction, pourra faire mieux respecter le principe du délai raisonnable.
b) D'importantes modifications sont apportées au régime de la garde à vue.
Les simples témoins ne pourront plus faire l'objet de cette mesure. Les personnes gardées à vue pourront dès le début compter sur la présence d'un avocat, sauf infraction de criminalité organisée. Ainsi, ce n'est pas, comme actuellement, à la seule 20ème heure que la personne rencontrera son avocat, mais éventuellement trois fois, à la 1ère, à la 20ème et à la 36ème heure.
La question de l'enregistrement des déclarations de personnes gardées à vue a donné lieu à d'importants débats devant les deux assemblées. La commission mixte paritaire a opté pour l'enregistrement audiovisuel des mineurs.
Le texte adopté a le mérite de préciser le statut de ces enregistrements, qui ne pourront être utilisés à l'audience de jugement.
Nous pourrons, un an après l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, c'est-à-dire deux ans après la publication de la loi, faire le point sur cette innovation majeure
c) Le régime de la détention provisoire est modifié en profondeur.
Les décisions en matière de détention provisoire sont désormais confiées à un magistrat distinct du juge d'instruction, qui aura au moins le grade de vice-président : c'est ici la garantie du double regard qui est apportée.
Les seuils minimums de placement en détention sont sensiblement relevés, et la durée de la détention provisoire est limitée, même en matière criminelle.
Ce magistrat sera dénommé "juge des libertés et de la détention", appellation qui n'appelle pas d'objection car si tous les juges sont juges des libertés tous ne sont pas juges de la détention.
Ainsi, dans ce dispositif, c'est véritablement un nouveau métier que pourra exercer le juge d'instruction. Déchargé du contentieux de la détention, disposant d'une grande latitude dans le recours à la procédure du témoin assisté, il pourra, mieux que par le passé, se livrer à sa mission d'instruire à charge et à décharge, ainsi qu'il sera inscrit au nouvel article 81 du code de procédure pénale.
Dans l'hypothèse, que l'on voudrait aussi rare que possible, de détentions provisoires suivies d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le mécanisme d'indemnisation est largement amélioré avec l'adoption du principe d'une indemnisation intégrale et obligatoire du préjudice. Les décisions rendues dans ce domaine seront motivées, publiques et susceptibles de recours.
d) Le renforcement de la présomption d'innocence se manifeste aussi par la règle nouvelle selon laquelle la diffusion de l'image d'une personne menottée ne pourra se faire sans son consentement.
Nous préservons ainsi l'équilibre qui doit être maintenu entre les droits des personnes et la liberté de la presse, à laquelle je suis bien évidemment particulièrement attachée.
e) La liberté de la presse est également renforcée par plusieurs dispositions de la loi.
D'une part, la commission mixte paritaire a décidé la suppression des peines d'emprisonnement en matière d'outrage et de diffamation.
Ainsi, conformément aux préoccupations de l'association Reporters sans frontières dont j'avais reçu le président, la France redevient un modèle pour les pays qui ont construit une législation sur la presse s'inspirant de notre loi de 1881
D'autre part, des fenêtres de publicité sont prévues à tous les stades de la procédure, en particulier, si la personne mise en examen en fait la demande, devant le juge des libertés et de la détention ou devant la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction ;
Enfin, la loi rétablit dans la loi de 1881 sur la presse un article permettant d'arrêter l'exécution provisoire d'une décision ordonnée en référé mais qui aurait des conséquences manifestement excessives dans la restriction apportée à la diffusion de l'information.
Au moment de l'adoption de ce texte par votre assemblée, nous pouvons dresser un bilan très largement positif des travaux parlementaires.
Un travail constructif, effectué par le Parlement avec le Gouvernement, a permis d'enrichir et d'améliorer un projet dont les ambitions étaient déjà très vastes.
Je remercie le Sénat pour la part importante qu'il a prise dans ce travail.
Certains pourront toujours regretter que l'on ne soit pas allé plus loin dans telle ou telle direction. Pourtant, les progrès accomplis sont considérables.
L'application de cette loi fera bien sûr l'objet d'une observation attentive. Au moment même de son entrée en vigueur une circulaire renseignera les juridictions sur les dispositions immédiatement applicables. D'autres circulaires détaillées suivront.
J'ai aussi décidé la constitution d'un groupe de suivi composé de magistrats et de fonctionnaires exerçant en juridiction.
Toutes les catégories seront représentées, siège parquet, magistrats siégeant dans les tribunaux, dans les cours d'appel ou en cour d'assises, grandes et petites juridictions.
