Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Merci de m'accueillir à votre assemblée générale, réunie certes dans une région et un département mais aussi dans une commune que je connais bien.
Figurez-vous que Montpeyroux, l'un des plus beaux villages de France, a récemment fait l'objet d'une visite de la part de mon équipe ministérielle.
J'avais organisé un séminaire de mon cabinet, il y a quelques semaines, pour que ceux qui connaissaient déjà l'Auvergne - et ils sont nombreux - la retrouvent, et que ceux qui ne la connaissaient pas encore la découvrent. Au cours de notre petit périple, nous sommes venus ici chez toi, Marcel, et tu nous as, comme toujours d'ailleurs, très chaleureusement accueilli. Je crois qu'ils ont beaucoup apprécié cette visite. Marcel, tes moustaches légendaires n'ont maintenant plus de secret pour mon équipe de Paris. Ton village gaulois et ta tour de Babel, non plus.
Marcel se qualifiait récemment, dans les colonnes d'une revue [36.000 communes, juillet-août 2005] d'"honnête homme".
Je crois, Marcel, que tu as raison, tu es un "honnête homme". D'après le dictionnaire, "honnête", cela signifie "Qui se conforme aux principes de la probité, du devoir, de la vertu". Le dictionnaire poursuit même par un exemple: "Un ministre intègre et honnête". Tu vois, Marcel, le dictionnaire ne parle pas seulement de toi, il parle aussi de moi !
Votre assemblée générale qui s'est réunie ce matin s'est plus particulièrement penchée sur les difficultés que rencontrent les entreprises qui souhaitent s'implanter en milieu rural. Cette problématique est l'occasion pour moi, comme Ministre délégué aux collectivités territoriales, de vous parler de ruralité.
Avant toute chose, qu'est-ce qu'une commune rurale ? C'est, selon les statuts de votre association, une ville de moins de 3.000 habitants.
Au delà de ce chiffre ou plutôt en deçà, quelle est la réalité ? Certes, une douceur de vivre. Selon le très sérieux magazine Reader's Digest, pour 71 % des Français, qualité de vie est synonyme de commune rurale. C'est ce qui explique chez nous, et plus particulièrement autour de Clermont, ce phénomène des "néo-ruraux".
Il s'agit là, vous le savez, de l'arrivée le plus souvent de jeunes couples ou de familles qui s'installent dans les villages, réhabilitent des maisons de bourgs et font rouvrir et revivre des petits commerces ou des services publics qui avaient parfois disparu, comme une école, une crèche ou encore une poste.
Toutes les communes rurales ne vivent pourtant pas ce renouveau. Nombre d'entre elles sont confrontées à une désertification progressive mais préoccupante. La population s'en va, les jeunes partent étudier ou travailler ailleurs
Alors, fatalement, au bout du compte, les écoles ferment, les perceptions ou encore les postes mettent la clé sous la porte, ce qui, je ne vous le cache pas, ne fait qu'accélérer l'exode rural
Le maire d'une commune rurale n'est pas tout à fait un maire comme un autre. Il est, certes, le premier magistrat d'une commune, avec les prérogatives classiques du maire : administration de la commune, pouvoirs de police, officier d'état civil, etc.
Mais dans vos communes, le maire n'est pas seulement un maire, il est aussi celui à qui on demande tout, à qui on s'adresse dès que quelque chose ne va pas, un voisin qui ne coupe pas ses arbres, un impôt qu'on ne peut pas payer, un bus de ramassage scolaire qui est systématiquement en retard, mais aussi, j'imagine, souvent, un petit problème plus personnel Le maire d'une commune rurale, c'est celui à qui on demande tout parce qu'il est tout simplement accessible. On le voit chaque jour sur la place du village, on l'interpelle à la terrasse du café, on discute avec lui, il est toujours disponible. Il connaît à peu près tout le monde. On passe à la mairie ou chez lui pour tenter de régler ses petits tracas.
Comme Ministre délégué aux collectivités et sous l'autorité du Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY, qui est en charge de l'Intérieur mais aussi des territoires, je suis pleinement et directement concerné par la ruralité.
Je sais que vos inquiétudes sont fortes. Soyez convaincus d'une chose : je suis ministre des collectivités et cela, je l'entends comme une mission d'intérêt général au service de toutes les collectivités, de la plus grande à la plus petite, de la plus riche à la plus pauvre. Je n'ai l'intention d'en laisser tomber aucune.
Alors, c'est plusieurs choses que je veux vous dire aujourd'hui. Mon action vous concerne sur quatre aspects :
1) Je voudrais d'abord faire un constat des services publics aujourd'hui en Auvergne, et plus précisément dans le Puy-de-Dôme. Où en sommes-nous et quels sont nos besoins ?
2) Je compte aussi vous rassurer sur les moyens financiers dont vous disposerez l'année prochaine pour que vous puissiez remplir vos missions, parce que sans argent, on ne fait rien.
3) Nous verrons, ensuite, quels sont nos objectifs et comment nous comptons y répondre en matière de services publics. Sur le fond puis sur la forme.
4) Enfin, je dirai un mot sur votre statut, sur lequel, Marcel, vous m'avez interpellé par une lettre ouverte. Je souhaite vous répondre aujourd'hui.
I. Quel constat aujourd'hui pour les services publics ?
Les caractéristiques géographiques et démographiques de la région et du département pèsent sur les opérateurs des services publics. Vous le savez, la fermeture d'un service public est souvent la dernière étape, presque naturelle, d'un long processus de désertification. Certaines fermetures ont eu lieu et d'autres risquent d'intervenir.
Nombreux sont les exemples de restructurations, restructurations que vous contestez bien souvent et que les usagers vivent forcément avec amertume.
Dans le Puy-de-Dôme, une trésorerie disparaît en moyenne chaque année. Cela a, par exemple, été le cas, l'année dernière, de La Tour d'Auvergne, de Murol et cette année, de Pionsat et de Viverols.
Certaines postes doivent voir leur existence repensée, je pense à Saint-Nectaire, à Rochefort, à Ardes, à Champeix ou à Saint-Amant Roche Savine. Même chose pour les écoles primaires.
