Un travailleur détaché est un salarié qui est envoyé dans un autre État membre de l'Union européenne (UE) que celui dont il est ressortissant, en vue d'y fournir un service à titre temporaire.
En l'absence de législation, les travailleurs détachés risquaient d'être régis par le droit du travail de leur État d'origine. Par exemple, une entreprise irlandaise ayant remporté un marché dans le secteur du bâtiment en Suède aurait pu y détacher ses travailleurs et les soumettre à ses propres conditions de travail. Les travailleurs détachés se distinguaient en cela des travailleurs dits "mobiles", qui bénéficient de la totalité des droits sociaux existant dans le pays où ils sont installés.
Les détachements étaient ainsi susceptibles de favoriser le dumping social, c'est-à-dire l'emploi de travailleurs étrangers à des conditions de travail et de rémunération moins favorables que celles applicables aux travailleurs locaux.
C'est pourquoi une directive a été adoptée le 16 décembre 1996 afin de fixer le statut des travailleurs détachés dans le cadre d'une prestation de services au sein de l'UE.
La directive de 1996 a défini un "noyau dur" de conditions minimales en matière d'emploi. Elle prévoyait que les travailleurs détachés bénéficiaient d’un socle de droits sociaux qui étaient en vigueur dans l’État membre dans lequel ils exerçaient l’activité détachée (salaire minimum, période maximale de travail et minimale de repos, congés payés, santé et sécurité...).
Pour les autres aspects, le droit du travail du pays d'origine continuait de s'appliquer. En matière de sécurité sociale, les travailleurs détachés restaient affiliés au régime de leur pays d'origine sous une certaine durée de détachement (généralement deux ans).
Cette directive comportait plusieurs limites :
- elle permettait à l'employeur qui détachait un salarié de continuer à payer les cotisations sociales de son pays d'origine ;
- elle n'empêchait pas les fraudes et les abus (par exemple : rotation des travailleurs détachés) ;
- elle n'évitait pas le dumping social, dans la mesure où les travailleurs détachés demeuraient souvent nettement moins bien payés que ceux du pays d'accueil (différences dans les niveaux de salaires, les cotisations à la sécurité sociale et l'impôt sur le revenu à verser).
Dès lors, notamment depuis l’élargissement de l'UE à l’Est qui a accru les écarts de salaires et de cotisations sociales par rapport à ceux qui existaient au sein des premiers États membres, des voix se sont fait entendre pour réformer cette directive.
Après deux années de négociations, une nouvelle directive a été adoptée le 21 juin 2018. Effective depuis le 30 juillet 2020, elle prévoit :
- une rémunération des travailleurs détachés égale à celle de leurs collègues de l’État d’accueil pour un travail égal ;
- la possibilité d'appliquer des conventions collectives du pays d’accueil aux travailleurs détachés ;
- une durée du travail détaché de 12 mois maximum.
Le secteur des transports routiers demeure exclu du champ de la directive, contrairement à ce que souhaitait le Parlement, alors même qu’il est un des plus soumis à la fraude. Ce secteur est difficilement contrôlable, étant donné le nombre de trajets effectués quotidiennement sur l’ensemble du territoire de l’UE. Une directive du 15 juillet 2020 établit des règles spécifiques pour le détachement de conducteurs professionnels dans le secteur du transport routier commercial et pour l’exécution efficace de ces règles.
L'Autorité européenne du travail (AET)
Parallèlement à la réforme de la directive de 1996, l'UE a créé en 2019 l'Autorité européenne du travail (AET), dont la mission est de garantir la bonne application des règles relatives à la mobilité des travailleurs et la coordination de la sécurité sociale. En 2023, l'AET a lancé le "Posting 360 Programme" (programme de détachement 360), qui vise à améliorer l'échange d'informations et à renforcer la coopération administrative en la matière.