Nous serons informés en temps réel des conditions d'application de la loi, des éventuelles difficultés qu'il sera possible de corriger avant qu'elles ne s'aggravent, mais aussi des progrès accomplis grâce aux nouvelles dispositions que vous aurez votées.
J'installerai ce groupe de travail le 13 juin prochain.
Ainsi pourra vivre cette réforme qui met notre législation en accord avec les normes européennes et montre que notre de pays demeure la patrie des droits de l'homme.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 5 juin 2000)
je suis particulièrement heureuse que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord dans des conditions qui me paraissent satisfaisantes.
Une loi de cette ampleur méritait une large approbation.
Lors de ma communication en Conseil des ministres le 29 octobre 1997 j'avais annoncé une réforme pour une justice au service des citoyens, au service des libertés, indépendante et impartiale.
Le premier volet de cette réforme, qui concerne la justice du quotidien a donné lieu à deux lois déjà votées :
- celle du 18/12/98 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ;
- celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
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Ces textes ainsi que les moyens très importants en effectifs et crédits budgétaires dégagés par le Gouvernement depuis 1998 ont permis une justice plus proche de nos concitoyens, plus accessible et plus rapide.
Cette partie de la réforme se poursuit d'ailleurs avec la réforme des tribunaux de commerce et celle du droit de la famille.
Le deuxième volet de la réforme, pour une justice au service des libertés est celui que vous vous préparez à parachever aujourd'hui.
Le troisième volet de la réforme a pour objet une justice indépendante et impartiale. Il a donné lieu à une première lecture, devant les deux assemblées, du projet de loi sur l'action publique en matière pénale. Il aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature.
Vous connaissez les raisons qui empêchent actuellement ces projets d'aboutir et je suis prête, quant à moi, à poursuivre l'adoption de ce troisième volet de la réforme dès que sera levé le blocage actuel qui n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité.
Ayant situé la place de ce texte dans l'ensemble des réformes que je propose au Parlement, et avant de revenir sur quelques dispositions essentielles du projet, je souhaite maintenant à nouveau rendre hommage à la qualité du travail parlementaire et plus spécialement, dans cette enceinte, au travail accompli par Mme Catherine TASCA et par l'actuel Président de votre Commission des lois M. Bernard ROMAN, par la rapporteure du projet, Mme Christine LAZERGES et bien sûr par les membres de la Commission mixte paritaire.
Les débats particulièrement riches et constructifs qui se sont déroulés devant les deux assemblées, ont permis de bâtir un accord sur un grand texte, équilibré et fondateur sur bien des points d'un renouveau de notre procédure pénale.
Je dis un grand texte, car l'ampleur des sujets traités aurait pu justifier quatre grands textes, quatre grandes lois :
- une loi sur l'appel des décisions des cours d'assises ;
- une loi sur la réforme de la libération conditionnelle ;
- une loi sur le renforcement des droits des victimes ;
- une loi enfin sur le renforcement de la présomption d'innocence.
J'aborderai succinctement ces différents chapitres.
1. L'appel contre les décisions des cours d'assises
J'avais annoncé dans ma communication en Conseil des ministre le 29 octobre 1997 mon intention de mettre un terme à l'anachronique absence d'appel contre les décisions des cours criminelles.
Il était nécessaire de permettre aux accusés encourant les peines les peines les plus sévères de bénéficier d'une "seconde chance", comme c'est le cas dans les autres procès, y compris pour les personnes comparaissant devant le tribunal de police.
Des affaires récentes ont montré que, même en invoquant la souveraineté populaire s'exprimant par la voie du jury, il peut subsister un doute après le prononcé d'un verdict. L'impossibilité de faire appel était dès lors une anomalie dans notre système judiciaire.
J'avais toutefois indiqué devant votre Assemblée que je ne souhaitais pas voir engager cette réforme sans avoir les moyens, notamment humains, de sa mise en oeuvre. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas été favorable à l'adoption du dispositif proposé par mon prédécesseur, trop coûteux en emplois par rapport au nombre de procès en cour d'assises pour lesquels une seconde chance paraissait nécessaire.
J'ai préféré en effet concentrer les augmentations d'effectifs que votre assemblée a bien voulu voter depuis 3 ans sur l'amélioration de la justice au quotidien, qui touche des centaines de milliers de nos concitoyens.
J'ai augmenté les moyens des cours et des tribunaux pour que la justice non seulement pénale mais aussi civile, sociale et commerciale, soit rendue plus rapidement.