Une dizaine de classes d'écoles primaires ont fermé à la rentrée scolaire et des écoles comme celles d'Orsonnette, de Prondines ou de Combrailles risquent, nous le savons bien, la fermeture. Pareil pour les collèges d'Ardes-sur-Couze et de Gelles, exemple sur lequel je reviendrai:
S'agissant des SDIS, 54 CPI (Centres de première intervention) se sont transformés en 30 centres d'intervention et ce, entre 2003 et 2005.
Pour compenser ces fermetures, se mettent heureusement en place, en Auvergne et plus précisément dans le Puy-de-Dôme, des actions innovantes.
Je pense notamment aux 26 "agences postales communales" du département et aux "Relais-Poste" qui offrent des services postaux dans un petit commerce.
Ce sont, ainsi, 7 multiples ruraux ont déjà été mis en place dans le département comme chez moi à Saint-Saturnin, mais aussi à Marat et à Saint-Romain (les autres : Grandrif, Saillant, La Forie, Condat-les-Montboissier)
Je pense aussi, bien entendu, aux 21 bus des montagnes qui - bel exemple de partenariat entre département, intercommunalités et communes - permettent des allers-retour les jours des marchés ou des foires.
13.000 personnes en empruntent chaque année dans le département.
Des restructurations sont en cours comme la Poste, dont je salue le courage et le sens de l'intérêt général.
Elle s'est engagée à maintenir ses 252 points de contact recensés dans le département (Protocole d'accord La Poste - Etat - Elus locaux du 17 janvier 2005)
Il y a aussi, bien entendu, des réponses institutionnelles qui ont déjà été apportées.
Je pense aux dispositifs d'aide qui ont été mis en place par la loi du 4 février 1995 et renforcés par celle du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux.
Il s'agit là des Zones de revitalisation rurale (Z.R.R.) qui permettent des encouragements financiers comme des exonérations de taxes foncières ou professionnelles.
C'est par exemple le cas des arrondissements d'Ambert et d'Issoire qui sont considérés comme des Z.R.R. dans leur totalité.
Pour les zones les plus touchées sur les plans économique et démographique, comme les bassins de Combrailles et de Thiers, le dispositif des Contrats de territoires a été mis en place l'année dernière par le gouvernement. Il s'agit là de mesures d'ampleur vu que la participation des partenaires financiers atteint aujourd'hui 22,4 millions d'euros pour le bassin de Thiers et près de 15 millions d'euros pour celui de Combrailles.
II - Un constat financier, ensuite. Vous aurez, en 2006, les financements nécessaires à vos missions. Je viens avec des bonnes nouvelles.
Soyons clairs : j'entends, dans le budget 2006, préserver les ressources des communes. Mon travail consiste, en effet, à vous apporter les moyens financiers nécessaires à l'exercice de vos missions. Et ce n'est pas toujours facile, croyez-moi.
Déjà, sachez que les dotations continueront de progresser pour les collectivités en 2006. Le contrat de croissance et de solidarité sera renouvelé.
L'enveloppe du contrat progressera de 2,38 %, atteignant près de 44 Mds en 2006. La DGF progressera, à elle seule, de 2,73 %, ce qui représente plus d'1.010 millions d'euros.
Vous le voyez, l'Etat n'a pas souhaité appliquer aux collectivités les sacrifices financiers qu'il s'est imposés à lui-même.
J'ai, aussi, souhaité que les concours financiers de l'Etat soient orientés dans un souci de solidarité. Pour ce faire, j'ai proposé d'abonder la DGF 2006 du montant de la régularisation 2004. Celle-ci s'établit à 92 M.
J'ai choisi de l'affecter aux communes et aux EPCI en privilégiant une utilisation plus dynamique et conforme à l'esprit qui a présidé, l'an dernier, à la réforme de la DGF. Ainsi, la régularisation sera affectée à hauteur de 88 M à la DGF 2006 pour garantir une évolution satisfaisante de la péréquation communale.
S'agissant de la Dotation de Développement Rural, il m'a paru pertinent que cette dotation soit utilisée en partie pour créer un dispositif de maintien des services publics en milieu rural.
Je souhaite que soient redéployés en 2006, 20 M au sein de cette enveloppe globale qui s'élève à près de 124 M pour financer des actions innovantes.
Le maintien ou le développement des services publics en milieu rural sera ainsi facilité conformément aux vux du Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY, de réserver à chacune des différentes collectivités un effort de solidarité proportionnel à ses besoins.
S'agissant, maintenant, des impôts locaux, c'est plus de la taxe foncière sur les propriétés non bâties que de la taxe professionnelle que je souhaite vous parler.
La taxe professionnelle ne touche que certains d'entre vous. Je connais, en revanche, le poids que représente la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour des petits budgets comme les vôtres. Pour l'ensemble des communes de moins de 500 habitants du territoire national, cette taxe représente en moyenne 21 % de leurs recettes fiscales et pour 2.200 d'entre elles, cette taxe correspond à plus de la moitié de leurs recettes.
La solution retenue et qui a été présentée par le Premier ministre à Rennes est conforme bien entendu aux propos tenus par le Président de la République dans son discours de Murat en octobre 2004. Elle préserve les ressources propres de vos communes. Elle exonère de 20 % les seuls exploitants agricoles et le manque à gagner sera entièrement compensé par l'Etat. Vous pouvez donc être certains que cette réforme ne viendra pas vous pénaliser, j'y veillerai personnellement.
III - Après ces constats, une réflexion, maintenant. Les services publics en zones rurales doivent être pensés en termes de proximité mais surtout de qualité.
C'est un sujet qui concerne particulièrement le Puy-de-Dôme. L'isolement géographique et le vieillissement de la population rurale sont des facteurs préoccupants. J'ai, par exemple, constaté qu'à cette rentrée scolaire, une dizaine de classes avait fermé dans le département et qu'au-delà, la pérennité de certains établissements scolaires serait difficile à assurer. Prenons l'exemple de Gelles que j'évoquais tout à l'heure. J'ai personnellement uvré pour que ce collège ne ferme pas alors qu'il accueille moins de 50 élèves.
Je suis évidemment heureux que ce service public ait pu être maintenu mais je pose malgré tout la question : Comment voulez-vous que des collèges comme celui-ci, je pense aussi à Ardes-sur-Couze, puissent longtemps continuer avec aussi peu d'élèves ?
