Nul de nous n'est assez philosophe pour savoir se mettre à la place d'un enfant (Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, 1762).
1791-1911 : la question du discernement
1791
Le code pénal du 6 octobre 1791 fixe à 16 ans la minorité pénale et établit la notion de discernement sans la définir précisément. Il offre également la possibilité au juge de prononcer des mesures éducatives ou des peines atténuées.
1810
Le code pénal de l'empire français de 1810 fixe à 16 ans l’âge de la majorité pénale en matière criminelle et correctionnelle. La responsabilité pénale du mineur est subordonnée à la question du discernement (s'il est établi, condamnation aux peines prévues par la loi, sous réserve d’une excuse légale atténuante). Il n'y a toujours pas de définition claire du discernement.
1814
Création par les ordonnances du 18 avril et du 29 septembre 1814 d'établissements spécifiques pour mineurs, les prisons d'amendement.
Années 1820-1830
Création de quartiers pour mineurs dans les prisons.
1836
Ouverture de la Petite Roquette, première prison cellulaire réservée aux mineurs.
1839
Création de la colonie agricole pénitentiaire de Mettray, dont la devise est : "Améliorer la terre par l'homme et l'homme par la terre". Elle sera le modèle des maisons de correction. Dans Surveiller et punir (1975), ouvrage sur la naissance de la prison, le philosophe Michel Foucault fixe la date où s'achève la formation du système carcéral à l'ouverture officielle de Mettray (22 janvier 1840) : "Pourquoi Mettray ? Parce que c'est la forme disciplinaire à l'état le plus intense, le modèle où se concentrent toutes les technologies coercitives du comportement." L'écrivain Jean Genet évoque dans le roman Miracle de la rose (1946) sa détention à Mettray, à 16 ans.
1850
Les lois des 5 et 12 août 1850 sur l'éducation et le patronage des jeunes détenus consacrent trois types d'établissements :
- les établissements pénitentiaires (destinés aux mineurs enfermés sur demande du père en vertu de l'article 376 du code civil de 1804) ;
- les colonies pénitentiaires (destinées aux mineurs acquittés pour manque de discernement ou aux jeunes condamnés à une peine d'emprisonnement comprise entre six mois et deux ans) ;
- les colonies correctionnelles (destinées aux jeunes condamnés à plus de deux ans d'emprisonnement et aux "insoumis" ou "rebelles" des colonies pénitentiaires).
Ces établissements sont dénoncés comme des "bagnes d'enfants", la répression y règne.
1906
La loi du 12 avril 1906 porte l'âge de la majorité pénale à 18 ans.
1912-1944 : des juridictions réservées aux mineurs
1912
La loi du 22 juillet 1912 instaure les tribunaux pour enfants et met en place quatre dispositions importantes :
- les mineurs de moins de 13 ans qui ne sont plus déférés devant le juge pénal mais en chambre du conseil bénéficient de l'irresponsabilité pénale ;
- les mineurs entre 13 et 18 ans sont jugés après instruction par une chambre spéciale du tribunal de première instance ;
- le juge peut procéder à une enquête sociale portant sur les conditions de vie familiale du mineur ;
- les sanctions peuvent être assorties de la liberté surveillée jusqu'à 21 ans.
1921
La loi du 24 mars 1921 institue un délit de vagabondage des mineurs :
- ceux de plus de 18 ans sont passibles d'emprisonnement (trois à six mois) ;
- ceux âgés de 13 à 16 ans peuvent être remis à :
- leurs parents ;
- une institution ;
- un particulier ;
- une école de réforme ou de préservation ;
- une colonie pénitentiaire ou correctionnelle.
Campagnes médiatiques et poésie contre les "bagnes d'enfants"
1924
Après une enquête pour le Quotidien de Paris sur les colonies pénitentiaires, le journaliste Louis Roubaud conclut : "Ces écoles professionnelles sont tout simplement l’école du bagne."
1927
Henri Rollet, l'un des premiers juges des enfants et créateur des premiers comités de défense des enfants traduits en justice, exprime le malaise qui touche les secteurs public et privé de la rééducation.
Avec le décret du 31 décembre 1927, les colonies correctionnelles et pénitentiaires sont rebaptisées "maisons d'éducation surveillée". Les colons deviennent des pupilles ; les surveillants, des moniteurs. Dans les faits, rien ne change.
