Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Madame et Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de participer au 82ème congrès de l'Association des Maires de France. Permettez-moi, tout d'abord, de remercier de son accueil le Président Jean-Paul DELEVOYE. J'ai pu mesurer, Monsieur le Président HOEFFEL, combien les travaux de l'AMF conservaient, sous votre direction, la richesse et la sérénité qui font de votre association un partenaire écouté des pouvoirs publics.
Cette année, le thème de votre congrès est l'innovation. Innover, c'est préparer l'avenir. Dans la sphère de l'administration publique, c'est inventer les instruments qui, demain, serviront le mieux les besoins des Français. Pour moi, cet effort d'imagination n'est fructueux que s'il est mené dans la concertation.
C'est donc avec les élus que le Gouvernement rénove les moyens des communes.
Et d'abord les moyens financiers. Le Gouvernement, vous vous en souvenez, vous avait consultés, avec d'autres représentants des élus locaux, à l'été 1998 pour examiner quelle suite donner au " pacte de stabilité " financière élaboré en 1995 pour trois ans. Celui-ci garantissait que les concours de l'Etat aux collectivités locales progresseraient comme l'inflation. Nous avons depuis mis sur pied un " contrat de croissance et de solidarité ". Sur trois ans, il garantit que ces concours évolueront non seulement comme l'inflation, mais aussi en fonction d'une partie chaque année plus importante de la croissance. Ces concours de l'Etat représenteront, l'an prochain, 291 milliards de francs. Ils seront ainsi supérieurs de 4 milliards de francs à ce qu'ils auraient été sans ce nouveau dispositif.
Le Gouvernement a renforcé et adapté les outils de la solidarité financière. Vous y êtes, je le sais, très attachés. C'est pourquoi nous avons tenu à faire progresser les dotations de solidarité, en faveur des communes urbaines comme des communes rurales. La DSU augmentera encore de 500 millions de francs et la DSR de 150 millions de francs en 2000.
La plupart d'entre vous se préoccupent également des conséquences du dernier recensement de la population. Les résultats officiels en seront prochainement connus. Neuf ans après le dernier recensement général, ces résultats affectent un grand nombre de paramètres qui déterminent le calcul des dotations des communes et de leurs groupements.
Le Gouvernement a anticipé cette échéance. Il a proposé des dispositions législatives afin de ne pas pénaliser les communes qui perdent des habitants. Il a donc décidé de garantir le maintien de leur dotation actuelle. Pour les autres communes, l'augmentation de la population sera prise en compte sur trois ans. Ce dispositif a été adopté il y a quelques jours par l'Assemblée Nationale. Il sera examiné par le Sénat dans les prochaines semaines.
Pour favoriser l'emploi, notamment dans les communes, nous avons engagé une réforme de la taxe professionnelle supprimant en cinq ans la part qui est assise sur les salaires versés par les entreprises. Mais nous savons que cette taxe est aussi pour beaucoup d'entre vous la première ressource fiscale. C'est pourquoi cet allégement de charges est compensé aux communes dans des conditions considérées, en général, comme satisfaisantes puisque cette compensation évolue, chaque année, comme la dotation globale de fonctionnement. Nous avons aussi tenu à ce que cette année, le calcul de cette compensation se fonde sur l'interprétation la plus favorable aux communes.
Innover, c'est aussi rénover les mécanismes de solidarité nationale auxquels vous participez. Ils doivent être plus équitables. Le Gouvernement a, par la concertation et le dialogue, ouvert la voie au règlement de deux dossiers importants pour les maires : la participation communale aux contingents départementaux d'aide sociale ; et la situation financière de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).
S'agissant des contingents d'aide sociale, la loi instituant la couverture maladie universelle a prévu que les participations versées par les communes aux départements seraient supprimées. Le manque à gagner pour les départements sera compensé par un prélèvement à due concurrence sur la DGF des communes. Sans doute, financièrement, cette réforme est-elle neutre du point de vue des ressources. Mais conformément à une demande que vous aviez formulée depuis longtemps, vos budgets communaux ne seront plus tributaires, chaque année, des décisions des conseils généraux. A la demande de vos représentants, nous avons veillé à ce que les communes qui contribuaient plus que d'autres ne soient pas pénalisées par le choix de l'année de référence retenue par le législateur. Un mécanisme correcteur a donc été institué.