Il faut avoir le courage de reconnaître que la disparition progressive de certains services publics n'est pas toujours scandaleuse dans la mesure où service public ne doit pas forcément rimer avec déficit. L'Etat est parfois bien obligé de s'adapter aux besoins fluctuants de la population et aux évolutions démographiques.
Cela n'enlève rien à notre devoir de trouver en échange des solutions innovantes et constructives pour que chacun puisse avoir accès aux services nécessaires et que le principe fondamental de l'égalité devant le service public ne soit pas rompu. Il faut autant de service au public, sans doute mieux réparti et au moindre coût. Nous devons placer cette réflexion sur les services publics du point de vue des usagers.
Lorsqu'ils sont interrogés, ceux-ci mettent souvent l'accent sur la contradiction qui peut exister entre proximité et qualité du service.
Les Français sont, je crois, plus attachés à la qualité qu'à la proximité. Il ne suffit pas de pouvoir accéder à un hôpital, encore faut-il que celui-ci vous soigne bien! Il ne suffit pas non plus de déposer ses enfants à l'école le matin. Encore faut-il que cette école lui permette de réussir et de faire fonctionner l'ascenseur social !
A nous de renouveler notre vision du service public. La polyvalence doit être le maître-mot de cette nouvelle ère. Voici notre objectif sur le fond.
Maintenant, comment y parvenir sur la forme ?
Plusieurs solutions très concrètes :
1) Faire de l'intercommunalité un outil majeur de promotion ou d'aménagement des territoires.
Un certain nombre d'imperfections dans le processus de construction de l'intercommunalité sont venues fragiliser le mouvement.
Ce n'est pas moi qui le dit mais les divers rapports et études - Conseil économique et social, Cour des comptes, études de parlementaires - qui sont unanimes sur le fait suivant : le mouvement intercommunal connaît aujourd'hui une "crise de croissance".
Peut-on rester inactif face à tous ces travaux, peut-on ne rien dire, ne rien faire ? Je ne crois pas. Vous nous le reprocheriez dans quelques années et vous auriez raison.
Beaucoup d'efforts ont déjà été fournis depuis les lois de 1992 et de 1999 dans ce département.
Au 26 septembre, on y recensait 270 EPCI et syndicats mixtes. 89 % des communes du département adhèrent à un EPCI à fiscalité propre, c'est-à-dire 420 communes sur 470. C'est 95 % de la population qui est directement concernée, soit treize points de plus que la moyenne nationale.
Bien sûr, il y a quelques zones encore vierges, comme dans le secteur de Pontgibaud ou dans le canton de Montaigut en Combrailles, où il est manifestement difficile d'aboutir à un accord.
Permettez-moi de vous dire, malgré tout, que la carte de l'intercommunalité dans le département ne me satisfait pas véritablement.
Les développements se sont faits souvent un peu trop rapidement et ce, au détriment de tout ce que peut nous apporter l'intercommunalité.
On a parfois, par exemple, volontairement assimilé le périmètre de l'intercommunalité à celui du canton.
Or, les déplacements de la population et divers moyens de transport ont souvent modifié les bassins de vie qui ne sont plus centrés sur la commune chef-lieu mais autour d'une autre commune.
D'autres intercommunalités du département ont été constituées par défaut.
N'ayant pas participé au départ à la création de l'EPCI à fiscalité propre, elles se sont retrouvées isolées et ont créé des petites structures ne regroupant bien souvent que 4 ou 5 communes. Comment voulez-vous qu'avec cette taille si modeste, ces intercommunalités deviennent un outil performant de développement local ?
Alors, que faire ? Il faut, certes, rendre la carte intercommunale plus cohérente et définir plus clairement les compétences des intercommunalités. Mais il faut surtout faire en sorte que l'intercommunalité devienne le moteur de la réorganisation des services publics en milieu rural.
Les compétences très générales d'aménagement ou de développement des territoires ne coïncident pas assez avec les attentes quotidiennes de vos communes, dont les préoccupations relèvent plus simplement de la gestion, comme celle de l'école ou de la voirie.
L'école et la voirie, voici deux compétences qui relèvent pleinement des préoccupations quotidiennes de vos administrés, qui constituent des charges essentielles pour vos communes et qui pourraient, pourquoi pas, relever des compétences obligatoires de l'intercommunalité. Il pourrait s'agir aussi de la rénovation du cur des villages ou de l'aménagement des Points Poste.
N'hésitez donc pas à vous lancer dans de nouvelles aventures dans le cadre intercommunal !
Je pense, par exemple, aux maisons de services publics ou aux maisons de l'emploi que vous pourriez créer et qui seraient susceptibles de bénéficier de tout l'apport des nouvelles technologies (visio-conférence, télé-service, écrivain public numérique, borne multi-média).
Vous l'avez compris, ici plus qu'ailleurs, l'intercommunalité a un rôle majeur à jouer. Pour vos communes, l'intercommunalité peut devenir un outil majeur d'aménagement du territoire et un échelon essentiel pour de nombreuses compétences qui concernent la vie de tous les jours.
2) Il faut aussi faire jouer les synergies et faire participer des personnes privées
Prenons l'exemple de la gare de Chignat, à Vertaizon. Là où l'agence postale devait fermer, la SNCF fait vendre dans la gare par ses agents des carnets de timbres, des enveloppes ou des colis prépayés. Je sais aussi que dans le secteur de Thiers, on installera bientôt un bureau de poste dans les locaux de la trésorerie.
Nous devons favoriser avant tout la polyvalence, seule manière de fournir un service de qualité à proximité.
Pourquoi ne pas proposer en un même lieu - les mairies, par exemple - formalités administratives et prestations commerciales de services publics et constituer ainsi des guichets uniques de la république ?
Nous testerons très bientôt cette possibilité en Auvergne qui permettra à la fois de déposer en mairie les demandes de cartes grises, de passeports mais aussi de réserver les billets de train et de souscrire à un contrat EDF
Ces guichets uniques doivent être aussi l'occasion de généraliser l'accès à Internet dans nos territoires. Qui plus qu'Internet peut sauver aujourd'hui la ruralité ?
Dans les zones retirées plus que partout ailleurs, l'installation du haut-débit et les guichets informatisés peuvent devenir les outils majeurs de couverture du territoire et d'information des usagers. Les nouvelles technologies peuvent bel et bien sauver la ruralité de l'oubli.