Dans le même temps, j'ai demandé à mes services d'étudier le système de l'appel tournant.
Le Parlement a été tenu informé de l'état du dossier par un courrier que j'ai adressé à tous les députés et sénateurs le 13 décembre 1999. J'ai consulté plus spécialement ceux des parlementaires qui s'étaient particulièrement intéressés à cette réforme, je pense à M. FORNI, à M. TOURRET, ou bien à Mme BREDIN et à M. FLOCH.
Grâce à trois excellents budgets, qui ont permis 422 créations d'emplois de magistrats depuis le début de cette législature, et qui laissent augurer favorablement de l'exercice 2001, la réforme de la cour d'assises est maintenant possible.
Désormais, les personnes condamnées pour crime et qui contestent leur culpabilité ou le montant de leur peine pourront faire appel de leur condamnation devant une autre cour d'assises, selon le dispositif dit "de l'appel tournant" par lequel, une cour d'assises est conduite à juger en appel ce qu'une autre cour d'assises a jugé en première instance.
Ce droit d'appel sera également reconnu au ministère public et à la partie civile.
La commission mixte paritaire a décidé que le jury de la cour d'assises d'appel comprendrait douze personnes au lieu de neuf jurés en 1ère instance. Ainsi sera confortée la légitimité de la cour d'assises d'appel.
Je me réjouis que le Parlement ait, avec le Gouvernement, réussi cette réforme historique, après tant de tentatives restées inabouties.
2. Une autre réforme historique est celle de la libération conditionnelle
Nous arrivons à une étape importante d'un processus plus que centenaire, commencé le 18 août 1895, date de la première loi sur la libération conditionnelle.
Nous sommes aussi au coeur du dispositif qu'il nous appartient de mettre en oeuvre pour la réinsertion des condamnés et la prévention de la récidive.
L'efficacité de la libération conditionnelle est prouvée dans ces deux domaines, et cela se comprend aisément : la mesure est individualisée, accompagnée et le détenu n'est pas purement et simplement libéré sans contrôle comme c'est le cas lorsqu'intervient un décret de grâce. Autour de la libération conditionnelle, peut se construire un projet d'exécution de peine, qui donne un sens à la sanction.
Or, au cours de ces deux dernières décennies, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de décroître. Il faut y voir un effet du caractère plus répressif de notre société, marqué par un allongement des peines prononcées. L'obtention d'un emploi comme condition de la libération conditionnelle a limité le nombre des dossiers éligibles. Enfin, la procédure d'instruction des demandes, administrative et parfois même bureaucratique, ne laissant aucune place au débat contradictoire et favorisant la dilution des responsabilités entre plusieurs intervenants, ne pouvait être propice au développement de la libération conditionnelle.
Dans ce contexte, j'avais annoncé, en particulier lors de ma communication en Conseil des ministres sur la politique pénitentiaire le 8 avril 1998, ma volonté de relancer le dispositif.
La réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation était un préalable indispensable à ce renouveau. Il fallait en effet, pour une plus grande efficacité, permettre qu'un même travailleur social assure le suivi d'un condamné admis à la libération conditionnelle, sortant de prison mais devant faire encore l'objet de mesures d'assistance et de contrôle. Cette réforme a été menée a bien en avril 1999, ce qui a ouvert la voie à celle de la libération conditionnelle.
J'ai annoncé le 8 juillet 1999 au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire ma décision de confier à une commission présidée par M. FARGE, Conseiller à la Cour de cassation, une mission d'étude des moyens de relancer la libération conditionnelle.
Cette commission a été constituée en septembre 1999. M. FARGE m'a remis son rapport le 17 février 2000 et, à peine un mois et demi plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande ou avec mon accord, être intégré dans le projet de loi, lors des 2èmes lectures.
L'objectif d'une réforme en profondeur est aujourd'hui atteint avec les deux mesures essentielles qui caractérisent la "nouvelle libération conditionnelle" :
- d'une part, les critères d'admission ont été élargis, de sorte que la mesure ne sera plus réservée aux seuls détenteurs d'un emploi, mais deviendra accessible à tous ceux qui font des efforts sérieux de réinsertion et présentent un projet d'apprentissage, de formation scolaire, de soutien essentiel à la vie familiale, voire de soins ;
- D'autre part, la décision d'admission à la libération conditionnelle ou de refus sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux propositions contenues dans les rapports que j'ai demandés à la Commission FARGE et à la Commission CANIVET.
La décision sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être assisté d'un avocat et il aura la possibilité d'interjeter appel s'il n'obtient pas satisfaction.
