Comment le Conseil d'État défend-il les droits des administrés face à l'administration ?

Institutions de la République

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L’essentiel

  • Les administrés peuvent contester un acte de l'administration et en demander l'annulation (recours en excès de pouvoir). Le Conseil d'État se charge alors d'en vérifier la légalité.
  • Au-delà de l'annulation de l'acte, le Conseil d'État saisi d'un recours de plein contentieux peut user d'autres pouvoirs, notamment celui d'engager la responsabilité de l'administration.
  • Il est aussi juge des référés, ce qui lui permet de prendre des mesures d'urgence pour protéger les droits des administrés.

En détail

Le Conseil d’État statue en dernier ressort sur les recours pour excès de pouvoir exercés par les administrés à l'encontre d'un acte administratif qui leur fait grief et dont ils souhaitent obtenir l'annulation.

Le Conseil d’État vérifie à cette occasion :

  • la légalité externe de l’acte : l’auteur de l’acte était-il compétent pour le prendre ? Les procédures prévues ont-elles été respectées ?
  • la légalité interne de l’acte : les dispositions des normes supérieures existantes ont-elles été respectées ?  Les faits sur lesquels se fonde l'acte sont-ils avérés et juridiquement qualifiés ? L’acte a-t-il bien été pris dans un but d’intérêt général (contrôle du détournement de pouvoir) ? 

En fonction du caractère légal ou non de l'acte, le Conseil d’État peut prononcer son annulation, le modifier ou ordonner d'autres mesures

Le Conseil d’État peut notamment engager la responsabilité de l’administration (État, collectivités territoriales...), lorsqu'elle provoque des dommages aux administrés. Ce pouvoir s'utilise dans le cadre du recours de plein contentieux, qui permet au juge administratif, au-delà de la seule annulation de l'acte, de reconnaître des droits aux administrés. 

L'arrêt Blanco (1873)

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, un régime d’irresponsabilité était appliqué lorsqu'un administré subissait un dommage du fait de l’administration. Depuis l'arrêt Blanco, rendu en 1873 par le Tribunal des conflits, les administrés peuvent mettre en cause la responsabilité de l'administration devant le juge administratif. 

La responsabilité de l’administration peut être engagée par le Conseil d’État lorsque le dommage résulte d'un acte ou d'un agissement (erreurs, retards, carences...) constitutif d'une faute. Afin de garantir la protection des administrés, le Conseil d’État peut également engager la responsabilité de l'administration en l'absence de faute de sa part (c'est le cas, par exemple, en matière médicale). 

Sont exclus de sa compétence certains litiges, notamment ceux liés aux services publics industriels et commerciaux, qui relèvent de la compétence du juge judiciaire. 

La reconnaissance de la responsabilité de l’État permet une indemnisation des victimes. 

Le Conseil d’État est le juge des référés. Le référé est une procédure d’urgence : le juge prend des mesures provisoires pour protéger les droits d’un administré, dans un délai court (variant de 48 heures à un mois).

Le code de la justice administrative (CJA) prévoit plusieurs types de référés, parmi lesquels : 

  • le référé-liberté (art. L521-2 CJA), qui permet d'obtenir toutes mesures nécessaires quand une administration porte atteinte de manière grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (liberté d’expression, droit au respect de la vie privée...) ;
  • le référé-suspension (art. L521-1 CJA), qui permet de suspendre une décision de l'administration, lorsqu'il existe un doute sérieux quant à sa légalité. Cette procédure permet la non-application de la décision en attendant que le Conseil d’État se prononce sur le fond de l'affaire et décide d'annuler ou non la mesure.

Un exemple de référé : la fermeture des établissements lors du Covid-19

Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, le syndicat des discothèques a déposé un recours en référé-liberté contre la fermeture des établissements de nuit. Le 13 juillet 2020, le Conseil d’État a rejeté le recours, estimant que l’atteinte aux libertés d’entreprendre, du commerce et de l’industrie ne revêtait pas un caractère manifestement illégal.