Des institutions comme la Poste jouent un rôle majeur dans cette refonte des services publics. Un rôle majeur tant il est, avant tout, courageux. Je vous l'ai dit, avec 252 points de contact dans le département, la Poste a signé un protocole d'accord le 17 janvier dernier s'engageant à maintenir ce même nombre dans le Puy-de-Dôme.
Un rôle majeur, surtout, parce qu'il est l'occasion de pointer l'audace dont nous devons aujourd'hui faire preuve. L'exemple des Relais-Poste, dans des épiceries ou brasseries, démontre qu'on ne peut plus opposer service public et personnes privées. Le recours à des personnes privées pour assurer un service au public comme celui de la Poste me semble une solution d'avenir prometteuse dans des zones rurales comme la nôtre. L'aide de 20 millions d'euros voulue par Nicolas Sarkozy contribuera à encourager ce type d'initiatives.
Je vais vous dire une chose : ces partenariats sont souvent une bonne nouvelle pour l'usager en termes d'horaires d'ouverture. Prenons mon cas personnel. Chez moi, à Saint-Saturnin, je ne pouvais jamais me rendre à la Poste - lorsque celle-ci existait encore - tant les heures d'ouverture ne convenaient pas aux actifs comme moi. Seules les femmes aux foyers et les personnes âgées pouvaient s'y rendre ! Maintenant que la Poste a choisi de s'installer dans un multiple rural, je peux bien plus qu'avant aller y acheter mes timbres. Du fait de ce partenariat, les horaires de ma Poste ont pu s'aligner sur ceux d'un commerce classique.
3) Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la concertation nationale sur les services publics en milieu rural
J'ai assisté, la semaine dernière, à l'installation par le Préfet de cette concertation voulue par le Ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy dans le département. Il s'agit, département par département, de débattre des besoins de services publics pour nos concitoyens pour pouvoir prendre les mesures nécessaires.
Le Ministre d'Etat a même exigé une suspension des suppressions de services publics et ce, afin de prévenir toute réorganisation "sauvage" le temps des discussions.
Une première photographie devrait être prête pour la mi-octobre. Vous avez un vrai rôle à jouer dans ce débat en faisant remonter au préfet vos analyses mais aussi et surtout les besoins effectifs de votre population dans votre commune. Je compte sur vous pour participer activement à ce débat.
Un questionnaire sur l'accès aux services dans votre commune vous a été adressé ainsi qu'à divers représentants de la société civile. Il s'agit d'un document court et auquel il est facile de répondre. Certains d'entre vous y ont déjà répondu et je les en remercie.
Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, la date de dépôt est passée (mercredi 5 octobre) mais s'il vous plait, faites-le au plus vite, vos réponses seront prises en compte. Vos remarques sont précieuses : elles nous permettront d'évaluer les besoins de services et d'agir en fonction.
IV. Enfin, je souhaite vous dire quelques mots sur le statut de l'élu
Concernant la révision du statut de l'élu que vous prônez, mon cher Marcel, je ne me suis pas fait de "religion" définitive. Faut-il rouvrir ce chantier aujourd'hui ? Je pose la question.
Vous m'avez écrit une lettre ouverte. Je l'ai lue avec attention. Je partage même une grande partie de son diagnostic. Est-il normal, en effet, qu'un maire qui se consacre avec énergie et compétences à sa commune ne perçoive que 620 euros d'indemnité par mois au seul motif que sa commune compte moins de 500 habitants ?
J'entends aussi vos craintes sur le cumul des mandats. Il y a, bien entendu, une limite dans le cumul qui ne doit pas être dépassée et au-delà de laquelle la lisibilité et la légitimité de l'action politique n'existeraient plus.
Je pense, cependant, qu'exercer un mandat national et un mandat local permet à la fois d'observer les besoins sur le terrain et de prendre les décisions générales que ces réalités imposent.
Faut-il réformer le statut de l'élu local ? Je crois qu'il faut y réfléchir à deux fois. Et ce, d'autant que des aménagements substantiels sont intervenus il y a peu, avec l'adoption de la loi du 27 février 2002 renforçant vos garanties pour conjuguer exercice du mandat et activité professionnelle et pour bénéficier d'une formation solide.
En matière de formation justement, vous savez qu'une dotation particulière existe depuis 1992 pour faciliter l'exercice du droit à la formation des élus dans les communes de moins de 1.000 habitants. C'est la dotation "élu local" qui s'élève actuellement à 2.479 euros par commune.
En Auvergne, 239 communes en ont bénéficié en 2005, ce qui est une bonne chose même si j'ai conscience que la substitution de potentiel financier au potentiel fiscal a "mécaniquement" écarté plusieurs communes de ce dispositif de soutien.
Pour ces communes, je vous annonce la mise en place en 2006 d'un système de sortie dégressive correspondant à la moitié du montant initial de cette dotation et à un tiers l'année suivante. Ce n'est pas spectaculaire mais cela illustre la volonté du Gouvernement et du Comité des Finances Locales d'atténuer l'introduction du potentiel financier en matière de formation des élus.
Il y a sûrement de nouvelles initiatives à prendre dans ce domaine. Je serai attentif à vos propositions car je reste convaincu qu'un élu bien formé est un élu armé pour faire face à la complexité croissante des réglementations qu'il doit mettre en oeuvre pour le compte de sa commune ou pour le compte de l'Etat.
Voici les messages que je souhaitais vous délivrer ce matin. Soyez-en convaincus : je ne serai pas le ministre des collectivités qui sacrifiera la ruralité sur l'autel de la fatalité. Notre responsabilité est trop grande pour faire preuve de démagogie, de conservatisme et, encore moins, d'immobilisme.
Je terminerai en réagissant à un article de la revue 36.000 communes de cet été, qui raillait ceux qui, parmi les hommes politiques, souhaitaient "surfer" sur la vague de la ruralité considérée comme "tendance".
Je ne sais pas si c'est "tendance" ou pas d'être Ministre délégué aux collectivités territoriales ni de se déplacer, comme je le fais, chaque semaine, en Auvergne. A vrai dire, peu m'importe. Je n'aspire pas à être dans le vent mais bien sur terre et, plus précisément, sur le terrain. Mon seul souci est celui de l'intérêt général et je vais vous dire, je suis à peu près certain que lui ne se démodera pas tant il reste à faire.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 octobre 2005)
Mesdames, Messieurs les Maires,
Merci de m'accueillir à votre assemblée générale, réunie certes dans une région et un département mais aussi dans une commune que je connais bien.