S'agissant du système de retraite des fonctionnaires territoriaux et des agents hospitaliers, c'est aussi au terme d'une large concertation que nous avons arrêté les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre financier de la CNRACL. Après un débat associant vos représentants au comité des finances locales, le Gouvernement a fait le choix d'un effort partagé entre l'Etat et les employeurs que sont les collectivités et les hôpitaux. L'Etat financera en 2000 et 2001 pour un montant de trois milliards de francs les régimes spéciaux auxquels la Caisse contribue dans le cadre du mécanisme dit " de surcompensation ". Symétriquement, la cotisation employeurs des collectivités et hôpitaux sera augmentée de 0,5 point chacune de ces deux années, apportant ainsi trois milliards de francs de recettes à la Caisse.
La rénovation que nous avons entreprise concerne aussi l'aménagement du territoire et le développement local.
L'effort financier considérable que va faire l'Etat dans les contrats de plan Etat-région bénéficiera aussi aux communes. Avec le Gouvernement, j'ai arrêté lundi une enveloppe globale de 120 milliards de francs pour les contrats de plan de la période 2000 à 2006. A ce chiffre s'ajoutent d'ailleurs près de 20 milliards de francs pour de grands investissements ou des programmes d'ampleur nationale. L'Etat dégage ainsi une contribution exceptionnelle. Elle doit donner à chaque région, et en leur sein aux communes qui sont la cellule de base de l'aménagement du territoire, les moyens de se développer de façon cohérente et adaptée aux besoins de leurs habitants. Cette approche territoriale plus fine et plus juste suppose aussi un partenariat plus efficace. Les communes et leurs groupements, notamment au travers des contrats de pays et d'agglomérations, y auront toute leur place. Des conventions spécifiques pourront en effet être conclues dans le cadre des contrats de plan entre l'Etat, la région, et ces pays et agglomérations. Ainsi pensons-nous offrir une contribution significative au développement durable du territoire, en termes d'emplois, d'infrastructures, de cohésion sociale, d'environnement et d'éducation.
Nous allons prolonger cet effort en faveur du développement des territoires dans le cadre des grands projets de ville. A cet effet, le 14 décembre, je réunirai le comité interministériel pour la ville afin d'annoncer nos décisions.
Les technologies de l'information et de la communication peuvent aussi contribuer à votre développement. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite aider les communes à y accéder. Nous avons fait adopter une disposition qui ouvre aux collectivités locales la possibilité de favoriser des réseaux d'infrastructure pour la transmission de données à haut débit. De nombreux responsables locaux portent un vif intérêt à ces technologies de l'avenir. Je sais que votre association elle-même y attache beaucoup d'importance. Bien entendu les collectivités locales qui le souhaitent peuvent aussi participer au développement des systèmes d'information territoriaux que les services déconcentrés de l'Etat mettent progressivement en place.
Mesdames, Messieurs,
Le Gouvernement a entrepris de moderniser les moyens des collectivités locales. Il souhaite aussi, avec vous, contribuer à la rénovation et à l'approfondissement de la démocratie locale.
Le Gouvernement a donc décidé de renforcer les instruments de la coopération intercommunale et du développement local. L'année 1999 a vu entrer en vigueur deux lois de modernisation des structures territoriales : la loi relative à la coopération intercommunale, élaborée par M. Jean-Pierre CHEVENEMENT, ministre de l'intérieur et la loi relative à l'aménagement et au développement durable du territoire, préparée par Mme Dominique VOYNET, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ces deux lois ont en commun de fournir au développement local des instruments nouveaux et respectueux de l'identité communale.
Le Gouvernement a dégagé les moyens financiers nécessaires : 500 millions de francs viendront à partir de 2000 abonder la dotation des groupements. Il a défini de nouvelles entités territoriales : les agglomérations et les pays.
