La Ve République marque un tournant avec les régimes parlementaires de la IIIe et de la IVe République. La Constitution de 1958 rompt avec la prédominance du pouvoir législatif et confère au Gouvernement un pouvoir réglementaire autonome. Elle définit les domaines de compétence des pouvoirs législatif et réglementaire, l’un constituant la limite de l’autre :
- l’article 34 définit le domaine de la loi, en listant les champs dans lesquels la loi peut intervenir pour fixer de nouvelles règles. Par exemple, les règles concernant les droits civiques ou encore la nationalité ne peuvent être adoptées que par le biais d'une loi ;
- l’article 37 reconnaît l'existence d'un pouvoir réglementaire autonome, qui s'exerce dans tous les champs qui ne sont pas mentionnés à l'article 34. Les textes réglementaires n'ont désormais plus seulement vocation à exécuter les lois et sont considérés, au même titre que les lois, comme des normes de droit commun (bien qu'il existe une hiérarchie entre les textes règlementaires et les lois).
La Constitution prévoit néanmoins des procédures d'exception à cette délimitation stricte, par lesquelles le pouvoir exécutif empiète temporairement sur le domaine législatif :
- l’article 38 prévoit une extension temporaire du pouvoir réglementaire à travers les ordonnances, qui permettent au Gouvernement, sur autorisation du Parlement et pour une durée limitée, de prendre "des mesures qui sont normalement du domaine de la loi".
- l'article 16 permet au président de la République d'exercer temporairement le pouvoir législatif, en cas de crise justifiant la mise en œuvre de pouvoirs exceptionnels. Cette procédure n'a été utilisée qu'une fois sous la Ve République, en 1961, par le général de Gaulle, à la suite du putsch des généraux en Algérie.
Des procédures ont été mises en place par la Constitution pour permettre au Gouvernement d'assurer la protection de son pouvoir réglementaire autonome contre les empiétements de la loi :
- l’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement ou au Président de l’une des deux assemblées de déclarer irrecevables, pendant le déroulement de la procédure législative, des propositions de loi ou des amendements qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Ce contrôle mutuel participe d’une préservation de la délimitation entre pouvoirs législatif et réglementaire ;
- l'article 37 alinéa 2 prévoit une procédure de délégalisation : quand une loi a été adoptée dans un champ relevant du domaine réglementaire, le Conseil constitutionnel peut donner l'autorisation au Gouvernement d'en modifier les dispositions (par la voie d'un décret). Cette procédure permet d'éviter un recours systématique à la voie parlementaire pour modifier des textes qui ont une forme législative, mais qui sont de nature réglementaire. En pratique, le Conseil constitutionnel fait souvent droit aux demandes de délégalisation dont il est saisi.
La délimitation des pouvoirs législatif et réglementaire étant prévus par la Constitution (articles 34 et 37), le Conseil constitutionnel est en principe chargé de s’assurer de son respect par le Gouvernement mais aussi le Parlement.
En pratique, le Conseil constitutionnel ne sanctionne pas l'intervention de la loi dans le domaine réglementaire. Selon le Conseil, si la Constitution de 1958 reconnaît à l'autorité réglementaire un domaine propre, son esprit ne vise pas à considérer comme inconstitutionnelles les dispositions de nature réglementaire contenues dans une loi (décision du 30 juillet 1982 Blocage des prix et salaires).
Le domaine de la loi a fait l'objet d'une extension progressive :
- par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a étendu le domaine législatif au-delà des champs mentionnés à l’article 34. Le Conseil constitutionnel considère en effet que le texte constitutionnel reconnait d’autres matières législatives : l’autorisation de ratification de certains traités (article 53), la déclaration de guerre (article 35) ou encore certaines dispositions relatives aux collectivités territoriales (articles 72 à 74). La Charte de l'environnement de 2004, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, étend également la compétence du législateur ;
- avec la révision constitutionnelle de 2008, de nouveaux champs de compétence ont été ajoutés à l'article 34, parmi lesquels la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ou encore les orientations pluriannuelles des finances publiques.
Outre l'extension des matières législatives, la jurisprudence du Conseil constitutionnel démontre sa tendance à interpréter l'article 34 de manière libérale :
- par exemple, le Conseil constitutionnel a considéré comme constitutionnelle la loi qui a créé la RATP. L'article 34 disposant que la loi peut simplement fixer les règles concernant la création de catégories d'établissements publics (et non d'un seul établissement), le Conseil a considéré que la RATP constituait à elle-seule une catégorie d'établissements publics (décision du 27 novembre 1959) ;
- autre exemple : le Conseil constitutionnel a accepté que le législateur intervienne dans le détail pour toutes les matières énumérées à l'article 34, alors que cet article distingue les matières pour lesquelles la loi fixe les règles dans le détail de celles pour lesquelles elle ne fixe que les principes fondamentaux.