Je ne reviens pas sur le détail du dispositif arrêté à l'initiative de votre rapporteure. Il a fait l'objet du consensus le plus large au sein des deux assemblées et il est conforme non seulement aux recommandations des rapports FARGE et CANIVET que je viens de citer mais aussi aux souhaits exprimés par les juges de l'application des peines et les magistrats du parquet que j'ai consultés.
Enfin, je rappelle qu'en liaison avec la réforme de la libération conditionnelle, vous êtes invités à voter celle des mesures conduisant à la sortie durable de prison d'un condamné : semi-liberté, placement à l'extérieur, suspensions et fractionnement de peine, placement sous surveillance électronique.
Nous mettons ainsi en place ainsi un ensemble cohérent, qui permettra une meilleure individualisation des peines, en permettant aux condamnés de bénéficier des garanties judiciaires qu'une démocratie moderne se doit de reconnaître à ses citoyens fussent-ils détenus et en garantissant à la société une meilleure prévention de la récidive.
Le projet de loi est relatif au renforcement de la présomption d'innocence et au renforcement des droits des victimes. C'est de ces dernières que je voudrais maintenant parler.
3. Le renforcement des droits des victimes
Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ce texte est le second que vous adopterez au cours de cette législature, contenant une série de dispositions spécialement consacrées aux droits des victimes.
Grâce à ce texte, les victimes seront mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.
Pour l'essentiel, les mesures que j'ai proposées, enrichies par les apports des deux assemblées, ont fait l'objet d'un large consensus et ont donc été votées conformes sans venir alourdir l'ordre du jour de la commission mixte paritaire.
Telles sont les dispositions qui, aux différents stades de la procédure - du dépôt de la plainte au jugement en passant par l'instruction préparatoire - obligent les autorités policières ou judiciaires à informer les victimes de leurs droits.
Telles sont les dispositions consacrant le rôle des associations d'aide aux victimes, ou facilitant les constitutions de partie civile à l'audience, ou élargissant les possibilités d'indemnisation des victimes - notamment à certaines infractions contre les biens - par les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions pénales.
Telles sont les dispositions instituant l'infraction d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettant de sanctionner, à la demande de la victime, la reproduction de certaines images que ne justifient nullement la liberté de l'information.
Telles sont enfin les dispositions donnant à certaines associations de victimes le droit de se constituer partie civile en cas d'infractions portant atteinte aux personnes qu'elles défendent.
Les droits des victimes sont également renforcés par des dispositions qui ne leur sont pas spécifiques, mais qui relèvent de l'ensemble des améliorations apportées à notre procédure : le droit de mieux intervenir dans l'information ou dans le procès, de mieux bénéficier du principe contradictoire, de participer au contrôle de la durée des informations sont autant de progrès accomplis pour les victimes.
L'évocation des améliorations apportées à la procédure pénale me conduit naturellement à les aborder plus précisément
4. La protection de la présomption d'innocence des personnes mises en cause par la justice.
Vous allez décider d'une évolution sans précédent de notre droit. Alors même que les principes directeurs qui fondent notre procédure sont maintenus, il est créé un nouvel équilibre, non pas pour plus d'accusatoire ou d'inquisitoire - j'ai déjà dit que ces deux systèmes ont chacun leurs mérites et leurs inconvénients - mais pour plus de contradictoire.
Les responsabilités des différents acteurs judiciaires, magistrats chargés de l'instruction ou du jugement, du siège ou du parquet, seront mieux définies et mieux réparties, afin d'assurer une justice plus impartiale, plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense.
Je voudrai brièvement rappeler les principales avancées, en insistant le cas échéant sur les questions essentielles qui étaient soumises à la commission mixte paritaire et sur lesquelles des accords sont intervenus.
a) Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont profondément modifiées.
Les modifications les plus notables concernent la refonte complète du statut du témoin assisté, accessible à toute personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants. Il est ainsi permis d'espérer une diminution du nombre des mises en examen, mesures stigmatisantes qui pourront être réservées aux personnes contre lesquelles seront réunis des indices graves et concordants.
Corrélativement, la procédure de mise en examen est mieux précisée : les conditions de fond et de forme de son prononcé sont renforcées. La mise en examen interviendra après audition par le juge et non avant, de sorte que la personne aura la faculté de présenter en temps utile les arguments qui permettront au magistrat d'éventuellement reconsidérer sa position
Les droits de la défense des personnes mises en examen sont par ailleurs élargis, quant aux demandes d'actes, aux choix de leur avocat.