Les communautés d'agglomérations traiteront mieux ainsi les questions qui se posent à cette échelle, en particulier celles relatives à l'aménagement, au logement, aux transports collectifs ou à l'environnement. Les pays de leur côté seront définis en fonction de facteurs géographiques, économiques et sociaux dans l'optique du développement local.
Le Gouvernement a entrepris une réforme des services déconcentrés de l'Etat pour accompagner le développement local. Elle donne aux préfets une plus grande capacité d'adapter l'organisation administrative et leur confie, en particulier, la possibilité d'intervenir en faveur du maintien des services publics.
Le Gouvernement a par ailleurs, vous le savez, décidé de relancer la réflexion sur l'avenir de la décentralisation. Pour préparer mes décisions, j'ai évoqué cette question avec les présidents des associations d'élus, communaux, départementaux et régionaux. J'ai indiqué que sur un sujet de cette importance, qui entraîne une grande diversité de points de vue, il fallait organiser un débat démocratique et ouvert. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de constituer une commission pluraliste, dont M. Pierre MAUROY, ancien Premier ministre et maire de Lille, a bien voulu accepter la présidence. Cette commission, que j'ai installée le 17 novembre, comprend des représentants des grandes associations d'élus et des personnalités qualifiées en raison de leur expérience d'élus locaux. Tous les courants politiques qui siègent au Parlement y sont représentés. Deux hauts fonctionnaires ayant une grande expérience de l'administration territoriale la complètent. Ses membres travailleront en toute indépendance. Ils ne manqueront pas d'aborder les problèmes que vous rencontrez et devront s'efforcer de placer au cur de leur démarche le citoyen et les services qu'il est en droit d'attendre des collectivités publiques. Le Gouvernement sera attentif à leurs propositions.
Nous devons aussi améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux. Dans moins de dix-huit mois, nos concitoyens seront appelés à désigner leurs conseils municipaux, qui éliront les maires. Certains appréhendent la désaffection des candidats et l'indifférence des électeurs. Ces craintes sont sans doute quelque peu exagérées. Mais elles reflètent les difficultés réelles que vous rencontrez dans l'exercice de vos missions. Vous avez évoqué, M. le Président, la question du " statut de l'élu ". La réflexion doit en effet se poursuivre sur ce point. Ce sera certainement un des sujets qu'étudiera avec une particulière attention la commission sur la décentralisation. Pour ma part, je suis prêt à examiner comment mieux prendre en compte l'importance des responsabilités et des obligations qui sont les vôtres en tant que maires.
Je souhaite aborder aujourd'hui en particulier la question de la responsabilité pénale des élus locaux. Vous exprimez avec de plus en plus de force combien vous êtes préoccupés par le risque de mise en cause pénale pour des fautes non intentionnelles. Nombre d'entre vous éprouvent du découragement et parfois ressentent du désarroi, devant ce qui leur apparaît comme une mise en cause disproportionnée.
Le Gouvernement est déterminé à répondre à votre inquiétude et à le faire rapidement. C'est pourquoi j'ai demandé à Madame Elisabeth GUIGOU, garde des Sceaux, ministre de la justice, de constituer une commission pour proposer des solutions à la question de la responsabilité des décideurs publics. Présidée par M. Jean MASSOT, président de section au Conseil d'Etat, elle comprend des élus, dont le président de votre association, des magistrats et des fonctionnaires. Elle présentera de premières conclusions dès la mi-décembre.
Sans préjuger de ce qu'elles seront, je veux vous faire part de mes réflexions. Je ne suis pas convaincu qu'il faille s'engager sur la piste qui consisterait à substituer la responsabilité pénale de la collectivité à celle de l'élu ou de tout autre décideur public. Cette substitution, si elle devenait systématique, aboutirait à une pénalisation supplémentaire de la vie publique en transférant au juge pénal des compétences larges dans le domaine de l'administration. Elle pourrait parallèlement conduire à un affaiblissement du sens de la responsabilité personnelle.
Une autre piste me parait peut-être plus féconde.