1930
La journaliste Jacqueline Albert-Lambert, dans L’Intransigeant, tente d'alerter l'opinion publique sur les conditions de vie à la colonie de Mettray.
1934
Révolte des enfants de la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer. Le journaliste Alexis Danan et le poète Jacques Prévert dénoncent la répression et la "chasse à l'enfant" qui s'ensuivent et contribueront à la fermeture des "bagnes d'enfants".
1935
Un décret-loi du 30 octobre 1935 dépénalise le vagabondage des enfants en abrogeant la loi du 24 mars 1921.
La même année, un décret-loi substitue le placement en maison d'éducation surveillée ou en institution à la correction paternelle.
1942
La loi du 27 juillet 1942 relative à l'enfance et à l'adolescence délinquantes favorise le principe d'éducabilité au détriment des mesures de répression. Les dispositions de ce texte ne seront pour l'essentiel jamais mises en œuvre. Le gouvernement provisoire prépare le texte qui remplacera cette loi : l'ordonnance du 2 février 1945.
1943
Le nombre de jeunes délinquants passe de 12 000 en 1939 à 34 000 en 1943.
1945-1980 : une nouvelle justice pénale des mineurs
1945
"Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance, et, parmi eux, ceux qui concernent l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. La guerre et les bouleversements d'ordre matériel et moral qu'elle a provoqués ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque présente."
L'ordonnance du 2 février 1945 pose les grands principes modernes de la justice pénale des mineurs. Protéger et éduquer le mineur deviennent les priorités. Le texte crée une juridiction pénale spécifique aux mineurs et la fonction de juge spécialisé des enfants. La notion de discernement disparaît du droit pénal des mineurs. Ils bénéficient désormais d'une présomption d'irresponsabilité.
L'ordonnance du 1er septembre 1945 crée la direction de l'éducation surveillée, autonome de l'administration pénitentiaire.
1946
L'écrivain Jean Genet publie Miracle de la rose.
1951
La loi n° 51-687 du 24 mai 1951 institue la cour d’assises des mineurs pour les jeunes criminels de plus de 16 ans et permet d’adjoindre une mesure de liberté surveillée à une peine.
1952
Création du Centre de formation et d’études de l’éducation surveillée, afin de former des éducateurs.
1956
Arrêt "Laboube" de la chambre criminelle de la Cour de cassation sur le discernement du mineur. À défaut de discernement, le mineur est irresponsable pénalement et ne peut faire l’objet de sanctions.
1958
L'ordonnance n° 58-1300 du 23 décembre 1958 étend les pouvoirs du juge des enfants aux mineurs en danger et regroupe sous la notion d’assistance éducative des dispositions du code civil. Les juges peuvent donc intervenir au civil.
L'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifie le code de procédure pénale et met en place les premières peines en milieu ouvert (sursis avec mise à l'épreuve).
1959
Le cinéaste François Truffaut réalise Les Quatre Cents Coups. Après l'école buissonnière, une fugue puis un vol, le parcours du jeune Antoine Doinel aboutit dans un centre pour délinquants.
1963
L'école d'État d'éducateurs de l'éducation surveillée est créée par arrêté. Située à Savigny-sur-Orge, elle est destinée à former entre 120 et 150 éducateurs chaque année.
1970
La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 substitue l'autorité parentale, désormais exercée par les deux parents, à la notion de chef de famille.
La loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 crée le contrôle judiciaire. Elle interdit la détention provisoire même si le juge d'instruction peut la décider en matière criminelle, pour les mineurs de 13 ans. Au-delà de 13 ans, la détention provisoire est possible si elle paraît indispensable. La détention provisoire pour les enfants âgés de 13 à 16 ans en matière correctionnelle est restreinte à dix jours maximum.
1971
L'École nationale de formation des personnels de l’éducation surveillée (ENFPES) remplace le Centre de formation et d’études de l’éducation surveillée.
1974
La loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 porte la majorité civile de 21 ans à 18 ans.
1975
Selon une note d'orientation de la direction de l'éducation surveillée, "c'est aux structures de l’éducation surveillée de s’adapter aux besoins différents des mineurs".
Le philosophe Michel Foucault publie Surveiller et punir.