Figurez-vous que Montpeyroux, l'un des plus beaux villages de France, a récemment fait l'objet d'une visite de la part de mon équipe ministérielle.
J'avais organisé un séminaire de mon cabinet, il y a quelques semaines, pour que ceux qui connaissaient déjà l'Auvergne - et ils sont nombreux - la retrouvent, et que ceux qui ne la connaissaient pas encore la découvrent. Au cours de notre petit périple, nous sommes venus ici chez toi, Marcel, et tu nous as, comme toujours d'ailleurs, très chaleureusement accueilli. Je crois qu'ils ont beaucoup apprécié cette visite. Marcel, tes moustaches légendaires n'ont maintenant plus de secret pour mon équipe de Paris. Ton village gaulois et ta tour de Babel, non plus.
Marcel se qualifiait récemment, dans les colonnes d'une revue [36.000 communes, juillet-août 2005] d'"honnête homme".
Je crois, Marcel, que tu as raison, tu es un "honnête homme". D'après le dictionnaire, "honnête", cela signifie "Qui se conforme aux principes de la probité, du devoir, de la vertu". Le dictionnaire poursuit même par un exemple: "Un ministre intègre et honnête". Tu vois, Marcel, le dictionnaire ne parle pas seulement de toi, il parle aussi de moi !
Votre assemblée générale qui s'est réunie ce matin s'est plus particulièrement penchée sur les difficultés que rencontrent les entreprises qui souhaitent s'implanter en milieu rural. Cette problématique est l'occasion pour moi, comme Ministre délégué aux collectivités territoriales, de vous parler de ruralité.
Avant toute chose, qu'est-ce qu'une commune rurale ? C'est, selon les statuts de votre association, une ville de moins de 3.000 habitants.
Au delà de ce chiffre ou plutôt en deçà, quelle est la réalité ? Certes, une douceur de vivre. Selon le très sérieux magazine Reader's Digest, pour 71 % des Français, qualité de vie est synonyme de commune rurale. C'est ce qui explique chez nous, et plus particulièrement autour de Clermont, ce phénomène des "néo-ruraux".
Il s'agit là, vous le savez, de l'arrivée le plus souvent de jeunes couples ou de familles qui s'installent dans les villages, réhabilitent des maisons de bourgs et font rouvrir et revivre des petits commerces ou des services publics qui avaient parfois disparu, comme une école, une crèche ou encore une poste.
Toutes les communes rurales ne vivent pourtant pas ce renouveau. Nombre d'entre elles sont confrontées à une désertification progressive mais préoccupante. La population s'en va, les jeunes partent étudier ou travailler ailleurs
Alors, fatalement, au bout du compte, les écoles ferment, les perceptions ou encore les postes mettent la clé sous la porte, ce qui, je ne vous le cache pas, ne fait qu'accélérer l'exode rural
Le maire d'une commune rurale n'est pas tout à fait un maire comme un autre. Il est, certes, le premier magistrat d'une commune, avec les prérogatives classiques du maire : administration de la commune, pouvoirs de police, officier d'état civil, etc.
Mais dans vos communes, le maire n'est pas seulement un maire, il est aussi celui à qui on demande tout, à qui on s'adresse dès que quelque chose ne va pas, un voisin qui ne coupe pas ses arbres, un impôt qu'on ne peut pas payer, un bus de ramassage scolaire qui est systématiquement en retard, mais aussi, j'imagine, souvent, un petit problème plus personnel Le maire d'une commune rurale, c'est celui à qui on demande tout parce qu'il est tout simplement accessible. On le voit chaque jour sur la place du village, on l'interpelle à la terrasse du café, on discute avec lui, il est toujours disponible. Il connaît à peu près tout le monde. On passe à la mairie ou chez lui pour tenter de régler ses petits tracas.
Comme Ministre délégué aux collectivités et sous l'autorité du Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY, qui est en charge de l'Intérieur mais aussi des territoires, je suis pleinement et directement concerné par la ruralité.
Je sais que vos inquiétudes sont fortes. Soyez convaincus d'une chose : je suis ministre des collectivités et cela, je l'entends comme une mission d'intérêt général au service de toutes les collectivités, de la plus grande à la plus petite, de la plus riche à la plus pauvre. Je n'ai l'intention d'en laisser tomber aucune.
Alors, c'est plusieurs choses que je veux vous dire aujourd'hui. Mon action vous concerne sur quatre aspects :
1) Je voudrais d'abord faire un constat des services publics aujourd'hui en Auvergne, et plus précisément dans le Puy-de-Dôme. Où en sommes-nous et quels sont nos besoins ?
2) Je compte aussi vous rassurer sur les moyens financiers dont vous disposerez l'année prochaine pour que vous puissiez remplir vos missions, parce que sans argent, on ne fait rien.
3) Nous verrons, ensuite, quels sont nos objectifs et comment nous comptons y répondre en matière de services publics. Sur le fond puis sur la forme.
4) Enfin, je dirai un mot sur votre statut, sur lequel, Marcel, vous m'avez interpellé par une lettre ouverte. Je souhaite vous répondre aujourd'hui.
I. Quel constat aujourd'hui pour les services publics ?
Les caractéristiques géographiques et démographiques de la région et du département pèsent sur les opérateurs des services publics. Vous le savez, la fermeture d'un service public est souvent la dernière étape, presque naturelle, d'un long processus de désertification. Certaines fermetures ont eu lieu et d'autres risquent d'intervenir.
Nombreux sont les exemples de restructurations, restructurations que vous contestez bien souvent et que les usagers vivent forcément avec amertume.
Dans le Puy-de-Dôme, une trésorerie disparaît en moyenne chaque année. Cela a, par exemple, été le cas, l'année dernière, de La Tour d'Auvergne, de Murol et cette année, de Pionsat et de Viverols.
Certaines postes doivent voir leur existence repensée, je pense à Saint-Nectaire, à Rochefort, à Ardes, à Champeix ou à Saint-Amant Roche Savine. Même chose pour les écoles primaires.