Elle implique une réflexion approfondie sur la notion même de faute involontaire. En effet, à l'heure actuelle, il suffit qu'il y ait une faute, fût-elle de négligence, de maladresse ou d'imprudence, qu'il existe un lien de causalité, même très lointain, entre cette faute et le dommage causé, pour que l'infraction soit constituée. Beaucoup pensent qu'il convient d'opérer une distinction entre la faute qui cause directement un dommage et celle qui ne la cause qu'indirectement, en préconisant dans ce dernier cas que seule la faute lourde soit retenue pour engager la responsabilité pénale. Cette piste, qui fait d'ailleurs l'objet de certaines propositions de loi, notamment au Sénat, par MM. PONCELET et FAUCHON en particulier, est étudiée par la commission présidée par Monsieur MASSOT. Elle s'inscrit dans le respect nécessaire du principe d'égalité de tous devant la loi.
Il conviendrait par ailleurs de développer les modes de réparation des dommages par d'autres voies que la voie pénale. Je crois que, dans l'intérêt même des victimes, il serait souhaitable d'améliorer les procédures de transaction, de médiation, ainsi que les voies civile et administrative afin d'assurer une juste et rapide indemnisation des préjudices subis. Le projet de loi sur le référé administratif que le Gouvernement a soumis au Parlement va d'ailleurs dans ce sens, de même que le projet de loi sur la présomption d'innocence qui prévoit de mieux indemniser les victimes.
Il faudra aussi développer la formation et l'information des maires et des autres exécutifs territoriaux, des fonctionnaires, ainsi que des magistrats appelés à connaître concrètement des réalités locales.
Le Gouvernement arrêtera ses décisions aussitôt que possible après que les conclusions des travaux de la commission MASSOT, qui seront rendues publiques, lui auront été remises. Je m'engage à ce que les mesures nécessaires, y compris d'ordre législatif, soient rapidement mises en uvre de façon à être effectives avant les prochaines élections municipales.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Aussi importantes soient-elles, les questions que nous venons d'évoquer ensemble -qu'elles soient financières, institutionnelles ou juridiques- ne nous font pas perdre de vue l'essentiel, la dimension humaine de vos communes et de votre engagement.
Un des paradoxes français n'est-il pas que notre République, une et indivisible, comporte une telle multiplicité de communes ?
La réponse n'est-elle pas chez le grand historien Fernand BRAUDEL, qui disait : " pourquoi faudrait-il choisir entre l'ensemble et le détail ? ". Avant de conclure : " Les deux vérités ne s'excluent pas ". Il y a la vérité de l'ensemble ; soucieuse d'efficacité, d'organisation, d'équité et de cohérence. C'est la réalité nationale. Il y a aussi la vérité du détail ; fière de la diversité qu'elle porte, revendiquant la profondeur historique de chaque ancrage particulier, saluant la mosaïque de notre géographie. Si la France est une, ses communes sont 36.000. Parce qu'elles forment la trame du territoire national, les communes font la France.
Il s'agit aussi d'hommes et de femmes. Des femmes et des hommes au service de leurs concitoyens. Là non plus, la diversité n'exclut pas l'unité.
Il y a la diversité des situations. Ici, le premier magistrat d'une petite commune se rend à la mairie après son travail. Là, le maire est entièrement requis à la tête d'une grande ville, gère un budget de plusieurs milliards, dirige des milliers d'agents, façonne un paysage urbain.
Il y a aussi l'unité d'une fonction. Etre maire, c'est servir les autres. C'est servir l'intérêt général. C'est avoir la confiance d'autres hommes et femmes. C'est s'en montrer digne. C'est travailler sans compter son temps. C'est écouter, réconforter et agir quand viennent les temps d'épreuve. C'est porter la parole lors des cérémonies qui réunissent la collectivité dans le souvenir. Etre maire est un sacerdoce républicain. A travers la France, 36.000 femmes et hommes, aidés par leur conseil municipal, le prouvent jour après jour. Je leur rends hommage. Je vous rends hommage.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 novembre 1999)
Madame et Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de participer au 82ème congrès de l'Association des Maires de France. Permettez-moi, tout d'abord, de remercier de son accueil le Président Jean-Paul DELEVOYE. J'ai pu mesurer, Monsieur le Président HOEFFEL, combien les travaux de l'AMF conservaient, sous votre direction, la richesse et la sérénité qui font de votre association un partenaire écouté des pouvoirs publics.
