Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, notamment sur la gestion des dotations budgétaires propres aux zones de montagne pour 2006 et l'intercommunalité, Piedicroce (Haute-Corse) le 21 octobre 2005.

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Circonstance : Congrès de l'Association des élus de Montagne, à Piedicroce (Haute-Corse) le 21 octobre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président [M. François BROTTES, Député (PS) de l'Isère],
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les Elus,
Je souhaite, tout d'abord, remercier le Maire de Piedicroce de m'accueillir sur ce site magnifique. Je n'aurai malheureusement pas beaucoup le temps de visiter vu mon emploi du temps : je m'exprimais ce matin à Montceau en Saône-et-Loire devant les communautés urbaines. Je me suis, ensuite, rendu à Marseille pour la Convention nationale des avocats. Je suis avec vous en Haute-Corse et serai, ce soir, à Clermont-Ferrand. Vous le voyez, les ministres ne chôment pas !
Si j'ai tenu à accepter votre invitation et à être présent parmi vous aujourd'hui, c'est pour deux raisons :
1) D'abord, comme Ministre délégué aux collectivités territoriales, je sais à quel point les 5.800 communes de montagne (dont 4.000 sont membres de l'association) sont au cur de sujets cruciaux pour l'avenir de nos territoires.
La présence de trois Ministres (Christian Estrosi, Ministre délégué à l'aménagement du territoire, Dominique Bussereau, Ministre de l'Agriculture et moi-même) est, d'ailleurs, je crois, révélatrice de l'attention que vous porte le gouvernement.
2) La seconde raison tient au fait qu'avant de devenir Ministre, j'étais déjà Conseiller régional d'Auvergne. L'Auvergne comprenant l'un des six massifs de notre pays (le Massif Central en plus des Vosges, du Jura, des Alpes, des Pyrénées et de la Corse), depuis maintenant treize ans, je m'occupe notamment de répondre aux besoins, aux préoccupations, aux inquiétudes de ceux qui vivent isolés géographiquement en zone montagneuse.
Vivre en montagne est à la fois un privilège et un défi. C'est un privilège que d'évoluer dans un environnement qui allie beauté esthétique, qualité environnementale et traditions locales.
C'est, aussi, un défi dans la mesure où, en montagne, les difficultés des habitants en termes de transport, de services publics ou encore d'aménagement du territoire sont plus accentuées qu'ailleurs.

Je souhaite aborder aujourd'hui quatre points :
- d'abord, vous rassurer sur vos moyens financiers (I) ;
- ensuite, vous sensibiliser sur un outil majeur pour vos territoires : l'intercommunalité (II) ;
- de plus, vous encourager à réfléchir sur l'accès aux services publics (III).
Je ferai, enfin, le point sur deux thèmes qui vous préoccupent plus particulièrement (IV) : l'urbanisme et la responsabilité des maires.
I - J'entends préserver dans le budget 2006 les ressources des collectivités de montagne
A. Les mesures budgétaires
J'entends préserver les ressources de vos communes et ce n'est pas toujours facile, croyez-moi. Dans un contexte de gel budgétaire, l'Etat n'a pas souhaité appliquer aux collectivités les sacrifices financiers qu'il s'est imposés à lui-même.
- Le contrat de croissance et de solidarité sera, avant tout, renouvelé.
L'enveloppe du contrat progressera de 2,38 %, atteignant près de 44 Mds en 2006.
La DGF progressera, à elle seule, de 2,73 %, ce qui représente plus d'1 milliard dix millions d'euros.
-J'ai, aussi, souhaité que les concours financiers de l'Etat soient orientés dans un souci de solidarité. Pour ce faire, j'ai proposé d'abonder la DGF 2006 du montant de la régularisation 2004. Celle-ci s'établit à 92 M.
J'ai choisi de l'affecter aux communes et aux EPCI en privilégiant une utilisation plus dynamique et conforme à l'esprit qui a présidé, l'an dernier, à la réforme de la DGF.