Une dizaine de classes d'écoles primaires ont fermé à la rentrée scolaire et des écoles comme celles d'Orsonnette, de Prondines ou de Combrailles risquent, nous le savons bien, la fermeture. Pareil pour les collèges d'Ardes-sur-Couze et de Gelles, exemple sur lequel je reviendrai:
S'agissant des SDIS, 54 CPI (Centres de première intervention) se sont transformés en 30 centres d'intervention et ce, entre 2003 et 2005.
Pour compenser ces fermetures, se mettent heureusement en place, en Auvergne et plus précisément dans le Puy-de-Dôme, des actions innovantes.
Je pense notamment aux 26 "agences postales communales" du département et aux "Relais-Poste" qui offrent des services postaux dans un petit commerce.
Ce sont, ainsi, 7 multiples ruraux ont déjà été mis en place dans le département comme chez moi à Saint-Saturnin, mais aussi à Marat et à Saint-Romain (les autres : Grandrif, Saillant, La Forie, Condat-les-Montboissier)
Je pense aussi, bien entendu, aux 21 bus des montagnes qui - bel exemple de partenariat entre département, intercommunalités et communes - permettent des allers-retour les jours des marchés ou des foires.
13.000 personnes en empruntent chaque année dans le département.
Des restructurations sont en cours comme la Poste, dont je salue le courage et le sens de l'intérêt général.
Elle s'est engagée à maintenir ses 252 points de contact recensés dans le département (Protocole d'accord La Poste - Etat - Elus locaux du 17 janvier 2005)
Il y a aussi, bien entendu, des réponses institutionnelles qui ont déjà été apportées.
Je pense aux dispositifs d'aide qui ont été mis en place par la loi du 4 février 1995 et renforcés par celle du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux.
Il s'agit là des Zones de revitalisation rurale (Z.R.R.) qui permettent des encouragements financiers comme des exonérations de taxes foncières ou professionnelles.
C'est par exemple le cas des arrondissements d'Ambert et d'Issoire qui sont considérés comme des Z.R.R. dans leur totalité.
Pour les zones les plus touchées sur les plans économique et démographique, comme les bassins de Combrailles et de Thiers, le dispositif des Contrats de territoires a été mis en place l'année dernière par le gouvernement. Il s'agit là de mesures d'ampleur vu que la participation des partenaires financiers atteint aujourd'hui 22,4 millions d'euros pour le bassin de Thiers et près de 15 millions d'euros pour celui de Combrailles.
II - Un constat financier, ensuite. Vous aurez, en 2006, les financements nécessaires à vos missions. Je viens avec des bonnes nouvelles.
Soyons clairs : j'entends, dans le budget 2006, préserver les ressources des communes. Mon travail consiste, en effet, à vous apporter les moyens financiers nécessaires à l'exercice de vos missions. Et ce n'est pas toujours facile, croyez-moi.
Déjà, sachez que les dotations continueront de progresser pour les collectivités en 2006. Le contrat de croissance et de solidarité sera renouvelé.
L'enveloppe du contrat progressera de 2,38 %, atteignant près de 44 Mds en 2006. La DGF progressera, à elle seule, de 2,73 %, ce qui représente plus d'1.010 millions d'euros.
Vous le voyez, l'Etat n'a pas souhaité appliquer aux collectivités les sacrifices financiers qu'il s'est imposés à lui-même.
J'ai, aussi, souhaité que les concours financiers de l'Etat soient orientés dans un souci de solidarité. Pour ce faire, j'ai proposé d'abonder la DGF 2006 du montant de la régularisation 2004. Celle-ci s'établit à 92 M.
J'ai choisi de l'affecter aux communes et aux EPCI en privilégiant une utilisation plus dynamique et conforme à l'esprit qui a présidé, l'an dernier, à la réforme de la DGF. Ainsi, la régularisation sera affectée à hauteur de 88 M à la DGF 2006 pour garantir une évolution satisfaisante de la péréquation communale.
S'agissant de la Dotation de Développement Rural, il m'a paru pertinent que cette dotation soit utilisée en partie pour créer un dispositif de maintien des services publics en milieu rural.
Je souhaite que soient redéployés en 2006, 20 M au sein de cette enveloppe globale qui s'élève à près de 124 M pour financer des actions innovantes.
Le maintien ou le développement des services publics en milieu rural sera ainsi facilité conformément aux vux du Ministre d'Etat, Nicolas SARKOZY, de réserver à chacune des différentes collectivités un effort de solidarité proportionnel à ses besoins.
S'agissant, maintenant, des impôts locaux, c'est plus de la taxe foncière sur les propriétés non bâties que de la taxe professionnelle que je souhaite vous parler.
La taxe professionnelle ne touche que certains d'entre vous. Je connais, en revanche, le poids que représente la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour des petits budgets comme les vôtres. Pour l'ensemble des communes de moins de 500 habitants du territoire national, cette taxe représente en moyenne 21 % de leurs recettes fiscales et pour 2.200 d'entre elles, cette taxe correspond à plus de la moitié de leurs recettes.
La solution retenue et qui a été présentée par le Premier ministre à Rennes est conforme bien entendu aux propos tenus par le Président de la République dans son discours de Murat en octobre 2004. Elle préserve les ressources propres de vos communes. Elle exonère de 20 % les seuls exploitants agricoles et le manque à gagner sera entièrement compensé par l'Etat. Vous pouvez donc être certains que cette réforme ne viendra pas vous pénaliser, j'y veillerai personnellement.
III - Après ces constats, une réflexion, maintenant. Les services publics en zones rurales doivent être pensés en termes de proximité mais surtout de qualité.
C'est un sujet qui concerne particulièrement le Puy-de-Dôme. L'isolement géographique et le vieillissement de la population rurale sont des facteurs préoccupants. J'ai, par exemple, constaté qu'à cette rentrée scolaire, une dizaine de classes avait fermé dans le département et qu'au-delà, la pérennité de certains établissements scolaires serait difficile à assurer. Prenons l'exemple de Gelles que j'évoquais tout à l'heure. J'ai personnellement uvré pour que ce collège ne ferme pas alors qu'il accueille moins de 50 élèves.
Je suis évidemment heureux que ce service public ait pu être maintenu mais je pose malgré tout la question : Comment voulez-vous que des collèges comme celui-ci, je pense aussi à Ardes-sur-Couze, puissent longtemps continuer avec aussi peu d'élèves ?