Ces droits sont étendus à toutes les parties au procès : ainsi les parties civiles pourront demander des actes, des confrontations, des expertises, perquisitions ou transports sur les lieux. Elles pourront, comme la personne mise en examen demander que leur conseil assiste à ces actes. Elles pourront directement interroger les témoins à l'audience.
Enfin, un calendrier de procédure est institué. A l'expiration d'un délai d'un an pour les délits et de 18 mois pour les crimes, les personnes mise en examen, les témoins assistés et les parties civiles disposeront du même droit de demander des comptes sur la durée de l'information. Ainsi, la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction, pourra faire mieux respecter le principe du délai raisonnable
b) Sur la garde à vue
Vous connaissez bien sûr les importantes modifications apportées au régime de la garde à vue.
D'une part, les personnes gardées à vue - qui ne seront plus de simples témoins - pourront dès le début de la mesure compter sur la présence d'un avocat, sauf infraction de criminalité organisée. Cette disposition met enfin notre pays au même niveau que la plupart des législations étrangères.
D'autre part, les interrogatoires des mineurs placés en gardes à vue devront faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel. Il s'agit là d'une garantie nouvelle dont l'initiative revient à votre assemblée.
Le texte adopté par la commission a le mérite de préciser le statut des enregistrements effectués, sur lequel j'avais exprimé des interrogations, puisqu'il réserve leur utilisation à la phase préparatoire du procès.
Il prévoit qu'un rapport devra être réalisée un an après l'entrée en vigueur de cette disposition, pour envisager les modalités d'élargissement du dispositif aux majeurs. Il sera alors possible au Gouvernement de faire le point sur cette innovation majeure de notre procédure.
c) Les dispositions relatives à la détention provisoire constituent un autre point fort de la loi.
La France, vous le savez, se distingue en Europe tant par le nombre que par la durée des détentions provisoires. Aucune des réformes réalisées dans le passé n'a donné les résultats escomptés. Les nouvelles dispositions marquent une rupture avec les textes anciens à deux égards.
D'une part, les décisions en matière de détention sont confiées à un magistrat expérimenté, distinct du juge d'instruction : c'est ici la garantie du double regard qui est apportée, avec l'intervention d'un magistrat que l'on ne peut soupçonner de prendre ses décisions en fonction d'une stricte logique d'enquête parfois trop réductrice au regard des enjeux humains attachés à toute privation de liberté.
D'autre part, les seuils minimums de placement en détention sont sensiblement relevés, et la durée de la détention provisoire est limitée, même en matière criminelle.
La commission mixte paritaire a décidé que ce magistrat serait dénommé "juge des libertés et de la détention". Je ne vois pas d'inconvénient à cette appellation, puisque tous les juges sont juges des libertés mais tous ne sont pas juges de la détention.
Enfin, le mécanisme d'indemnisation des détentions provisoires suivies d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement est largement amélioré avec l'adoption du principe d'une indemnisation intégrale et obligatoire du préjudice. Les décisions rendues dans ce domaine seront motivées, publiques et susceptibles de recours.
d) Le renforcement de la présomption d'innocence se manifeste aussi par la règle nouvelle selon laquelle la diffusion de l'image d'une personne menottée ne pourra se faire sans son consentement.
A l'issue des deux lectures devant les deux assemblées et après le succès de la Commission mixte paritaire, nous sommes donc en mesure de dresser un bilan très largement positif des travaux parlementaires.
Ce texte dont les ambitions initiales étaient déjà très vastes, a pu être enrichi, complété et amélioré par le travail parlementaire, effectué de façon constructive avec le Gouvernement tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat et je vous en remercie.
Ce texte constituera une étape capitale dans l'histoire de notre procédure pénale et permettra à notre pays de témoigner qu'il est et demeure la patrie des droits de l'homme.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 5 juin 2000)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Après la réussite de la commission mixte paritaire, je me réjouis de l'adoption de ce projet de loi relatif au renforcement de la présomption d'innocence et des droits de victimes, le 24 mai dernier - sans aucun vote contre - par l'Assemblée nationale en dernière lecture.
Ainsi se met en place la réforme de la justice que j'avais annoncée lors de ma communication en Conseil des ministres le 29 octobre 1997.
Le premier volet de cette réforme, pour une justice au service des citoyens est déjà bien avancé avec la loi du 18/12/98 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale. Les prochaines étapes de ce premier volet seront la réforme des tribunaux de commerce et celle du droit de la famille.