1977
Le comité d’études sur la violence, la criminalité et la délinquance, présidé par Alain Peyrefitte, rend ses conclusions dans un rapport intitulé "Réponses à la violence".
1981-1993 : entre protection, assistance, surveillance et éducation
1981
La loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 abolit la peine de mort en France.
1983
Remise au Premier ministre, Pierre Mauroy, le 1er février 1983 du rapport intitulé "Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité", élaboré par la commission des maires sur la sécurité.
Le décret n° 83-459 du 8 juin 1983 crée le Conseil national de prévention de la délinquance (CNPD).
La loi n° 83-466 du 10 juin 1983 met en place le travail d'intérêt général (TIG), qui sera appliqué ultérieurement aux mineurs.
1984
La loi n° 84-576 du 9 juillet 1984 met en place le débat contradictoire entre l'avocat et le parquet avant l'incarcération, qui recevra ultérieurement application aux mineurs.
1985
La loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 permet au parquet, au juge des enfants ou au juge d'instruction d'exiger du service de l'éducation surveillée un rapport écrit et une proposition éducative. Ce service est obligatoirement consulté avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire d'un mineur.
1987
En matière correctionnelle, la loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 supprime le recours à la détention provisoire pour les mineurs de moins de 16 ans (entrée en vigueur le 1er mars 1989).
1989
La loi n° 89-461 du 6 juillet 1989 limite la détention provisoire pour les mineurs et supprime la possibilité de les placer en maison d'arrêt.
1990
Par décret du 21 février 1990, la direction de l'éducation surveillée devient la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ).
La France ratifie la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) du 20 novembre 1989. L'article 40 prévoit que chaque État partie doit "établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale."Il faudra attendre le code de la justice pénale des mineurs de 2021 pour que ces dispositions soient appliquées par la France.
1992
La loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 crée l'article 122-8 dans le nouveau code pénal, qui renvoie à l'ordonnance de 1945 : "Les mineurs reconnus coupables d'infractions pénales font l'objet de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dans des conditions fixées par une loi particulière." Le deuxième alinéa précise : "Cette loi détermine également les conditions dans lesquelles des peines peuvent être prononcées à l'encontre de mineurs âgés de plus de 13 ans."
La loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 crée un casier judiciaire aménagé. Les fiches concernant des mesures prononcées en application de l'ordonnance de 1945, des condamnations à des peines d'amende ou d'emprisonnement n'excédant pas deux mois sont retirées du casier judiciaire lorsque l'intéressé atteint l'âge de la majorité. Les fiches relatives à des condamnations pénales prononcées par les tribunaux pour enfants, assorties du bénéfice du sursis avec ou sans mise à l'épreuve ou assorties du bénéfice du sursis avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, sont retirées à l'expiration du délai d'épreuve.
Le dispositif de formation de la PJJ est regroupé sous l’appellation Centre national de formation et d’études de la protection judiciaire de la jeunesse (CNFEPJJ), à Vaucresson.
1993
La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 réglemente la mise en examen et la procédure d'audience. La réparation pénale est instituée, qui peut être prononcée par :
- le parquet ;
- le juge d'instruction ;
- le juge des enfants.
La loi crée un article 4-1 dans l'ordonnance de 1945, qui généralise la présence obligatoire de l’avocat à tous les stades de la procédure concernant des mineurs délinquants.
La loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifie le régime de la garde à vue.
1994-2000 : le durcissement de la justice pénale des mineurs
1994
La loi n° 94-89 du 1er février 1994 met en place la rétention judiciaire pour les moins de 13 ans.
La ville de New York, aux États-Unis, met en place la stratégie et le slogan de tolérance zéro, qui inspireront en France plusieurs lois et propositions.
1995
La loi n° 95-125 du 8 février 1995 crée la procédure de convocation par un officier de police judiciaire devant le juge des enfants pour mise en examen.
1996
Création des unités éducatives à encadrement renforcé, devenues les centres éducatifs renforcés (CER). Ces établissement sociaux permettent d'éviter l'incarcération et proposent des séjours de rupture.
Dans le cadre de la prévention de la violence en milieu scolaire, une circulaire interministérielle du 14 mai 1996 précise les modalités de la coopération entre :
- le ministère de l’éducation nationale ;
- le ministère de la justice ;
- le ministère de la défense ;
- le ministère de l’intérieur.
La loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 permet la comparution devant le juge des enfants sans qu'il y ait une instruction préalable.
1997
La loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 institue le placement sous surveillance électronique et permet son application aux mineurs.
1998
Une circulaire du 15 juillet 1998 sur la politique pénale en matière de délinquance juvénile met l’accent sur la nécessité d’une réponse systématique, rapide et lisible à chaque acte de délinquance.
La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 redéfinit les peines complémentaires ne pouvant être prononcées à l'encontre des mineurs.
2000
La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 confie au juge des libertés et de la détention le pouvoir de placer les mineurs en détention provisoire.
Depuis 2001 : quel avenir pour les principes de l'ordonnance de 1945 ?
2001
Le Conseil d’État valide un arrêté municipal du maire d'Orléans du 9 juillet 2001 qui instaure un couvre-feu pour les jeunes de moins de 13 ans non accompagnés dans trois quartiers de la ville, du 15 juin 2001 au 15 septembre 2001. Le 27 juillet, le Conseil d'État confirme une mesure similaire pour la ville d’Étampes.
Dans l'intervention télévisée du 14 juillet de Jacques Chirac, le président de la République évoque la délinquance des mineurs, les couvre-feux et l'insécurité. Ce dernier thème sera très présent dans la campagne pour l'élection présidentielle.
2002
La Commission d’enquête sur la délinquance des mineurs est créée en vertu d’une résolution adoptée par le Sénat le 12 février 2002. Elle remet en juin 2002 un rapport sur la délinquance des mineurs au président du Sénat, Christian Poncelet.
Une décision du 29 août 2002 du Conseil constitutionnel reconnaît explicitement que les principes et les règles qui encadrent le droit pénal, ainsi que la procédure, sont applicables aux mineurs.
La loi Perben I du 9 septembre 2002 crée les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). La majorité pénale est abaissée de 13 à 10 ans. La loi reformule le principe de la responsabilité du mineur en la fondant non plus sur l’âge mais sur les capacités de discernement. Les "sanctions éducatives" sont créées pour les mineurs de plus de 10 ans. Cette loi marque un durcissement de la réponse pénale à la délinquance des mineurs.
2003
Le 8 juillet 2003, la Cour des comptes rend un rapport sur la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle constate de graves défaillances dans l'organisation, le pilotage et la gestion de la PJJ et dans ses modes de prise en charge des mineurs.
2004
La loi Perben II du 9 mars 2004 instaure le stage de citoyenneté, nouvelle sanction pénale applicable aux mineurs de 13 à 18 ans ainsi qu’aux majeurs auteurs d’infractions. Cette sanction entre en vigueur le 1er octobre 2004. Le juge des enfants exerce désormais les fonctions dévolues au juge de l'application des peines par le code pénal et le code de procédure pénale, jusqu'à ce que la personne condamnée ait atteint l'âge de 21 ans.
2007
La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 est centrée sur la délinquance des mineurs. Le maire est l'animateur principal de cette politique.
Les mesures à la disposition des juges sont diversifiées (placement dans un établissement scolaire éloigné, exécution de travaux scolaires supplémentaires).
La procédure de composition pénale est instaurée dès 13 ans.
Il devient possible de juger un mineur récidiviste de plus de 16 ans dès la prochaine audience, sans attendre les dix jours qui suivent une garde à vue.
La loi élargit les exceptions à l'application de l'excuse de minorité pour les mineurs de 16 à 18 ans.
Le même jour est promulguée la loi n° 2007-293 réformant la protection de l'enfance. Les deux aspects de la justice des mineurs, délinquance et protection, sont ainsi traités.
Deux décrets (décret du 9 mai 2007 et décret du 11 mai 2007) modifient le code de procédure pénale en ce qui concerne le régime de détention et disciplinaire des mineurs détenus.
La loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 établit une peine minimale dès la première récidive pour les crimes et délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement (les peines-planchers). Le principe de l'atténuation de la peine pour les mineurs entre 16 et 18 ans est maintenu en cas de première récidive. En cas de deuxième récidive pour les délits avec violence ou agression sexuelle, il ne s'applique plus.
Un décret du 6 novembre 2007 détermine la structuration juridique des services de la PJJ.
