Quels sont les rapports entre le président de la République et le Parlement ?

Institutions de la République

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L’essentiel

Sous la Ve République, seul le Gouvernement est responsable devant le Parlement. Le président de la République entretient des rapports limités avec le Parlement.

Le président de la République dispose toutefois de certains pouvoirs tels que dissoudre l’Assemblée nationale ou ouvrir et clôturer les sessions parlementaires ou prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès. Depuis 2007, le Parlement, constitué en Haute Cour, peut prononcer la destitution du Président de la République.

En détail

Le président de la République étant politiquement irresponsable (il n’est responsable de ses actes qu’en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat", aux termes de l’article 68 de la Constitution), ses relations avec le Parlement sont limitées, mais pas inexistantes :

  • le Président peut tout d’abord prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (article 12 de la Constitution), comme cela s’est produit pour la dernière fois en juin 2024 ;
  • depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007, en cas de poursuite du président de la République pour "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat", le Parlement constitué en Haute Cour peut prononcer la destitution de celui-ci à la majorité des deux tiers de ses membres (art. 68).
    Auparavant, les parlementaires composaient une Haute Cour de justice chargée de juger le Président en cas de haute trahison. Mais le cas ne s’est jamais présenté.

  • Le Président peut demander au Parlement une nouvelle délibération sur une loi avant de la promulguer (article 10 de la Constitution). Cela s’est produit à trois reprises sous la Ve République : en 1983 (à propos du projet d’exposition universelle à Paris en 1989), en 1985 (au sujet du statut de la Nouvelle-Calédonie) et en février 2003 pour la réforme des modes de scrutin aux élections régionales et européennes.
  • Il revient au chef de l’État d’ouvrir et de clôturer par décret les sessions parlementaires extraordinaires qui sont organisées à la demande du Premier ministre ou de la majorité des députés de l’Assemblée nationale (art. 30). Il n’est cependant pas obligé d’accéder à cette demande.
  • Lors de l’application de l’article 16, dans une situation de crise, le Parlement est dessaisi de fait de son pouvoir législatif au profit du Président. La consultation des présidents des deux chambres est cependant indispensable à la mise en œuvre de cet article. Depuis 2008, le Parlement a un droit de regard sur sa durée d’application par la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel.
  • Le Président peut adresser des messages à l’Assemblée nationale ou au Sénat, qui sont lus par le président de chaque assemblée. Depuis 2008, il peut également "prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès" (députés et sénateurs réunis à Versailles). Un débat non suivi d’un vote, et hors la présence du Président, peut ensuite avoir lieu (art. 18). C’est la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a donné au Président la faculté de s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès. Jusqu'alors, en vertu d’une tradition républicaine instaurée en 1873 (qualifiée de "cérémonial chinois" par Adolphe Thiers, excellent orateur dont on redoutait l’influence sur les chambres), le président de la République ne pouvait pas se présenter physiquement dans les hémicycles des assemblées parlementaires.

En vidéo

Texte fondateur de la Ve République, la Constitution de 1958 a renforcé les pouvoirs du président de la République.

Élu à partir de 1962 au suffrage universel direct, le chef de l’État a des pouvoirs qu’il peut exercer seul.

Il nomme le Premier ministre.

Il peut dissoudre l’Assemblée nationale.

Il peut organiser un référendum pour deux raisons : réviser la Constitution ou faire adopter une loi.

Il peut saisir le Conseil constitutionnel dont il nomme trois membres sur neuf, ainsi que son président.

Il est le "chef des armées" et à ce titre peut engager la force nucléaire.

Dans des circonstances très spécifiques liées à une crise grave, il peut recourir à des pouvoirs exceptionnels, encadrés par l'article 16 de la Constitution.

Les autres pouvoirs du président sont contresignés par le Premier ministre ou les ministres responsables.

Il peut s’agir de la désignation des ministres et de certaines nominations telles que les préfets.

Des textes délibérés en Conseil des ministres : ordonnances et décrets.