Le deuxième volet de la réforme, pour une justice au service des libertés vous est présenté aujourd'hui pour une dernière lecture.
Le troisième volet, pour une justice plus indépendante et plus impartiale aurait dû donner lieu à l'adoption par le Congrès du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la Magistrature. Son blocage actuel n'est le fait ni du Gouvernement ni de la majorité et je confirme que je suis prête, quant à moi, à le faire aboutir.
Revenant au deuxième volet de la réforme et au projet de loi relatif au renforcement de la présomption d'innocence et des droits des victimes, je voudrais d'abord rendre hommage à la qualité du travail parlementaire et plus spécialement, dans cette assemblée, au travail accompli par votre Commission des lois, par son président M. Jacques LARCHE et par son rapporteur, M. Charles JOLIBOIS.
Je salue également le travail des membres de la Commission mixte paritaire dont la réussite témoigne de ce que la volonté de faire progresser la justice existe sur tous les bancs.
Comme je l'ai déjà dit devant l'Assemblée nationale lors de la dernière lecture, les débats particulièrement riches et constructifs qui se sont déroulés devant les deux assemblées, ont permis de bâtir un accord sur un grand texte, équilibré et fondateur sur bien des points d'un renouveau de notre procédure pénale.
L'ampleur des sujets traités aurait pu en réalité justifier quatre grandes lois :
- une loi sur l'appel des décisions des cours d'assises ;
- une loi sur la réforme de la libération conditionnelle ;
- une loi sur le renforcement des droits des victimes ;
- une loi enfin sur le renforcement de la présomption d'innocence.
1. L'appel contre les décisions des cours d'assises
Je ne pense pas devoir vous convaincre du bien-fondé de cette réforme, dont le Sénat a pris l'initiative et choisi le moment.
J'avais, comme vous, résolu de mettre un terme à l'impossibilité de faire appel contre les décisions des cours d'assises, ainsi que je l'ai annoncé dans ma déclaration en Conseil des ministres le 29 octobre 1997.
J'avais toutefois indiqué devant votre Assemblée que je souhaitais disposer au préalable des moyens, notamment humains, de la mise en oeuvre d'une telle réforme. C'est en effet la règle à laquelle je me suis tenue en toute matière : pas de réforme sans les moyens de sa mise en oeuvre. De ce point de vue, le dispositif proposé par mon prédécesseur avait sa logique propre mais présentait l'inconvénient d'être trop coûteux en emplois par rapport au nombre de procès en cour d'assises pour lesquels une seconde chance paraissait nécessaire.
J'ai préféré augmenter les moyens de la justice au quotidien, qui touche des centaines de milliers de personnes.
Dans le même temps, j'ai demandé à mes services d'étudier le système de "l'appel tournant".
Le Parlement a été tenu informé de l'état du dossier par un courrier que j'ai adressé à tous les députés et sénateurs le 13 décembre 1999.
Je me suis entretenu de cette question avec M. BADINTER et, naturellement, avec votre rapporteur, M. JOLIBOIS. Je l'avais auparavant évoqué à plusieurs reprises avec le président de votre commission des lois M. LARCHE.
Les excellent budgets des trois derniers exercices ont permis 422 créations d'emplois de magistrats depuis le début de cette législature, et laissent augurer favorablement du budget 2001. La réforme de la cour d'assises est donc maintenant possible.
Désormais, les personnes condamnées pour crime pourront faire appel de leur condamnation. Ce droit d'appel sera également reconnu au ministère public et à la partie civile.
Je me réjouis que le Parlement - en particulier le Sénat dont je salue la détermination - ait, avec le Gouvernement, réussi cette réforme historique, après tant de tentatives restées sans suite.
2. Une autre réforme historique est celle de la libération conditionnelle
Autour de la libération conditionnelle, peut se construire un projet d'exécution de peine, qui donne un sens à la sanction, favorise la réinsertion et, en définitive, prévient la récidive.
Or, le nombre des libérations conditionnelles n'a cessé de diminuer, par l'effet conjugué d'un allongement de la durée des peines, de l'exigence d'un emploi et du caractère administratif, voire bureaucratique de l'instruction des dossiers.
Dans ce contexte, j'avais annoncé, en particulier lors de ma communication en Conseil des ministres sur la politique pénitentiaire le 8 avril 1998, ma volonté de relancer le dispositif.
Ainsi que je l'avais annoncé au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire en juillet 1999, j'ai confié, à une commission présidée par M. FARGE, Conseiller à la Cour de cassation, une mission d'étude des moyens de relancer la libération conditionnelle.