Ainsi, la régularisation sera affectée à hauteur de 88 M à la DGF 2006 pour garantir une évolution satisfaisante de la péréquation communale.
Pour vos communes de montagne, la part proportionnelle à la superficie de 5 euros par hectare obtenue l'an passé sera, naturellement, reconduite en 2006 et je suis ouvert à ce que nous réfléchissions ensemble à la définition d'un critère environnemental qui viendrait compenser les efforts déployés par vos communes pour préserver des espaces naturels.
Il existe bien un début de réponse dans le projet de loi en préparation sur les Parcs Naturels Nationaux mais le dispositif envisagé ne concerne, par définition, qu'un nombre très limité de communes de montagne (environ 150). Je suis disposé à travailler avec vous pour bien mesurer ce qu'il est encore possible de faire et si cela est opportun.
- S'agissant de la Dotation de Développement Rural, il m'a paru pertinent que cette dotation soit utilisée en partie pour créer un dispositif de maintien des services publics en milieu rural.
J'ai, ainsi, souhaité que soient redéployés en 2006, 20 M au sein de cette enveloppe globale qui s'élève à près de 124 M pour financer des actions innovantes.
-Permettez-moi d'apporter maintenant quelques précisions sur la Dotation de Fonctionnement Minimal (DFM) des départements qui, je crois, continue à susciter chez vous quelques interrogations.
Les efforts en faveur des départements urbains n'ont pas été financés par prélèvement sur les dotations des départements ruraux et notamment sur les dotations des 15 départements de montagne éligibles à la DFM avant la réforme de 2005.
Je vous confirme, par ailleurs, que l'élargissement de la DFM à 40 départements supplémentaires sera maintenu en loi de finances 2006 et donc que l'éligibilité des trois départements pyrénéens ainsi que de la Savoie, du Puy de Dôme, des Vosges ou du Jura sera reconduite.
-Quelques mots sur la compensation financière du transfert des routes nationales.
Je tiens à vous rassurer sur ce point : la spécificité des routes de montagne, avec leur usure plus rapide, leurs conditions d'entretien plus difficiles, sera prise en compte dans les transferts.
J'ai, en effet, fait inscrire dans le projet de décret relatif à l'application de l'article 121 de la loi du 13 août 2004, que la compensation du transfert de charges serait calculée au niveau national avant d'être partagée entre les départements sur la base de ratios objectifs.
Ces ratios permettent d'intégrer les particularités des réseaux locaux, telles que la longueur de linéaire par type de voie ou par zone climatique. Vous le savez, le Ministère de l'Equipement a auditionné le mois dernier, les représentants des départements alpins afin de compléter le panel avec un ratio relatif aux coûts spécifiques des routes de montagne.
Cette méthode de répartition validée par les élus de la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) et par le Comité des finances locales vous garantit un partage équitable de la compensation financière entre les départements de plaine et de montagne.
Je veillerai à ce que ce décret qui est actuellement devant le Conseil d'Etat paraisse avant la fin de l'année 2005.
B. Les réformes fiscales en cours
-La taxe professionnelle, tout d'abord.
Le Président de la République a eu raison de demander une réforme. Nous étions, en effet, arrivés à un système assez pervers où 1% des entreprises de notre pays payait 70% de cette taxe.
Cela constituait assurément un frein aux investissements de ces entreprises et donc à l'emploi qui constitue, pourtant, la priorité numéro 1 du gouvernement. La solution résidait donc inévitablement dans un partage d'effort entre l'Etat et les collectivités au bénéfice de ces entreprises.
Je crois qu'après le rapport Fouquet, qui avait dressé un diagnostic juste et précis mais proposé des pistes inadaptées aux petites communes, nous sommes arrivés, avec le ministre délégué au Budget, à une situation qui est aujourd'hui raisonnable.
Le coût de la taxe pour les entreprises, notamment industrielles, sera, en effet, plafonné à 3,5 % de la valeur ajoutée pour chaque entreprise (alors que les grands patrons voulaient 2 %)
Les collectivités ne verront pas leurs ressources amputées grâce au jeu des compensations et ne perdront évidemment pas leur autonomie financière.
