Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-mer, sur la modernisation des infrastructures routières de Guyane, le transfert de compétences établi par la loi de décentralisation, la défiscalisation des investissements et la lutte contre l'immigration clandestine, Régina (Guyane) le 17 septembre 2004.

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Circonstance : Visite de Mme Brigitte Girardin en Guyane du 16 au 21 septembre 2004-inauguration du pont sur l'Approuague (Régina) le 17

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le maire de Régina, président du Conseil général,
Monsieur le maire de Saint-Georges de l'Oyapock,
Mesdames les députées,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le président du Conseil régional,
Mesdames, Messieurs,
Voilà plus d'un an que je n'étais pas revenue en Guyane et je suis heureuse d'inaugurer, au cours de cette visite, le pont sur l'Approuague. Car c'est un symbole de l'effort constant qui a été engagé pour doter la Guyane d'équipements structurants. C'est aussi un outil au service du désenclavement général de la Guyane et donc de son développement économique.
La Guyane souffre encore, malheureusement, d'un retard dans les équipements de première importance. Ce pont sur l'Approuague est l'illustration d'une volonté qui vise à s'inscrire dans des réalisations concrètes.
Sa construction comble le dernier " chaînon routier manquant " entre les deux extrémités Est et Ouest du plus vaste des départements français. L'axe RN1-RN2 assure dorénavant une liaison continue entre Saint-Laurent-du-Maroni et Saint-Georges de l'Oyapock. Chacun sait que la fluidité des échanges, la fiabilité des transports sont un facteur essentiel du développement. La réalisation d'un pont de 350 m de long, dans des conditions d'une exceptionnelle difficulté, est le fruit d'une expertise technique exemplaire, expression du savoir-faire des ingénieurs et des entreprises françaises.
Cet ouvrage d'art est financé à 60 % par le FEDER (6,1 M) et 40 % par l'Etat, démontrant ainsi la place que tiennent les crédits européens dans la politique de rattrapage engagée en Guyane. La bonne utilisation des crédits FEDER en Guyane permet d'ailleurs aujourd'hui à cette collectivité de bénéficier en 2004 d'une réserve de performance de plus de 5 %, soit 18,9 M qui représentent la plus importante dotation de ce type à un département français d'outre-mer.
La mise à niveau des infrastructures de Guyane s'inscrit dans un programme de modernisation d'ensemble qui concerne les routes, mais aussi les ports et les aéroports, auquel l'État participe pleinement.
Ainsi, à la suite de l'effondrement de la RN2, malheureusement à l'origine du décès accidentel d'un automobiliste, des crédits exceptionnels à hauteur de 5 M ont immédiatement été débloqués. Ils serviront principalement à remplacer des buses métalliques pour 3,6 M et à une remise à niveau de la RN2.
Je sais que, suite à ces événements, l'inquiétude s'est développée parmi les élus face au transfert du réseau routier national aux collectivités locales prévu par la loi du 13 août 2004.
Je voudrais souligner ici que ce transfert ne se fera pas brutalement. Le législateur a prévu plusieurs étapes. En premier lieu, il prévoit, dans les douze mois suivant l'entrée en vigueur de la loi, une étude exhaustive portant sur l'état de l'infrastructure au moment de son transfert et sur les investissements prévisibles à court, moyen et long terme. Cette étude sera lancée dès que le décret d'application de l'article 18 de la loi aura été publié, très certainement avant la fin de cette année. J'ajoute qu'une procédure spécifique est prévue par l'article 19 de la même loi. Outre-mer, le transfert doit être préparé par une concertation entre la région et le département afin de déterminer l'affectation définitive du réseau ainsi transféré.
Il appartiendra au préfet de mener à bien cette concertation.
Au terme de cette phase préparatoire, c'est l'État qui prendra un décret d'affectation à la région, en cas d'absence d'accord entre les deux collectivités, région et département. Je souligne qu'en métropole le transfert aura lieu de plein droit le 1er janvier 2008. Outre-mer, c'est la prise du décret qui fixera la date effective du transfert.
