Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur l'évolution du régime juridique des sociétés d'économie mixte locales (SEML) au regard de la directive européenne sur les services d'intérêt économiques généraux (SIEG), Paris le 22 mai 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Remise des certificats aux participants de l'Ecole de Management des Dirigeants de SEM (sociétés d'économie mixte), à Paris le 22 mai 2006

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je veux d'abord saluer votre Président, Jean-Pierre SCHOSTECK, et le
remercier de son invitation. Je voudrais saluer également tous les
adhérents de votre fédération qui sont présents aujourd'hui, ainsi que
les participants de l'Ecole de Management des Dirigeants de SEM.
Vous l'avez dit vous-même, Monsieur le président, cette école est une
vraie réussite et je suis très heureux de participer à cette remise de
certificats qui marque la fin d'un cycle de formation riche et varié.
Si j'ai tenu à être parmi vous aujourd'hui, c'est aussi clairement pour
vous affirmer mon soutien. Elu local depuis 1992, je suis de ceux qui
connaissent le bien-fondé de votre action, et le rôle fondamental que
vous jouez au quotidien pour les collectivités locales.
Vous avez, en effet, une fonction irremplaçable : celle de dynamiser
nos territoires, tout en modernisant la gestion publique.
Je sais qu'en ce moment, votre secteur se développe, qu'il est même en
pleine évolution. Cette bonne santé, elle se lit à travers quelques
chiffres :
- 1158 SEM 
- 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires 
- 67000 emplois
- et surtout des perspectives de développement dans des domaines d'
intervention de plus en plus variés.
Alors, ce dynamisme de l'économie mixte, je souhaite dans toute la
mesure du possible le préserver et l'accompagner.
I - Ma première idée est toute simple : ce qui est bon pour les
collectivités territoriales est évidemment bon pour l'économie mixte.
Et de ce point de vue, je veux vous rappeler trois axes d'effort
récents dont vous allez directement bénéficier.
- d'abord les ressources fiscales et les dotations de l'Etat aux
collectivités locales en 2006. Le budget 2006 des collectivités locales
est un bon budget. Dans un contexte de maîtrise générale des dépenses
publiques, permettez-moi de vous dire que les collectivités locales s'
en sortent bien ! Celles qui sont actionnaires de vos SEM ont donc des
marges de manoeuvre solides. Elles devraient contribuer à la bonne santé
du secteur public local en France.
- Ensuite, vous continuez à profiter de l'effet de levier du plan de
cohésion sociale (plan Borloo). Ce plan, c'est plus de 12 milliards sur
cinq ans. Et cela a un effet direct sur la commande publique, notamment
en matière immobilière, avec 62 000 logements sociaux d'ores et déjà
mis en chantier. Et cela, vous en êtes souvent les premiers
bénéficiaires et les maîtres d'oeuvre.
- Enfin, l'achèvement dans de bonnes conditions du transfert de
plusieurs compétences aux collectivités territoriales offrent de
nouvelles perspectives aux SEM :
Depuis ma prise de fonctions en juin 2005, j'ai en effet fait le pari
que ces transferts de compétences pouvaient être un gage d'efficacité
publique en permettant aux collectivités locales de participer
davantage à l'expansion économique de la France.
Un seul exemple, mais de poids : celui des transports. Avec la loi de
décentralisation, les collectivités locales peuvent créer, aménager et
entretenir des aérodromes et des ports d'intérêt national, qui
dépendaient jusque-là de l'Etat. Il est évident qu'il s'agira d'un
élément de création d'activités et de richesses formidable. Les
Sociétés d'économie mixtes locales (SEML) vont pouvoir investir très
vite ce nouveau domaine d'intervention et leur rôle sera absolument
capital. Je ne doute pas, Monsieur le Président, que votre fédération
se soit déjà penchée sur les meilleures formules à mettre en place à ce
sujet et je serais à votre écoute si des obstacles survenaient.
Vous aviez notamment formulé le souhait de vous pouvoir investir dans
de nouveaux secteurs. Et je crois que, de ce point de vue, vos
attentes ont été largement entendues par le Gouvernement et par le
Parlement. Sur toute une série de sujets, qui touchent notamment à l'
innovation, aux nouvelles technologies, des perspectives d'intervention
tout à fait nouvelles et stimulantes s'offrent à vous.
Là encore, je ne prendrai que quelques exemples :
* la loi sur la confiance dans l'économie numérique. Vous le savez,
elle donne aux collectivités territoriales des fonctions d'opérateurs
de télécommunications.
La mise en oeuvre de ces réseaux et leur exploitation peuvent faire l'
objet d'une gestion déléguée. Et ce que je crois, c'est que face à l'
insuffisance de l'initiative privée, les SEM offrent aux collectivités
les garanties de sérieux nécessaires pour développer et exploiter des
réseaux haut débit. L'exemple de la SEMITA qui a permis de désenclaver
le village de CILAOS à la Réunion est, de ce point de vue, très
parlant.