M. FARGE m'a remis son rapport le 17 février 2000 et, à peine un mois et demi plus tard, l'essentiel de ses propositions a pu, à ma demande ou avec mon accord, être intégré dans le projet de loi, lors des 2èmes lectures.
Deux mesures essentielles caractérisent maintenant la "nouvelle libération conditionnelle". Elles figurent dans la loi sous la forme adoptée par le sénat.
Je rappelle que l'accord du Gouvernement et de votre rapporteur a été ici marqué par le dépôt d'amendements identiques.
- d'une part, les critères d'admission ont été élargis, de sorte que la mesure sera accessible à tous ceux qui font des efforts sérieux de réinsertion sans condition de l'obtention d'un emploi.
- d'autre part, la décision d'admission à la libération conditionnelle ou de refus sera toujours prononcée par une juridiction, conformément aux propositions contenues dans les rapports que j'ai demandés à la Commission FARGE et à la Commission CANIVET.
La décision sera prise après débat contradictoire. Le condamné pourra être assisté d'un avocat et il aura la possibilité d'interjeter appel s'il n'obtient pas satisfaction.
Ainsi, nous reconnaissons aux personnes détenues les garanties d'un débat judiciaire en assurant à la société une meilleure prévention de la récidive.
3. Le renforcement des droits des victimes
Après la loi du 17 avril 1998 relative aux infractions sexuelles et à la protection des mineurs, ce texte est le second que vous adopterez au cours de cette législature, contenant une série de dispositions spécialement consacrées aux droits des victimes.
Grâce à ce texte, les victimes seront mieux accueillies, mieux écoutées, mieux protégées et mieux indemnisées.
Les mesures que j'ai proposées, enrichies par les apports des deux assemblées, ont fait l'objet d'un large consensus et ont donc été votées conformes dès les premières lectures.
Il en est ainsi des dispositions :
- qui obligent les autorités policières ou judiciaires à informer les victimes de leurs droits ;
- qui consacrent le rôle des associations d'aide aux victimes, facilitent les constitutions de partie civile et permettent aux commissions d'indemnisation des victimes d'infractions pénales d'indemniser des préjudices, résultant de dégradations ou d'extorsions, ainsi que le préjudice psychologique résultant de telles infractions.
- qui instituent l'infraction d'atteinte à la dignité de la victime d'un crime ou d'un délit et permettent de sanctionner, à la demande de la victime, la reproduction de certaines images que ne justifient nullement la liberté - pourtant essentielle - de l'information
Les victimes auront aussi le droit de mieux intervenir dans le cours de la procédure ; elles bénéficieront, comme les autres parties au procès, de l'extension du principe contradictoire.
4. La protection de la présomption d'innocence des personnes mises en cause par la justice.
C'est à une réforme en profondeur de notre droit que vous allez procéder. Sans remise en cause complète des principes directeurs de la procédure, il est créé un nouvel équilibre, pour assurer une plus grande part au contradictoire.
a) Les dispositions concernant le déroulement de l'instruction préparatoire sont profondément modifiées.
Votre assemblée a apporté une contribution déterminante à la refonte complète du statut du témoin assisté.
Ainsi, même une personne contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'un infraction ne sera plus obligatoirement mise en examen mais pourra être entendue comme témoin assisté.
La mise en examen sera réservée aux personnes contre lesquelles sont réunies des indices graves ou concordants. Elle interviendra après audition par le juge et non avant, de sorte que le magistrat sera complètement informé avant de prendre sa décision.
L'égalité des armes sera mieux assurée par une extension des mêmes droits à toutes les parties au procès : ainsi les parties civiles pourront demander des actes, des confrontations, des expertises, perquisitions ou transports sur les lieux. Elles pourront directement interroger les témoins à l'audience.
De même, selon un mécanisme conforme à celui qui a été voté par votre assemblée, les personnes mises en examen, les témoins assistés et les parties civiles disposeront d'un droit de regard sur la durée de l'information. Ainsi, la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction, pourra faire mieux respecter le principe du délai raisonnable.
b) D'importantes modifications sont apportées au régime de la garde à vue.
Les simples témoins ne pourront plus faire l'objet de cette mesure. Les personnes gardées à vue pourront dès le début compter sur la présence d'un avocat, sauf infraction de criminalité organisée. Ainsi, ce n'est pas, comme actuellement, à la seule 20ème heure que la personne rencontrera son avocat, mais éventuellement trois fois, à la 1ère, à la 20ème et à la 36ème heure.