2008
Le CNFEPJJ devient l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), inaugurée en octobre 2008 à Roubaix.
En octobre 2008, la commission "Varinard" remet son rapport sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945.
2009
La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 établit le droit à un traitement différencié pour les mineurs incarcérés. Elle garantit le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant. Elle prévoit l'obligation d'une activité éducative pour les mineurs détenus.
2011
La loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précise le statut, les missions et les pouvoirs du Défenseur des droits, institué par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Par une décision du 8 juillet 2011, le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), juge contraire à la Constitution la possibilité pour le juge des enfants de cumuler les fonctions d'instruction et de jugement.
La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 institue le tribunal correctionnel pour mineurs et le dossier unique de personnalité.
La loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 instaure un service citoyen dans un cadre militaire, qui pourra être proposé à des mineurs condamnés âgés de plus de 16 ans. La loi tient compte de la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet : désormais, le juge des enfants ne peut instruire et juger dans une même affaire.
2012
La loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 a entre autres buts d'améliorer la prise en charge des mineurs délinquants (délais, accueil).
2014
La loi n° 2014-896 du 15 août 2014, dite "loi Taubira", abroge les peines-planchers. L'excuse de minorité est pleinement rétablie par l'abrogation des dispositions des lois Dati qui l'avaient limitée en 2007. Elle introduit la justice restaurative.
En septembre 2014, une note d'orientation de la protection judiciaire de la jeunesse donne de nouvelles orientations et instaure un objectif de continuité dans la prise en charge éducative.
2015
La Cour des comptes remet un nouveau rapport sur la protection judiciaire de la jeunesse. Après les graves défaillances mises en évidence dans un rapport de 2003, la Cour des comptes souligne que la PJJ a connu un mouvement de réforme important et une réorganisation d'ampleur. Elle s'est recentrée sur les prises en charge pénales et a affirmé son rôle de coordination de la justice des mineurs.
2016
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 prévoit pour le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs qui prononcent une condamnation pénale la possibilité de l'assortir de mesures éducatives. Les tribunaux correctionnels pour mineurs sont supprimés.
2017
La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 double les délais en matière de prescription pénale pour les crimes et délits.
2018
Une décision du Conseil d'État annule un arrêté "couvre-feu" du maire de Béziers qui interdisait la circulation des mineurs de 13 ans non accompagnés d'une personne majeure de 23 heures à 6 heures.
2019
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prévoit une augmentation de 24% du budget du ministère de la justice pour la période 2017-2022. L'un des axes de cette loi est la diversification du mode de prise en charge des mineurs. La détention à domicile sous surveillance électronique devient applicable aux mineurs de plus de 13 ans.
Un projet de code de la justice pénale des mineurs est soumis au Parlement (entrée en vigueur prévue en 2021).
Dans le contexte de ce projet de réforme, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) publie le 9 juillet 2019 un avis sur la réforme de la justice des mineurs rappelant les principes qui doivent présider à toute réforme de la justice pénale des mineurs. La CNCDH s'étonne que le gouvernement procède par une ordonnance, "procédure qui ne permet pas de véritables débats parlementaires".
Une ordonnance du 11 septembre 2019, prise sur le fondement de la loi précitée du 23 mars 2019, crée la partie législative du code de la justice pénale des mineurs.
2020
Le 5 mars est lancée la Stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024. Elle met l'accent sur la prévention chez les plus jeunes (moins de 12 ans).
L'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, prise sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, apporte des modifications provisoires aux règles de procédure pénale.
La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 adapte la procédure pénale française au nouveau Parquet européen, installé fin septembre 2020.
2021
La loi n° 2021-218 du 26 février 2021 ratifie l'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs. La date d'entrée en application de la réforme est repoussée de six mois, au 30 septembre 2021.
Une décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2021 revient une nouvelle fois sur des dispositions relatives au juge des enfants et précise qu'"en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles à la manifestation de la vérité de présider une juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées méconnaissent le principe d’impartialité des juridictions".
Un décret du 27 mai 2021 institue la partie réglementaire (articles en R) du code de la justice pénale des mineurs.
Un autre décret du 27 mai 2021 institue la partie réglementaire (articles en D) du même code.