Cette année, le thème de votre congrès est l'innovation. Innover, c'est préparer l'avenir. Dans la sphère de l'administration publique, c'est inventer les instruments qui, demain, serviront le mieux les besoins des Français. Pour moi, cet effort d'imagination n'est fructueux que s'il est mené dans la concertation.
C'est donc avec les élus que le Gouvernement rénove les moyens des communes.
Et d'abord les moyens financiers. Le Gouvernement, vous vous en souvenez, vous avait consultés, avec d'autres représentants des élus locaux, à l'été 1998 pour examiner quelle suite donner au " pacte de stabilité " financière élaboré en 1995 pour trois ans. Celui-ci garantissait que les concours de l'Etat aux collectivités locales progresseraient comme l'inflation. Nous avons depuis mis sur pied un " contrat de croissance et de solidarité ". Sur trois ans, il garantit que ces concours évolueront non seulement comme l'inflation, mais aussi en fonction d'une partie chaque année plus importante de la croissance. Ces concours de l'Etat représenteront, l'an prochain, 291 milliards de francs. Ils seront ainsi supérieurs de 4 milliards de francs à ce qu'ils auraient été sans ce nouveau dispositif.
Le Gouvernement a renforcé et adapté les outils de la solidarité financière. Vous y êtes, je le sais, très attachés. C'est pourquoi nous avons tenu à faire progresser les dotations de solidarité, en faveur des communes urbaines comme des communes rurales. La DSU augmentera encore de 500 millions de francs et la DSR de 150 millions de francs en 2000.
La plupart d'entre vous se préoccupent également des conséquences du dernier recensement de la population. Les résultats officiels en seront prochainement connus. Neuf ans après le dernier recensement général, ces résultats affectent un grand nombre de paramètres qui déterminent le calcul des dotations des communes et de leurs groupements.
Le Gouvernement a anticipé cette échéance. Il a proposé des dispositions législatives afin de ne pas pénaliser les communes qui perdent des habitants. Il a donc décidé de garantir le maintien de leur dotation actuelle. Pour les autres communes, l'augmentation de la population sera prise en compte sur trois ans. Ce dispositif a été adopté il y a quelques jours par l'Assemblée Nationale. Il sera examiné par le Sénat dans les prochaines semaines.
Pour favoriser l'emploi, notamment dans les communes, nous avons engagé une réforme de la taxe professionnelle supprimant en cinq ans la part qui est assise sur les salaires versés par les entreprises. Mais nous savons que cette taxe est aussi pour beaucoup d'entre vous la première ressource fiscale. C'est pourquoi cet allégement de charges est compensé aux communes dans des conditions considérées, en général, comme satisfaisantes puisque cette compensation évolue, chaque année, comme la dotation globale de fonctionnement. Nous avons aussi tenu à ce que cette année, le calcul de cette compensation se fonde sur l'interprétation la plus favorable aux communes.
Innover, c'est aussi rénover les mécanismes de solidarité nationale auxquels vous participez. Ils doivent être plus équitables. Le Gouvernement a, par la concertation et le dialogue, ouvert la voie au règlement de deux dossiers importants pour les maires : la participation communale aux contingents départementaux d'aide sociale ; et la situation financière de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).
S'agissant des contingents d'aide sociale, la loi instituant la couverture maladie universelle a prévu que les participations versées par les communes aux départements seraient supprimées. Le manque à gagner pour les départements sera compensé par un prélèvement à due concurrence sur la DGF des communes. Sans doute, financièrement, cette réforme est-elle neutre du point de vue des ressources. Mais conformément à une demande que vous aviez formulée depuis longtemps, vos budgets communaux ne seront plus tributaires, chaque année, des décisions des conseils généraux. A la demande de vos représentants, nous avons veillé à ce que les communes qui contribuaient plus que d'autres ne soient pas pénalisées par le choix de l'année de référence retenue par le législateur. Un mécanisme correcteur a donc été institué.