* Dans le même ordre d'idées, un autre champ d'intervention s'offre à
vous : celui de la gestion de télévisions locales. Je sais que votre
fédération s'est positionnée sur ce créneau. Là encore, vous avez été
entendu et des projets se sont concrétisés dans l'Est Lyonnais mais
aussi à Perpignan et à Rennes.
* Enfin, le secteur sanitaire. Votre capacité d'intervention aux côtés
des établissements publics de santé et des collectivités locales est
prévue depuis 2003. Et comme vous l'aviez souhaité, cette capacité a
été élargie au secteur privé hospitalier par la loi du 9 août 2004.
Tout le monde est en train d'y gagner :
- les établissements publics de santé, qui profitent de l'expérience
importante des SEM en matière de construction, d'aménagement et de
maintenance d'équipements publics
- les élus, qui peuvent faire valoir leur point de vue à travers le
conseil d'administration des SEM
- les SEM elles-mêmes bien sûr, qui trouvent là un nouveau débouché et
d'éventuels nouveaux actionnaires.
Toutes ces pistes, je crois, correspondent à vos attentes. Elles sont
en tout cas la preuve de notre volonté de travailler avec vous, d'
encourager votre dynamisme. Tous ces nouveaux secteurs, vous le savez,
sont extrêmement porteurs pour l'avenir et nous avons pleinement
confiance dans votre capacité à relever ces défis, notamment en ayant
recours à des formules innovantes de type P.P.P. (Partenariat Public
Privé).
II. L'évolution juridique des SEML
Nous venons de le voir, votre activité évolue. Et dans ce contexte,
votre fédération a plusieurs fois appelé l'attention des pouvoirs
publics sur le régime juridique des SEML.
Vous l'avez vous-même souvent évoqué, Monsieur le Président : un nombre
croissant d'élus souhaite un assouplissement des règles de composition
du capital des SEML.
Vous avez sur cette question de vrais arguments. J'ai d'ailleurs
entendu certaines de vos propositions puisqu'ensemble, entre le mois de
juin 2005 et aujourd'hui nous avons fait émerger le concept juridique
de Société Publique locale d'aménagement.
La traduction juridique de ce nouveau type de société dont le capital
est détenu à 100 % par les collectivités tout en bénéficiant des
souplesses de fonctionnement d'une SEM est effective puisqu'un chapitre
sur ce sujet a été ajouté au projet de loi "Engagement National pour le
logement".
Ce projet de loi devrait connaître son épilogue à l'Assemblée Nationale
les 30 et 31 mai prochains et je pense que les articles relatifs aux
futures "SPL" ne devraient plus bouger.
In fine, les collectivités locales françaises devraient donc disposer
d'un outil supplémentaire pour mener des projets "in-house" selon la
terminologie de Bruxelles c'est à dire sans déroger aux règles
communautaires et je crois que c'est une bonne chose.
A l'inverse, je crois qu'un débat se développe aussi pour ouvrir plus
significativement le capital des SEM aux investisseurs privés, tout en
garantissant une minorité de blocage aux collectivités locales. Je vois
bien qu'à travers cette demande, il s'agit de rapprocher le régime des
SEM françaises de celui des entreprises publiques locales de l'Union
Européenne.
Mais je veux vous répondre très clairement sur ce point : je crois que,
pour le moment, tous les esprits ne sont pas prêts à élargir la
participation des opérateurs privés de 15 à 66 % du capital des SEM.
Prenons le temps d'y réfléchir ensemble.
La nature même de l'activité des SEM tient à une forme revendiquée de
l'action publique. L'objectif normalement poursuivi par une
collectivité, lorsqu'elle initie une SEML, c'est d'assurer une activité
d'intérêt général qui n'intéresse pas ou peu le secteur marchand.
De ce point de vus, ne plus détenir la majorité du capital pourrait
entraîner la collectivité, ramenée au simple statut d'actionnaire
minoritaire, à cautionner ou à endosser des choix économiques qui ne
seraient pas forcément les siens. Est-ce cela que nous voulons ?
Pour résumer les choses, je crois qu'il existe bel et bien des
obstacles de principe à cette évolution, au moins à court terme.
Mais il y a dans votre actualité juridique, Monsieur le Président, une
autre problématique à laquelle je voudrais apporter un début de réponse
positif. Il s'agit de pouvoir offrir la possibilité aux élus locaux
d'opérer autour d'une SEM le regroupement des opérateurs qui font la
politique locale de l'habitat. Or, dans la réalité, ce rapprochement
entre bailleurs sociaux se heurte au statut de fonctionnaire des
personnels travaillant pour le compte d'un établissement public d'HLM
ce qui empêche souvent le regroupement entre l'office HLM et la SEM
alors que la logique et l'efficacité commandent un tel rapprochement.
