Compétence liée, pouvoir discrétionnaire ou d'appréciation, comment agit l'administration ?

Administration

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L’essentiel

La liberté d'action d'une autorité administrative dépend de l'étendue de son pouvoir. Selon la situation et la législation en vigueur, l'administration peut avoir une compétence liée (aucune liberté), un pouvoir d'appréciation (évaluation d'une situation) ou pouvoir discrétionnaire, donnant toute liberté de décision (sanction d'un fonctionnaire, par exemple).

Le juge administratif exerce un contrôle sur les actions de l'administration, qui varie notamment en fonction de la marge de manœuvre dont disposait l'autorité à l'origine de la décision examinée. 

En détail

La marge de manœuvre dont dispose l'administration dans sa prise de décision varie. Bien que la frontière ne soit dans les faits pas aussi stricte, on peut distinguer deux types de compétences : 

  • la compétence liée est un pouvoir que son détenteur (ici, l'administration) est obligé d'utiliser, qu'il le veuille ou non. On dit que la compétence est "liée" car elle est encadrée par d'autres textes qui déterminent l'action de l'administration. L'administration ne dispose ainsi d'aucun pouvoir d'appréciation de la situation : son rôle se limite à l'application des textes de loi. Par exemple, si une personne souhaite et peut bénéficier d'une aide (comme les aides au logement), l'administration doit faire en sorte qu'elle perçoive le montant auquel elle est éligible ; 
  • le pouvoir discrétionnaire dont dispose l'administration lui permet de décider elle-même d'agir (auquel cas elle dispose d'un choix décisionnaire) ou de ne pas agir. 

Il existe une gradation de marge de manœuvre entre la compétence liée et le pouvoir discrétionnaire. Dans de nombreux cas, lorsqu'elle doit appliquer un texte de loi, l’administration dispose d'un pouvoir d'appréciation des faits. En droit des étrangers, par exemple, l'administration prend en compte, pour certains titres de séjour, des éléments circonstanciels tels que l'intégration à la société française ou le sérieux des études suivies. 

Quel que soit le degré de marge de manœuvre dont elle dispose, l'autorité administrative reste toujours soumise au principe de légalité : elle doit agir en conformité avec la loi, ne disposant d'aucun pouvoir arbitraire.

Le juge administratif s'assure de la légalité des actes administratifs. Son contrôle s'est progressivement étendu, y compris dans des domaines soumis à un certain degré de discrétion, assurant la protection des droits des administrés. 

L'intensité du contrôle exercé par le juge administratif varie selon les décisions, et prend notamment en compte le degré de marge de manœuvre dont disposait l'administration : 

  • le contrôle est dit "restreint" lorsque le Conseil d’État se contente de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation juridique des faits. Son contrôle se limite donc à déterminer si l'administration a commis une erreur grossière, en adoptant une décision disproportionnée par rapport aux faits la fondant ;
  • on parle de contrôle "normal" lorsque le Conseil d’État, au-delà de l'erreur manifeste d'appréciation, apprécie juridiquement les faits ayant justifié la prise de décision. Par ce contrôle, le Conseil d’État peut censurer toute erreur de qualification des faits, ainsi que l'inadaptation de la décision aux faits. Ce contrôle est généralement exercé lorsque l'administration ne disposait pas d'un pouvoir discrétionnaire (ou d'un pouvoir moindre) ; 
  • un contrôle de proportionnalité peut être exercé dans certains domaines. Il est notamment utilisé à l'encontre des mesures de police, le juge administratif vérifiant qu'elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la défense de l'ordre public (décision Association pour la promotion de l'image, 2011). 

Si le juge administratif a progressivement étendu son contrôle de l'action de l'administration, il ne substitue jamais son appréciation à celle de l'administration : c'est pourquoi il s'interdit d'examiner l'opportunité de la décision. 

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