S'agissant du système de retraite des fonctionnaires territoriaux et des agents hospitaliers, c'est aussi au terme d'une large concertation que nous avons arrêté les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre financier de la CNRACL. Après un débat associant vos représentants au comité des finances locales, le Gouvernement a fait le choix d'un effort partagé entre l'Etat et les employeurs que sont les collectivités et les hôpitaux. L'Etat financera en 2000 et 2001 pour un montant de trois milliards de francs les régimes spéciaux auxquels la Caisse contribue dans le cadre du mécanisme dit " de surcompensation ". Symétriquement, la cotisation employeurs des collectivités et hôpitaux sera augmentée de 0,5 point chacune de ces deux années, apportant ainsi trois milliards de francs de recettes à la Caisse.
La rénovation que nous avons entreprise concerne aussi l'aménagement du territoire et le développement local.
L'effort financier considérable que va faire l'Etat dans les contrats de plan Etat-région bénéficiera aussi aux communes. Avec le Gouvernement, j'ai arrêté lundi une enveloppe globale de 120 milliards de francs pour les contrats de plan de la période 2000 à 2006. A ce chiffre s'ajoutent d'ailleurs près de 20 milliards de francs pour de grands investissements ou des programmes d'ampleur nationale. L'Etat dégage ainsi une contribution exceptionnelle. Elle doit donner à chaque région, et en leur sein aux communes qui sont la cellule de base de l'aménagement du territoire, les moyens de se développer de façon cohérente et adaptée aux besoins de leurs habitants. Cette approche territoriale plus fine et plus juste suppose aussi un partenariat plus efficace. Les communes et leurs groupements, notamment au travers des contrats de pays et d'agglomérations, y auront toute leur place. Des conventions spécifiques pourront en effet être conclues dans le cadre des contrats de plan entre l'Etat, la région, et ces pays et agglomérations. Ainsi pensons-nous offrir une contribution significative au développement durable du territoire, en termes d'emplois, d'infrastructures, de cohésion sociale, d'environnement et d'éducation.
Nous allons prolonger cet effort en faveur du développement des territoires dans le cadre des grands projets de ville. A cet effet, le 14 décembre, je réunirai le comité interministériel pour la ville afin d'annoncer nos décisions.
Les technologies de l'information et de la communication peuvent aussi contribuer à votre développement. C'est pourquoi le Gouvernement souhaite aider les communes à y accéder. Nous avons fait adopter une disposition qui ouvre aux collectivités locales la possibilité de favoriser des réseaux d'infrastructure pour la transmission de données à haut débit. De nombreux responsables locaux portent un vif intérêt à ces technologies de l'avenir. Je sais que votre association elle-même y attache beaucoup d'importance. Bien entendu les collectivités locales qui le souhaitent peuvent aussi participer au développement des systèmes d'information territoriaux que les services déconcentrés de l'Etat mettent progressivement en place.
Mesdames, Messieurs,
Le Gouvernement a entrepris de moderniser les moyens des collectivités locales. Il souhaite aussi, avec vous, contribuer à la rénovation et à l'approfondissement de la démocratie locale.
Le Gouvernement a donc décidé de renforcer les instruments de la coopération intercommunale et du développement local. L'année 1999 a vu entrer en vigueur deux lois de modernisation des structures territoriales : la loi relative à la coopération intercommunale, élaborée par M. Jean-Pierre CHEVENEMENT, ministre de l'intérieur et la loi relative à l'aménagement et au développement durable du territoire, préparée par Mme Dominique VOYNET, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ces deux lois ont en commun de fournir au développement local des instruments nouveaux et respectueux de l'identité communale.
Le Gouvernement a dégagé les moyens financiers nécessaires : 500 millions de francs viendront à partir de 2000 abonder la dotation des groupements. Il a défini de nouvelles entités territoriales : les agglomérations et les pays.