Ainsi que vous le voyez, des précautions importantes ont été prises outre-mer pour effectuer ce transfert de responsabilité du réseau routier dans des conditions qui tiennent compte des réalités locales.
La création, grâce au pont de l'Approuague, d'un lien routier continu entre Cayenne et la frontière brésilienne est un facteur d'accélération des échanges, mais cet axe ne doit pas devenir une autoroute de l'immigration.
Je rappelle que c'est ce Gouvernement qui a fait de la lutte contre l'immigration clandestine une priorité absolue. Pour y faire face, des moyens juridiques nouveaux ont été adoptés, à ma demande, à la suite de mon premier passage en Guyane. J'en citerai trois plus précisément.
Le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière a été pérennisé.
Le délai de déclaration des naissances dérogatoire instauré dans plusieurs communes de Guyane a été abrogé pour limiter les risques de trafic de reconnaissance de paternité.
Enfin, les forces de l'ordre ont reçu la compétence d'effectuer des contrôles d'identité cinq kilomètres de part et d'autre de la RN2 sur la commune de Régina.
J'ajoute que la création d'un important poste de police aux frontières à Saint-Georges de l'Oyapock a été décidée dès septembre 2002. Les travaux de réalisation des bâtiments et logements nécessaires à cette unité sont d'ores et déjà en cours. Un premier contingent de douze policiers destinés à ce poste à été affecté en Guyane. Au total, c'est 60 hommes que la police des frontières comptera prochainement à Saint-Georges de l'Oyapock.
Pour autant, les forces de sécurité n'ont pas attendu cette échéance pour renforcer leurs contrôles sur cet axe. La gendarmerie nationale y assure une surveillance inopinée mais très régulière. Je me souviens que l'une des difficultés que m'avait signalée la gendarmerie de Saint-Georges était l'absence de places suffisantes pour y conserver les nombreux véhicules saisis à des passeurs en 2003. Grâce au concours du procureur de la République et du service des domaines, les procédures de traitement des dossiers de véhicules saisis seront accélérées. Ce qui va permettre de résorber le stock actuel qui est encore de 200 véhicules.
Au total, sur la seule année 2003, le préfet de la Guyane a effectivement reconduit à la frontière plus de 4 800 étrangers en situation irrégulière. Ce qui est un record national pour un département français.
Cette politique de fermeté s'impose d'autant plus que le pont de Régina, préfigure à terme la création d'un pont entre la France et le Brésil sur l'Oyapock. Les travaux bilatéraux, au sein de la commission franco-brésilienne, se poursuivent. Ils sont nécessairement complexes pour un projet de plus de 23 M, dont 16 M pour le pont. La France a d'ores et déjà réalisé les reconnaissances géotechniques et géophysiques du tracé d'accès au pont.
Ce projet d'envergure suppose que nos contacts bilatéraux soient poursuivis. La commission bilatérale du 29 janvier 2004 a identifié plusieurs difficultés. Elles portent sur la maîtrise d'ouvrage, les procédures de sélection des entreprises et sur le partage financier de l'opération.
D'autres sujets doivent être également traités. Le principe de postes frontaliers juxtaposés semble aujourd'hui acquis. Il faut maintenant officialiser par des textes juridiques, tel qu'un nouvel accord franco-brésilien, la volonté politique réciproque qui se manifeste sur ce dossier.
Le réseau routier, n'est pas le seul secteur dans lequel s'implique l'Etat pour mettre à niveau les grandes infrastructures de Guyane.
Dans les trois prochaines années, 26,5 M seront investis sur l'ensemble des pistes et voies de circulation de l'aéroport de Cayenne-Rochambeau. L'État y contribuera à hauteur de 8,7 M et l'Europe pour 15,15 M au titre du FEDER. De même, sur le port de Dégrad-des-Cannes, d'importants travaux d'allongement et de confortement des quais seront réalisés dans les trois années à venir. L'Etat apportera sa contribution à hauteur de 2 M. Ces financements ont été retenus par le CIADT du 14 septembre dernier.
Mais le cadre de vie de nos concitoyens et le développement de la Guyane ne résultent pas que des seuls grands équipements structurants, malgré leur caractère indispensable.