Vous n'avez aucune inquiétude à vous faire à ce niveau là dans la mesure où cette autonomie constitue, depuis 2004, une garantie inscrite noir sur blanc dans la Constitution française.
-Quelques mots, maintenant, sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties qui vous concerne bien davantage. Vous le savez, en octobre 2004 à Murat, le Président de la République a demandé au gouvernement d'ouvrir une concertation avec les collectivités dans l'optique d'une suppression progressive de cette taxe.
Un rappel, d'abord : sur l'ensemble des communes de moins de 500 habitants du territoire national, cette taxe représente en moyenne 21 % de leurs recettes fiscales, et, pour 2.200 d'entre elles, elle correspond à plus de la moitié de leurs recettes fiscales. Pour deux communes de la région d'Auvergne, par exemple, c'est 66 et 68 % de leurs recettes et dans le Cantal, on est allé jusqu'à 80 % des recettes communales!
Même si j'étais au départ, je vous l'avoue, plutôt réservé sur cette réforme, il y a eu un engagement du Président, il fallait qu'il soit tenu, il l'a été.
C'est sain et ce, d'autant plus que la solution retenue et qui a été présentée par le Premier Ministre à Rennes, le 14 septembre dernier, préserve les ressources propres des communes concernées. Elle exonère de 20 % les seuls exploitants agricoles et le manque à gagner sera entièrement compensé par l'Etat (coût : 140 millions d'euros). Vous pouvez donc être certains que cette réforme ne viendra pas vous pénaliser.
-Quelques mots sur le "bouclier fiscal". Pourquoi parle-t-on aujourd'hui de ce thème quelque peu barbare qu'est le bouclier fiscal ? Il y a un fait incontestable : la pression fiscale est trop forte dans notre pays.
Est-il acceptable que dans certains foyers, des actifs paient des impôts et taxes entre le 1er janvier et la fin août et ne commencent véritablement à gagner leur vie qu'à partir de début septembre ? C'est bien à ces situations intenables qu'entend répondre le "bouclier fiscal" qui a été fixé à 60 % maximum d'impôts et taxes.
D'après les projections qu'auraient effectuées le ministère des Finances, les conséquences seraient pour les collectivités de l'ordre de 43 millions d'euros. Je ne vous dirai pas que cette somme est faible puisque vous me répondriez "si elle est si faible, eh bien, que l'Etat la prenne en charge !".
Je crois qu'il s'agit surtout là d'une réforme justifiée, de montants quand même peu importants et surtout, qu'il existe des possibilités de discussion sur les modalités de financement de cette réforme. Il y aura sans doute quelques aménagements mais ce sera, de toute manière, aussi un facteur de responsabilisation pour les collectivités.
II - L'intercommunalité, un outil majeur du développement de vos territoires de montagne
Depuis cinq ans, les 4.000 communes de montagne se sont regroupées massivement avec une forte domination d'établissements à fiscalité additionnelle.

Je sais que vous ne disposez pas de chiffres précis et actuels, mais la tendance est claire.
Ce succès quantitatif s'explique par votre géographie. Les défis que vous avez à relever en montagne sont plus nombreux, plus difficiles qu'en plaine. Pour vous, plus que pour personne d'autre, "l'union fait la force".
Cette synergie est essentielle tant les équipements présentent chez vous des surcoûts significatifs : il y a, bien entendu, la voirie, le transport scolaire mais aussi les réseaux d'eau potable, d'eau usée ou encore le traitement des déchets ménagers.
Pourtant, vous le savez, il existe aujourd'hui divers rapports et études qui pointent les imperfections qui sont venues fragiliser la construction des intercommunalités.
Je pense à un rapport du Conseil économique et social, à un autre de la Cour des comptes qui sera rendu public le 23 novembre et qui s'annonce sévère ou encore à des études de parlementaires
Il y a les travaux d'Hervé Mariton et celui de deux députés, Philippe Pemezec et Patrick Beaudouin, "Le Livre noir de l'intercommunalité ", mais qui a sans doute été trop pensé sous un prisme francilien, qui fausse un peu la réflexion.