Un arrêté du 27 mai 2021 fixe la liste des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, des quartiers pour mineurs au sein des établissements pénitentiaires et des unités affectées à la prise en charge des mineures (annexe 1 du code de la justice pénale des mineurs).
Un autre arrêté du 27 mai 2021 détermine le ressort territorial des directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse (annexe 2 du code de la justice pénale des mineurs).
Le 30 septembre 2021 entre en vigueur le code de la justice pénale des mineurs.
Le 18 octobre s'ouvrent les États généraux de la justice, qui doivent dresser un état des lieux de la justice en France et recueillir des propositions pour améliorer son organisation et son fonctionnement.
2022
La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 limite l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental généré par la consommation de produits psychoactifs. Elle crée en outre un délit de violences volontaires contre les agents chargés de la sécurité intérieure et leur famille. Elle fixe un nouveau cadre juridique pour l'usage de la vidéo dans les locaux de garde à vue, des caméras embarquées et des drones par les forces de l'ordre. Elle facilite également le relevé des empreintes digitales.
Une circulaire du 28 mars 2022 précise deux dispositions de la loi du 24 janvier 2022 :
- la possibilité de procéder à des relevés signalétiques sous contrainte ;
- le maintien en détention d'un prévenu en dépit d'une erreur sur sa majorité ou sa minorité.
Le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti) déposent un recours devant le Conseil d'État contre cette circulaire et l'accompagnent de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Le Conseil d'État transmet les deux QPC au Conseil constitutionnel en novembre 2022.
Le 8 juillet, le comité des États généraux de la justice remet son rapport, intitulé "Rendre justice aux citoyens". Il pointe "l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve" après des "décennies de politiques publiques défaillantes".
2023
Le 5 janvier 2023, le gouvernement lance un plan d'action pour la justice à la suite de concertations avec les acteurs de l'institution judiciaire. Il prévoit notamment une hausse massive des moyens, une organisation du ministère plus proche du justiciable, des mesures novatrices en matière civile, une revalorisation des métiers de la justice, une politique pénitentiaire volontariste, ainsi que des mesures relatives à la PJJ. Il préconise de renforcer la justice des mineurs :
- en les accompagnant dans leur parcours d'insertion scolaire et professionnelle ;
- en généralisant le partenariat entre le ministère des armées et la PJJ ;
- en diversifiant les modes d'insertion par le sport ;
- en poursuivant la construction de centres éducatifs fermés (CEF).
Dans sa décision n° 2022-1034 du 10 février 2023, le Conseil constitutionnel :
- apporte des précisions sur la détention provisoire des mineurs. La juridiction de droit commun doit s'assurer que le placement ou le maintien en détention "n'excède pas la rigueur nécessaire". La détention doit se dérouler au sein d'un établissement pénitentiaire pour mineurs ou d'un quartier pour mineurs. Le jeune en détention provisoire doit comparaître devant une juridiction pour mineurs dans les 24 heures ou, à défaut, être libéré ;
- censure le relevé d'empreintes et la prise de photographie sous contrainte dans le cadre du régime de l'audition libre. Ces opérations ne sont autorisées qu'au cours de la garde à vue d'un majeur ou d'un mineur d'au moins 13 ans et en présence de l'avocat ou, pour le mineur, des représentants légaux ou de l'adulte approprié.
Le 9 octobre 2023, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse publie un rapport sur les effets de l'enfermement concernant les détenus mineurs. Selon le rapport, l'incarcération est une expérience douloureuse pour les mineurs, en raison des conditions matérielles d'existence au quotidien et du sentiment de dévalorisation dont ils font l'expérience. Les effets de l'incarcération sont toutefois fortement contrastés selon les mineurs, à la fois en fonction de leurs conditions d'incarcération, de leurs caractéristiques sociales, de leurs trajectoires antérieures ou encore de la durée de leur incarcération.