Sur ce point, je vais donc me rapprocher du ministre de l'Emploi, de la
Cohésion Sociale et du logement pour lui indiquer que rien ne s'oppose
à ce que désormais, les fonctionnaires de l'office HLM dissous qui
n'opteraient pas pour un statut de salarié au sein de la SEM, puissent
être prise en charge par le Centre National de la fonction publique
territoriale à condition, bien sûr, que le coût de cette prise en
charge soit assuré par la SEM qui acquiert les logements.
Je pense que ce point là peut, lui aussi, être réglé définitivement les
30 et 31 mai prochains.
Voilà sur le fonds ce que je tenais à vous dire aujourd'hui.
Je n'irai pas beaucoup plus loin car je souhaite approfondir avec vous
ces réflexions avant votre congrès annuel qui se tiendra, je crois, à
Strasbourg en octobre prochain.
En guise de conclusion, je voudrais renouveler mes félicitations aux
22 participants de la promotion 2006 de l'EMDS. Vous avez choisi comme
nom de promotion Daniel Pavageau avec l'intention de rendre hommage à
ce dirigeant de SEM de la Réunion qui a consacré l'essentiel de sa vie
professionnelle à l'économie mixte avant d'être fauché dans la force de
l'âge par la maladie. Je pense que c'est un très bon choix.
Sachez que je suis très honoré de parrainer votre promotion et de
m'inscrire dans une lignée de haute tenue (PDT PONCELET, M. HOEFFEL,
ancien ministre, M. BERTRAND...).
Je suis convaincu que la formation de très grande qualité qui vous a
été dispensée sur le campus de Jouy en Jossas (HEC) va vous donner à la
fois les compétences mais surtout le désir d'innover, de transformer et
de toujours faire mieux au service de nos concitoyens.
Je compte donc sur vous pour insuffler de l'initiative et pour prendre
toutes vos responsabilités de cadres dirigeants.
Je vous remercie pour votre attention.
III. L'avenir des SEM se joue à Bruxelles
Je voudrais finir en évoquant la réglementation européenne, car elle a
été au coeur de vos réflexions durant ce Congrès. Et à très juste titre
d'ailleurs.
Sachez d'abord que j'ai, comme vous, pleinement conscience de cet enjeu
européen. Et je crois, de ce point de vue, que nous avons des atouts
importants pour convaincre Bruxelles du bien fondé des SEM à la
française.
Je voudrais simplement évoquer à ce propos ma récente expérience de
négociateur à Bruxelles. Mon but, c'était d'obtenir l'autorisation de
régionaliser la TIPP. Ce n'était pas simple, la Commission européenne
se montrait très réservée. Je suis donc parti à Bruxelles rencontrer le
commissaire européen Frits Bolkenstein.
Et je peux vous dire une chose : à Bruxelles, on est tout à fait
sensible à notre décentralisation. Pourquoi ?
- parce que c'est un moyen de moderniser l'action publique
- parce que c'est plus d'efficacité publique
- parce que c'est bon pour la croissance et l'économie.
Voilà les arguments qu'ils veulent entendre. Voilà ceux que j'ai fait
valoir.
Moi je crois que c'est exactement le même langage qu'il faut tenir sur
les SEM.
Vous savez, je partage parfaitement votre volonté de clarifier les
choses à l'échelle européenne, en donnant un cadre juridique commun aux
entreprises publiques locales qui gèrent des SIEG (Services d'intérêt
économique généraux).
Mais, vous le savez comme moi, la discussion entre Etats membres s'
annonce longue. Nous avons devant nous un vrai défi : répondre au mieux
à la Commission européenne, en montrant qu'on peut concilier mission de
service public et respect des règles de concurrence.
C'est la raison pour laquelle je veux, pour conclure, vous adresser un
message de très forte mobilisation. Il y a des moments dans la vie qu'
il ne faut pas laisser passer. Je crois que pour vous, il y aujourd'hui
un rendez-vous à ne pas manquer. Quand un Gouvernement s'engage pour la
croissance, s'engage pour la décentralisation et l'initiative locale,
il a besoin des autres. Je suis de ceux qui considèrent qu'un
Gouvernement ne peut pas être le seul acteur. Il peut impulser,
initier. Mais il appartient ensuite à chacun, sur le terrain, d'assumer
ses responsabilités.
Voilà pourquoi j'ai voulu être ici avec vous, autour de trois mots-clés
qui définissent notre action commune :
- le sens des responsabilités
- le sens de l'intérêt général
- la fidélité aux valeurs de la République.Source http://www.fedsem.fr, le 23 août 2006