Ou encore du droit de grâce.

Dans la pratique, certains pouvoirs du président relèvent de son "domaine réservé".

La Constitution lui donne un rôle éminent en matière de défense et de diplomatie, même en période de cohabitation.

Podcast

Le président de la République : la présidence de la République, d'hier à aujourd'hui (2/3)

[GÉNÉRIQUE]

Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.

Signature sonore

Stéphanie : Bonjour à tous, bonjour Chloé

Chloé : Bonjour Stéphanie

Introduction de la série

Stéphanie : Les 10 et 24 avril 2022, aura lieu l’élection du président de la République. A cette occasion, notre podcast « L’Actualité de la vie publique » vous propose une nouvelle série consacrée à cet événement majeur de la Ve République.

La fonction présidentielle voit le jour, il y a plus de 150 ans, sous la IIe République. Le rôle et les pouvoirs du Président ont beaucoup évolué depuis cette époque. Cependant, le président de la République française a conservé certains attributs qui lui ont été conférés à l’origine, dont certains directement hérités de la monarchie.

Au sommaire de ce deuxième épisode : « Les origines de la présidence de la République française ».

  • 1. Stéphanie : Pour répondre à nos questions, nous retrouvons Chloé, notre étudiante en science politique. Dans quelles circonstances la fonction présidentielle a-t-elle été créée Chloé ?

    Chloé : En 1848, une révolution éclate en France qui met un terme au règne du roi Louis-Philippe 1er. La IIe République est instaurée.

    [Intervention Stéphanie : Rappelons Chloé que la première République avait été fondée sous la Révolution française]

    Chloé : Exactement ! Avec l’instauration de la République en 1848, de nouvelles institutions voient le jour. Institutions qui s’inspirent de la Constitution de la jeune république américaine fondée à la fin du XVIIIe siècle. La Constitution de la IIe République française va attribuer – comme aux États-Unis - le pouvoir exécutif à un président de la République.

    [Intervention Stéphanie : Comment ce premier président de la République est-il élu ?]

    Chloé : Il est élu au suffrage masculin direct. C’est-à-dire que seuls les hommes peuvent participer au vote. Mais la IIe République a introduit un changement important avec la suppression du suffrage censitaire – dans lequel seuls les citoyens payant des impôts directs qui dépassent un certain seuil (le cens) ont le droit de vote. Désormais tous les hommes – Français âgés de 21 ans et jouissant de leurs droits civils et politiques - sont électeurs.

    [Intervention Stéphanie : Et quelle est la durée de son mandat ?]

    Chloé : Le Président est élu pour un mandat de 4 ans non renouvelable de suite.

  • 2. Stéphanie : Rappelez-nous Chloé qui est le premier président de la République française ?

    Chloé : Le premier et unique président de la IIe République est Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de l’Empereur Napoléon 1er. Il est élu en 1848.

    [Intervention Stéphanie : vous avez précisé Chloé qu’il était le premier mais aussi l’unique homme d’État à occuper la fonction présidentielle sous la IIe République, expliquez-nous pourquoi ?]

    Chloé : Élu en 1848, Louis-Napoléon Bonaparte souhaitait avoir la possibilité de se représenter immédiatement à la fin de son premier mandat de 4 ans. Ce que la Constitution ne prévoyait pas, puisque le mandat présidentiel n’était pas renouvelable consécutivement. Louis-Napoléon Bonaparte ayant échoué à obtenir une révision de la Constitution, il organise alors un coup d’État qui met un terme à la IIe République. Il instaure un nouveau régime politique le Second Empire et prend le nom de Napoléon III, empereur des Français.

  • 3. Stéphanie : Quand la fonction présidentielle est-elle rétablie ?

