Le Conseil d'État est obligatoirement saisi et donne un avis sur plusieurs textes d'origine gouvernementale, avant leur délibération en Conseil des ministres (ou avant leur publication lorsque le texte n'est pas soumis à un examen du Conseil des ministres, ce qui est le cas pour certains décrets) :
- sur tous les projets de loi (art. 39 de la Constitution) ;
- sur tous les projets d’ordonnances (art. 38) ;
- sur les décrets dits "décrets en Conseil d’État". Il s'agit des décrets pour lesquels la saisine du Conseil d’État est prévue par une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire. Par exemple, l'article 37 alinéa 2 impose le contrôle du Conseil d’État pour les décrets modifiant une loi intervenue dans le domaine réglementaire.
L'examen vise à garantir la sécurité juridique du texte et porte sur plusieurs éléments.
D'un point de vue juridique, le Conseil d’État vérifie que le texte n’est pas contraire à une norme européenne ou internationale et tente de prévenir les éventuelles inconstitutionnalités susceptibles d’être relevées par le Conseil constitutionnel.
D'un point de vue formel, il peut également proposer une rédaction plus cohérente, compréhensible et applicable du texte.
Enfin, il peut attirer l’attention du Gouvernement sur l’opportunité ou non du texte dont il est saisi. Il ne s’agit pas d’opportunité politique, mais de l’opportunité au regard de critères comme la cohérence avec d’autres textes juridiques, la conformité aux objectifs de politique publique ou le contexte financier de l’action publique.
Le Gouvernement n’est pas tenu de suivre l’avis rendu, mais la tradition veut qu’il en tienne compte. S’agissant des décrets en Conseil d’État, le Gouvernement doit édicter soit le texte adopté par le Conseil d’État, soit le projet qu’il lui a soumis.
Dans la pratique, depuis 2015, tous les avis donnés par le Conseil d’État sur des projets de lois sont rendus publics.
Le Gouvernement peut, de sa propre initiative, décider de saisir le Conseil d’État pour avoir son avis sur un texte pour lequel le contrôle n'est pas obligatoire.
Le Gouvernement peut également saisir le Conseil d’État sur toute difficulté rencontrée, afin d’obtenir un avis permettant d'éclairer une éventuelle prise de décision.
La saisine du Conseil d’État sur la question du "foulard islamique"
Un exemple célèbre de sujet soumis à l'avis du Conseil d’État est la question du "foulard islamique", posée par le ministre de l'éducation nationale en 1989. Par un avis du 27 novembre 1989, le Conseil d’État indique que le port d'un signe d'appartenance religieuse relève de la liberté d'expression et de manifestation de croyances religieuses et n'est pas incompatible avec le principe de laïcité. Il impose néanmoins des conditions visant à interdire, notamment, tout acte de pression, prosélytisme, perturbation...
L'analyse du Conseil d’État a été reprise par la suite par diverses circulaires. La loi de 2004 reprend également la logique du Conseil d’État mais va plus loin, en interdisant le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, sans rechercher si ces signes et tenues ont un effet en matière de prosélytisme.
Les avis donnés au Gouvernement sont secrets, sauf si le Gouvernement en décide autrement.
Le Conseil d’État peut aussi, de lui-même, attirer l’attention du Gouvernement sur des réformes lui paraissant conformes à l’intérêt général.