Il faut avoir le courage de reconnaître que la disparition progressive de certains services publics n'est pas toujours scandaleuse dans la mesure où service public ne doit pas forcément rimer avec déficit. L'Etat est parfois bien obligé de s'adapter aux besoins fluctuants de la population et aux évolutions démographiques.
Cela n'enlève rien à notre devoir de trouver en échange des solutions innovantes et constructives pour que chacun puisse avoir accès aux services nécessaires et que le principe fondamental de l'égalité devant le service public ne soit pas rompu. Il faut autant de service au public, sans doute mieux réparti et au moindre coût. Nous devons placer cette réflexion sur les services publics du point de vue des usagers.
Lorsqu'ils sont interrogés, ceux-ci mettent souvent l'accent sur la contradiction qui peut exister entre proximité et qualité du service.
Les Français sont, je crois, plus attachés à la qualité qu'à la proximité. Il ne suffit pas de pouvoir accéder à un hôpital, encore faut-il que celui-ci vous soigne bien! Il ne suffit pas non plus de déposer ses enfants à l'école le matin. Encore faut-il que cette école lui permette de réussir et de faire fonctionner l'ascenseur social !
A nous de renouveler notre vision du service public. La polyvalence doit être le maître-mot de cette nouvelle ère. Voici notre objectif sur le fond.
Maintenant, comment y parvenir sur la forme ?
Plusieurs solutions très concrètes :
1) Faire de l'intercommunalité un outil majeur de promotion ou d'aménagement des territoires.
Un certain nombre d'imperfections dans le processus de construction de l'intercommunalité sont venues fragiliser le mouvement.
Ce n'est pas moi qui le dit mais les divers rapports et études - Conseil économique et social, Cour des comptes, études de parlementaires - qui sont unanimes sur le fait suivant : le mouvement intercommunal connaît aujourd'hui une "crise de croissance".
Peut-on rester inactif face à tous ces travaux, peut-on ne rien dire, ne rien faire ? Je ne crois pas. Vous nous le reprocheriez dans quelques années et vous auriez raison.
Beaucoup d'efforts ont déjà été fournis depuis les lois de 1992 et de 1999 dans ce département.
Au 26 septembre, on y recensait 270 EPCI et syndicats mixtes. 89 % des communes du département adhèrent à un EPCI à fiscalité propre, c'est-à-dire 420 communes sur 470. C'est 95 % de la population qui est directement concernée, soit treize points de plus que la moyenne nationale.
Bien sûr, il y a quelques zones encore vierges, comme dans le secteur de Pontgibaud ou dans le canton de Montaigut en Combrailles, où il est manifestement difficile d'aboutir à un accord.
Permettez-moi de vous dire, malgré tout, que la carte de l'intercommunalité dans le département ne me satisfait pas véritablement.
Les développements se sont faits souvent un peu trop rapidement et ce, au détriment de tout ce que peut nous apporter l'intercommunalité.
On a parfois, par exemple, volontairement assimilé le périmètre de l'intercommunalité à celui du canton.
Or, les déplacements de la population et divers moyens de transport ont souvent modifié les bassins de vie qui ne sont plus centrés sur la commune chef-lieu mais autour d'une autre commune.
D'autres intercommunalités du département ont été constituées par défaut.
N'ayant pas participé au départ à la création de l'EPCI à fiscalité propre, elles se sont retrouvées isolées et ont créé des petites structures ne regroupant bien souvent que 4 ou 5 communes. Comment voulez-vous qu'avec cette taille si modeste, ces intercommunalités deviennent un outil performant de développement local ?
Alors, que faire ? Il faut, certes, rendre la carte intercommunale plus cohérente et définir plus clairement les compétences des intercommunalités. Mais il faut surtout faire en sorte que l'intercommunalité devienne le moteur de la réorganisation des services publics en milieu rural.
Les compétences très générales d'aménagement ou de développement des territoires ne coïncident pas assez avec les attentes quotidiennes de vos communes, dont les préoccupations relèvent plus simplement de la gestion, comme celle de l'école ou de la voirie.
L'école et la voirie, voici deux compétences qui relèvent pleinement des préoccupations quotidiennes de vos administrés, qui constituent des charges essentielles pour vos communes et qui pourraient, pourquoi pas, relever des compétences obligatoires de l'intercommunalité. Il pourrait s'agir aussi de la rénovation du cur des villages ou de l'aménagement des Points Poste.
N'hésitez donc pas à vous lancer dans de nouvelles aventures dans le cadre intercommunal !
Je pense, par exemple, aux maisons de services publics ou aux maisons de l'emploi que vous pourriez créer et qui seraient susceptibles de bénéficier de tout l'apport des nouvelles technologies (visio-conférence, télé-service, écrivain public numérique, borne multi-média).
Vous l'avez compris, ici plus qu'ailleurs, l'intercommunalité a un rôle majeur à jouer. Pour vos communes, l'intercommunalité peut devenir un outil majeur d'aménagement du territoire et un échelon essentiel pour de nombreuses compétences qui concernent la vie de tous les jours.
2) Il faut aussi faire jouer les synergies et faire participer des personnes privées
Prenons l'exemple de la gare de Chignat, à Vertaizon. Là où l'agence postale devait fermer, la SNCF fait vendre dans la gare par ses agents des carnets de timbres, des enveloppes ou des colis prépayés. Je sais aussi que dans le secteur de Thiers, on installera bientôt un bureau de poste dans les locaux de la trésorerie.
Nous devons favoriser avant tout la polyvalence, seule manière de fournir un service de qualité à proximité.
Pourquoi ne pas proposer en un même lieu - les mairies, par exemple - formalités administratives et prestations commerciales de services publics et constituer ainsi des guichets uniques de la république ?
Nous testerons très bientôt cette possibilité en Auvergne qui permettra à la fois de déposer en mairie les demandes de cartes grises, de passeports mais aussi de réserver les billets de train et de souscrire à un contrat EDF
Ces guichets uniques doivent être aussi l'occasion de généraliser l'accès à Internet dans nos territoires. Qui plus qu'Internet peut sauver aujourd'hui la ruralité ?
Dans les zones retirées plus que partout ailleurs, l'installation du haut-débit et les guichets informatisés peuvent devenir les outils majeurs de couverture du territoire et d'information des usagers. Les nouvelles technologies peuvent bel et bien sauver la ruralité de l'oubli.