Le rôle des collectivités locales dans l'investissement de proximité est essentiel et mérite l'attention de l'Etat.
Je voudrais souligner ici à Régina la place primordiale des communes. Je sais les difficultés qu'elles rencontrent en Guyane, où 20 communes sur 22 sont considérées comme étant dans une situation financière dégradée.
Dès ma prise de fonction, j'ai souhaité que la capacité d'investissement des communes soit renforcée. C'est pourquoi l'article 47 de la loi de programme prévoit que les dotations versées par l'Etat aux communes doivent tenir compte des spécificités des collectivités d'outre-mer. Cette adaptation doit s'inscrire dans le cadre de la réforme générale des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Des critères, tels que la superficie, seront pris en compte dans le rattrapage de la dotation globale de fonctionnement versée aux communes. Une première étape est d'ores et déjà franchie puisque le comité des finances locales a envisagé favorablement cette hypothèse.
Par ailleurs, la création d'une dotation spécifique outre-mer est à l'étude. Elle permettrait de répondre prioritairement aux besoins d'équipement des collectivités ultramarines. La remise du rapport au Parlement sur la situation financière des collectivités territoriales d'outre-mer prévu par l'article 47 de la loi de programme, au plus tard en juillet 2005, constituera une phase essentielle dans cette démarche.
Mais je n'ai pas attendu l'aboutissement de cette importante réforme pour apporter une aide concrète aux communes de Guyane. J'en donnerai deux exemples précis.
Tout d'abord, la pérennisation de l'octroi de mer par la loi représente une garantie de ressources importantes pour les communes. L'octroi de mer assure plus de 30 % des recettes de fonctionnement des communes.
Je sais que les communes de Guyane se plaignent du reversement de 35 % de la recette globale au profit du département. C'est pourquoi la loi a plafonné en euros courants à 27 M le montant de ce prélèvement.
Le poids relatif des communes au financement du département s'infléchira progressivement, compte tenu du caractère dynamique de la recette de l'octroi de mer.
Une autre avancée essentielle concerne le fonds régional de développement économique (FRDE). Dorénavant, 80 % de son montant seront directement attribués aux communes sur leur section d'investissement. Plus de 6,5 M supplémentaires viendront chaque année abonder les recettes d'investissements des 22 communes de Guyane.
Par ailleurs, au même titre que les autres communes d'outre-mer, les communes de Guyane peuvent dorénavant bénéficier du nouveau dispositif de la loi de défiscalisation, tel qu'il a été adopté dans le cadre de la loi de programme. En effet, la défiscalisation des investissements s'applique dorénavant aux équipements concédés à des entreprises privées, comme par exemple les usines d'eau potable, les stations d'épuration, les matériels de transport public ou scolaire.
Il faut dans ce domaine que la Guyane utilise au mieux l'avantage relatif que lui accorde la loi de programme, puisque la réduction d'impôt liée à l'investissement défiscalisé peut-être de 60 % au lieu de 50 % dans les autres départements d'outre-mer. D'ores et déjà, la relance de l'investissement liée à la loi de programme est sensible. En 2003, cinq projets ont fait l'objet d'une demande d'agrément pour 7,2 M d'investissement. En 2004, sur les seuls huit premiers mois, quatre projets ont été présentés à l'agrément pour un montant de 8,8 M, soit une progression de 1,6 M sur une période de moins d'un an. Je ne peux qu'inciter les collectivités à avoir recours, elles aussi, au nouveau dispositif de défiscalisation par l'intermédiaire de leur concessionnaire.
La réalisation du pont sur l'Approuague, après l'achèvement de la RN2, illustre une politique globale de rattrapage.
Il est essentiel que, grâce à l'aide de l'Etat notamment, la Guyane se dote des infrastructures dont elle a absolument besoin pour valoriser ses atouts économiques, développer ses échanges et assurer à chacun un cadre de vie collectif conforme à ce qu'on est en droit d'attendre dans un département français, fut-il à 6 000 km de la métropole.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 septembre 2004)