La question de l'enregistrement des déclarations de personnes gardées à vue a donné lieu à d'importants débats devant les deux assemblées. La commission mixte paritaire a opté pour l'enregistrement audiovisuel des mineurs.
Le texte adopté a le mérite de préciser le statut de ces enregistrements, qui ne pourront être utilisés à l'audience de jugement.
Nous pourrons, un an après l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, c'est-à-dire deux ans après la publication de la loi, faire le point sur cette innovation majeure
c) Le régime de la détention provisoire est modifié en profondeur.
Les décisions en matière de détention provisoire sont désormais confiées à un magistrat distinct du juge d'instruction, qui aura au moins le grade de vice-président : c'est ici la garantie du double regard qui est apportée.
Les seuils minimums de placement en détention sont sensiblement relevés, et la durée de la détention provisoire est limitée, même en matière criminelle.
Ce magistrat sera dénommé "juge des libertés et de la détention", appellation qui n'appelle pas d'objection car si tous les juges sont juges des libertés tous ne sont pas juges de la détention.
Ainsi, dans ce dispositif, c'est véritablement un nouveau métier que pourra exercer le juge d'instruction. Déchargé du contentieux de la détention, disposant d'une grande latitude dans le recours à la procédure du témoin assisté, il pourra, mieux que par le passé, se livrer à sa mission d'instruire à charge et à décharge, ainsi qu'il sera inscrit au nouvel article 81 du code de procédure pénale.
Dans l'hypothèse, que l'on voudrait aussi rare que possible, de détentions provisoires suivies d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le mécanisme d'indemnisation est largement amélioré avec l'adoption du principe d'une indemnisation intégrale et obligatoire du préjudice. Les décisions rendues dans ce domaine seront motivées, publiques et susceptibles de recours.
d) Le renforcement de la présomption d'innocence se manifeste aussi par la règle nouvelle selon laquelle la diffusion de l'image d'une personne menottée ne pourra se faire sans son consentement.
Nous préservons ainsi l'équilibre qui doit être maintenu entre les droits des personnes et la liberté de la presse, à laquelle je suis bien évidemment particulièrement attachée.
e) La liberté de la presse est également renforcée par plusieurs dispositions de la loi.
D'une part, la commission mixte paritaire a décidé la suppression des peines d'emprisonnement en matière d'outrage et de diffamation.
Ainsi, conformément aux préoccupations de l'association Reporters sans frontières dont j'avais reçu le président, la France redevient un modèle pour les pays qui ont construit une législation sur la presse s'inspirant de notre loi de 1881
D'autre part, des fenêtres de publicité sont prévues à tous les stades de la procédure, en particulier, si la personne mise en examen en fait la demande, devant le juge des libertés et de la détention ou devant la chambre d'accusation devenue chambre de l'instruction ;
Enfin, la loi rétablit dans la loi de 1881 sur la presse un article permettant d'arrêter l'exécution provisoire d'une décision ordonnée en référé mais qui aurait des conséquences manifestement excessives dans la restriction apportée à la diffusion de l'information.
Au moment de l'adoption de ce texte par votre assemblée, nous pouvons dresser un bilan très largement positif des travaux parlementaires.
Un travail constructif, effectué par le Parlement avec le Gouvernement, a permis d'enrichir et d'améliorer un projet dont les ambitions étaient déjà très vastes.
Je remercie le Sénat pour la part importante qu'il a prise dans ce travail.
Certains pourront toujours regretter que l'on ne soit pas allé plus loin dans telle ou telle direction. Pourtant, les progrès accomplis sont considérables.
L'application de cette loi fera bien sûr l'objet d'une observation attentive. Au moment même de son entrée en vigueur une circulaire renseignera les juridictions sur les dispositions immédiatement applicables. D'autres circulaires détaillées suivront.
J'ai aussi décidé la constitution d'un groupe de suivi composé de magistrats et de fonctionnaires exerçant en juridiction.
Toutes les catégories seront représentées, siège parquet, magistrats siégeant dans les tribunaux, dans les cours d'appel ou en cour d'assises, grandes et petites juridictions.
Nous serons informés en temps réel des conditions d'application de la loi, des éventuelles difficultés qu'il sera possible de corriger avant qu'elles ne s'aggravent, mais aussi des progrès accomplis grâce aux nouvelles dispositions que vous aurez votées.
J'installerai ce groupe de travail le 13 juin prochain.
Ainsi pourra vivre cette réforme qui met notre législation en accord avec les normes européennes et montre que notre de pays demeure la patrie des droits de l'homme.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 5 juin 2000)