La gestion de fait est une situation de méconnaissance de la séparation des acteurs de la comptabilité publique, puisqu'une personne, qui n’a pas la qualité de comptable, se trouve en situation, volontaire ou non, frauduleuse ou non, de manipuler des deniers publics ou assimilés.
Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 23 mars 2022, la gestion de fait est désormais une infraction, sanctionnée par les juridictions financières, en vertu du nouvel article L131-15 du code des juridictions financières.
Comme pour les comptables patents, le débet est supprimé. La juridiction inflige désormais une amende individualisée, adaptée à la gravité des faits reprochés. La sanction du comptable de fait est fixée par un nouvel article L131-18 du code des juridictions financières et plafonnée à "six mois de sa rémunération annuelle" et peut se cumuler avec les amendes prévues au titre des autres infractions.
De la même façon que pour l'ensemble du nouveau régime de la responsabilité financière, la coloration répressive de la gestion de fait est notoirement plus marquée qu'auparavant. Il ne s'agit plus tant de rétablir le compte que de sanctionner une violation des règles comptables, et notamment du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables.
Avant le 1er janvier 2023, la gestion de fait est définie au XI de l'article 60 modifié de la loi du 23 février 1963, abrogé et n'est pas nécessairement un comportement répréhensible. La procédure de gestion de fait ne poursuit pas, en première intention, un objectif de répression, mais un objectif de protection des deniers publics – ce qui n’exclut évidemment pas la possibilité d’une amende, en sus de l’éventuel débet (supprimé de fait par l'ordonnance de 2022) infligé au comptable de fait – on appelle débet la somme restant due après l’arrêté d’un compte.
Le risque de comptabilité de fait ne concerne pas les seuls ordonnateurs, mais toute personne, fonctionnaire ou simple particulier, n’ayant pas la qualité de comptable patent – c’est-à-dire de comptable public professionnel. Toute personne est susceptible de se trouver exposée à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables si elle se substitue à eux.
Le dispositif de la gestion de fait est donc une technique permettant de s’assurer que les règles de la comptabilité publique ne seront pas contournées, en garantissant aux comptables l’exclusivité de la manutention des deniers publics, et en donnant un fondement juridique à la mise à charge des manques en caisse à ceux qui en seraient à l’origine – afin d’avoir une voie juridique pour assurer le retour dans la caisse des fonds publics qui en ont été irrégulièrement extraits.
Première mention de la gestion de fait
La gestion de fait apparaît avec l’arrêt de la Cour des comptes Ville de Roubaix du 23 août 1834. Il est tout à fait possible que cet arrêt n’ait pas été le premier à ouvrir la voie, mais il est le plus ancien parvenu jusqu'à nous, du fait de l’incendie des archives de la Cour des comptes en 1871 pendant la Commune de Paris (la Cour a alors son siège au palais d’Orsay – avant d’être hébergée au Palais-Royal, puis d’intégrer le Palais Cambon en 1912).