Les communautés d'agglomérations traiteront mieux ainsi les questions qui se posent à cette échelle, en particulier celles relatives à l'aménagement, au logement, aux transports collectifs ou à l'environnement. Les pays de leur côté seront définis en fonction de facteurs géographiques, économiques et sociaux dans l'optique du développement local.
Le Gouvernement a entrepris une réforme des services déconcentrés de l'Etat pour accompagner le développement local. Elle donne aux préfets une plus grande capacité d'adapter l'organisation administrative et leur confie, en particulier, la possibilité d'intervenir en faveur du maintien des services publics.
Le Gouvernement a par ailleurs, vous le savez, décidé de relancer la réflexion sur l'avenir de la décentralisation. Pour préparer mes décisions, j'ai évoqué cette question avec les présidents des associations d'élus, communaux, départementaux et régionaux. J'ai indiqué que sur un sujet de cette importance, qui entraîne une grande diversité de points de vue, il fallait organiser un débat démocratique et ouvert. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de constituer une commission pluraliste, dont M. Pierre MAUROY, ancien Premier ministre et maire de Lille, a bien voulu accepter la présidence. Cette commission, que j'ai installée le 17 novembre, comprend des représentants des grandes associations d'élus et des personnalités qualifiées en raison de leur expérience d'élus locaux. Tous les courants politiques qui siègent au Parlement y sont représentés. Deux hauts fonctionnaires ayant une grande expérience de l'administration territoriale la complètent. Ses membres travailleront en toute indépendance. Ils ne manqueront pas d'aborder les problèmes que vous rencontrez et devront s'efforcer de placer au cur de leur démarche le citoyen et les services qu'il est en droit d'attendre des collectivités publiques. Le Gouvernement sera attentif à leurs propositions.
Nous devons aussi améliorer les conditions d'exercice des mandats locaux. Dans moins de dix-huit mois, nos concitoyens seront appelés à désigner leurs conseils municipaux, qui éliront les maires. Certains appréhendent la désaffection des candidats et l'indifférence des électeurs. Ces craintes sont sans doute quelque peu exagérées. Mais elles reflètent les difficultés réelles que vous rencontrez dans l'exercice de vos missions. Vous avez évoqué, M. le Président, la question du " statut de l'élu ". La réflexion doit en effet se poursuivre sur ce point. Ce sera certainement un des sujets qu'étudiera avec une particulière attention la commission sur la décentralisation. Pour ma part, je suis prêt à examiner comment mieux prendre en compte l'importance des responsabilités et des obligations qui sont les vôtres en tant que maires.
Je souhaite aborder aujourd'hui en particulier la question de la responsabilité pénale des élus locaux. Vous exprimez avec de plus en plus de force combien vous êtes préoccupés par le risque de mise en cause pénale pour des fautes non intentionnelles. Nombre d'entre vous éprouvent du découragement et parfois ressentent du désarroi, devant ce qui leur apparaît comme une mise en cause disproportionnée.
Le Gouvernement est déterminé à répondre à votre inquiétude et à le faire rapidement. C'est pourquoi j'ai demandé à Madame Elisabeth GUIGOU, garde des Sceaux, ministre de la justice, de constituer une commission pour proposer des solutions à la question de la responsabilité des décideurs publics. Présidée par M. Jean MASSOT, président de section au Conseil d'Etat, elle comprend des élus, dont le président de votre association, des magistrats et des fonctionnaires. Elle présentera de premières conclusions dès la mi-décembre.
Sans préjuger de ce qu'elles seront, je veux vous faire part de mes réflexions. Je ne suis pas convaincu qu'il faille s'engager sur la piste qui consisterait à substituer la responsabilité pénale de la collectivité à celle de l'élu ou de tout autre décideur public. Cette substitution, si elle devenait systématique, aboutirait à une pénalisation supplémentaire de la vie publique en transférant au juge pénal des compétences larges dans le domaine de l'administration. Elle pourrait parallèlement conduire à un affaiblissement du sens de la responsabilité personnelle.
Une autre piste me parait peut-être plus féconde.