Le 13 octobre 2023 paraît le rapport d'évaluation sur la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs. Il en ressort que :
- les acteurs de la justice pénale des mineurs ont bénéficié d'un accompagnement soutenu, des postes supplémentaires ont été créés et le budget de la PJJ a augmenté de 22% depuis 2020. Le stock de procédures régies par l'ordonnance de 1945 a été globalement résorbé mais des dysfonctionnements des applications numériques compliquent la mise en œuvre de la réforme ;
- les parquets, les tribunaux pour enfants et les services de la PJJ ont été réorganisés et la charge de travail des professionnels s'est alourdie malgré les moyens alloués ;
- les objectifs de la réforme ont été majoritairement atteints. La procédure est simplifiée, les délais de jugement sont plus courts, le nombre de mineurs détenus a baissé, les modes de prise en charge des jeunes délinquants se sont diversifiés et les victimes sont mieux prises en considération ;
- la spécialisation du juge des enfants, du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention reste à parfaire. La présomption de non-discernement des moins de 13 ans et de discernement des mineurs de plus de 13 ans s'applique. Nombre de magistrats ont des difficultés à renverser la présomption, en raison de la pénurie d'experts psychologues et psychiatres.
La Cour des comptes publie le 16 octobre 2023 ses observations sur "les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs" qui révèle que :
- l'efficacité des CEF et des EPM n'est pas assez évaluée alors qu'ils mobilisent d'importants moyens ;
- les CEF "ne sont utilisés en moyenne qu'aux deux tiers de leur capacité d'accueil" et se heurtent à des "difficultés de fonctionnement liées à celles de recrutement des métiers des carrières sociales". La Cour appelle à suspendre le plan de création de nouveaux CEF, à évaluer l'existant et à analyser les besoins ;
- le projet spécifique des établissements pour mineurs doit être réaffirmé, et un rééquilibrage trouvé avec les quartiers pour mineurs.
La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice prévoit d'augmenter le budget de la justice de 21% d'ici 2027. Elle simplifie la procédure pénale. Elle est complétée par la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 qui modernise le statut de la magistrature.
2024
Le 30 janvier 2024, le Premier ministre, Gabriel Attal, annonce dans sa déclaration de politique générale :
- la création de travaux d'intérêt éducatif pour les délinquants de moins de 16 ans. Il résume l'esprit de cette nouvelle réponse pénale : "Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l'autorité, tu apprends à la respecter" ;
- la mise en place de travaux d'intérêt général pour les parents de jeunes délinquants "qui se sont totalement et volontairement soustraits à leurs obligations et responsabilités parentales", dans le cadre du futur projet de loi sur la justice des mineurs ;
- un accès facilité à des internats pour les jeunes "qui ne respectent pas nos règles et qui sont violents".
Lors du Conseil des ministres du 17 avril 2024, le président de la République demande au Premier ministre de lancer une concertation pour trouver des solutions au "surgissement de l'ultraviolence" chez les jeunes, après plusieurs événements tragiques impliquant des mineurs. Le 18 avril, Gabriel Attal annonce l'ouverture de huit semaines de concertations afin d'élaborer des mesures destinées à combattre les causes de la violence des mineurs, dont la parentalité défaillante, l'addiction aux écrans et "l'entrisme d'idéologies contraires à la République".
Le 24 mai, Gabriel Attal présente un bilan d'étape des concertations sur la violence des mineurs. Il a été décidé :
- de sanctionner plus lourdement les agressions commises en raison de la non-appartenance à une religion ou au non-respect de ses principes ;
- d'instaurer des mesures d'intérêt éducatif pour les jeunes de 13 à 16 ans. Une circulaire du 30 avril 2024 du ministère de la justice détaille leur mise en œuvre ;
- de punir plus sévèrement les comportements irrespectueux des jeunes à l'école ;
- de confirmer la composition pénale sans passage par le juge ;
- de sanctionner les deux parents de jeunes délinquants (amendes...) ;
- de mettre en place une comparution immédiate dès 16 ans dans les cas graves ;
- de permettre le placement en foyer de jeunes ayant commis un premier acte de délinquance.
Le Premier ministre déclare le 24 juin, au cours d'un entretien, son intention de revoir le principe de l'excuse de minorité : "Dans la réforme que je propose, il n'y aura plus d'excuse de minorité par principe, mais le juge pourra l'appliquer en la motivant."
2025
Comparution immédiate, atténuation de l'excuse de minorité, sanction des parents pour les dommages causés par leur enfant... Le 13 février 2025, la proposition de loi sur la justice des mineurs est adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale. Ce texte qui vise à "restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents" reprend un certain nombre des mesures annoncées au printemps 2024 par Gabriel Attal lorsqu'il était Premier ministre.