En image

  • Descendant direct du Conseil du Roi.
  • Créé en 1799.
  • Conseiller du gouvernement pour la préparation des projets de loi, des ordonnances et de certains projets de décret.
  • Juge administratif suprême : juge les litiges entre l'administration et les administrés ; unifie le droit administratif par la jurisprudence.
  • En France, les ordres administratif et judiciaire sont séparés : le Conseil d'État est la plus haute autorité administrative ; la Cour de cassation est la plus haute autorité judiciaire.
Comment le Conseil d'État défend-il les droits des administrés face à l'administration ? - plus de détails dans le texte suivant l’infographie
  • Descendant direct du Conseil du Roi.
  • Créé en 1799.
  • Conseiller du gouvernement pour la préparation des projets de loi, des ordonnances et de certains projets de décret.
  • Juge administratif suprême : juge les litiges entre l'administration et les administrés ; unifie le droit administratif par la jurisprudence.
  • En France, les ordres administratif et judiciaire sont séparés : le Conseil d'État est la plus haute autorité administrative ; la Cour de cassation est la plus haute autorité judiciaire.

Podcast

Quel est le rôle du Conseil d'État ?

Bonjour, je suis Bertrand, rédacteur pour le site vie-publique.fr, et je vais vous expliquer en quoi consiste le rôle du Conseil d’État.

Le Conseil d'État, créé en 1799, est à la fois une juridiction administrative et conseiller du Gouvernement. Juge des litiges entre l'administration et les administrés, il est aussi la plus haute autorité de l'ordre administratif.

  • Mais commençons d’abord par le rôle de juge administratif du Conseil d’État ?

    Le Conseil d’État est juge, en premier et dernier ressort, du contentieux électoral des élections européennes, des élections régionales et des élections des assemblées de certains territoires à statut particulier tel que la Corse ou la Polynésie française. Il l‘est aussi pour juger des recours contre les décrets, les ordonnances, actes réglementaires des ministres. Enfin, il se prononce sur les recours formés contre les décisions administratives prononcées par les principales autorités administratives indépendantes.

    Le Conseil d’État dispose également de compétences en tant que juge d’appel des décisions rendues par les tribunaux administratifs, par exemple en matière d’élections communales et départementales.

  • Par ailleurs, le Conseil d’État est juge de cassation… Alors en quoi consiste ce rôle ?

    Le Conseil d’État est la juridiction suprême de l’ordre administratif. Il peut être saisi d’un pourvoi en cassation. Il s’agit d’une voie de droit exceptionnelle par laquelle le Conseil d’État ne rejuge pas l’affaire mais vérifie la correcte application du droit par les juges du fond.

    Le Conseil d’État est juge de cassation :

    • des arrêts des cours administratives d’appel ;
    • des décisions des juridictions administratives spéciales ;
    • et pour juger des pourvois formés contre les jugements rendus, dans certaines matières, par les tribunaux administratifs statuant en premier et dernier ressort.
  • Le Conseil d’État est également conseiller du Gouvernement… Mais comment exerce-t-il cette compétence ?

    D’abord en examinant chaque année les projets de loi, d’ordonnance ou de décret pour vérifier leur régularité juridique et leur opportunité en termes d’action administrative. Puis en rendant un avis qui peut être soit :

    • obligatoire, pour les projets de loi et les ordonnances, ainsi que pour certains décrets ;
    • soit facultatif, à la demande du Gouvernement, sur tout projet de texte.

    Le Conseil d’État peut aussi être consulté par le Gouvernement sur toute question et rendre un avis. Par exemple, en 1989, il a précisé la portée du principe de laïcité dans les établissements scolaires à la suite de l'affaire du “foulard islamique” et, en 2015, il s’est prononcé sur la conformité à la Constitution du dispositif prévoyant la création d’un fichier judiciaire des auteurs d’infractions de terrorisme.

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