    Chloé : Elle est rétablie en 1871 avec l’avènement de la IIIe République. L’Assemblée nationale nomme le député Adolphe Thiers « chef du pouvoir exécutif ». Il est l’homme qui a conclu la paix avec la Prusse après la défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870 et qui a aussi réprimé sévèrement l’insurrection de la Commune de Paris. Adolphe Thiers prend alors le titre de président de la République. Mais il est renversé deux ans plus tard par une Assemblée à majorité monarchique qui rejette la « République conservatrice » à laquelle s’est rallié le Président. Ce que veulent en fait les royalistes, c’est restaurer la monarchie.

    [Intervention Stéphanie : Mais alors pourquoi recréer la fonction de président de la République ?]

    Chloé : Les royalistes sont divisés et ne parviennent pas à s’entendre sur celui qui devrait être le futur roi de France. Ils décident donc en attendant de trouver un accord de rétablir - mais temporairement dans leur esprit - la fonction présidentielle.

    [Intervention Stéphanie : Et à qui confient-ils la Présidence ?]

    Chloé : Les monarchistes confient pour 7 ans la fonction à l’un des leurs, Patrice de Mac Mahon. Mais aux élections législatives de 1877, ce sont cette fois les républicains qui l’emportent. La monarchie ne sera jamais rétablie. Le Président Mac Mahon démissionne deux ans plus tard, en 1879. Jules Grévy, un républicain, est élu troisième président de la République par la Chambre des députés (qui est le nom de l’Assemblée nationale de 1875 à 1940) et le Sénat.

  • 4. Stéphanie : Alors Chloé dites-nous quels sont les pouvoirs du Président sous la IIIe République ?

    Chloé : Au début de la IIIe République, des lois constitutionnelles portant sur l’organisation des pouvoirs publics, accordaient d’importantes prérogatives au président de la République. Il est chef de l’administration, des armées et de la diplomatie. Il dispose d’un pouvoir de co-initiative des lois, du pouvoir de dissolution de la Chambre des députés. Et il est également irresponsable politiquement devant les Assemblées. Mais Jules Grévy décide de renoncer à ces importantes prérogatives. La Présidence devient dès lors une fonction essentiellement représentative. La réalité du pouvoir est détenue par le Président du Conseil des ministres (l’ancêtre du Premier ministre) et le Parlement (la Chambre des députés et le Sénat).

    [Intervention Stéphanie : Pourquoi Jules Grévy renonce-t-il aux prérogatives de la fonction ?]

    Chloé : En fait, les républicains gardent un très mauvais souvenir du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte qui – souvenez-vous avait renversé la IIe République. Cela nourrit une méfiance à l’égard de la fonction présidentielle et les conduit à n’accorder qu’un rôle secondaire au président de la République.

    [Intervention Stéphanie : Les successeurs de Jules Grévy perpétueront donc cette démarche, n’est-ce pas Chloé ?]

    Chloé : Oui Stéphanie. Tous les Présidents de la IIIe République se conformeront à la pratique de la fonction présidentielle initiée par Jules Grévy. Le président de la République se contentera en quelque sorte – selon l’expression consacrée – « d’inaugurer les chrysanthèmes ». Il occupe une fonction honorifique et prestigieuse mais sans réel pouvoir.

    [Intervention Stéphanie : Alors à quelle date le président de la République devient-il le personnage puissant que nous connaissons aujourd’hui ?]

    Chloé : Sous la IVe République de 1946 à 1958, les présidents exercent les mêmes fonctions que sous la IIIe République - une IIIe République qui s’est achevée en 1940 avec la défaite de la France face à l’Allemagne nazie. C’est seulement après l’instauration de la Ve République et l’élection du général de Gaulle que le Président devient le personnage central de l’État et dispose des importants pouvoirs que nous lui connaissons aujourd’hui.

  • 5. Stéphanie : Et combien y a-t-il eu de présidents de la République depuis l’origine de la fonction ?

    Chloé : Depuis 1848, la France a eu 25 Présidents. Récapitulons : un seul sous la IIe République, 14 sous la IIIe, 2 sous la IVe et 8 sous la Ve, le 8e étant Emmanuel Macron.

  • 6. Stéphanie : Alors le président de la République a succédé aux rois de France à la tête de l’État. Que reste-t-il aujourd’hui de la monarchie dans la fonction présidentielle ?