Elle implique une réflexion approfondie sur la notion même de faute involontaire. En effet, à l'heure actuelle, il suffit qu'il y ait une faute, fût-elle de négligence, de maladresse ou d'imprudence, qu'il existe un lien de causalité, même très lointain, entre cette faute et le dommage causé, pour que l'infraction soit constituée. Beaucoup pensent qu'il convient d'opérer une distinction entre la faute qui cause directement un dommage et celle qui ne la cause qu'indirectement, en préconisant dans ce dernier cas que seule la faute lourde soit retenue pour engager la responsabilité pénale. Cette piste, qui fait d'ailleurs l'objet de certaines propositions de loi, notamment au Sénat, par MM. PONCELET et FAUCHON en particulier, est étudiée par la commission présidée par Monsieur MASSOT. Elle s'inscrit dans le respect nécessaire du principe d'égalité de tous devant la loi.
Il conviendrait par ailleurs de développer les modes de réparation des dommages par d'autres voies que la voie pénale. Je crois que, dans l'intérêt même des victimes, il serait souhaitable d'améliorer les procédures de transaction, de médiation, ainsi que les voies civile et administrative afin d'assurer une juste et rapide indemnisation des préjudices subis. Le projet de loi sur le référé administratif que le Gouvernement a soumis au Parlement va d'ailleurs dans ce sens, de même que le projet de loi sur la présomption d'innocence qui prévoit de mieux indemniser les victimes.
Il faudra aussi développer la formation et l'information des maires et des autres exécutifs territoriaux, des fonctionnaires, ainsi que des magistrats appelés à connaître concrètement des réalités locales.
Le Gouvernement arrêtera ses décisions aussitôt que possible après que les conclusions des travaux de la commission MASSOT, qui seront rendues publiques, lui auront été remises. Je m'engage à ce que les mesures nécessaires, y compris d'ordre législatif, soient rapidement mises en uvre de façon à être effectives avant les prochaines élections municipales.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Aussi importantes soient-elles, les questions que nous venons d'évoquer ensemble -qu'elles soient financières, institutionnelles ou juridiques- ne nous font pas perdre de vue l'essentiel, la dimension humaine de vos communes et de votre engagement.
Un des paradoxes français n'est-il pas que notre République, une et indivisible, comporte une telle multiplicité de communes ?
La réponse n'est-elle pas chez le grand historien Fernand BRAUDEL, qui disait : " pourquoi faudrait-il choisir entre l'ensemble et le détail ? ". Avant de conclure : " Les deux vérités ne s'excluent pas ". Il y a la vérité de l'ensemble ; soucieuse d'efficacité, d'organisation, d'équité et de cohérence. C'est la réalité nationale. Il y a aussi la vérité du détail ; fière de la diversité qu'elle porte, revendiquant la profondeur historique de chaque ancrage particulier, saluant la mosaïque de notre géographie. Si la France est une, ses communes sont 36.000. Parce qu'elles forment la trame du territoire national, les communes font la France.
Il s'agit aussi d'hommes et de femmes. Des femmes et des hommes au service de leurs concitoyens. Là non plus, la diversité n'exclut pas l'unité.
Il y a la diversité des situations. Ici, le premier magistrat d'une petite commune se rend à la mairie après son travail. Là, le maire est entièrement requis à la tête d'une grande ville, gère un budget de plusieurs milliards, dirige des milliers d'agents, façonne un paysage urbain.
Il y a aussi l'unité d'une fonction. Etre maire, c'est servir les autres. C'est servir l'intérêt général. C'est avoir la confiance d'autres hommes et femmes. C'est s'en montrer digne. C'est travailler sans compter son temps. C'est écouter, réconforter et agir quand viennent les temps d'épreuve. C'est porter la parole lors des cérémonies qui réunissent la collectivité dans le souvenir. Etre maire est un sacerdoce républicain. A travers la France, 36.000 femmes et hommes, aidés par leur conseil municipal, le prouvent jour après jour. Je leur rends hommage. Je vous rends hommage.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 25 novembre 1999)