Notre rôle est d'observer, d'écouter et de prendre en compte ces remarques qui doivent nous permettre d'améliorer le mouvement intercommunal.
Si certains articles récents prêtent des propos très durs au gouvernement à l'égard de l'intercommunalité, je me dois de rétablir la vérité de mes propos partiellement rapportés : si l'intercommunalité n'a pas toujours été bien construite, le gouvernement croit beaucoup à l'intercommunalité. C'est précisément parce que je considère l'intercommunalité comme l'élément de structuration de la France de demain que je serai exigeant à son égard.
Mon sentiment est qu'après une première phase de construction et de jeunesse, nous devons passer à un nouvel âge de l'intercommunalité. L'âge de raison. Il faut faire en sorte que l'intercommunalité devienne le moteur de la politique de nos territoires et notamment ceux de montagne.
Deux objectifs doivent être remplis :
1) Créer un véritable intérêt communautaire pour redonner du souffle aux groupements.
La définition de l'intérêt communautaire doit être l'objet d'une sérieuse réflexion pour répondre à l'exigence de simplification qui est celle de nos concitoyens.
C'est essentiel pour clarifier la frontière entre ce qui relève du niveau communal et ce qui est traité par le groupement et permettre ainsi un exercice effectif des compétences transférées.
Pour y parvenir, la date butoir a déjà été prolongée d'un an jusqu'au 18 août 2006. Je fais confiance à votre dynamisme et à votre détermination pour réfléchir activement et sereinement pendant encore presque une année. J'ai demandé il y a trois semaines aux Préfets de vous assister au maximum dans cette démarche.
2) Ma seconde priorité, et je pense que vous la partagez, est de voir la cohérence de la carte intercommunale se renforcer.
La Cour des Comptes insiste dans son rapport sur le caractère trop exigu des périmètres communautaires qui ne permettent pas d'apporter des réponses pertinentes aux problématiques locales, ce qui a nécessité la création de Pays pour les rendre opérationnels.
Or, la loi du 13 août 2004 a institué une procédure de fusion facilitant le regroupement de plusieurs EPCI en un seul.
Contrairement aux procédures classiques d'extension de périmètre qui impliquent toujours l'accord de nouvelles communes, cette procédure fait jouer la règle de la majorité qualifiée qui peut permettre de dépasser les réticences de certaines communes lorsque la cohérence d'ensemble d'un projet le justifie.
Je souhaite que vous vous en saisissiez.
Dans le même ordre d'idées, le cas des Pays me semble précisément illustrer les insuffisances de l'échelon intercommunal lorsqu'il n'est pas à la bonne taille.
Les Pays, dont le nombre atteint aujourd'hui plus de 300 en France, ne doivent pas constituer un nouvel échelon administratif et encore moins un échelon de gestion, mais plutôt un outil de contractualisation pour des projets intéressant plusieurs EPCI.
Il est temps de rappeler la vocation première de l'intercommunalité qui est de proposer un périmètre de réalisation de nouveaux projets très concrets, tels que des équipements sportifs, des équipements culturels ou encore en matière de logement ou de zones d'activité. C'est bien cette intercommunalité de projets qui doit vous mobiliser.
C'est bien cette intercommunalité qui vous permettra de dégager des marges de manuvre pour agir au quotidien.
III - Sur la question des services publics en milieu rural, je suis bien décidé à faire bouger les lignes dès 2006.
D'abord, permettez-moi de saluer le travail effectué par votre association dans le cadre de la Conférence nationale des services publics en milieu rural. La contribution de l'ANEM à la réflexion générale est remarquable et j'en ai pris connaissance avec le plus grand intérêt.
Vous proposez des concepts innovants comme celui "d'habitants et de territoires desservis" en lieu et place du seul critère démographique ou de mesurer la proximité en temps et non plus en distance.
Vous suggérez, de même, une organisation administrative plus appropriée à la montagne reposant sur la trilogie "Massif - Département - Intercommunalités ou Pays".
