L'élaboration du principe de responsabilité de protéger résulte des réflexions post-Guerre froide sur le rôle de l’Organisation des Nations unies (ONU) en matière de maintien de la paix. On observe des tensions entre :
- le respect de la souveraineté des États, qui fonde le principe de non-ingérence dans les affaires internes (aucun droit d'ingérence n'est consacré par le droit international) ;
- la poursuite de violations massives et systématiques des droits de l’Homme, qui appellent à une réaction de la communauté internationale.
La responsabilité de protéger aboutit à une redéfinition de la notion de souveraineté, qui n’est plus seulement un droit pour les États contre l’ingérence dans leurs affaires internes, mais qui se traduit également par un devoir de protection de leurs populations. La communauté internationale ne se voit reconnaître une compétence qu'en cas de "défaillance manifeste" d’un État à protéger sa population. Ce principe n'est ainsi pas présenté comme un mécanisme légitimant des interventions armées en dehors des exceptions au principe d'interdiction de recours à la force armée. Il a été conçu comme un moyen de dernier recours visant à pallier les manquements d'un État.
Élaborée en 2001 par la Commission internationale de l’intervention et la souveraineté des États, la notion de responsabilité de protéger est entérinée dans le Document final du Sommet mondial de New York de 2005. Les chefs d’État et de gouvernement y affirment être prêts à mener une "action collective résolue" lorsque les moyens pacifiques "se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité".
Les actions menées par un ou plusieurs États sur le fondement ce principe sont strictement encadrées :
- elles doivent être subsidiaires : elles ne peuvent être déployées qu'en cas d'incapacité (volontaire ou non) d'un État à protéger sa population ;
- elles doivent être nécessaires, proportionnelles, et avoir une finalité strictement humanitaire ;
- elles doivent être autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies ;
- elles prennent la forme d’une des mesures pour le maintien de la paix prévues par le Chapitre VII de la Charte des Nations unies. Ces moyens peuvent être pacifiques, diplomatiques ou humanitaires et, seulement en dernier recours, coercitifs. En 2009, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, précisait ainsi que l'"action résolue" attendue ne désigne pas le seul recours à la force.
Une des crises majeures ayant donné lieu à l’activation de la responsabilité de protéger a aussi constitué un frein à sa généralisation. Dans le contexte de répression du soulèvement populaire par le régime libyen de Mouammar Kadhafi en 2011, le Conseil de sécurité procède en deux étapes :
- il rappelle d'abord aux autorités libyennes qu’elles ont la responsabilité de protéger leur peuple, exigeant l’arrêt immédiat de la violence (résolution 1970 du 26 février 2011) ;
- considérant que cette première résolution n'a pas été respectée par les autorités libyennes, il autorise les États membres à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les populations touchées. L'établissement d’une zone d’exclusion aérienne est également décidé (résolution 1973 du 17 mars 2011).
C’est dans ce cadre qu’est mise en place une opération militaire sous l’égide de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), composée de pays occidentaux. Cette intervention a été vivement critiquée par plusieurs États, qui étaient déjà réticents au recours à la notion de responsabilité de protéger. La Russie et la Chine ont soupçonné une volonté déguisée de changement de régime de la part des États occidentaux, accusés d'avoir instrumentalisé ce principe à des fins politiques.
En tant que membres du Conseil de sécurité, la Chine et la Russie disposent d'un droit de veto qu'ils peuvent utiliser pour faire obstacle à l'adoption d'une résolution. Le déclenchement d'opérations au nom de la responsabilité de protéger a ainsi été empêché dans la crise syrienne.