    Chloé : La Ve République n’assume pas seulement une continuité culturelle avec l’Ancien Régime dont une des formes les plus visibles est par exemple l’installation des hauts responsables de la République dans des châteaux et des hôtels particuliers mais également à travers un héritage régalien repris par la fonction présidentielle – l’étymologie de l’adjectif régalien veut dire d’ailleurs "qui appartient à la royauté".

    [Intervention Stéphanie : Et quelle forme prend cet héritage régalien ?]

    Chloé : On peut citer plusieurs exemples : le droit de grâce du président de la République qui a le pouvoir comme l’avait le roi sous l’Ancien régime de supprimer ou de réduire la peine d’un condamné sans avoir à justifier sa décision, l’irresponsabilité juridique du Président qui ne peut être tenu responsable devant la justice ordinaire pour des actes commis durant son mandat de la même manière que le roi n’était pas lié par les lois ordinaires, les pouvoirs exceptionnels du Président en cas de grave crise s’apparentent à des « pleins pouvoirs » d’essence monarchique (cela se traduit par le cumul des pouvoirs exécutif et législatif) ou encore le pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale - qui est une caractéristique des régimes parlementaires – peut aussi rappeler les dissolutions décidées par Louis XV ou Charles X.

  • 7. Stéphanie : Et quels sont en dehors des prérogatives d’ordre institutionnel les autres legs monarchiques de la fonction présidentielle ?

    Chloé : Et bien un premier exemple, lors de la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République, au moment des honneurs militaires, 21 coups de canon sont tirés sur la place des Invalides par la batterie d’honneur de l’artillerie pour saluer le nouveau président. Cette tradition remonte en fait à l’Ancien régime. 101 coups de canon étaient tirés à l’occasion de l’inhumation du roi défunt et de l’avènement de son successeur. Le président de la République a hérité aussi des rois de France des résidences et des chasses royales (Marly-le-Roi, Chambord, Rambouillet, etc.) où étaient organisées autrefois les chasses présidentielles.

    [Intervention Stéphanie : Le président de la République a également hérité de plusieurs titres honorifiques, n’est-ce pas Chloé ?]

    Chloé : Oui. Il a hérité de plusieurs titres et privilèges religieux honorifiques des rois de France comme François Ier, Louis XI ou encore Louis XIII. Il peut ainsi par exemple prétendre au titre de premier chanoine et unique chanoine honoraire de la basilique de Saint-Jean-de-Latran au Vatican. Des titres religieux qu’il peut d’ailleurs refuser au nom de son rôle de garant de la laïcité et de la neutralité religieuse. Le président de la République française est également titulaire de titres monarchiques ou charges hérités de la royauté. Il est ainsi co-prince d’Andorre, une tradition qui remonte à Louis XIII qui a régné sur le royaume de France au XVIIe siècle. De façon plus anecdotique, le Président est vice-roi de l’île fluviale des Faisans, située sur la frontière franco-espagnole, un territoire sur lequel la France et l’Espagne exercent une souveraineté conjointe (il s’agit d’un condominium franco-espagnol). Enfin, un dernier exemple, le président de la République est aussi, comme l’était le roi, protecteur de l’Académie française – qui a été fondée en 1634 par Richelieu sous le règne de Louis XIII. C’est à ce titre, qu’il peut s’opposer au choix des académiciens lors de l’élection d’un nouveau membre.

Fin de l’épisode

Stéphanie : Merci beaucoup Chloé ! Ce retour aux origines de la présidence de la République a été très instructif. C’est donc la fin de cet épisode ! Et c’est bientôt la fin de notre série ! Le troisième et dernier épisode sera consacré à une dimension essentielle de l’élection : le financement de la campagne présidentielle.

Vous pouvez réécouter le deuxième épisode et toute la série sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !

Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux sociaux.

On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Chloé », au revoir à tous !

Chloé : Au revoir et à bientôt !

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