Vous le savez, le Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY, qui est en charge de l'Intérieur mais aussi des territoires, a souhaité s'attaquer à la question des services publics en milieu rural dès son retour au gouvernement.
Pour lui, l'avenir des services publics en milieu rural ne passe ni par une lente disparition ni par des maintiens artificiels, mais bien par une réflexion sur l'ensemble du territoire national et une réorganisation en profondeur des services publics.
La démarche du Ministre d'Etat consiste à placer la réflexion sur les services publics du point de vue de l'usager.
L'objectif de nos concitoyens étant de pouvoir accéder à un service qui combine qualité et proximité, le Ministre d'Etat a lancé une concertation sur les services publics en milieu rural.
Il s'agit, département par département, de débattre des besoins de services publics pour nos concitoyens pour pouvoir prendre les mesures nécessaires.
Le Ministre d'Etat a même exigé une suspension des suppressions de services publics le temps des débats et ce, afin de prévenir toute réorganisation "sauvage" durant les discussions. Une fois les discussions terminées, le moratoire se terminera aussi pour permettre aux aménagements nécessaires de se mettre en place.
Une première photographie devrait être prête très vite.
Vous avez un vrai rôle à jouer dans ce débat en faisant remonter au préfet vos analyses, mais aussi et surtout les besoins effectifs de votre population dans votre commune. Je compte sur vous pour participer activement à ce débat.
Un questionnaire sur l'accès aux services dans votre commune vous a été adressé ainsi qu'à divers représentants de la société civile. Il s'agit d'un document court et auquel il est facile de répondre. Certains d'entre vous y ont déjà répondu et je les en remercie.
Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, faites-le au plus vite, vos réponses seront prises en compte.
Vos remarques sont précieuses : elles nous permettront d'évaluer les besoins de services et d'agir en fonction.
Pour que cette concertation soit la plus utile possible aux usagers, trois orientations doivent guider le débat :
1) Réorganiser en profondeur des services publics
Partons du constat : certaines fermetures ont eu lieu, d'autres risquent encore d'intervenir et tout cela dans le plus grand désordre.
Les mauvaises nouvelles se suivent et ce sont autant de restructurations que vous contestez bien souvent et que les usagers vivent forcément avec amertume.
En tant qu'élu de l'Auvergne, je constate le recul de certains services publics comme les perceptions du Trésor, les restructurations des subdivisions de l'Equipement consécutives à la seconde vague de décentralisation ou les fermetures de classes annoncées quelques jours avant la rentrée.
Il faut avoir le courage de reconnaître que la disparition progressive de certains services publics n'est pas toujours scandaleuse, vu que service public ne doit pas forcément rimer avec déficit. L'Etat est parfois bien obligé de s'adapter aux besoins fluctuants de la population et aux évolutions démographiques.
Il faut bien reconnaître que dans certains cas, qualité et proximité sont inconciliables.
Lorsqu'on regarde les études d'opinion, on constate que les Français sont, en réalité, plus attachés à la qualité qu'à la proximité.
Il ne suffit pas de pouvoir accéder à un hôpital, encore faut-il que celui-ci vous soigne bien ou dispose d'une maternité avec un nombre minimal de naissances (300) qui garantisse la qualité du service! Il ne suffit pas non plus de déposer ses enfants à l'école le matin. Encore faut-il que cette école leur permette de réussir et de faire fonctionner l'ascenseur social !
Pour ma part, je pense qu'il est possible de dédramatiser un grand nombre de décisions en appliquant un principe simple, le principe de réciprocité.
Cela signifie que le seuil retenu localement par les autorités académiques pour fermer une classe, par exemple un seuil de 15 élèves, doit être le même pour la réouvrir si la courbe démographique s'inverse et non un seuil revu à la hausse.
J'espère que cette idée simple, concrète et logique fera son chemin. C'est pour moi une question de bon sens.
2) Imaginer des services publics avec plus de polyvalence
Restructurer ne suffit pas, il faut aussi innover, repenser notre vision des services publics et de leurs acteurs qui est parfois obsolète.