Des institutions comme la Poste jouent un rôle majeur dans cette refonte des services publics. Un rôle majeur tant il est, avant tout, courageux. Je vous l'ai dit, avec 252 points de contact dans le département, la Poste a signé un protocole d'accord le 17 janvier dernier s'engageant à maintenir ce même nombre dans le Puy-de-Dôme.
Un rôle majeur, surtout, parce qu'il est l'occasion de pointer l'audace dont nous devons aujourd'hui faire preuve. L'exemple des Relais-Poste, dans des épiceries ou brasseries, démontre qu'on ne peut plus opposer service public et personnes privées. Le recours à des personnes privées pour assurer un service au public comme celui de la Poste me semble une solution d'avenir prometteuse dans des zones rurales comme la nôtre. L'aide de 20 millions d'euros voulue par Nicolas Sarkozy contribuera à encourager ce type d'initiatives.
Je vais vous dire une chose : ces partenariats sont souvent une bonne nouvelle pour l'usager en termes d'horaires d'ouverture. Prenons mon cas personnel. Chez moi, à Saint-Saturnin, je ne pouvais jamais me rendre à la Poste - lorsque celle-ci existait encore - tant les heures d'ouverture ne convenaient pas aux actifs comme moi. Seules les femmes aux foyers et les personnes âgées pouvaient s'y rendre ! Maintenant que la Poste a choisi de s'installer dans un multiple rural, je peux bien plus qu'avant aller y acheter mes timbres. Du fait de ce partenariat, les horaires de ma Poste ont pu s'aligner sur ceux d'un commerce classique.
3) Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la concertation nationale sur les services publics en milieu rural
J'ai assisté, la semaine dernière, à l'installation par le Préfet de cette concertation voulue par le Ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy dans le département. Il s'agit, département par département, de débattre des besoins de services publics pour nos concitoyens pour pouvoir prendre les mesures nécessaires.
Le Ministre d'Etat a même exigé une suspension des suppressions de services publics et ce, afin de prévenir toute réorganisation "sauvage" le temps des discussions.
Une première photographie devrait être prête pour la mi-octobre. Vous avez un vrai rôle à jouer dans ce débat en faisant remonter au préfet vos analyses mais aussi et surtout les besoins effectifs de votre population dans votre commune. Je compte sur vous pour participer activement à ce débat.
Un questionnaire sur l'accès aux services dans votre commune vous a été adressé ainsi qu'à divers représentants de la société civile. Il s'agit d'un document court et auquel il est facile de répondre. Certains d'entre vous y ont déjà répondu et je les en remercie.
Pour ceux qui ne l'ont pas encore fait, la date de dépôt est passée (mercredi 5 octobre) mais s'il vous plait, faites-le au plus vite, vos réponses seront prises en compte. Vos remarques sont précieuses : elles nous permettront d'évaluer les besoins de services et d'agir en fonction.
IV. Enfin, je souhaite vous dire quelques mots sur le statut de l'élu
Concernant la révision du statut de l'élu que vous prônez, mon cher Marcel, je ne me suis pas fait de "religion" définitive. Faut-il rouvrir ce chantier aujourd'hui ? Je pose la question.
Vous m'avez écrit une lettre ouverte. Je l'ai lue avec attention. Je partage même une grande partie de son diagnostic. Est-il normal, en effet, qu'un maire qui se consacre avec énergie et compétences à sa commune ne perçoive que 620 euros d'indemnité par mois au seul motif que sa commune compte moins de 500 habitants ?
J'entends aussi vos craintes sur le cumul des mandats. Il y a, bien entendu, une limite dans le cumul qui ne doit pas être dépassée et au-delà de laquelle la lisibilité et la légitimité de l'action politique n'existeraient plus.
Je pense, cependant, qu'exercer un mandat national et un mandat local permet à la fois d'observer les besoins sur le terrain et de prendre les décisions générales que ces réalités imposent.
Faut-il réformer le statut de l'élu local ? Je crois qu'il faut y réfléchir à deux fois. Et ce, d'autant que des aménagements substantiels sont intervenus il y a peu, avec l'adoption de la loi du 27 février 2002 renforçant vos garanties pour conjuguer exercice du mandat et activité professionnelle et pour bénéficier d'une formation solide.
En matière de formation justement, vous savez qu'une dotation particulière existe depuis 1992 pour faciliter l'exercice du droit à la formation des élus dans les communes de moins de 1.000 habitants. C'est la dotation "élu local" qui s'élève actuellement à 2.479 euros par commune.
En Auvergne, 239 communes en ont bénéficié en 2005, ce qui est une bonne chose même si j'ai conscience que la substitution de potentiel financier au potentiel fiscal a "mécaniquement" écarté plusieurs communes de ce dispositif de soutien.
Pour ces communes, je vous annonce la mise en place en 2006 d'un système de sortie dégressive correspondant à la moitié du montant initial de cette dotation et à un tiers l'année suivante. Ce n'est pas spectaculaire mais cela illustre la volonté du Gouvernement et du Comité des Finances Locales d'atténuer l'introduction du potentiel financier en matière de formation des élus.
Il y a sûrement de nouvelles initiatives à prendre dans ce domaine. Je serai attentif à vos propositions car je reste convaincu qu'un élu bien formé est un élu armé pour faire face à la complexité croissante des réglementations qu'il doit mettre en oeuvre pour le compte de sa commune ou pour le compte de l'Etat.
Voici les messages que je souhaitais vous délivrer ce matin. Soyez-en convaincus : je ne serai pas le ministre des collectivités qui sacrifiera la ruralité sur l'autel de la fatalité. Notre responsabilité est trop grande pour faire preuve de démagogie, de conservatisme et, encore moins, d'immobilisme.
Je terminerai en réagissant à un article de la revue 36.000 communes de cet été, qui raillait ceux qui, parmi les hommes politiques, souhaitaient "surfer" sur la vague de la ruralité considérée comme "tendance".
Je ne sais pas si c'est "tendance" ou pas d'être Ministre délégué aux collectivités territoriales ni de se déplacer, comme je le fais, chaque semaine, en Auvergne. A vrai dire, peu m'importe. Je n'aspire pas à être dans le vent mais bien sur terre et, plus précisément, sur le terrain. Mon seul souci est celui de l'intérêt général et je vais vous dire, je suis à peu près certain que lui ne se démodera pas tant il reste à faire.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 11 octobre 2005)