L'exemple des Relais-Poste, dans des épiceries ou cafés, démontre qu'on ne peut plus opposer service public et personnes privées. Le recours à des personnes privées pour assurer un service au public comme celui de la Poste me semble, en effet, une solution d'avenir prometteuse dans des zones rurales comme la nôtre.
Je vais vous dire une chose : ces partenariats sont souvent une bonne nouvelle pour l'usager en termes d'horaires d'ouverture.
Prenons mon cas personnel. Chez moi, à Saint-Saturnin, je ne pouvais jamais me rendre à la Poste - lorsque celle-ci existait encore - tant les heures d'ouverture ne convenaient pas aux actifs comme moi.
Seules les femmes aux foyers et les personnes âgées pouvaient s'y rendre ! Maintenant que la Poste a choisi de s'installer dans un multiple rural, je peux bien plus qu'avant aller y acheter mes timbres. Du fait de ce partenariat, les horaires de ma Poste ont pu s'aligner sur ceux d'un commerce classique qui sont eux-même la conséquence des besoins de la population.
Cette nouvelle vision des acteurs des services publics permet la polyvalence.
Je prends le cas de la gare de Chignat, à Vertaizon, dans le Puy-de-Dôme. Là où l'agence postale devait fermer, la SNCF fait vendre dans la gare par ses agents des carnets de timbres, des enveloppes ou des colis prépayés.
Tant que la qualité est au rendez-vous, l'important n'est pas qui mais plutôt quel service est effectivement rendu. L'important n'est pas le service public mais bien le service au public.
Concrètement, comment cela peut-il fonctionner ?
Pourquoi ne pas proposer en un même lieu - les mairies, par exemple - formalités administratives et prestations commerciales de services publics et constituer ainsi des guichets uniques de la république ?
Nous sommes en train de tester cette possibilité qui permettra à la fois de déposer en mairie les demandes de cartes grises, de passeports mais aussi de réserver des billets de train, d'acheter des enveloppes prépayées ou encore de souscrire à un contrat EDF Nous verrons alors que l'on peut à la fois garantir à chacun l'accès à un service public de qualité et de proximité tout en réalisant des économies pour l'Etat.
3) Permettre à chacun d'accéder aux possibilités du monde moderne grâce à Internet
Ces guichets uniques seront aussi l'occasion de permettre à chacun l'accès à Internet dans nos territoires. Dans ces mairies, un "écrivain public" pourrait former les citoyens aux services en ligne et les familiariser ainsi à un nouvel outil de connaissance.
Dans les zones retirées comme en montagne, l'installation de guichets informatisés et du haut-débit peuvent devenir les outils majeurs de couverture du territoire et d'information des usagers.
Les nouvelles technologies peuvent bel et bien sauver la ruralité de l'oubli et les usagers de la solitude.
Comprenez-moi bien, ma démarche consiste à privilégier le terrain et l'écoute de la population. Il ne s'agit pas de dicter de Paris la méthode à suivre, mais d'accompagner les initiatives que vous prenez dans vos vallées, dans vos cantons

IV - Je voudrais terminer mon propos en évoquant deux questions qui me tiennent à cur car elles revêtent en montagne une sensibilité particulière : l'urbanisme et la question de la responsabilité du maire.
1) Pour ce qui est de l'urbanisme, permettez-moi de vous faire part d'une réflexion personnelle.
Elu en Auvergne, je vis toujours comme une blessure intérieure les agressions de l'homme envers des paysages magnifiques qui constituent notre patrimoine le plus sacré.
Je sais que vous êtes nombreux à ressentir quelque chose d'équivalent. Mais je sais aussi que d'autres militent pour toujours plus d'assouplissement dans les règles d'urbanisme.
Leur argument choc consiste à démontrer que la stricte application de la loi Montagne sanctuarise de façon implacable l'existant et dissuade les formes nouvelles de développement.
Je ne reviendrai pas sur les modifications concernant les procédures de créations d'unités touristiques nouvelles. Christian Estrosi vous en a présenté l'économie générale après, je crois, avoir entendu vos demandes d'ajustement.
J'insisterai, pour ma part, sur la nécessité de concilier les assouplissements successifs apportés depuis 1985 à la loi Montagne avec les impératifs de protection qui s'imposent à chacun d'entre nous.
Posons-nous les questions qui fâchent. Tel permis de construire sur un terrain qui n'est pas vraiment en continuité d'un hameau vaut-il la peine d'être délivré ? Idem pour ce lotissement en continuité du tissu urbain, mais qui ne présente aucune garantie architecturale ou paysagère d'intégration harmonieuse dans le paysage ? Faut-il "faciliter" les cas exceptionnels en trouvant à chaque fois des circonstances atténuantes ?
Ou faut-il veiller avec détermination à ce que les règles de construction et d'aménagement dont vous êtes les gardiens soient observées d'autant plus scrupuleusement que le milieu de la montagne est fragile et qu'il suffit d'une scorie dans le paysage pour en brouiller la perception ?
Pour ce qui me concerne, j'ai choisi mon camp et j'invite chacun de vous à choisir en conscience le sien. Votre atout est la préservation de votre patrimoine et de vos paysages, ne les gâchons pas.
2) Je voudrais terminer mon intervention par une dernière réflexion sur la responsabilité du maire en montagne.
Je n'apporterai pas sur le fond d'analyse très différente de celles qui ont été portées à votre connaissance lors de la table ronde présidée hier par Martial Saddier, le député de la plus haute de nos montagnes, qui connaît parfaitement ces problèmes et qui s'était adjoint les compétences du Préfet Lavernée, actuel Directeur de la sécurité civile.
N'attendez pas de moi, non plus, que je commente une décision de justice même si elle vous inquiète ou vous déçoit.
Ce que je suis venu vous dire, c'est que, s'il n'existe pas de responsabilité particulière du maire des communes de montagne en matière de sécurité civile, nous mettons tout en uvre au Ministère de l'Intérieur pour vous fournir, en amont, les outils techniques et réglementaires qui tiennent compte de la spécificité des lieux et des pratiques que l'on rencontre en montagne. Je pense notamment aux plans communaux de sauvegarde. Je pense, aussi, au projet de "charte" relative aux rôles des autorités publiques concernant la population des ours bruns des Pyrénées. Cette charte est actuellement préparée en collaboration avec le Ministère de l'Ecologie, mais aussi le Ministère de la Justice s'agissant précisément de la responsabilité pénale.
Je peux déjà vous dire que la responsabilité des élus en la matière ne sera que très hypothétique.
Pour anticiper les "coups du sort", nous avons besoin, sur le terrain, d'être pragmatique avec comme seule et unique motivation l'intérêt général et la sécurité des personnes et des biens.
Pour y parvenir, nous devons toujours mieux informer nos concitoyens sur les risques éventuels qu'ils encourent. Nous devons aussi nous préparer de façon très rigoureuse à la gestion de crise pour qu'aucune décision prise dans l'urgence ne soit le fruit du hasard.
Nous devons, enfin, alerter sans délai nos concitoyens dès la survenance d'un danger.
Si tout cela n'est pas toujours suffisant car le champ des délits non intentionnels n'est pas encore totalement stabilisé, je crois que c'est une bonne base pour pouvoir continuer à agir sans être obsédé par le fantôme d'une mise en cause injustifiée.
Je voudrais, pour conclure, vous adresser un message d'encouragement car votre action au service de la montagne est remarquable à bien des égards.
Je voudrais vous redire que, sur tous les sujets qui vous tiennent à cur et que vous défendez avec conviction, je suis à votre écoute.
J'ai le sentiment que sur plusieurs de ces sujets nous pourrons avancer ensemble au cours des prochains mois : les services publics, les dotations, l'intercommunalité Nous partageons une vision commune de l'action publique et celle-ci, croyez-moi, ne sacrifiera aucun de vos territoires sur l'autel de la fatalité.


(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 28 octobre 2005)